RENEE MAUPERIN I « Yous n'aimez pas ie rnonde, mademoiselle? — Vous ne le direz pas? J'y avale ma langue... Voila reffet que me fait le monde, a moi. Peut-6tre ?a tient ä ce que je n'ai pas eu de chance. Je suis tombee sur des jeunes gens seneux, des amis ä monfrere, des jeunes gens ä citations, comme je les appelle. Les - jeunes personnes, on ne peut leur parier que du dernier sermon qu'elles ont entendu, du dernier morceau de piano qu'elles ont Studie, ou de la derniere robe qufeÜe?ont mise: c'est born6, l'entretien avec mes contempo- $■ raines. — Yous restez, je erois, tonte Tanncc a la Campagne, mademoiselle? ~1 /m^Ma^' c%S^) ; 6 REXEE MAUVERIN. \j —Oui... Oh! nous sommes si pres de Paris... Est-ce joli ce qu'on a joué k TOpéra-Comique pes jours-ci ? Avez-vous vu ? — Oui, mademoiselle, charmant... une musique ďune maestria... II y avait tout Paris k la premiere representation. Je vous dirai que je ne vais qu'aux premieres. — Figurez-vous que c'est le seul spectacle oil on meměne, ťOpéra-Comique... avecles Fran^ais.^et encore auxFran^ais, quand on y joue des (chefs-ďcguvr^** Cest moi qui trouve $a tarniantTI^sctós^ Penser qu'on me defend le Palais-Řoyaíí... Je lis les pieces, par exemple... J'ai passéun temps á apprendre les Saltimbanques par cceur... Vous pouvez aller partout, vous... vous étes ])ien heureux... L'autre soir, il y a eu une discussion entre ma sceur et mon beau-frěre, pour lebal deTOpéra... Est-ce que tfestvrai que c'est impossible d'y aller? . —Impossible, mademoiselle?...MonDieu... —Voyons, si vous étiez marié, est-ce que vous y měneriez votre femme... une fois.r. pour voir? — Si j'etais marie, mademoiselle, je xCý měnerais meme pas.,* m' ■ - ----•-----■--li:.^.!.-,^ RENEE MAUPERIN 7 — Votre belle-mere, n'est-ce pas?,.. C'est si affreux, vraiment? — Mais, mademoiselle, il y a d'abord^ne coi^osition^ —Cganacheej' je connais §a. Mais c'est partout... On va bien a la Marche... Etiiy en a la une composition, Dieu merci! des dames... un peu droles.., qui boivent du champagne dans les caleches... Et le bois de Boulogne, done!... Que c'est bele d'etre jeune personne, vous ne trouvezpas? — Par exemple, mademoiselle! Pourquoi done? Je trouve au contraire... — Je voudrais vous (j; voir! Vous verriez ce que c'est que cette_scje^aja^cje_^ convenablel Tenez, nous dansons, n'est-ce pas? Vous croyez que nous pouvons causer avec notre danseur ? Oui, non, non, oui... voila tout! II faut pincer le monosyllabe tout le temps... C'est convenablel Voila l'agr6-ment de notre existence... Et pour tout, c'est comme 9a... Ce qui est tres convenable, c'est de faire la grue... Moi, je ne sais pas... Et puis de rester a bavardichonner avec les per-sonnes de son sexe... Quand on aTelnalheur de les lacher (pour la societe des homines... ■ 8 -, ■ rin4e maupurin. j'ai6t6 assez grond^e pour ca par maman 1 Une chose encore qui n'est pas convenable du tout, c'est de lire. II n'y a que deux ans quvon me permet les feuilletons dans le journal... II y a dans les Faits divers des crimes qu'on me fait sauter: ils nelont pas assez convenables... C'est comme les talents d'agr6-ment qu'on nous permet... il ne faut pas que ca de'passe une certaine petite moyenne: au dela du morceau a quatre mains et de la mine de plomb, ca devient du genre, de la pose... Teriezl je fais de Fhuile, moi; ca d6sole ma famille... Je ne devrais peindre que des roses a l'aquarelle... Mais il y a du courant ici, n'est-ce pas? On a peine a se tenir...» [Ceci 6tait dit dans un bras de la Seine, entre la Briche et nie Saint-Denis. (^ Q' 4 [La jeune fille et le jeune homme qui cau-saient ainsi etaient dans Teau;Las denager, entraines par le courant, ils s'&aient accro-dies a une corde amarrant un des gros u^'f^y* bateaux qui bordaient la rive de Hie. La ^^^X^O force de I'eau les balancait tous deux dou- 7 cement, au bout de la corde iendue et trem-blanto. Ils enfoncaient un pea, puis remon- RENtE MAUPERIN. 