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Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte integral de cet ouvrage ä l'adresse http : / /books . google . com 1 DE VOLTAIRE PEINT PAR LUI-MEME, o v LETT RES DE CET fiCRIVAIN, DANS iefquelles on verra VHißoire de fa Vie, de fes Ouvrages , de fes Querelles , de fes Correfpondances, & les principaux Traits de fin CaraHere : avec un grand nomhre d1 Anecdotes , de Remarques & de Jugements Litteraires. PREMIER i^V ARTIE. J'ai des Adorateurs & n'ai pas un Ami. Mariamne. -fan i4 US AN NE, PAR LA COMPAGNIE DES LlBRAIREEt M. DCC, L X V L 11 in Digitized by Google a) PREFACE. TT E caračlére d*un Auteur eft dans fis ôu+ JĽJvrages , fur-tout lorfque cet Auteur eft naturellem e nt forte a lachet la bride ä ľimpéfuofité de fin efprit & de fin humeur. Cette maxime fe vérifie tout tes jours ä ľ é gar d de Monßeur de Voltaire. On a dit de lui fu'Ariftipe & Diogene tour-ä-tour , il. recherchoit lesplaißrs , les goüteit & les célébroit, s*en laffoit & lesfrondoit ; que par fis familiarités avec les Grands, il fe dé* dommagtoit de Id géňe qu*il éprouvoit avec fis égaux ; quHl étoit fenfible fans attachement, vo* luptueux fins paffioh , ficiable fins amis , oü» Pert fiňs fraiichifi , & quelquefois liberal fans générofité ; qu'avec les perfinnes jaloufis de It connoítre , // commengoit par la politeffe , con* tinuoit par la froideut, ůřfiniffoit par le dégoilt; quHl ne tenůit h rien pur cheix7 & tenoitätouí parbotttade. Ces mitJ pBfoißetit peü faits pour irre enfim~ hie f Mais Monßeur de Voltaire ěftfaxt pout nttíůr fej Cbntráiřés i & it h'en eft que plus lui mime 9 dit un komme ď efprit , lorfqu'il parott m*im Je reffembler \ ces Lettres en feront la preuve. On Vy verra paffer de la morale a la plaifinterie 9 de la philofiphie ä Venthoußafme , de la douceur h. ľemportement , de la flatterig h la fatyre 9 de V amour de V argent a V amour du luxe , de la modeftie ä la vanité. Enßn Monßeur de Voltaire atme beaucoup ťAntithěfi , & il en a mis cer* (fiinement dayantage dam fa waduite que dans, Digitized by It PREFACE. fes Ecrits. Ainfi Vhomme reffemble h VAuteur j| & Vun & Vautre ne font pas dans la clajfe des chofes ordinaire*. On fera peut-itre furpris, que nous n*ayons l>as peint Monßeur de Voltaire , comme Poete impie & Philofophe timiraire ; mais on ne pow» yoit le montrer fous ce point de vue , qu'en citant des traits trhs-dangireux & Us auroient peut-itre flduit quelques Lecteurs , qui connoif-fent dija affe\ VAuteur du Di£tionnaire Philo-fophique , comme Pyrronien & inertdule. Les Pidces que nous citons dans cet Ouvrage font rhllement de Mohßeurlde Voltaire. // ne pourra pas noust accufer que nous Vavons de"figure1 , comme il le reprochoit a VAuteur de /'Oracle des Nouveaux Philofophes. // n'aura qu'ä fe plaindre de lui-mitne. Au refte nous avons dit le bien & le mal, (r nous fommes iloigni de penfer que Monßeur de Voltaire n'ait que des defauts. Nous avons montri en lui le protecteur du fang d*- Corneille & de celui de Calas avec encore plus de plaifir y que nojis +?-avons divoiU Vimplacable ennemi de Rouffeau , de Monßeur Le - FrajiG de Pom« pignan, £fj &q, LETTRE^ Digitized by Google LETTRE S MONSIEUR DE VOLTAIRE, RELATIVES A SON HISTOIRE. 0 PREMIERE PAKTIE. ■---s ) LETTRE RREMIERE. Sur fa Naißance & fa Fortune* E S Biographes qui ont dcrit ma pr£-tendue Hiftoire , dont vous me par-i lez , fe fönt un peu prefl^s, & me font trop d'honneur. II n'y a pas un morde verkable dans tout ce que ces Meffiears ont €qx\x. Les uns ont dit, d'apres Tequitable & vöridique Abbe' Des-Fontaines, que je reflemblois ä Virgile par maNauTance, & que /, Partie. A Digitized-by Google i Af. de Voltaire je pouvois dire apparemment corame lui: O fortunatos nimium , fua fi bona norint , Agricolas \ * Je penfe fur cela comme Virgile , 8c tout me paroit fort egal. Mais le hazard a fait que je lie fuis pas ne dans le pays des Eglogues 8c des Bucoliques. Dans une autre Vie, qu'on- **eft avifc encore de faire encore de moi, comme fi. j'dtois mort, on me dit fils d'un ( a ) Port#-clef du Parlement de Paris. II n'y a point de tei emploi au Parlement. Mais qu'importe ? On ajoute une belle avanture d'un canoffe avec l'Epoufe de M> le Due tie Richelieu dans te terns qu'il e'toit yeuf. Tous les autres Cootes font dans ce gout, & j'aime autaut les amours du Reverend Pere de la Chaife avec Mdlle.du Tron. On ne peut empecher les barbotiiileurs de papier dVcrire des fottifes , les Libraires Hollandois de les vendre , & les laquais de les lire. Qupique j'aye beaucoup d'indifterence pour routes ces pauvrete's, je ne dois pas toujour* refter muet; lorfqu'on m'attaque fur ma naif-fance. Ne dois-je pas a ma famiile de repondre que je fuis ne egal a ceux qui ont la meme place < b) que moi, & que fi j'ai parle* fur cet (aj M. Arouet , Pere de M. de Voltaire , étoit Treforier de la Chambre des Comptes de Paris i fa probité , fon efprit & fon goát ľavoient lié avec plufieurs gens de Lettres, Son fils a hé-rité de fes yertus , mais en cadet de Normandie 9 céduit ä la fimple legitime, \ (&) Celie de Gentil-Homme ordinaire. tized by Google pánt par lui-mime. 9 article avec.la mpdeftie convenable , c'eft parce "que cette méme place a été óccupéé autrefois par les Montmorenci 8c par les Chatillon. Mes ennemis nťont reproché jufqu'A ma fortune , comme Ii eile étoit faite ä leurs dé-pens (c). Doit-on foüiller dans les affaires ďune famille pour critiquer un Poéme &. une Hifteire ? Quelle lácheté ! Mais eile eft trop commune. Qu'il foit permis de faire une Re-tnarque á cette occafion : c'eftun fpe&acle qui peut fervir á la connoiíľance du cceur humain , que de voir certains hommes de Lettres ramper tous les jours devant un riche ignorant, venir ľencenfer au bas bout de fa table , & s'abaißer devant lui ians autre vite que celie de s^abaifler. Ils font bicn loin ďofer en étre jaloux; ils le cŕoient d'une nature fupéri&re á leur Etre. Mais qu*un homme de Lettres foit élevé au-deíľus d'eux par la fortune & par fes places; ceux méme qui ont rccu de lui des bienfaits , portent ľenvie jufqu'á la fureur. Virgile i foil aife fut ľobjet des calomnies des Mévius* f c) Onpardonneroit tout au plus ces reproches Gux Imprimeurs de M. de Voltaire, 4 M. de Voltaire LETTRE II. Sur fon Enfance. L'Article du Teftamentde Mdllc.deYEnclor, dont vous me parlez , n'eft point un Roman ; eile me laifla deux mille francs; j'étois enfant ( a )j'avois fait quelques mauvais vers qu'on difoir bons pour mon äge. Ľ Abbé de Chateauneuf, frere de celui que vous avez vů Ambafíadeur á la Haye , m'avoit mené chez eile , & je lui avois plu je ne fcai comment. C'eft ce méme Abbé de Chateauneuf qui avoit été fon dernier* Amant ; mais á qui cetté célé-bre Vieille ne donna point fes triftas faveurs á ľáge de foixante & dix ans, comme on ľä dit. Vous devez ďailleurs étre perfuadé que les Lettres qui courent, ou plutôt qui ne courent plus fous fon nom , font au rang des menfon-ges imprimcs. II eft vrai qu'elle m'exhorta á faire des vers ; eile auroit dů plutôt nťexhor-těr á n'en pas faire. Ceil un metier trop dan-gereux , & la mjfcrable fumée de la reputation fait trop d'ennemis & empoifonne trop lavic. C'eft ce que me difoit le Pere Porée, mon Profeíľeur de Rhetorique. Sa memoire me fera roujoiirs chere (b ). Jamais homme ne rendit ( a ) Cétoit en x 706. ( b ) Voye\ la relation de lá mort de Frerc Bertier , ou le P. Porée & les autres Jéfuites regoivent* des témoignages de la reconnoijfance de M. de V. V __Digitized bid- Googk peint 'm par lui-mtme. 5 Vetude & la verni plus aimables. Les hcurcs de fes lecons &oient pour nous des heures d&icieufes, & j'aurois voulu qu'il eut e^e" etabli dans Paris comme dans Athenes , qu'on put affifter a tout age a de telles lecons: je ferois revenu fouvent les entendre. J'ai eu ie bonheur d'etre forme" par plus d'un JeTuite du cara&ere du Pere Poree , pendant les fept anne'es que j'ai paffe au College de Louisle Grand , &c. &c. LETTRE III. Productions de fon-Enfance* VOvs voulez abfolument, moncherami, que je vous faffe part des premieres fleurs de mon printems : je n'en connois aucune de fuportable que ces Etrennes a feu Monfeigneur le Dauphin ; elles lui furent prefentees par un Officier des Invalides qui obtint une gratification de vingt Louis. J'avois alors a peine quinze ans. Noble Sang du plus grand des Rois, Son amour eft notre efperance , Vous qui, fans regner fur la France, Regnez fur le cdeur des Francois; Pourrez-vous fouffrir que ma veine Par un effort ambitieux, Oie vous donner une Etrenne , Vous qui n'en recevez que de la main des Dieux? La nature en vous faifant naitre , Vous&renna de fes plus beaux attraits, Et fit voir dans vos premiers traits, Que le- fir de low* etoit digne de l'£tre» Digitized by $ M, de Voltaire Tons lesDieux, a r-envi, vous firentleur preTcnt