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• [11] Hugo : le feu du del103.
Voilá que deux cités, étranges, inconnues,
Et ďétage en étage escaladant les nues,
Apparaissent, dormant dans la brume des nuits,
Avec leurs dieux, leur peuple, et leurs chars et leurs bruits.
5 Dans le měme vallon c'etaient deux soeurs couchées. L'ombre baignait leurs tours par la lune ébauchées. Puis l'oeil entrevoyait, dans le chaos confus, Aqueducs, escaliers, piliers aux larges futs, Chapiteaux évasés; puis un groupe difforme
io D'elephants de granit portant un dóme énorme; Des colosses debout, regardant autour d'eux Ramper des monstres nés d'accouplements hideux; Des jardins suspendus pleins de fleurs et d'arcades; Et ďarbres noirs penchés sur de vastes cascades,
15 Des temples, ou siegeaient sur de riches carreaux Cent idoles de jaspe á tétes de taureaux; Des plafonds d'un seul bloc couvrant de vastes salles, Oil, sans jamais lever leurs tétes colossales, Veillaient, assis en cercle, et se regardant tous,
20 Des dieux d'airain, posant leurs mains sur leurs genoux. Ces rampes, ces palais, ces sombres avenues, Ou partout surgissaient des formes inconnues, Ces ponts, ces aqueducs, ces arcs, ces rondes tours, Effrayaient l'oeil perdu dans leurs profonds detours;
25 On voyait dans les cieux, avec leurs larges ombres, Monter comme des caps ces edifices sombres, Immense entassement de ténébres voilé! Le ciel á l'horizon scintillait étoilé, Et, sous les mille arceaux du vaste promontoire,
30 Brillait comme á travers une dentelle noire.
Ah! villes de l'enfer, folles dans leurs désirs!
Lá, chaque heure inventait de monstrueux plaisirs,
Chaque toit recélait quelque mystěre immonde,
Et, comme un double ulcere, elles souillaient le monde.
103. Poeme liminaire des Orientales : La « nuée au_ flanc noir » chargée do In colére celeste a survolé les mers, le continent africain, l'Egypte. Elle arrive au-dessul de Sodome et Gomorrhe (voir Genese, xix, 1-29).
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35 Tout dormait cependant; au front des deux cites,
A peine encor glissaient quelques pales clartes,
Lampes de la debauche, en naissant disparues,
Derniers feux des festins oublids dans les rues.
De grands angles de mur, par la lune blanchis, 40 Coupaient l'ombre, ou tremblaient dans une eau reflechis.
Peut-etre on entendait vaguement dans les plaines
S'etouffer des baisers, se meler des haleines,
Et les deux villes soeurs, lasses des feux du jour,
Murmurer mollement d'une etreinte d'amour; 45 Et le vent, soupirant sous le frais sycomore,
Allait tout parfume de Sodome a Gomorrhe.
C'est alors que passa le nuage noirci,
Et que la voix d'en haut lui cria : — C'est ici. (11)
Les Orientates, I, vii (1829).
Cette imagination creatrice trouve sa pature dans le passe plus que dans le present. Car le passe se prete bien mieux, a partir de certaines donnees historiques et pittoresques, a ces evocations hautes en couleur de passions et de violences, qui constituent l'un des climats romantiques privileges.
C'est pour l'avoir compris que Walter Scott, en peu d'annees, s'assura une gloire europeenne, comparable a celle des plus grands. Voici quelques pages caracteristiques de son art.
• [12] Walter Scott : l'assassinat de l'eveque de Liege104.
Au bout de la table, sur le trone de l'eveque, qu'on y avait apporte a la hate de la salle du Conseil, 6tait assis le redou-table Sanglier des Ardennes, bien digne de ce nom, dont il alfcctait de tirer gloire et qu'il cherchait a justifier par tous les
104. L'episode se situe dans le cadre des luttes entre Louts xi et Charles le Teme-< hi. . Sur 1 instigation du roi de France, La Marck, « le Sanglier des Ardennes », n provoque la r6volte de Liege contre le due de Bourgogne.
- QUESTIONS -
11. Que symbolisent pour Hugo Sodome et Gomorrhe? — Pourquoi i' details d'archeologie babylonienne, indienne, egyptienne? — Comment iliiio suscite-t-il le frisson du vertigineux, de la profondeur, du clair-
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I I ROMANTISME EUROPÉEN. — T. I.
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