9 taient. L'eau battait la poitrine de la jeune fille, s'61evait dans sa robe de laine jusqu'a son cou, iui jetait par derriere une petite vague qui n'etait, un moment apres, qu'une goutte de rosee prete a tomber du bout de son oreille. Attached un peu plus haut que le jeune homme, ello avait les bras en 1'air, les poignets retournes pour mieux tenir la corde, le dos contre le bois noir du bateau. Un instinct de pudeur faisait i'uir a tout moment son corps devant le corps du jeune homme, chasse" contre elie par le courant. Elle ressemblait ainsi, dans sa pose suspendue r— et fuyante, aces divinit6s delamerenroulees -l^^^^x par lm^cjulptejars aux flancs des galeres. Un , *^tu&*. x petit tremblement, qui lui venait du mouve- 7 ment de la riviere et du froid du bain, lui donnait quelque chose de l'ondulation de Feau. « Ah! voila, par exemple, reprit-elle, ce qui ne doit pas etre convenable du tout, de nager avec vous... Nous serions au bains de mer, ce serait bien different. Nous aurions des costumes absolument comme (a... Nous descend rions d'uue cabine comme nous sommes descendus de )a maison. Nous 10 RENÉE MlUPEtUN. i aurions marché sur la plage comme nous avons mt\rché sur la berge... Nous serious ) dans Teau jusque-lá, absolument comme ici... La vague nous roulerait de la méme facon que ce couraní... Mais ce ne serait plus du tout la méme chose, plus du tout: 1'eau de la Seine n'est pas convenable! Tiens! je commence á avoir une faim... El vous? — Mais, mademoiselle, je crois que je ferai honneur a:i diner... — Ahjjevous préviens, je mange. — Comment cela, mademoiselle? * ~ Oui, je manque de poesie i 1'heure des repas... Je vous cacherais que j Vi un estomac, que je vous tromperais... Vous étss du méme cercle que mon beau-frěre ? — Oui, mademoiselle, je suis du méme cercle que M. Davarande. — Avez-vous beaucoup de genu. nlariés á votre cercle? — Mais beaucoup, mademoiselle. — Cest singulier... Je ne uťexplique pas comment un honíme se marie. Si j'avais été honíme, il me semhle que je íťauraiis jamais pense amemarier*.. ..... RENfE NAUPEKIIf. ti — Heureusement que vous Stes femme, mademoiselle!... — Ah! oui, voila encore un de nos mal-heurs : nous ne pouvons pas rester garcons, nous aatres..... Mais vouiezvous me dire pourquoi on se met d'un cercle quand on est marie? — Mais, mademoiselle, il faul 6tre dun cercle, d'abord, a Paris... Tout homme im peu bien... quand ce ne serait que pour y aller fumer... — Comment! il y a done encore des femmes sans compartiment pour les fumeu rs? Moi, jepermettrais... je permettrais la pipe d'un sou! — Avez-vous des voisins, mademoiselle? — Oh! nous voisinons tres peu... il y a les Bourjot,aSannois,ou;nous aliens quelquefc is. — Ah! les Bourjot... Mais, ici, il nedoit y avoir personne a voir? — Oh! il y a le cur6... Ah! ah I la premiere fois qu il a dine a la maison, il a avale son rince-bouche! Ah! e'est mechant ce que je dis la... un si brave homme... quim'apporte toujouis des bouquets... —Vousmontez aehevul, mademoiselle? Ce 12 uekee mauperih. doit 6tre pour vous une grande distraction. — Oui, j'adore ca. C'est mon grand plaisir. II me semble que je ne pourrais pas men 1 passer... Ge que j'aime surtout, c'est une chasseacourre... Jai 6t6 e'leve'ela dedans, dans le pays de papa... Oh! je suis une enraged... Savez-vous que je suis resteeun jour sept heures a cheval sans descendre ? — Oh ! je sais ce que c'est, mademoiselle... Je chasse a courre tpus les ans, dans le^Perche, avec la meute de M.de Beaulieu... Vousen avez peut-dtre entendu parler? une meute qu'il a fait venir d'Angleterre... Nous avons eu l'annee derniere trois curees chaudes admirables... Vous avez ici les chasses de Chant illy... — Je n en manque pas une avec papa... La derniere fois, voyez-vous, c/a6t6superbe. II y a eu un moment, quand tout le monde s'est rejoint... il y avait bien quarante chevaux... vous savez, ca les excite jffore e,K ^GeW ensemble... on est parti d'un train de galop... ^ je ne vous dis que ca! C'est ce jour-la que nous avons eu un si beau coucher.de soieil v dans re* tang... L'air, le vent dans les cheveux, les chiens, les fanfares, les arbres *en£e mauperin. 