Mars vous donna la force fcc la courage j Minerve t des ?os jeunes ans, Ajouta la fageffe au feu boiiillant de I'age g L'immonel Apollon vous donna la beauts ; Mais im Dieu plus puuTant que i'implore en met peines Voulut aufli me donner mes Etrenaes 9 En yous donnant la liberality. Note far ia Lettre troifiimu La Pi^oe qu'ot* vient de lire eft a la virh6 une de* premiere* de M. de Voltaire ; tnais il y en a une prefque aufli ancienne dont il n'a pas parle. C'eft fon Bourbier. M» de Voltaire , nom-m6 alors Arouet , compofa en 1714. une 04e pourle prix de 1'Academie Francoifc elle fat mife au rebut. L'annee d'apres il en donna une feconde , qui ne fut pas roieux accueillie* PiqU'e de cette difgrace , qui hu enlevoit deux Ichofes'fi cheres a fon creur r de l'or 6c.de la -gloire , il fe yengea par piuideurs Satyres » don* Ta plus connue eft la fiiivante : L £ BOURBIER+ Pour tous Rimeurs Habitans de Parnate* De par Ph&bus, il ell plus d'une place ; Les raflgs n'y font confondus , comrae ici * Et c'eft raifon : ieroit, beau voir aufli Le fade Auteur d'un Sonnet ridicule * Sar meme lit couch^ pres de Catulle. i Ou bien ia Motte ayant rhonneur du pas r Sur le Harpeur ami de A^^««Af> Trog bien Phabus fcait de 61 Ripublique „ ^ &g}er, k *an&ik L'ordsft. ^ardugue^ Digitized ^Google peiftt par ka-m&ne, $ JSk difyenfant honneur & dignite*, Donne a chacun ce qu'il a merits. Au haut du Mont font fontaines d'eau pure » Rians jar-dins ► «©n tels qu'a Chat Mo* En a plaate 1'ami de Crebilhn Et dont 1'Art feul a fourni la panire ; Ce font jardins orn& par la nature; Ce font Lauriers, Grangers toujours verds. La fejournes gentils Faifeurs de Vers. Anacr4on , VirgiU , Horace + Homere , ( Vous qu'a genoux ie bon Dacicr re^re*) Dsun beau Laurier y couronnent leur fronts Un peu plus fcas fur le penchant du Mont Eft le ftjour A leur Le&eur font ka'ir te bon fens. Adone » Amis quand ferez voyage t' Vous abordez la politique Plage , Et que la Mo«e ayez . \Digitized by % M* de Voltaire t Oil tous let jours contre Rome 8c la Gre'ce De mal difans fe tlent bureau d'adreflc , Direz alors , en voyant tel gibier » Ceci paroit Citoyen du Bourbier. De ces Grimauds la croupiflante race , En cettui Lac inceflamment croafle, Contre tous ceux qui d'un vol aflure* , Sont parvenus au haut du Mont facrl. En ce feul point cettui peuple s'accorde, Et va cherchant la fange la plus orde , Pour en noircir les Menins d'H&icon , Et oolluer le thr6ne tfApollon, Celt vainement: car cet impur nuage Que contre Homire en Ton aveugle rage, La Gent moderne aflembloit avec art , A retombe* Air le Poete Houdard , Houdart ( * ) ami de la troupe aquatique Et de leurs vers Approbateur inique ,• Comme eft^uiffi le Tiers Etat Auteur Du dit Houdart unique Admirateur, Houdart enfin qui dans un coin du Pinde , Loin du fommet ou Pindare fe guinde Non loin du Lac eft aflis, ce dit-on, Tout au-deffus de l'Abbe Terrajfon. ( * ) Cei Houdart de la Motte , fi vilipendi dans le Bourbier , eft le mSme que M. de V. prefere a Roufleau , & dont il vient recemment defaire I'ApQlogie dans le Dittionnaire Philo-fophique. iyUUUbyC 9 LETTRE IV. Son Voyage en Hollande. Ses premieres amours, LE Marquis de Chateauncuf, Ambafladeur ä la Haye , m'emmena avec lui en qualite de' Page, en 1713. J'y vis la fille cadette de Madame du Noyer ; eile avoit de Tefprit & des graces. Je l'aimai comme on aime la premiere fois, avec paflion , avec emportement. Je la voyois depuis queique terns malgr^ fa Mere. L'Ambafladeur craignoit que cettc Dame ne me fit un affront, qui rejailliroit fur lui. II m'or-donna de garder la maifon , ou de partir fur Ie champ. J'etois au defefpoir ; j'ecrWis ä ma Mattrefle de fe deguifer en Cavalier & de venir me voir. Cette entrevüe fut d^couverte, & j'en fus la vi&ime. Oblige de quitter laJHaye , j'ar-rivai ä Paris la veille de Noel, le cojur rempH d'amertume. Monfieur de Chateauneuf avoit Icrit ä mon Pere une Lettre fanglante > dans laquelle il lui faifoit part des plaintes de Madame du Noyer. Mon Pere irrite* obtint une Lettre de Cachet pour me faire enfermer apres m'avoir deshd-rite'; mais mes amis l'appai&rent. Voilä, mon eher ami , dans la plus exaöe veVite , cette avanture qu'on a tant defigur^e. On m'a fait le rival de Cavalier (a) qui dtoit en Hollande fix ans avant moi, & qui n'y fut (a ) Chef des R&voltis des Ceyennes. Digitized by •o M. de Vohairt qu'en paflant. On a noirciMdlle.duAfoyer pais fa vertu Ta veng^e. Ellc eft Penfioanaire du Roi , &t vit d'ordinaire dans une terre qui lui apparrient, 8c ou elle nourrit ies pauvres; elle s'eft acquife aupres de tous ceux qui Ta connoiflent, la plus grande confideiation. Spn &ge , fon merite, fes ?ertus, la famille refpec-table & nombreufe alaquelle elle appartient, les perfonnes du plus haut rang , dont elle eft allie'e , devoient la mettre a l'abri de la ca-lomnie ; mais la maligniri du coeur humain refoit avec avidite toutes les anecdotes vraies ou fauffes. (b) Mr. de V. n'appelle la Mere de Mdlle. du Noyer , que la du Noyer 5 ( Voye\ fes Menfonges imprimis ) mais c*ejl pour rendre l&fitte plus refpeftaMe, L E T TRE V. Sur fit ditention a la Baftille, IL parut a la mort de Louis XIV. une petite Pie'ee iraite'e des Tai vCi de f Abbe* Regnier. C'etoit un Ouvrage ou TAuteur paflbit en revuS tout ce qu'il a?oit vu dans fa vie. Cette Piece eft audi ne'glige'e aujourd'hui, qu'elle e^toit alors recherche'e. C'eft le fort de tous les Ouvrages . qui n'ont d'autre merite que celui de la Satyre. Cette Pi&en'en avoit point d*autre; elle n'e'toit -remarquable que par les injures groffie'res qui y e'toient indignement repandues , & c*eft ce qui hu donna un cours prodigieux; on oublia l,ooQle peint par lui-mtme. u la baffeffe du ftyle en faveur de la mälighite de rOuvrage. Elle finiflbir ainfi ; J*ai vü us maux & je iCai pas vingt ans. Comme je n'avois pas vingt ans alors, plu-fieurs perfonnes crurent que j'avois mis par-la mon cachet äcet indigne Ouvrage; on ne Hie fit pas l'honneur de croire , que je puffe avoir aflez de prudence pour me deguifer.. L'Auteur de cette miferable Satyre ne con-tribua pas peu ä la faire courir fur mon nom:, afin de mieux cacher le fien. Quelques - uns m'imputerent cette Pie'ce par malignite1 , pour me ddcrier 8c pour me perdre. Quelques au-tres qui l'admiroient bonnement, me l'attri-buerent pour m'en faire honneur. Ainfi un Ouyrage que je n'avois point fait, 8c mfime que je n'avois point encore vü alors, m'auira de tous cotes des maledictions 8c des louanges. Je me fouviens que paflant alors par une pe* tite Ville de Province , Its beaux efprits du lieu me prierent de leur reciter cette Pie'ce , qu'ils difoient etre un chef-d'oeuvre. J'eus beau leur repondre que je n'en etois point l'Auteur , 8c que la Pierce etoit miferable , ils ne m'e» crurent point fur ma parole ; ils admirerent ma retenue : 8c j'acquis ainfi aupres d'eux fans f penfer , la reputation d*un grand Poete 8c d'uti homme fort modefte. Cependant ceux qui m'avoient attribue' ce malheureux Ouvrage , continuoient ä me ren-dre refponfable de toutes les fottifes qui fe 4e-bxtoient dans Paris, 8c que moi-meme je de-daignois de lire. Quand un homme a eu le inalheur d'etre calomnie' une fois , il eft s&r. de l'etre toujours, jufqu'ä ce que fon innocence delate , ou que la mode de le perfe'euter foit paflfee j car tout eft mode en ce Pays-Jä, 8c Digitized by Ii M. de Voltaire on fe laffe de tout ä la fin, mime de faire du mal. Cette mode caufa* ma difgrace & j'appris de bonne heure ä f?a?oir foufthr ( a ). (a) Et a fgavoir fe pleindre. Au refle Us J*ai vu ne furent qu'un pritextt de la detention de M. de V. 41 y avoit d*autres raifont ; mais ce n'efl pas ä un Commentateur binivole qu'il ap-f anient de les dire. »Jfc Jfc Jfc Jfc ab A Jfc Jfc dfc at dfc A AAjb Jfc LETTRE VI. Ouvrages de fa Prifon ; la Henriade, AYant eu le malheur d^tre prifonnier ä la Bailille pendant pres d'un an fans papier St fans livresj'j'y compofai plufieurs Ouvrages , & les retins de memoire. Mais la Henriade fut le feul que j'e'crivis au fortir de la Baftille. Je n'en avois alors que fix Chams, done il ne refle aujourd'hui que le fecond qui con-tient les maflacres de la St. Barthelemi, Les cina autres dtoient tres-foibles , & ont depuis ete travaille's fur un autre plan ; mais je n'ai jamais rien pü changer ä ce fecond Chant, qui eft peutötre encore le plus fort de tout l'Ouvrage / preuve certaine que le fucces eft prefque tou-jours dans le choix du fujet. La fante que je perdis dans cette annee de prifon, & les infirmitds continuelles dont je Jus accabi^ depuis , ne me permirent de tra-vailler a la Henriade que foibleraent & de loin & loin. En rpnnee 1713. il parut une Edition de ce Poeme .Digitized by Google pgint pat tut-mime, i j PoSme fous le nora de la Ligue. L'Ouvrage 4toit informe, tronque , plein de lacunes; ü y manquoit