PARTIE II Chapitre 2-Présences de l'histoire et memoire collective 2.1. Memoire collective et mise en question de l'Histoire : René Kalisky et Jean Louvet 2.2. Memoire individuelle et interrogation des origines : Henri Bauchau, Frangois Emmanuel Chapitre 3- La generation minimaliste et le prolongement de la generation identitaire 3.1 .la generation de la postmodernité 3.2. Le courant minimaliste 3.3. En Belgique Jean-Philippe Toussaint: La salle de bain Chapitre 2-Presences de 'histoire et memoire collective meme generation, pas de difference sur le plan chronologique grandes tendances similaires, (reconnaissance internationale, professionnalisation) En revanche, sur le plan thematique, inscription dans une demarche tournee soit vers I'interiorite, soit au contraire vers I'Histoire -Mhematique structurante de la memoire; plusieurs traitements possibles 2.1. Memoire collective et mise en question de I'Histoire meme generation que plusieurs ecrivains de la generation identitaire Mais peu d'interrogation sur la posture de I'ecrivain beige Questionnement concerne les grandes ideologies du XXe siecle et la confrontation avec I'Histoire. Celle-ci apparaTtra a la fois comme denuee de sens, voire illisible, et comme necessaire ou incontournable. [Benoit denis, j-m klinkenberg, op. cit., p. 256] 2.1. Memoire collective et mise en question de I'Histoire • Rene Kalisky et Jean Louvet = representants les plus marquants • tendance qui essaimera dans le theatre, via les innovations du « jeune theatre ». • Kalisky: se penche sur les grands drames du XXe siecle, la memoire des survivants du genocide juif et les pouvoirs totalitaires et fascistes du XXe. • Louvet sera plutot tourne vers I'interieur du pays : luttes politiques, vie ouvriere en Wallonie, heritage qui echoit a la generation post-industrielle. Kalisky comme Louvet instaurent une dramaturgie complexe, jouant sur la polyphonie et 1'éclatement temporel, dans le but ďactiver la reflexion du spectateur. Jean Louvet: Conversation en Wallonie (1978), Le train du bon dieu{1976) René Kalisky : Le pique-nique de Claretta (1973), Jim le téméraire (1972), Trostky, etc. (1969) 2.2. Memoire individuelle et interrogation des origines • II n'est plus ici question d'un engagement politique ou d'un discours explicite sur les ideologies et l'Histoire • L'Histoire et les catastrophes du XXe siěcle se présentent plutôt comme des événements susceptibles ďaider ä comprendre ses origines, son identite individuelle • Plusieurs auteurs au parcours trěs distincts • Apport de la psychanalyse constitue un element important. Thematique de I'enfance et le rapport aux parents constitue une thematique recurrente Mise en question des pulsions humaines Les recits jouent souvent avec la chronologie, la polyphonie Demarche introspective mimant la remontee de souvenir enfouis ou d'elements inconscients Principaux auteurs: ° Henry Bauchau, ° Frangois Emmanuel, Jacqueline Harpman 3) La generation minimaliste et le rolongement de la generation identitaire • 3.1. generation de la postmodernité • écrivains nés dans les années 50-60 et toujours actifs • contexte bien moins optimiste que celui de la generation precedente • Consequence: posture de refus de I'histoire, perte de confiance dans les ideologies et les concepts sur lesquels elles reposent (sens de I'histoire, idée de progres etc.) • temporalité du present « pur », détaché de toute historicitě 3.1. generation de la postmodernité • Le positionnement se fait individuel, voire individualiste, au detriment du collectif. -> narcissisme et repli sur soi • En littérature, postmodernité= periodě qui commence dans les années 80 et se poursuit encore actuellement, ce qui ne veut pas dire que tout ce qui est produit actuellement soit nécessairement postmoderně.[ cf. Laurent Demoulin, « Generation innommable », Textyles, 14, Bruxelles, Le cri, 1997, p. 8-9] • Sur le plan de I'histoire littéraire, le debat ancien/modernes est également dépassé. ne poursuit pas la rupture et l'innovation ä tout prix (^mouvements d'avant-garde ayant anime le XXe siecle.) reconnaissent les acquis et innovations menes par la generation du Nouveau roman, mais revendiquent neanmoins le droit d'ecrire apres eux . I'affirmation dans le champ litteraire de cette generation des annees80 ne se fait pas sur le mode du rejet ou de la veneration de ce qui precede. « tenir compte des acquis modernes sans pour autant tenter une surenchere impossible » Ibid. p10 • attitude individuelle, sans groupement ou manifeste, une attitude non-partisane, qui prendra plusieurs formes esthétiques : esthétique du fragment, minimalisme, provocation se faire rare (puisque moins de tabous), jeux avec I'anecdote, citations-intertextualité, etc.) 3.2. Le courant minimaliste • qualifiée parfois également de Nouveau nouveau roman. • Les intrigues = noyaux narratifs minimaux. • personnages dont la psychologie demeure peu ou pas développée • « Héros inactif, dénué ďémotions apparentes » • « Quéte volontairement dérisoire » • « fragmentent leurs romans: les chapitres sont alignés dans un désordre mesuré, qui ne perturbe pas le lecteur mais le surprend parfois. » • « I'illusion realisté, sans étre annulée, est ridiculisée » • cf. Laurent Demoulin, « Generation innommable », Textyles, 14, Bruxelles, Le cri, 1997, p. 8-9 Sur le plan de la langue, il n'est plus question de rupture et de provocation La phrase est done correcte, mais laisse I'espace a I'intrusion de « breches », comme I'explique L.Demoulin : ° style tenement litteraire qu'il en devient volontairement artificiel ° I'intrusion de vocables orduriers a proximite de termes rares ° I'immixtion soudaine de discours autres ou 1'imbrication du dialogue dans le texte narratif • Ibid. p. 12 Deux elements permettraient de relativiser le terme « minimaliste »: • humour leger, subtil, omnipresent et, somme toute, riche de sens: il participe dune espece de recul stoicien par rapport a la realite. MAIS derision n'est jamais gratuite • De plus, derriere I'apparente vacuite du propos se cache une angoisse, un desarroi. ° Ibid., p. 13 3.3. En Belgique • le discours identitaire fait place ä l'inscription dans une singularitě ďauteur, une esthétique • debat identitaire est dépassé :le rapport ä l'identite nationale/collective se vit avec détachement; eile est pergue comme forcément multiple et fluctuante. • bénéficient de l'heritage de la generation precedente : accěs aisé au marché international. • éditent e.a. chez Minuit, signe qu'ils s'inscrivent pleinement dans une littérature ä haute valeur symbolique • J-P. Toussaint, E. Savitzkaya, J-L. Outers (et N. Malincoli) Ceci montre done que les debats de la generation identitaires auront eu une duree de vie relativement breve : des le milieu des annees 80, la preoccupation identitaire a disparu des themes de predilection Toutefois, dans cette derniere generation minimaliste, et plus particulierement chez les ecrivains jouant sur la derision, on retrouvera une forme de batardise ou d'identite negative, rappelant les themes de la belgitude (p. ex. Thomas Gunzig ou Nicolas Ancion.) 3.3.1. Jean-Philippe Toussaint La salle de bain (1985) • trois parties (Paris-Ľhypoténuse-Paris) • fin du roman (n°49-50) = presque á ľidentique les paragraphes du debut (n°10-11) ->lecture oů la fin est en fait le debut du texte? ° « Le lendemain je sortis de la salle de bain « -n°10 VS « Le lendemain je sortais de la salle de bain »- n°50) Narration et thématiques • Instance narrative ° Narrateur homodiégétique ° rapport distant face aux noms de personnages ° attitude détachée face aux événements du quotidien et aux normes sociales absence quasi-totale ďactivité et d'affect, ° voyage en Itálie, semble se terminer sur un échec et sur un retour ou debut. Narration et thematiques • Une intrigue insignifiante ? ° A premiere vue, fil narratif minimal que ne vient dramatiser aucune psychologie ou motivation des personnages. ° Le desarroi • presence de I'angoisse, liee au passage du temps et ä l'attrait de l'immobilite. Le theme de l'immobilite s'associe ä celui du temps qui passe (montre/miroir) • Ensuite, associe ä I'eau (pluie, Venise, salle de bain) Selon L. Demoulin, ce reseau de motifs s'associant et se repondant au fil du recit revele, derriere l'insignifiance de Taction, une angoisse profonde: « Le narrateur, angoisse par la mort, recherche, comme pour la devancer, l'immobilite (d'oü son inaction) et il choisit de s'enfermer dans sa salle de bain (oü l'eau, et done le temps, sont maitrises) puis ä Venise, ville d'eau immobile. » Reflexion existentielle qui demeure sans conclusion: « la structure du texte ne permet pas de decider si le narrateur abandonne ou reprend un mode de vie statique qui s'avere de toute fagon inoperant.» (Laurent Demoulin, « Generation innommable », Textyles n° 14, 1997, 7-17.) • Sur le plan de la langue o usage de la parenthese, parfois injustifiees grammaticalement (car amenent la fin de la phrase), parfois conformes a I'usage habituel. o ruptures de niveaux de langue : coexistence du prosaTque et du savant, dans la grammaire, dans le lexique; et qui se reflete dans les activites du personnage. o insertion du discours direct dans la narration, sans marqueur de cette insertion. o simplicity de la syntaxe Extraits p.44-44 n°38/ pendaison de cremaillere ° non-conformite aux codes usuels du comportemerit ° rupture des niveaux de langue:«ii serait marrantque je fisse partie du jury » (Sdb, p. 46 ) ->lexique familier >< preciosite grammaticale. ° contraste de la haute position intellectuelle avec le gout pour la musique populaire ° melange des types d'enonciation (discours de la chanson insere dans la narration ; de meme pour le discours rapporte: « En attendant, continua-t-elle a tue-tete, je serais gentil de faire visiter i'appartement a nos amis » (Sdb, p.45.) ° Reprise du qualificatif utilise par Edmondsson dans la narration : « nos amis » -> effet comique, ironie .28-28: passage sans transition du recit principal (le decoupage du poulpe) aux reflexions du personnage ; I'insertion de discours rapporte qui traduit le monologue interieur (« pleuvrait-il »), mais qui s'adapte a I'enonciation au conditionnel/futur. p.86-87 [immobilisme et enfoncement] ° angoisse du personnage apparaTt au contact d'un objet prosa'i'que (une dame blanche, reseau de motifs, comme Mondrian) ° le theme de 1'immobilisme se conjugue a celui du mouvement imperceptible (Venise //1'immobilisme/ enfoncement dans la baignoire, parties 1 et 3.) p.66- dialogue sur le cyclisme ° discours indirect et reduction de la parole au noyau minimal ; intercomprehension des langues sur une base minimale p.60-61. n°12-13 ° rupture et coexistence entre le prosa'isme et la reflexion metaphysique References B.Denis, J.-M. Klinkenberg, La litterature beige, pp. 257-261 Denis Saint-Amand, « D'une fin de siede I'autre-Passage furtif dans La salle de bain »Jextyles, 38, 2010 Laurent Demoulin, « Generation innommable », Textyles, 14, 1997, 7-17.