13 qui vous volent devant les yeux... c'est comme si on 6tait grise! Dans ces moments-la, je suis brave, mais brave... — Dans ces moments-la, seulement, mademoiselle ? — Oh I mon Dieu, oui... seulement a cheval... car a pied... je vous dirai que j'ai tres peur la nuit, que je n'aime pas du tout l^ojnnejre... et que je suis joliment con-tente qulLx^i!, Jrois_persDnnes_ qui nous manquent ce soir a diner. — Et pourquoi, mademoiselle ? — Nous aurions 6te treize!... (Test moi qui aurais fait des bassesses pour avoir un quatorzieme... vous auriez vu!... Ah! voila mon frere avec Denoisel qui vont nous amener le bateau. Regardez done comme e'est beau d'ici, tout ca, a cette heure-ci...» Et d'un regard elle indiqua la Seine, les deux rives, le ciel. De pelits nuages jouaient et roulaient a Fhorizon, violets, gris, argentes, avec des eclairs de blanc a leur cime qui semblaient mettre au bas du ciel Fecume du bord des mers. De la se levait le ciel, infini et bleu, ■profond et clair, splendide et deja palissant, 14 rknée ma.uperin* — comine a ťheure oú les étoiles commencent á s'allumer derriěre le jour. Tout en haut, deux ou trois nuages planaient, soiides, im-mobiles, suspendus. Une immense lumiere couiait sur Feau, dormait ici> étincelait lá, faisait trembler des jnoires d'argent dans l'ombre des bateaux, touchait un mát, la téte ďun gouvernail, accrochait au passage le^ f/ , t madras orange ou la casaque rose ďune La campagne, le faubourg et labanlieue se mélaient sur les deux rives. Des lignes de peu pliers se montraient entre les maisons espacées comme au bout ďune ville qui finit II y avait des masures basses, des enclos de cÉmxÍ^\ planches, des jardins, des volets verts, des Mw^^ commerces de vinš peints en rouge, des acacias devant des portes, de vieilles tonnelles affaissées ďun cóté, des bouts de mur blanc qui aveuglaient; puis des lignes sěches de fabriques, des architectures debrique, des toits de tuile, des couvertures de zinc, des cloches ďateliers. Des fumées montaient tout droit des usines, et leurs oníbres tombaient dans Feau comme des ombres de cjšionnes. Sur une cheminée était écrit: Tabac. Sur 7X^ renee m a.uperix. 1» une facade en gravois: on lisait: Dor emus, dit Labiche, relayeur de bateaux. Au-dessus d'un canal encombre de chalands, un pont tournant dressait en Fair ses deux bras noirs. Des pecheurs jetaient et retiraient leurs lignes. Des roues criaient, des charrettes allaient et venaient. Des cordes de halage rasaient le chemin rouille, durci, noirci, teint de toutes couleurs, par les dScharges de charbon, les residus de minerais, les dep6ts deproduits chimiques. Des fabriques de bougies, des fabriques de glucose, des feculeries, des raffineries semees sur le quai, au milieu de maigres verdures, il sortait une vague odeur de graisse et de sucre, qu'emportaient les emanations de l'eau et les senteurs du goudron. Des tapages de fonderies, des sif-flet s de machines a vapeur dechiraient a tout instant le silence de la riviere. C'etait a la fois Asnieres, Saardam et Puteaux, un de ces paysages parisiens des bords de la Seine, tels que les peint Hervier, sales et rayonnants, miserables et gais, populaires et vivants, ou la Nature passe ca et la, entre la batisse, le travail et rindustrie, comme un brin d'herbo entre les doigts d'un homme. 