un Chaht , Sc les autres etoient deplaces. De plus il Itoit annonce" comme un Poeme Epique, efpece d'Ouvrage qui n'avoit jamais re*ufli dans la langue francoife , & done le titre feul promettoit de l'ennui. Cependant la memoire de Henri IV. eft fi chere aux Francois , que ce Poeme fut lü avec aflez d'indul« gence , & on en fit meme plus d'une Edition. En Tannee 1726 , etatuen Angleterre, j'y trouvai une protection g£ne>ale 8c des encou-ragemens que je ne n'aurois jamais pu efp^rer ailleurs. On y favorifa avec empreflement l*im-preflion d'un Ouvrage franeois e'erit avec liberty , Sc d'un Pogme plein de vdrite', fans flatterie, La Henriade parut done alors pour la premiere fois fous Ton veritable nom en dix Chants; 6c ce fut d'apres les Editions de Londres, que furent faites depuis celles d'Amfterdam, de la Haye & de Geneve v aflez inconnues en France par l'interruption du commerce de la Librairie avec les Etrangers. Cette generofite' de la Nation Angloife re*-tablit ma fortune, que des banqueroutes avoient totalement de'range'e. Cependant il s'en falloit de beaueoup que je fufte traite* de meme par mes Compatriotes. Mafs Monfieur le Cardinal de Tencin f alors Ambafladeur de France it Rome, ayant autant de gout pour les Lettre« que de genie pour les Affaires, fit lire quelques morceaux de cet Ouvrage au Pape , & le Pape däfendit ä fon Nonce de fe pr&er 3 la perfecution qu'on vouloit rae fufeiter. Cependant environ quatre-vingt Particuliers de Paris fouferivirent pour TEdition de Londres entre les mains du Sieur Tiriot; mais cet ar-h Partie. B Digitized by Google 14 M. de Voltaire gent ayant iti malheureufement enlev£ £ ce Depofitaire , fans que, ce fut fa taute ; je remis enticement cette dette %l je payai de ne§ deniers toutes Les .foufcriptions de ceux qui n'eurent pas les commodates n^ceflaires pour faire venir TOuvrage d'Angleterre. Cette Edition de Londres 4toit pr&^dee d'uit Epitre dedicatoire que vous ne ferez peut-ötr* pas fachi de voir ici: A LA REINE D'ANGLETERRE. MADAME, . »C'eft le fort de Henri IV. &tov* protege aparune Reine d'Angleterre ; il a ete appuy^ »par Elifabtth , cette grande Princefie qui ötoic pdans fon tems la gloire de fon fexe. A qui fa »Memoire pourroit-elle £tre aufli bien confiee , »qu*ä une Princefle, dont les vertus perfonel-vies reflemblent tant ä Celles d1Elizabeth 1 »Votre Majeft£ trouvera dans ce Li vre de% »väritds bien grandes & bien importantes ,1a »JVforale ä l'abri de la fuperftitionTefprit cic »liberie Sgalement doigne de la rövotte Sc de »i'oppreflion ; les droits des Rois toujours af-»fures, & ceux du peuple toujours defendus. » Le meme efprit dans lequel il eft e'crit, me »fait prendre la liberte de roffrir k la ver-»jtticufe Epoufe d'un Roi, qui, parmi tant de ».Tetes couronnäes , jouit prefque feul de aTbonneur fans prix de gouvernerune Nation »libre , Sc d'un Roi qui fait confifter fon pou-» voir ä etre aim4 , & fa gloire ä 6tre jufte. »Notre Defiartes , le plus grand Philofophe «de l'Europe , avant que le- Chevalier Newton »paruxt adecüe fts principes ä la cele^e Prin- Digitized by Google peint, par bui-mSme. 15 »cefle Palatine Elixabeth, non pas, dit-il, parce wqu'elle e'toit Princefle y car les vrais Philo-»fophes refpeftent les Princes &t ne les flattent »point; mais parce que detousfes Leäeurs, »il la regardoit comme la plus capable de fen* »tir & d'aimer le vrai. »Permettez-moi, Madame , ( fans me »comparer ä Defeartes , ) de de*dier de mime »la Henriade ä votre Majefti , non-feulement »parce qu'elle protege les Sciences & les Arts, »mais encore parce qu'eile en eft un excellent »Juge. »Je Alis avec ce profond refpeft qui eft dü »a la plus grande vertu & au plus haut »rang, &c. &c. La Reine d'Angletefre accuciliit favorable-ment cette Dedicace , & le feoi m'envoya deux mille exus & protegea l'Ameur &. I'Ouvrage, L'un & 1'autre etoient alors perfecutes ä Paris, On ne fcauroit croire a quel point Tenvie de* Auteurs fe fignala. On ecrivit cent Brochures calomnieufes contre moi \ on joua la tienriadt Air le Theatre qu'on nomme de la Come^die Italienne , & fur celui de la Foire. Mais toute cette cabale & cet acharnement ne purent empecher le fucces de la Henriade ; on en fit plus de vingt "Editions , plufieurs Chants en / furent traduits en vers Italiens par le Marquis Maffei, par Monfieur Ortoläni &. par Monfieur Menei ; il ftit traduit enticement en vers An-glois par Monfieur Lehman , & en vers Alle-mands par Madame Godfiheit & par d'autres ; en vers Holiandois par Monfieur Faitema. La Lettre de Monfieur Cofchi, celebre Ledeur de Pife, prouve le cas que les Italiens font de cet Ouvrage. Vous avez la traduction de cette Digitized by i4 M. de Voltaire Letrre, faite par un Chambcllan du Roi de Suede, qui &oit alors envoys de Holftein a Paris. En 1736. le Roi de Prufle , alors Prince Royal, fit commencer a Londres une Edition graved de la Uenriade , avec des vignettes a chaque page ; il honora m£me cette entreprile d'une Preface qu'il daigna compofer lui-meme, & cet honneur (i rare tut le plus beau dldom-magement de tout ce qu'eut a fouffrir dans fa Patrie. L'avenement du Prince de Prufle au Throne & les guerre* qu'il eut a foutenir, empecherent Texecution d*un projet fi honorable aux Arts; mais qui exigeoit tres-grandes dlpenfes. Dans le court fe'jour queje fis en Angleterre, j'appris aflez d'Anglois pour ecrire en cette Langue. On imprima en effet a Londres, un JEflai fur la Poefie Epique en Anglois, & il y en a cinq Editions. I/Abbe* Des-Fontaines tra-lluifit cet Ouvrage en Francois & le fit im-primer a Paris chez Chauhert; mais cet Auteur fcachant mediocrement TAnglois, fit plufieurs fames confiderables dans cette traduction , Sc je fus oblige d'en donner une \7erfion nouvclle moi-meme ; c'eft celle qu'on imprima a la fin du Poeme. J'y ai depuis change beaucoup de chofes , & c'eft prefque un Ouvrage nouveau aujourd'hui. Digitized by peint par lui-mSme, ' *7 Tifilrilf ilfitr ifritr ilntr ifritr "it tIt itfTÍr lífUriiír i #r% TTT TTT 7T\ wf% wfX TrT TTT TTT wT» TTT Iff TTT TTT TTT *tX LETTRE VII. . (Bdipe ; fortie de la Bajlille, J'Avois fait la Tragedie ďúEdipe avantque d'etre renfermé a la Baftille. Je compofai cette Piece á Táge de dix-neuf ans, elie fut jouée en 1718. quaránte-cinq fois de fuite. Ce fut le Sieur Dufréne , célébre A&eur de mon áge , qui joua le role ďÚEdipe , Mademoifelle -Vesmarés, třés-grande A&rice, joua celui de Jocafte , gc quitta le theatre quelque tems aprés. On a prétendu que je devois ma liberté á cette Tragédie*. Voici ce que je lis dans une de ces Brochures dont nous fommes inpndés. » Moníieur de Voltaire étoit á la Baftille, lorf-» qu'on repréfentoit fa Tragédie ďúEdipe, Mon-»fíeur le Due d'Orleans Regent , par ordre wduquel il y étoit, s'etant trouvé á une des »réprefentations de .cette Piece, en fut fi char-»me , quMl rendit la liberté au prifonnier. »Moníieur de Voltaire vint fur le champ cn re-»mercier le Prince qui lui dit: Soyef (age & mfaurai foin de vous. Je vous fuis infiniment »oblige , répondit Moníieur de Voltaire i mail »je fupplie Votre Altejfe de ne plus fe charger »de mon loge ment ni de ma nourriture, » Rien n'eft plus faux , du moins par rapport á (Edipe, Ma liberto ne fut point une grace ; je ne la dus qiťá ma juftification ( a ); celui qui avoit caufé mon malheur , íigna lui-méme les larmes aux yeux, le défaveu de fa calomnie [a)Ceft-adirea mes Parens &aleurs Prote&eurs, »3 Digitized by 18 M. de Voltaire en préfence de deux perfonnes de coníidération qui fígnerent aprěs lui. Monfieur le Marqoii de la V * * * eut la bonté de faire voir ce certi-ficat á Monfeigneur le Regent , qui reconnut combien j'etois innocent, §c qui m'honora de fes bienfaits. Ne croyez pas que je le compte parmi les preuves de mon innocence , cette bonté pourroit n'etre qu'une marque de fa clémence ; il étok au nombre des Princes, qui par des bienfaits« fc,avent lier á leur devoir ceux méme qui s'en font écartés. Une preuve plus sure de mon in-» nocence , c'eft qu'il daigna dire que je n'etoift point coupable. Si dEdipe ne fut pas utile á ma Uberte * U ne* le fut pas davantage á mon repos. Vousfcavez que j'ofai traiter ce fujet, il y a quarante-fept ans. Tai encore la Lettre de Monfieur Daeier ± ä qui je montrai le troifieme Ada imité de Sophocle. II m'exhorte dans cette Lettre dfe 1^14^ á introduire les Choeurs, feí á ne point parkier ďamour dans un fujet oil cette paffiotl eft Ii impertinente. Cétoitme confeillerdem* promener dans les rues de Paris avec la robe 4e Platon. J'eus bien de la peine féulementá obtenir xjue les Comédiens de Paris voultiflfent exécuter les Ghoeurs qui paroiffem troiš ou quatre fois dans la Piece * j'en eus bien dsttäfr-tage á faire rtcevoirune Tragédie prefque fórfs amour. Les Comediennes fe mocquerent ée moi quand elles virent qu*il n'y avoit poiiit de role pour