22 ETHEL BT LB TERRORISTE ETHEL BT LB TERRORISTE 23 fond de Patelier de Pierre-le-sculptcur, notrc logis temporaire. Et tu te caches. Tu ris. Tu fats Pidiote. Tu réapparais derriěré des caisses, des meubles, tu tc caches aussitot, le petit vieux de la vicille France n'y voit rien, myope et sourd, je n'cn peux plus. Tu apparais avec une perruque, une vadrouille, des bouts de film; je pouffe, je continue de répon-dre au poli et ruse bombardement de Pagent de Pagencc et soudain, plus pres encore, tu t'affiches, les seins offerts, bicn nus, bien pointus, je n'en peux plus, tu es folle. Tu ris, tu ris... Si je m'en souviens. II se retourne soudain et il te voit, la jupe levée jusqu'a la taille, tu ťenfonces derriére le grand chevalet encombré, rouge, mořte de hoňte. Moi je pleure. Je n'ai jamais tant r'u Je dis au type de Pagence que tu es folle. II me croit. II s'en ira, poli, clignant de l'oeil. Refusant ta tasse de café. Plus tu fa is la sérieuse, plus il te menage, te parle comnie á une enfant. Et puis aprěs, tu te souviens I Nón ? — Oui, jc me souviens ! Nous avions bien fait ca ! Et c'est encore le coup du pressons-nous, pres-sons-nous bicn. Guetter la route en crochets, les montagnes sont splendides, non ? Un spectacle. Tu regardes. Tu te tais. II fait une fin ďaprěs-midi rare. C'est plein de model age. mou, de plasticine molle, cela sc fait et se défait. Un spectacle. Des affiches avec tou-jours ces mots qui nous font sourire et que nous lisons á haute voix : "DANGER, DEER CROSSING". Avec la fine petite neige qui iombe, pous-sée par le vent dans ces montagnes modelces avec grace, ces annonces de "traverses de cerfs" nous amusent. II flottc dans cette lumiěrc agonisante un air de Noel. . . Pourtant, dcpuis plus d'un mois les fetes pieusement commerelales sont ter-minées — et des canttques surgissent, des canti-ques profanes. On chantonne Ethel et moi. "New Russia", c'est écrit, c'est pour bientót. On ira prendre un café noir et chaud. On tripote la carte asser souvent, pour rien. Pour avoir Pair de savoir ou on va, pour se convaincre que Ton voyage. On y a pense si souvent : partir ensemble. Fuir. On ne savait pas quoi á Pépoque. Mainte-nant, nous fuyons vtaiment, Crcst merveilleux. II mc scmble que cct incident —- cette dynamite —-c'est une vieille histoire, il y a des mois. Ethel repete: "Peuťétreim mort". Pas plus. Adiron-dacks ! "Paul", je n'aime pas ce nom, je n'aime pas mon nom. Je voudrais un nom plus dur, ou plus mou, pas entre les deux. Deer Grossing: Drive carefully S'il fallait dire tout ce qui m'agace, chez moi, cher les autres, chez tot, EtheL Quelle Hste. Une montagne de griefs. J'aimc mieux ne pas y penser. ^Víaintenant, déjá, il fait nuit* Les collines qui bor-• dent le chemin sont de gros dos ronds et 24 BTHBL BT LB TERRORISTB noirs, ou blancs quand la lumiere s'y pose.fLes arbres nc stmt que piquets et batons. 11 y a les sapins, lies sapins, ces, cones gras, ces jupes, ces edifices, ces hautains Ittl y a le chemin, cette route a surprises qu'il faut surveiller. Et ce vent. Et ces comiques avertissements : "D£but-avalanche de ■ _ i rocs" et "Fin-avalanche de rocs". \ Et les bourras- (jp ques. "Winding zone, drive carefully". Ethel ecou-te, j'ecoute. Ricn. Le bruit du vent, celui du mo teur. Celui de la nuit.jEt nos respirations, nos souffles, presque rieh. La vie au ralenti, a trcnte a I'heure, pas plus, a cause des "STONES FALLING" et des "WINDING ROADS" ct que sais- BTHEL ET LB TERRORISTB 25 OS je.f Si un "deer" apparaissait. On en discute. On se souvient. Des histoires des devots du pays. Ce ^ pays des legendes, il en pleut des racontars, des histoires mysterieuscs. [ Mon pere ne tarissait pas quand i! etait lance la-dessus, il partait a l'aide d'un dix onces, au plus. Un verre parfois et ca y ((Q etait !JOn nageait dans un monde de fantomes, d'apparitions, de miracles, de cris, de frissons, j'en bavats, bouche ouverte, le dos glace, et plus on en bavait, plus il en remettait, avec des noms, des dates, pour faire vrai, des temoins, la famille y passait, tous les ancetres d^filaient, avec des pre-noms inconnus, il les faisait sortir des cimetieres, un a un. \A0) Mais on n'a pas pcur. II y a nous deux. C'est ^-^ beaucoup. La radio miaule ou jappe. La radio, compagne bizarre. On ne craint rienJ Mais c'est a Chestertown qu'on fait la pause pour ce café noir. J'ai les yeux endoloris de guctter dans le noir, de fendre ces grands draps de ténébres derriére mes phares vigilants.JEt c'est toujours, c'était toujours, tou jours, ce spectacle égal, le méme, le ciment par taches, par zones sur la route, chaque côté les collines qui lévent, fuient et ne pouvoir jamais regarder ailleurs, ne pas oser lever les yeux, regarder "äU'clel; derriére, de côté.l|| Fixer droit devant soi et déchirer toujours ces petites nuées de brume ou ces rafales vaporcuses, du tulle, d'une neige poudreuse déplacée par ce vent. Mais on n'a pas peur. On a soif et on a envie de se regarder un peu. Car, plus tard, ce sera ľauto-route, ce "turnpike" infernal. I On sait ce que c'est, un couloir. Qui, — c'est un couloir que ces voyages d'aujourd'hui.jpes f/£j[ couloirs grisou blancs, noirs ou violets, un couloir interminable avec des phares, des avertissements surréalistes d'avalanches ou d'orignaux traversant — un long couloir, depuis ce tunnel, le Wellington, il coulcra en montant doucement jusqu'ä ľ autre, apercu sur la carte : "Lincoln Tunnel" — toll i comme un égout-collecteur monštre — un metro ä échelle d'un pays. Jouissons de ce répit, de cette faille pratiquée dans le tunnel-café chaud. C'est une nuit étrange. Y a-t-il des nuits plus étranges les unes que les autres ľ Ou, scrait-ce qu'il y a dans l'air, notre air,