16 RXNÉE MAUPERIN* « N'est-cepas, c'est beau? — Mon Dieu, mademoiselle, franchement, ca ne m'enthousiasme pas... C'esl beau... jusqu'a un certain point. — Si, ďest beau! Je vous assure que c'est beau... II y a eu á l'Exposition, il y a deux ans, un effet dans ce genre-lá... Ah! jene sais plus... Cétait ca... Moi, il y ades choses que je sens... — Ah! vous étes une nature artiste, mademoiselle... — Ouf! » fit á ce mot Tinterlocutrice du jeune homme avec une intonation comique. Et elle se précipita dans l'eau. Quand elle reparut, elle se mit á nager vers la barque qui venait á sa rencontre. Ses cheveux, qui s'etaient dénoués, trempaient en flottant á demi derriěre elle : elle les secouait pour en faire jaillir des gouttes ďeau. Le soir venait. Le ciel se rayait lentement ■ de rose. Un souffle s'etait levé sqr la riviere. Au haut des arbres, les feuitles frissonnaient. Un petit moulin qui servait ďenseigne á la porte ďun cabaret commensal! á tourner. CoiBiae la nageuse abordait a ťešoaíioi placé á rarriěre de la barque : \ ben£e mauperin. 17 « Eh bien, Renee, comment avez-vous trouve" l'eau? lui dit un des rameurs. — Mais bonne, je yous remercie, Denoisel. — Tu es gentille, par exemple, lui dit l'au-tre, tu vas au diable... J'etais presque in-quiet... EtReverchon?... Ah! oui,le voila. » II Charles-Louis Mauperin 6tait ne* en 1787* Fils d'un avocat renomme et honors dans la Lorraine et le Barrois, il entrait au service a Fage deseizeans, en qualited'eleve a IE- ^ cole militaire de Fontainebleau. Nomme sous^ jMifye^^L lieutenant au 35e regiment d'infanterie de Ugne, puis lieutenant au meme corps, il se j^aaj^zL. signalait en Italic par un courage a toute epreuve. Au combat de Pordenone, deja blesse, entour6 par une masse de cavalerie ennemie et somme de mettre bas les amies, \\ repondait a la sommation en ordonnant de charger 1'ennemi, tuait de sa main un des cavaliers qui le menagaient et s'ouvrait un passage avec ses hommes, lorsque, succom- 18 renee mauperin. bant au ncmbre, frappe a la tete de deux nouveaux coups de sabre, il tombait dans son sang et 6tait iaisse* pour mort. De capi-taine au 2e regiment de la M^diterrane'e, il passait capitaine aide de camp du general Houssel d'Hurbal, et faisait avec lui la cam-pagne de Russie, oil il avait l'6paule droite cassee d'un coup de feu le lendemain de la ba-taille de la Moskova. A vingt-six ans, en 1813, il 6tait officier de la Legion d'honneur et chef d'escadron. Dans rarme*e on le comptait parmi les jeunes officiers supgrieurs qui avaient leplus bel avenir, lorsque la bataille de Waterloo brisait son e*p6e et ses espe-rances. Mis en demi-solde, il entrait avec les colonels Sauset et Maziau dans la conspiration bonaparliste du Bazar fran$ais. Con-damne a mort par contumace, comme mem-bre du comity directeur, par la Ghambre des pairs, constitute en cour de justice, il etait cach6 par des amis qui l'embarquaient pour l'AmSrique. Pendant la traversee, ne sachant comment occuper)'activit£de sa tete,iletu-diait pour un compagnon de voyage qui aliait se faire recevoir medecin en AuiOriqucj et passait en arrivant ses examens pour lui. ren£e mauperin. 19 Au bout de deux ans de sejour aux Etats-Unis, la fraternelle amitie et la haute influence de camarades rent res dans le servico actif lui obtenaient sa grace et sa rentree en France. II revenait et allait habiter, dans la petite ville de Bourmont, la maison de famine ou demeurait samere. Cettemere 6tait une excellente vieille femme comme en fai-sait le xvin* siecle en province, ayant le mot pour rire et n'ayant pas peur d'un doigt de vin. Son fils ladorait II laretrouvamalade d'une maladie qui lui avait fait defendre par les mädecins tous les excitants: il renoncait au vin, aux liqueurs, au cafe*, pour ne pas la tenter et faire sa privation plus douce en la partageant. Ce fut par condescendance pour elle, par pieux respect pour ses