i'Amoureufe. Oň trouvá la Stene cfe de la double confidence entre tout-á-fait Infijridé. J'etois extršmtmem jěune, je eřús qu'Us avoient raifon. Je gatai ma Piece pour leur plaire, en affadiíTant par des femimens de tendrefle ujdi Digitized by peint pár luťmčme. jp fujet qui le ccfmporte fí peu.Le řroid reflbuvenir des ancienne* amours de Phihctete 6c de J&cajtt% me paroh iníiiportable. II y a ďailleurs d'autres défauts 6c fur-tout trop de declamation (b). Si vous me demanded pourquoi je n'ai pas corrigé ce que je condamne ,* je répondrai quMl y a fouvent dans un Ouvrage des défauts qu'on eft oblige de laifler malgré foi, & ďailleurs il y apeut-étre autant d'honneur á avouer fes fautes qďá les corriger. J*ajouterai encore que j'en ai 6té autant qtťil en řefte. Chaque řéprefentation de mon iEdipe étoit pour moi un examen fiévére , oú je řecueillois les řuf-frages 81 les cenfures du Public , 6c j'etudiois Ibn goůt pour former le mien. II faut que favoue que Monfeigneur le Prince de Conti eil^celui qui me fit les critiques les plus judi* cieufes 6c les plus fines. ( b ) Si M. de V. vouhit ttre auffi Jincere fur fes autrts Outrages , quels Eloges ne mérU teroiťil point! & que de Critiques one an tis / lis rentreroient dans leur état naturel , c*efi-h-dirť% dans le néant , dis que Mr. de V. feroit leur office. Digitized by Google to' M, de Voltaire LETTRE VIII. Mariamne; querelies avecRouJJeau, LA Mariamne fut jou^e en 1724. pour la premiere fois. Baron qu'on a furnomme V(Efipus des Francois, joua lc role tfHerode ; mais il e'toit trop vieux pour foutenir ce cä-raftere violent. Adrienne le Couvreur , la meil-leure Comediene qui ait jamais 6t6 , repre'-fenta Mariamne. Je faifois mourir cette Prin-cefle par le poifon , que je lui donnois fur le theatre. Cetoit vers le terns des Rois que la Piece fut joue'e ; un Petit-Maitre dans le Parterre , voyant donner la coupe empoifonne'e ä Mariamne s'avifa de crier , la Reine boit, Tous les Francois fe mirent ä rire , &. la Pidce ne fut point acheve'e. On la redonna Tannee fuivante. On fit mourir Marictmrte d'un autre genre de mort: la Pie'ce eut quarame Rf presentations. Le Sr. Roußeau , qui commencoit ä Stre un peu jaloux de l'Auteur, fit alors une' Mariamne , d'apres l'atcienne Pie'ce de Triftan , il l'envoya aux ComCdiens qui n*ont jamais pü la jouer , & au Libraire Didot, qui n'a jamais pü la vendre. Ce fut-la Torigine de la longue querelle que j*ai eu avec lui. II m'avoit loue jufqu'alors, maisril changea de ton. Note fur la Lettre price" dente. Cela eft vrai, voilä ce que je trouve dans une Lettre deRoufleau, dauee de 17x2. au fujet Digitized by peirtt par lui-mtme. XI de Mr. de Voltaire qu'on nommoit aufli Aroueu »J'ai recu une fort jolie Lettre du jeune Mr. »Arouet, accompagnee d'une Ode dans laquelle »il y a beaueoup d'efprit. Je vous prie de lui »t^moigner Teftime que je fais de fa perfonne »&c de fon meVite. » Dans une autre de 171$. » Vous me ferez plaifir de m'envoyer les Vers u de Mr. Arouet. C'eft un jeune homme qui a »bien de Tefprit, 8c il en peut faire un bon »ufage , s'il veut fuivre les avis que je lui ai » donnes, toutes les fois qu'il me les a deman-»des. » Dans une de 1719. » Mr. Arouet m*a »envoye fon (Edipe avec une fort belle Lettre ; »je ne fuis point furpris du grand fucces de »cette Piece, eile le merite allurement, 8c il »s'en faut bien peu que je n'aie atteint toute la »perfection dont fon fujet etoit capable.» Enfin dans une autrede 1722. on trouve ce* paroles remarquables. » Monfieur de Voltaire a »paffe* onze jours ä Bruxelles; il a eu la böntd-»de me confier fon Poeme pendant cinq oufix »jours. Je puis vous aflurer que cela lui fera »un tres-grand honneur. Notre Nation avoir »befom d'un Ouvrage comme celui-lä. L'ceco-»nomie en eft admirable, 8c les Vers parfai-»tement beaux ; ä quelques endroits pres t »für lefquels il eft entre dans ma peniee. Je n'y »airien trouve qui puiffe £tre critique raifon-» nablement. » Je trouve encore dans une Lettre que Roußeau ecrivit en 1719. ä Mr. de Voltaire lui-meme. » II y a long-terns que je vous re-»garde comme un homme deftine ä faire un »jour la gloire de fon fie'cle.» Et quelques Pages apres. » J'exige de vous une amitie audi »finceVe 8c aufli tendre que la mienne. » Mais voye\ VAvertiJJement qui fe trouve apres la lettre XL, Digitized by M. it Voitein, XXKXXXXXXXXXXXXXXXXXXX LETTRE IX. VOus avez déji vu , mon cher ami, que j'etois en Angleterre en 1727. J'y paflai -deux années dans une etude continuelle de ia langue &: des chef-d'ceuvres des Anglois. C'eft-lá que naquit la Tragédie de Brutus. Vous vous fouvenez que lorfque j'etois retire á Wandsworth, chez mon ami Monfíeur Faukener, ce digne 8c vertueux citoyen , je m'occapai chez lui á écrire eta proíe Angloife le premier Afte de cette Piece , á peu pres tel qu'il eft aujouřd*hui en vers Francois* Je vous en parloiš quelquefois, Stnous nous étonnions , qu'aucun Anglois n'eut tfaité ce fujet, qui de tous eft peut^etre le plus convenable á votre Theatre. Vous m*encoura-giez á conttnuer un Quvrage fufceptible de ft grands fentimens. Mais á mon ret our en France, jc me trouvai embarraffé , lorfque je vouluS compofer une Tragédie Francoifé. Je nťétois ^>refque accoúrumé á penfer en Anglois : je íěntois que les termes de ma langue ne ve-noient plus fe prefenter á mon imagination avec la méme abondance qu'auparavant; c'etoit comme un ruiíTeau dont la íburce avoit été détournée. Eňfin j'achevai Brutus. Cette Tragédie fut jouée pour la premiere fois en 1730. C*eft de routes mes Pieces qui cut en France le moins de fuccés aux Repré-féntations; elle ne fut jouée que feize fois, SC iE TT RE X. Lettre* PhfafiphfflW-k Qt#**tt* a*W Ar* J'ßcRivis ces Lettre* lorfljue. i'e'toiä et ^ngjeterre- en 17*7» Elles, coururem hong-tems manufcrites. Mojifieur Lobpi^n les traduiftt en Änglois , St eJles furem d'abord imprimeet en cette langue. On fit enfaite. de cette trat du&ion Anglqtfe une tradu&ion Francx>ue \ . ainfi de traduction en traduction, 1'Qurragft fut infiniment altered On y ajouta beaucoup de-cjhojfcsqui a'eiQknt pas de moi, Enfinj'enfts une Edition avec le Sr. Jore , Libraire de Roueji en 1730. Un des hommes les plus refpedables du Royaume , fcavanr en TMologie comme dans les Belles-Lettres, m'avoit dit en preTence de dix perfonnes, chez Madame de Fontai*e-Martel, qu'en changeant feulement vingt lignei dans rOuvrage , il mettroit Ton Approbation: au bas. Sur cette confiance , je lui fis achevec FIJdition. Six mois apres , j'appris qu'il fefor-moit un parti pour me perdre, & que d'aüleur* Dir. Ie Garde des Sceaux.ne vouloit pas quer rOuvrage parut. Je fis enfevelir cette Edition * niais mon raalheureux Livre n'en vit pas moin* le jour. Tore m'avoit donne* deux Exemplaires dontf Tun fut prete ä Madame de ***,.& l'autre; tout d^coufu fut donndä F* * , Libraire , qui< fe chargea de le faire relier pour Monfieur * * *,.% ( a. qui il dejoit etre confie pour quelques jours«, F* * , par la plus lache des peituijes , copia< k Livre touteJa^uit-.r avep *~,. j^JUtoakfe Digitized by Google 14 M. de Voltaire de Paris, Sc tous deux le firent imprimer fe-cretement. Iis attendirent que je fuffe ä la Campagne , ä foixante lieuös de Paris, pour mettre au jour leur larcin. La premiere Edition qu'ils en firent ötoit prefque debitee , & je ne fcavois pas que le Livre parut. J'appris cette trifte nouvelle & l'indignation du Gouvernement qui rejaillit fur moi. Cette malheureufe Edition fut encore la fource i'iune queretle entre moi & Tlmprimeun On le porta a m'intenter un Proces, & on compofa fous fon nom un Factum odieux , qui fut con-damni Sc fuprime' juridiquement. Jore reconnut fon tort &. le repara. II m'öcrivit une Lettre pour me tdmoigner fon regret du mal que d'au-tres avoient fait , en fe iervant de fon nom. La voict MO N S 1 E ü R 9 »Je vous fupplie d'excufer le mauvais e*tat i> de ma fortune St la fauftra&ion de tous mes » Papiers, qui m'a empeche' jufqu'ici de recon-»noitre le mauvais proce'de' de ceux qui ont »abufö de mon malheur , pour me forcer, en » me trompant, ä vous faire un Proces injufte, »& ä laiüer imprimer ün Factum odieux. Je v les deTavoue tous deux entierement. La malice » de votre ennemi n'a fcrvi qu*ä me faire encore » mieux reconnoitre la bonte* de votre caraäere. »Ayez celle de me pardonner cPavoir ecoute de »fi mauvais confeils. Je vous jure que je m'en »fuis repenti, au moment meme que j'avOis le »malheur de laiffer agir fi indignement contre »vous. J'ai bien reconnu combien on m'avoit »trompe\ Vous n'ignorez pas la me*chancete" de » extreme que j'ai eu , par ratachement conf-»tant que je veux vous vouer toute ma vie , »comme a mon ancien bienfaiteur. Je vous » prie,Monsieur, jie me rendre votre bien-wveillance, & de croire que mon cceur n'a »jamais eu de part a la malice de -vos enne->> mis. Oui, c'elt mon feul cceur qui m'engage »a vous le dire ; Sc j'ai Thonneur d'etre avec »un tres-profond refpeft , Monsieur, »Votre tres-humble 6c tres-obe'iffant Serviteur. A Paris, ce 30. D&cembre 1738. Note fur la Lettre prictdente. Francois Jore , Imprimeur Libraire de Rouen , logea chez lui M. de V. pendant un fejour de fept mois qu'il y fit en 1731. ddguife' en Seigneur Anglois. Apres avoir palfe quelque terns a la ville, il alia retablir fa "fame alacampagne , ou ilvecutcommedans Taged'or, d'herbes, d'ceuf frais & de laitage. Milord V*** reconnoiflant envers fon h6te , partit pour Paris, en payant fur le pied de dix fols par jour, un valet arrets a vingt, en donnant vingt-quatre fols a la fervante & fix livres a la jardiniaire , qui lui fourniffoit ces alimens champStres. Des qu'il fut arrive a la Capitale , il e'crivit a Jore de venir le trouver pour une aftairc importante; le Libraire obeit & fe rendit chez Madame de Fontaine-Martel, oh. il avoit dtabli fon domicile jufqu'aJa mort de cette Dame , apres laquelle il prit la maifon du Sieur des h Partie. C Digitized by i6 M. de Voltaire Moulins, M-archaad de bled & fon Adocie* dan* ce commerce. - : La grande affaire dont il s'agiffbit , etoit IMrnpreflion des Lettres Philofiphtques , pouf lefquelles 11 difoit avoir un permiflion verbale« Ce Livre faifant un bruit fcandaleux , M. de V. trouva tin expedient admirable pour fe titer d'afiaire. 3ore etoit en Proces avec Ferrand, Imprimeur de Rouen , qui avoit contrefart un Livre , dont fon Confrere avoit le privilege. M. de V. confeilla ä lore de faire donner fous main, le manufcritde fon Onvrage ä Ferrand ne manquera, lui drt-il, de tomberdans lepie'ge, de rimprimer; VEdltion fera faifie ä propos, & Jes Supdrieurs inftruits que le Manufcrit m'a etö vole*, ne me rendront pas refponfable des Editions qui pourroht paroitre. Par ce moyen j'aurai la liberte de pubiier la mfenne ians obftacle, & nous ferons l*un,& l'autre ä Tabri. y Cependant Un Exemplaire de I'Edition de Jorc prate' ä M. de V. fervit ä une contrefaöion , &c toute PEdition du Libraire de Rouen ayarit e'te furprife , il fut deftitue" de fa Maitrhe par ■tin Arret du Confeil au mois de Septembre 1734. Re^duit ä la mifdre,, il demanda ä M. de V. le pavement de Tlmpreffion de fon Livre. Ce Poete, pour fe metrre ä Couvert de toutes pour-fuites , avoit ecrit deux Lettres au Magiftrat, dans lefquelles il actufoit lore d'avoir mis au jour fon Edition, malgre' l'ofi're qu'il lui en avoit faite d'erf payer le prix. 11 rectit ce Libraire aflez mal; enfin apres plufieurs negociations , il propofa de couper la dette' par la moitld, lore ne pouvant rien ebtenir davänrage , le fit afligner. L'illuftre Poete s'ävanca jußm'ä cent piftoles , oh lui en demandoit cent ^uarente. Ces öftres n'etant Digitized by Google peint par luUmime. - i7 receptees , il oppofa ä Jore une fin de con recevoir. Ce fut alors que cet Imprimeur pu-blia le^ fameux Memoire , oü il devoile fes manoeuvres touchant la vente de fes Ouvra«* ges , qu'il fait imprimer ä fes fraix. Apres en avoir dejtaille par lui-mcme une partie , il vend , dit - il , ä un Libraire le furplus de rEdition qui tombe tout de fuite par une Houveile. Le Memoire de Jore montroit M. de V. fous des couleurs trop odieufes , pour qu'ilne cher-ehat ä le faire fupprimer ; il obtint en effct une fuppreflion i mais ce fut apres s'etre arrange avec le Libraire , qui feduit par les efperances iju*on lui donnoit, promit d'ecrire une Lettre , pour reparer le tort qu'il avoir eu de lui declarer un proces injufle. M. de V. fit iui-meme le module de la Lettre ; & c'eft celle qu'on a vu cirdevant. Mais cette Lettre , remade imaginai-re ä des maux tres-reels , ne detruiüt en au-cune facon rimpreflion , que les Faits ava.nces dans le Me* moire de /ore, au fujet du commerce de M. de V. en Manufcrits, avoientfait fur le Public. 3fl(X)CXXXÄXXXX)O()fl(K)fl(XXX3O0fl< LETTRE XL Zaire. ~ CEtte Pi£ce fut reprefentde le 13. Aout 1732. Plufieurs Dames m'avoient reprocM qu'il n'y avoit pas aflez d'amour dans mes Tragedies. Je leur rdpondis que je ne croyois pasvque ce fut la veritable place de Tamour; majt* puuqu'il falloit abfokunemvdes He*os ' C z Digitized by Google »8 M. de Voltaire amoureux , il en fcroit tout comme un autre. La Piece fut achevée en 18. jours. Elle eut un grand fucces. On l'appelle á Paris, Tragédie Chrétienae , & on Fa jouée fort fouvent á la place de Polyeucle. Zaire eft la premiere Piece de Theatre dans laquelle j'aye oťé m'abandonner á toute la fen-řibilité de mon cceur. C'eft la plus tendre des Tragedies que j'ai faites. Je croyois dans l'áge méme des pafíions les plus vives, que l'amour n'etoit point fait pour le Theatre Tragique. Je ne regardois cette foibleiTe , que comme un défaut charmant qui aviliiioit Tart des •Sophocles. Je cherchai du moins á couvrir cette paflion de. toute la bienféance poflible ; & pour l'en-noblir,- je crus devoir la mettre á cóté de ce tjue les hommes ont de plus refpectable. L'idee me vint de faire contrafter dans un méme tableau', ďun cótéThonneur, la naiflance , la patrie , la religion; & de l'autre , l'amour le plus tendre &t le plus malheureux; les mceurs des Mahometans & celles des. Chretiens $ la~ Cour d'un Soudan & celle d'un Roi de France,* & de faire paroitre pour la premiere fois , des* Francois fur la Scene Tragique. Je n'ai pris dans i'Hiiloire que l'epoque de la guerre de Saint Louis ; tout le refte eft entiérement d'in-vention. L'idee dc cette Piece étant fi neuve fee fi fertile , s'arrangea ďelle-méme& au lieu que le plan a'Eriphile (a) m'avoit beaucoup ' coůté, celui de Zaire fut fait en un feul jour ; St l'imaginatiOn échaufTée par Tintérét qui regnoit dans ce plan, acheva la Piece en vingt-deux jours^ / a ) Mauvaife Piece qui n'eut aucun fuccte. - Digitized by feint par lui-měme. 19 II entre peut - étre un peu de vanité dans cet .aveu : car ou eft l'Artifte fans amour propre ? mais je devois cette excufe au Public, des fautes & des negligences qu'on a trouvées dans ma Tragédie. %XXXtXXXX%XXtXXXtXtttt%XtXXttt LETTRE XII. A MONSIEUR ***. £e Temple du gout. . < VOvs a vez vu , & vous pouvez rendre té-moignage , comment cette bagatelle fut concué & executée. Cétoit une plaifanterie de Société : vous y avez eu part comme un autre ; chacun fourniflbit fes idées; & je n'ai guére eii d'autre fon&ion que celie de les mettre par écrit. Monficur de * * difoit que c'etoit doomage que Bayle eut enflé Ton Dictipnnaire de plus de ^ deux cens Articles de Miniftres &de Protefleurs Luthériensou Calviniftes y tpilen cherchant TArticle de Céfar , il n'avbit rencontre que celui de Jean Céfarius, Profefleur á Cologne. Vous m'afluriez tous que vous aviez été aflez en-nuyés en lifant THiftoire de 1* Academie Fran-coife, &c. &c. &c. Enfin , voilá ce qui nous amufa pendant plus de quinze jours. Les idées fe íuccedoient les unes aux autres ; on changeoit tous les foirs quelque chofe ; Sc cela a produit fept^ou huit Temples du goůt abfoTument différens. Un jour nous y mettions les Etrangers, le lendemain nous n'admettions que les Francis. Les Mafféi , l«s Popes , les Bononcini ont perdu C3 Digitized by $o M. de Voltaire á cela plus de cinquanre vers, qui ne font pas fort á regretter. Quoi qu'ii en foit, cette plaifanterie n'étoit point du tout faite pour étre publique. Une des plus mauvaifes & des plus infideles copies d'un des plus négligés broüillons de cette bagatelle , ayant couru dans le monde , a été imprimce ferns mon aveu; & celui qui ľa don-» née, quel qu'il foit, a trés-grand tort. Peut-étre fait-on plus mal encore de donner cette nouvelle Edition : il ne faut jamais prendre le Public pour le confident de fes amufe-mens ; mais la fottife eft faite , & c*eft un de ces cas oil ľoa ne peut faire que des faütes, Ste. &c. »fr fr ^»fr fr fr «'frfr -fr fr«fr«frfr fr fr LETT R E XI I L Epitre fur la calomnie. Son Portrait, CE#te Epitre eft de ľan 1734. je ľadreíľai á Madame la Marquüe du Chatelet ä laquelle j'avois dédié deux années auparavant ľOde fur le Fanatifme. Elle fit beaueoupde bruit; & les amis de Rouffeau en firent une Edition , dans laquelle on gliíľale nom de Crofat (a). Je ne ' connoífibis & n'avois jamais vu ni Mr. Crofat ľainé ni Monfieur íbn fŕere ; mais on vouloit me faire un ennemi de plus. On publia vers le méme tems mon Portrait y qtie vous- a vez vu depuis á la fin de Y Orach des nouveaux Philofophes.il n'eft pas je croiS- (a ) $ont-ce les Ennemi s de M. de V. qui ontgliffé tant de, noms, illußres dans fis Outrages imprimés a G$wv$J Digitized peint p at tut-mime. í* rcflembrant. J'ai beaucoup plus de defauts qu'on ne m'en reproche dans cet Ouvrage , & je n'ai pas les talent qu'on m'y attribue ; mals jefuis bien certain que je ne merite point les re-procbes d'infenfibilite & d'avarice que Ton me fait. Mon amitie pour vous me juftifie de Tun , fit