desirs de malade, qu'il se maria. II e*pousa sans grand goüt une cousine designee au choix de sa mere par une mitoyennete* de propriete, par des terres bout a bout, par tout ce qui renoue et recroise, en province, les families et les fortunes. IJ Sa mere morte, ä l'etroit dans cette petite ville ou rien ne le retenait plus, M. Mauperin, auquel le sejcur de Paris etait interdit, 20 renée ma.uperin. vendait la maison de Bourmont, les petits terrages qu'il avait dans le pays, ä ťexception ďune ferme á Villacourt, et allait vivre avec sa jeune femme dans une grande proprietě qu'il achetait au fond du Bassigny, ä Mori-mond. II eut la les restes de la grande ab-baye, un morceau de terre digne du nom que lui avaient donné les momes: Morgan? monde, un coin de nature agreste et magni-fique fínissant á un étang de cent arpents et ^^y^i ^^Uia á une forět de chěnes qui n'avait plus ďáge, (^W/W^") des pres serrés dans des canaux de pierre de taille ou Teau vive coulait sous des ber-ceaux ďarbres, une vegetation de desert abandonnée á elle-méme depuis la Revolution, des sources dans des ombres, des fleurs sauvages, des senders de bětes, des ruines de jardin sur des ruines de bailments. Qa et lä des pierres survivaient. II restait la porte, les bancs oü Ton donnait la šoupe aux mendiants, ici, 1'abside ďune chapelle sans toit, lä, les sept étages de murs a la Montreal. Le pavilion de ťentrée, báti au commencement du siěcle dernier, étajt seul encore debout, entier, presque intact: ce iut lä que M. Mauperin s'etablit, REXtE mauperin. 2! II y v6cut jusqu'en 1830, solitaire et abime* dans l'ätude, plonge dans la lecture, en tirant une education immense, un savoir en tout sens, se remplissant des historiens, des phi-losophes, des politiques, et fouillant ä fond toutes les sciences industrielles. II ne quit-tait ses livres que pour prendre l'air, se ra-fraichir la töte, se lasser le corps, par des promenades de six Heues ä travers champs ou ä travers bois. On avail dans le pays l'ha-bitude de le voir aller ainsi: de loin les paysans reconnaissaient son pas, sa longue redingote boutonnöe, ses grandes jambes d'officier de cavalerie, sa töte qu'il penchait un peu, lepaisceaic arrachö ä une vigne qui lui servait de canne. De cette vie laborieuse et cachee, M. Mau-perin sortait ä Tepoque des elections: il paraissait alors sur tous les points du döpar-tement. II courait en carriole, il enflammait au feu de sa voix de soldat les reunions d'e-lecteurs, il commandait la charge sur les candidats de Tadministration : c etait encore la guerre pour lui. Puis, 1'election faite, quit-tant Ghaumont, il revenait a ses habitudes et rentrait dans l'obscure tranquillity de ses re nee ma.uperin etudes. Deux enfants lui venaient, un garcou en 1826, une iille en 1827. La revolution de 1830 arrivait; il etait nomine" depute. Ilarri-vait a la Chambre avec des theories ameri-caines qui le rapprochaient d' Arm and Carrel. Sa parole vive, brusque, martiale. et toute pleine de choses, faisait sensation. II devenait un des inspirateurs du National, dont il avait 6t6 un des premiers action-naires, et lui soufflait des articles d'attaque su r ie budget, sur les finances. Les Tuileries lui faisaient des avances; d'anciens camarades, devenus aides de camp du nouveau roi, le tataient avec la promesse d'une haute position mititaire, d'un commandement, d'un avenir pour lequel il etait encore assez jeune. II refusait net. En 1832, il signait la protestation des deputes de 1'opposition contre les mots: sujets du roi, prononces par M. de Montalivet, et il bataillait contre le systeme jusqu'en 1835^ , Cette annee-la, sa femme lui donnait un enfant, une petite fille, dont la venue lui re-jnuait les entrailles. Ses deux premiers eii-tfants ne lui avaicnt donne qu'unejoiefroide, un bonheur sans egayement; queique chose