mon bien pfodigue a mes amis me met a couvert de Tautre. Quiconque eft tant foit pen homme public eft sur d'etre calomnie; c'eft un privilege dont je jouis depuis long - terns. On m'a dit que quelque bonne ame avoit fait un Portrait un peu moins mechant ; mais qu'oa s'eft bien donne de garde de le laifler imprimeiv On araifon , les critiques empechent les gens de broncher , & on fe gate pax les louanges. jWf f^n *T» fn *Jp "J" t**!" TpT. TTTTTTTT T T J Z ' %F coup de foin. Le contrafte des meeurs Eu-ropéennes S* des mceurs Americaines regnoii ďans toute la Piece. Mais j'avois peur d'y avoir mis plus de travail que du genie. Je craignois la haine opin#tre de mes ennemis, & je me tenois loin de toute efpěce de Theatre , lorf-^que j'appris qu'une perfonne injfrruite du fujet de ma Tragédie en avoit parlé á Mr. le-Frane. qui fe hátoit de bátir fur mon fonds (a) &c ( u ) C eft: une pure fable , & les allarmer de M. de V. étQient déplacées. C eft pourtant cette-chimére qui a donné naiffance r 25. ans apres h tautes Us gentilleffes dont le fage Philofophe dtt JDéikes a iuotidé Pafis.cs&re Mr. L» Digitized by Google §1 AÍ. «fe Voltaire de fairc joucr fa Piece. Je fus oblige ďécrire cette Lettre aux Comédiens qu'il táchoit de gagner. Je crois devoir la remettre fous vos yeux ,* elle porte fon explication avec elle: »Je ne fcai , Messieurs, íi vous avez UY u une Tragédie que j'avois compofée il y a deux » ans, & dont je lus méme chez moi les pre-»mieres Scenes áMonfieur Vu.Frefne. Je n'au-wrois jamais ofé la préfenter au Theatre. La » fingularité du fujet, la defiance oú je dois tou* »jours étre fur mes foibles Ouvrages, 8c le nom-»bre de mes ennemis, nťavoient fait prendre »le parti de ne la jamais expofer au Public. »J*ai appris que Mr. L. F. s'etant faitrendre ucompte , il y a ua an , du fujet de ma Piece, »en a depuis compofé une á peu pres fur le wméme plan, Sc qu'il s'eft háté de vous la • »lire. Vous fentez bien, Messieurs, que »tout le mérite de ce fujet co^nfifte dans la apeinture des mceurs Americaines , oppofée wauportrait des mceurs Européennes. Du moins »c'eft-lá mon feuLOuvrage. Je ne doute pas » que M. L. F. qui a au-deffus de moi les talens » de Tefprit &c l'imagination que donne la jeu-»neflé , n*ait embelli fon Ouvrage par des » reiTources qui m'ont manqué. Mais il arriveroit »que fi fa Piece étoit jouée la premiere , la amienne ne paroitroit plus qu'une copie. de la »fienne ; au lieu que fi fa Tragédie n'eft jouée »qu'aprés, elle fe foutiendra toujours par fes típropres beautés. Je n'aurois jamais travaillé jofur un plan choifi par M.L, F. La coníidé-»ration 6c Teftime que j'ai pour lui m'en au-^íroient empéché , autant que la crainte de »me trouver fon rival. t »11 s'ell difpenfé ďun égard que j'aurois eu. »Au retfe; Me§si£vks, foyez pervades que Digitized by Google peint par lui-méme. J$% » Ci je crains de paífer aprěs lui, c'ert uniquew »ment parce que ma Piece ne foutiendroit »pas la comparaifon de la fienne. Votre in-»térét s'accorde en cela avec le plaifir du Pu-»blic, qui applaudiťa toujours á M. L. F. en »queique terns que fon Ouvrage paroiíTe , &c »la juífrce exige .que celui qui a inventé le wfujet paíTe avanr celui qui Ta embelli. Je n'au-wraique la preference dangercufe & paflagére, » d'etre expofé le premier á la cenlure du Public. » J'ai l'honneur d'etre avecl'eftime que j'ai pour a.ceux qui cultivent les Beaux Au$tSc avec la-»reconnohTance que je dois á ceux qui ont íi »fouvent orné mes foibles productions, & fait »pardonner mes fautes. » Votre , &c. Sec. Sic* J'obtins des Comédiens ce que je demandois ďeux. Ma Piece fut jouée Sc applaudie. XJeOCXXÍCXXJfOeOOKXXXXXXXXXX LETTRE XV. Succés d%Ai\ire. A MONSIEUR***. LE fucces de mes Américains eíl ďautar.t plus flaneur pour moi, mon cherMoníieur, qu'il juítifie votre amitié pour ma perfonne Sc votre goůt pour mes Ouvrages. J'ofe vous dire qué les feiitimens vertueux qui font danscette Piece , font dans mon coeur; Sc e'eft ce qui fait que je compte beaucoup plus fur Tamitié ďune perfonne corame vous dont je fuis connu r que fur les funrages ďun Public toujours inconf-tant qui fe plait a élever des idoles pour les dé-truire, 8c qui depuls long-tems paflě la moitié Digitized by 54 M- Voltaire de Tannee k me louer & l'autre k me calomnier. Je fouhaiterois que Indulgence avec laquelle cet Ouvrage vient d'etre recu , put encourager notre grand Muficien Rameau , a reprendre en moi quelque confiance &c a achever fon OpCa de Samfon fur le plan que je me fuis toujours propofe. J'avois trayaille uniquement pour lui : je ne m'etois ecarte de la route ordinaire dans le Poeme , que parce qu'il s'en eearte dans fa Mufique. J'ar cru qu'il etoit terns d'ouvrir une carridre nouvelle a l'Opfra. Comme fur la Scdne Tragique les beaut^s de Quinault St de Lully font devenues des lieux communs, ity aura peu de gens aflez hardis pour confeiller a Monfieur Rameau de faire de la Mufique pour un Opera dont les deux premiers Aftes font fans amour; mais il doit 6tre aflez hardi pourfe mettre au-deflirs du prejuge. II doit m'en croire & s'ea aroire lui-me1 me. II peut compter que le rdle de Samfon , joue* par Chajft f fera autant d'eflfet au moins que celui de Zamore , joue* par Du-Frefne : tachez de perfuader cela a cette tSte a doubles croches. Que fon inte'ret & fa gloire l'encouragent / qu'il me promette d'etre entie'-rement de concert avec moi ; fur-tout qu'il n*ufe pas fa Mufique en la faifant jouer de maifon en maifon. Qu'il orne de beautes nou-velles les morceaux que je lui ai faits. Je lui enverrai la Piece quand il le voudra. Monfieur de Fontenelle en fera l'Examinateur. Je me flatte que. Mr. le Prince de Carignan leprotegera, & qu'enfin ce fera de tous les Ouvrages de cc grand Muficien , celui qui , fans contredit, lui fera le plus d'honneur, A Cirey 9 Fivrier 1736* Digitized by peint par lui-mtme. 35 LETTRE XVI. Co'rrefpondahce avec le Roi de Prujfe, J'A i recu une Lettre bien'fingulie're du Prince Royal de Prüfte. Je vous en enverrai une co-pie. 11 m'dcrit comme Ä//en dcrivoit ä Libaniusk c'eft un Prince Philofophe; c'eft un homme 8c par corifdquent une chofe blen rare. II n'a que vingt-quatre ans; j\ me'prife le Throne 8c les plaifirs, 8c n'aime que la fcience 8c la vertu« II m'inviteä le venir'trouver ; mais je lui mande qu'onne doit jamais quitter fes amis pour des \ Princes, 8c je refte ä Cirey. Si Greßet va a Berlin, apparemment qu'il aime moins fes amis que moi. jf'ai envoye ä notre ami Tiriot la rdpohfe de Libantus a Julien. 11 doit vous la communiques if. I' ■ ^ A Cirey ,le 10. Septembre 1736. LETTRE XVII. VEnfant pro digue. CEtte Pidce fut d'abord un fecret entre Monfieur tfAtgental, JVladlle. Quinauh Si moi. Je la compofai dans quinze joursmais 1 le fecret fut bientöt e>ente. Elle fut jouee le 10. Oäobre 1736. 8c eut environ trente Representations. Les Juges peu dclaires la mirent fur le Compte de diverfes perfönnes tres-eftime'es ; mais 19s gens de gbi&t penferent qu'elle dtoit de moi, quoiquele flile deteHenrinde 8c & Alf ire foit fi different de celui de cette Comedie qu'il ne permerguere d'y reconnoitre la mieme aiäin» Digitized by M. de Voltaire'* LETTRE XV III. Le Mondain. CE badinage fut compofe' en 1736, imme> diatemenc apres le fucces de la Tragödie üAliire. Ce fucces anima tellement mes en-nemis litte'raires, que TAbbö Des-Fontaines alia denoncer cetfe petite plaifanterie ä un Prßtre nommö C.....qui avoit du credit fur Tefprit du Cardinal de Fleury. Des-Fontaines falfifia l'Ouvrage , y mit des vers de fa fac,on comme il avoit fait ä la Henriade. L'Ouvrage futtraite' de fcandaleux ,v. &. TAuteur de la Henriade , de M&rope^. de Zaire, fut oblige' de s'enfuir de fa patrie. Le Roi de Prufle m'offrit alors le m£me azile qu'il me donna depuis mais j'aimai mieüx alors aller retrouver mes amis dans ma patrie , apres avoir fait qnelques fejours en Hollande. LETTR E XI X. De Madame la Marquife du Chatelet a Monjieur Berger {a), apres le depart de Mr. de Voltaire pour^ la Hollande. VOus donnez, M onsieur , des confeils ä Monfieur de Voltaire , dönt il n*a pas be-foin. II n'a jamais e'crit ni contre le Gouver- _• < a ) Ami de Monfieur de Voltaire. nement Digitized by print par liii-mime. yj nement ni contre la Religion. II refpede Tun %l yauire. Tous fes Ouvrages portent le cara&ere id'un bon Citoyen 8c d'un Chretien &lair£. Je ne citerai que la Henriade 8c Alpre qui de-voient fervir de te*moignages de fa facon de penfer, 8c de deTenfe contre lespetits Ouvrages qu'on lui attribue, ou qu'on envenime. Votrb amities s'eft eraportee trop loin. Vous auriei du obferver un peu davantage que de donner de pareils confeUs a votre ami; c'eft ie Hippo-(er coupaWe 8c rifquer que les gens , qui peu* vent voir vos lettres, croient qu'il a mdrite' les injuftices qu'il cfluye. II attendoit d'une ami tie; fage 8c e*clairee comme la v6tre, que, bien-loin de lui reprocher un badinage innocent, que fes ennemis ont apparemment faKifie*, vous vous eleveriez avec force 8c avec courage con* tre la baffe jaloufie-' 8c la fiiperftition de ceux qui ofent le condamner. II n'en fent pas moms* vivement l'inte>6t que vous prenez a ce qui le regarde. Vous croyez bien qu'il eft a prefcnt a l'abri d'eire accable' par la perfection. En quelque lieu du monde qu'il foit oblige de sU vre, je fuis sure que vous n'oublierez jamais Tamitie' 8c la confide'ration que vous ave'z pour lui , 8c que ces deux fentimens regle|-ront toujours vos demarches fur ce qui le regarde. II vous aime 8c vous eftime vdrita-blement. II faut efpeVer qu'un joup on rendra plus de juftice dans fon pays a un homme qui $n fait la gloire , ainfi que csHle de rhumanit& l Partie. U Digitized by Google j8 AT. de Voltaire LETTRE XX. Siemens de la Philefophie de Newton, d Cirtyle 14* Mai 175$, IL y a long- terns que je ne m'oceupe tin!* queraent que de Phyfiquc. Je ne comptois pas que Its Element tie Newton (a) parufleat H-tdt. Je ne les ai point encore; mais ce que je peux dire , e'eft qu'tl n'y a point d'exemple d'une audace 8c d'une impertinence pareille , de la part des Libraires de Hollande. J0& n'out pas attendu la fin de raon Manufcrit. Bs ofent donner le livre imparfait', non corrige', fans table, fans errata. Les quatfe derniers Chapi-tres manquent abfolument. Je ne concerts pas comment Us en peuvent vendre deux Exem-plaires. Leur precipitation merireroit qu'ils fu£ feat mine's. lis fe font emprefles , graces i YAuri facra Fames , de vendre le Lfrre ; 8c le Public curieux 8c ignorant» l'achette comme on'va. en foule & une Piece nonvelle. L'Aftiche ^e ces Libraires eft digue de leur fottife. Leur Titre n'eft. point aflurement celui que je defti-nois a: cet Ouvragc ; ce n'etoit pas m£me ainfi qu'etoit ce Titre dans les premieres feiiilles imprime'es que j'fl eucs 8c que j'ai envoyees a (a ) Cette Edition fe faifoitdu confentement de Mr, de V. qui avott rivu une partie des Plan-ches & des Epreuves ; mais quand un Livre eft mauvais, il eft bon d1 en faire retomber la fottife fur Vlmpjimeur. Digitized by fi peint par lui-mime. z$ Monueur 1c ChancelKer. II y avoit fimplement? Element de la Philofiphie de Newton. H faut £tre un vcndcur d'Orvietan , pour y ajouter -a la portie de tout le monde, & un imbecille pour penfcr que la Philofophie de Newton puifle etre a la portie de tout le monde. Je crois que quiconque aura fait des dtudes paflables & aura, exerce fon efprit a rdfle*chir , comprendra ai-fe'ment mon Livre ; mais fi Ton ^imagine que cela peut fe lire entre l*Ope*ra & le fouper » comme un Conte de la Fontaine , on le trompe afez lourdement. Ceft un Livre qu'il faut em-dier. Quand Mr. Algarotti me lut fes Dialogues fur la lumiere , je tui donnail'^loge qu'ilm^-ritoit, d'avoir repandu infiniment d'efprit & de clarte rtu* cette belle partie de la Phyfique; mais alors il avoit peu approfbndi cette ma-tiere. L'efprlt & les agr^mens font bons pour des verites qu'on effleure. Les Dialogues des Mondes qui n'apprennent pas grand chofe & qui cFaillears font trop reraplis de la miferable hypo-tele des tourbillons font pourtant un LWre char-tnant, par cela meme que le Livre eft d*unc Phyfique peu recherch^e & que rien n'y eft traite' a fonds; mais fi Mr. Atgarotti eft entre" f depuis notre derniere entrevuS a Cirey , dans un plus grand examen des principes Newton, fon Titre Per le Dame ne convient point du, tout, & fa Marquife imaginaire devient aflez de'place'e. Ceft ce que je lui ai dit , 8* voila, pourquoi j'ai commence* par ce trait qu*on me reproche x en parlant a une Philofophe plus reelle. Je n'ai eu aucune intention de choquer rAuteur des Mondes t que j'eftime comme un des hommes qui font le plus d'honneur a ce monde-ci. Ceft ce que je declare publiquemeni dans les Me'moires envoys a tousles Joumaux. D i Digitized by Google 40 M. de Voltaire NOTE mu ßtjet de la Lettre precedent* title des Mimoires fur Monßeur de Fontčnelle par Monßeur ľ Abbé Troubled ' Comme je travaillois au Journal de Scavatís lorfque Monfieur de Voltaire publia pour la premiere fois les Elemens de Newton , il me fit remettre un Memoire fur ľEdition Hollandoife de ce Li vre , pour étre inféré dans le Journal. II y relevoit beaucoup de fautes de toute efpé<$ dans les premieres feüilles de cettre Edition , les feules qu'il eut encore vués; lorfqu'elles lui furent toutes parvenués, il me fit ľhonneu/ de m'écrire que ces fautes étoient enß grand nömbre & ß conßderables, que le Memoire qu'Ü nťavoit envoyé, devenoit entiérement inutile. Quelques jours aprés , il me dit dans une nour velle Lettre , que; depuis fa derniere , les Li-Iraires Hollandois lui avoient promis de corriger leur mißrable Edition , & qu'il devoit avoir-pour eux la condefcéndance de ne la point décrier. Le Memoire ne rut done pas imprimé ; mais lés Elemens, &c. ľayant été enfuite plus cor-reôement á Londres, feue Madame la Marquife du Chatelet m'envoya de Cirey , oil Monfieur de Voltaire étoit alors avec eile , une Lettre concernant une efpéce ďExtrait de ľOuvrage, pour étre inferée dans le Journal des Sfavans. Oh la trouvera en Septembre 1738. Cette Lettre & cet Extrait font de Madame du Chatelet môme. Elle ne m'en difoit ricn dans la Lettre particuliére qu'elle y joignit, mais je la devinai. Je le lui écrivis, St dans la réponfe dont eile m'honora , eile m'avoua que j'avois bien devine. Mr. de Voltaire avoit ajoúté ä fon Memoire Digitized by peint par lui-mtmc. 41 un Poß Scriptum affez dtendu fur Monfieur de Fentenelle. En» void l'occafion. Les Elemens, &c. dans l'Edilion Hollandoife &. dans plufieurs des fuivantes , commancoient par un Avant-propos qui a difparu depuis, oti l'Auxeur parlant ä Madame du Chatelet, lui difoit. - »Ce n'eft. point ici uneMarquife ni une Phi-»lofophie imaginaire. L'&ude folide que vous »avez faite de plufieurs houvettes ve'rites, fcc *>le fruit d'uh travail refpeäable , font ce »que j'offre au Public pour votre gloire, pour >>celle de votre fexe 8* pour l'utilite' de qui-»conque voudra cuhiver fa raifon & jouir fans »neine de vos recherches. II ne faut s'attendre »a trouver ici des agre'mens. Toutes les mains »ne ffcavent pas coiivrir de fleurs les opines des »Sciences y je dois me borner ä tacher de bien »concevoir quelquesv^ritös , Stales faire voir »avec ordre ßc clarte*. Ceferoit ävousäleurprS-»ter des ornemens.» Voicimaintenant r Addition que Monfieur de Voltaire fit ä fon Memoire. » On vient de m'avertir qu'on fait une appli-» cation audi mal fondle qu'injurieufe de ces »mots, par lefquels j'avois commence ces EJJais »für les Elemens de Newton : Ce n*eß point ici »une Marquife 9 ni une Philofophie imaginaire. »Jefuis fi eioigne" d'avoir euen vüe VAuteur »de la Pluraliti des Mondes , que je declare »ici publiquement que je regarde fon Livre »comme un des meilleurs qu'on ait jamais »faits , & l'Auteur comme un des plus efti-»mables qui aient jamais e*te*. Je ne fuis pas »accoütumeä trahir mes fentimens, d'ailleurs »je ne crois pas qu*il foit pofiible de penfer »äutrement. < »Lorfque j'eus l'honneur d'entendre ä Cirey »les Dialogues Italiens de Mr. Algarom', dans D3 Digitized by 41 M. de Voltaire ulefqucls fcs principaux fondemens de la PhU »Iofophie de Newton me parouToient e'tablis »avec beaucoup d'efprit, & ceux de Defiartes » minis avec force, je m'engagaide men c6t£ »a combattre en francois pour la meme caufe t. »quoiqu'avec des armes extremement inegales. »Je fuppliai la perfönae refpeäable chez qui »nous e'tions , de fouffiir que je mifle fon nom* »ä la tete des Elemens d'une Phüefophie » qu'elle enteod fi bien; & Mr. Algarotti neu» »dit que pour lui, puifque fon Ouvrage etoifc »un Dialogue fuppofe* & dans le gout de la »Plurality des Mondes , il le dedieroit ä Mr« »de Fontenelle. Je dis a Mr. Algarotti que fetoi* »tres-fache* de voir uae Marquife en fair dam »fon Ouvrage * & qu'U ne faUoit point mettre »un Etre Lmaginaire 41a tete des verites ft>-»lides. Voilä ce qui donna lieu ä ce commeu-»cement de mes Elemens > comme la Dame »iliuÄre & Mr. Algarotti peuvent en rendre tev »moignage. J'ajouterai ftufcment qtrü feroit »difficile de If avoir qui de nous trois eftime »plus YAuteur des Mondes , & etudie plus fou~ »vent fes extraitsde PAcademie; ce n'eft pat »mol qui en profile le plus : voilä tout ce que »je puis dire,* 8c jfai de quoi confondre touie » application maligne qu*on voudroit faire.» Dans la Lettre ou Mr. de Vohoire m'avoit dir que ion Memoire 6tok devenu kraule , U y avok par Peft Scriptum : * A l'lgard du petit »Article fur l'eftime iafinie que j*ai pour Mr. »de Fantejulk , 8c fur Implication qu*on fait »du commencement de moa Livre » c*eft c« »qui me tient le plus au coeur. » Enfin dans une Lettre que Mr. de Vohoiret m'e'crivit quelques jours apres ja prectfdeate > £ uouyai c9CQ.ce ce Peß Saiptuuu Digitized I Google / peint par hiUmim*. 4$. . »Je prie que ľ Article concexnaat VAuteu* »des Monda fubfiílc toy jours. 0 Ľ Article cut le fort du Memoire; U ne fuiv fjfta point, & ne fut point imprimé dans lc Journal des Sfavans. On fera fans doute curicux ďen í^avoir la raiíon , Mr. de Voltaire me permettra de la dire. Mr. ľ Abbé Eignen qui préíidoit alors au Journal » fe defiant ( a ) ua peu de la fincerité de ľ Article , crut que le Public s'en défieroit auffi, 6c en conclut qu*il ne pouvoit que faire tort á Mr. de Fentenell* & á Mr. de Voltaire méme. On voit bien que je ne penfois pas comme iui, puifque je fats, imprimer ce petit morceau. Je fcavoispourtant*, comme iui, que Mr. de Voltaire avoit fouveni plaifanté , taut de vive voix que par écrH « Air le compte de Mr* de Fontentlle. Je fgai* gu'iiľa fait encore depuis, & pcut-étxele fera-t-il encore. Maisun bon mot ne proure rien, pas méme ie íentimeút de celui qui le diu II fe jpréfente » on le lache 5 on va méme jufqu'á ľécrire, jufqu'á en£ür%une Epigramme* Cela ne prouve davantage. Le Francois f dit quelque part ľ Abbé Du-Bos^ ne méprífi peu* rwt ce dont U rit % fcc Mr* de Voltaire1 eil plus Francois qtťun autre. Enfin ü taut trop lui-méme & a trop ďégards , pour ne pas fentir tout ce que f aut Mr. de Fomtenelle. Les témoignages ďeílime qu'il a donnés k Mr. deFonteaelledoivent paroitre d*autant plus fincéres, qu'il y a mis de reftrictions. Je fcais qu'is en eá de malignes & d'pdieufes, qui ne * (* ) Cette defiance iteit piati*, ear Mr. d* Voltaire feifoit alergie Micromégas, eu M».d* feate&ette eßtris-jem mémgŕ* Digitized by i 44 M. de Voltaire reftreignent pas feulement, mais qui dctrrJl-jfent & an&ntifent , & d'un eloge font unc Satyre d*autant plus cruelle , qu'elle eft plus perfide. Mais il me femble qu'il n'en eft pas de mime de celle de Mr. de Voltaire, Et par example , voici ce que je trouve dans une Lettre qu'ii m'e'crivit a peu pres dans le meme terns. »Ce Pays fertile en Romans n*a produit »jufqu'i preTent qu*unePhilofophieromanefque. vDefcartts n'eft connu, n'eft nSv^re" que par fes »fautes. Sa GionUtrie St fa Dioptrique font prelr wqu'inconnues. Son nom feroit ignore s'il un'avoit fait que ces chef-d'ceuvrcs. Tout le wmonde s'entretient des Lettres du Chevalier i) d'Her.... & d'un Ruiffeau amant de la prairie ; »& dix qu douze pertonnes admirent le Livre »de Ylnfini en connoiflance de_ caufe. » En citant de pareils traits fur Monfieur de Fontenelle , je prouve que je fais fon Hiftoire atec autant de finclrite* que je crois que Mr. de Voltaire a fait fon %>ge. LETTRE X X I. A MONSIEUR DE MAUPERTUIS. Sur let Elimtns de Newton, A Cirey, le zz. Mai 1738. J'Apprends dans le moment qu'on reim-prime mon maudit Outrage ; je vais fur le champ me mettre a le corrriger ; il y a mille comre-fens dans rimpreffion; j'ai de^a comg£ Digitized by • pelnt par lui-mimt. 4$. les fautes de PEditeur fur la lumiere ; maU fi tous voulicz confacrcr deux hcures a mc cor-riger les miennes , 6c Air la lumiere 6t fur la pefanteur, vous me rendriez un fervice dont je ne perdrois jamais le fouvenh*. Je fuis Ci preAe* par le terns , que j*en ai la vue toute eblouie; le torrent de Pavidite' des Libraires m'entraine; je m'adrefle* a vous pour n'Stre point noye. La femmede l'Europe la plus digne* Sc la feule digne peut-etre de votre Society , joint fes prie'res aux miennes. On ne vous fupplie point de perdre beaucoup de terns ; Sc. d'ailleurS eft-ce le perdre que catexhifer Ton Difciple ? Ceft a vous a dire , quand vous n'au-rez pas inilrujt quelqu'un , Amici diem perdidi. Comptez que Cirey fera a jamais le tres-humble Serviteur de Kittis. Ma main ne vous a point ecrit, parce que je fuis dans mon lit; mais mon cceur vous dit que je vous aimeral toute ma vie , autant que je vous admirerai. •> Je crois que je viens de corriger aflez exac-tement les fautes touchant la lumie're : je tremble de vous importuner ; mais au nom tfe. Newton Sc tfEmilie, un petit mot fur la pefanteur 6c fur la fin de l'Ouvrage. XX)s(XXX)eOo(XXXX)fi(XX)c(XXXX^ LETTRE X XI L Le Fanatifme. JE compofai ceite Pie'ce en x736.6c deslors j'en envoyai une copie au Prince Royal de* puis Roi de PrufTe , qui cultivoit les Lettres avec des fucces furprenans, 6c qui en fait en-, core fori delaflement principal. Digitized by 4$ M. Je Vohaire * JTaHai patter quelques jours ä Lille en 1741« II y avoit la meilleure Troupe d'A&eurs qui alt jamaii ete en Province. Elle repreTenta cet Outrage d'une maniere qui fatisfit beaucoup une tres-nombreufe AfTembWe; le Gouverneur de la Province & 1'Intendant y aflifterent plufieurs fois. Je fus encore aflez heureux pour faire par-venir mon Manufcrit *ntre les mains d*un des premiers hommes de l'Europe & de FEgtifc , qui foutient le poids des affaires avec fermet£, & qui juge des Ouvrages d'efprit avec un goat tres-sftr. II trouva que la Piicc e'toit ^crite avec toute la circonfpeöion convenable. Mais des gens malintentionnes l'ayant ddnoncee par-tout comme un Ouvrage impie & fcandaleux , ce Minifte*re me canfeilla de la retirer , apres les premieres representations faites en AoAt 1742« Cette Ptece fut reprife en 1751. II y eut un prodigieux concours ; les cabales & les perforations clderent au cri public , d'autant plus qu*on commencoit ä fentirquelque honte tfavoir force' ä quitter fa Patrie , un homme qui tra-vailloit pour elle. Note fir la Lettre pricidente. Void ce que m'apprend Mr. Clement dans fes Nouvelles 'Litteraires Lettre 85. au fujet de la repr^fentation de Mahomet faite en 1751* Mr, de Voltaire a voulu nous reveiller par ion Mahomet , qui avoit jadis M anete* ä la quatrieme representation par les intrigues de la cabale; ce qui n'avoit pas empechO le Pape d'lcrire i 1-Auteur une Lettre fiatteufe au (biet de cette Piece. Le Pocte obtint la permiffion de la re-mettre au theatre $ & void 1*Annonce qui cou-rok les rues en> attendant* Digitized by Google peint par lui-mtme. 49 MESSIEURS ET DAMES, Vorn ires avtrtis que It Grand Mahomet qui avoit ttt hanni de France apris avoir iti expofi pendant trots joürs ß la rijh du Public, s'itant rendu k Rome pour y gagner le JubÜi , n ttbfous par Notre Tres-Saint Pert le Pape 5 en* forte qu'il eft rtvenu dans cette Capital*, oh U vpirern des nierveittes , que Vefprit peut-itre nt tomprendra pas ; mais qui ritn feront pas main* admirable* pour tous ceux qui, a Vtxemple dts vinlrahle Frere Nicaife ( a ) , les confidireront avcc les yeux de la Foi. La liflc ies miracles qu*il üoit faire ft trouvt chef la vture Denis (b ). Le Convulfionnaire ( c ) continuera pour lui fes txercices. Les Dames großes font fir-tout inviÜes a le venir voir, (a)MonfieurT***. (b)Niecedei*Auteur. ( O Le Kain. AVERTISS EMENT fur les Lett res futvantej d*Mn de Voltaire a Benoit XIV. & d* cv Pontifea Monfieur de Voltaire. II atoh de'ja pant une traduction (a) des difterentes Lettres que nous publions; mais ellfc cÄ trop trainante, crop inexade pour avoir faite de l'aveu de Mr. de Voltaire. J'ai eu l£ bonheur de rencontrer une verfion plus digne C <* ) JJans V id. des Muvres de Monfieur de Voltaire , Paris 1757. les Souvei aim Pontifes fe font toujours fignates , mais aucua n*a uni, comme Votre Saintete , la plus pro-fonde erudition avec tous les agremens de la belie litterature. Si le Francis qui a repris ayec 1} peu de jufleffe la fyllabe hk^ wok eu fon Virgih a'uffi preTent a la memoire que Votre Saintete', il auroit pu citer plus a propos un Vers ou ce mot eft a la fois href & long. Ce beau Vers me fembloit renfermer un prefage des graces dont votre bonte g^nereufe m'a comble. Le voici: Hie vir , hie eft tibi quern promitti fapius audis, Rome a du retentir de ce Vers a Texaltation de yotre Saintete'. C'eft avec Jes fentimens 4e de la plus profonde veneration & de la ply5 vive gratitude que je baife vos pieds (acre's. E 1 Digitized by Google 5* M. de Voltaire »JkyfcdfcASit,yäkMä^L'x'jae' M ^«*•^fc■»-ofr.oMi v?afe LETTRE XXIII. Samfon, JE compofai cet Oi^ra en 1732. & Monfieur Rameau , le plus grand Muficien de la France , le mit en mufique. On etoit pr£t de le jouer, lorfque la meme cabale qui fit fufpen-dre depuis les repreTentations de Mahomet ou du Fanatifme , emp6cha qu'on ne repreTentat l'OpeVa de Samfon ; & tandis qu'on permettoit que ce fujet parut fur le theatre de la Come-die Italienne l & que Samfon y fit des miracles conjointement avec Arlequin , on ne permit pas' que ce mßme fujet fut ennobli fur le theatre d^ TAcadömie de mufique. Le Muficien employa depuis prefque tous les airs de Samfon dans d'autres compofitions liriques que Tenvie n'a pu fupprimer. LETTRE XXIV. Au Sujet de Samfon, A MONSIEUR*** Se'cre'taire de Mgr. le Prince de Carignan. A Cirey............ i 736. VOus , Monfieur , qui etes le tres-digne Se'cre'taire d'un Prince qui veut bicn 6tre älä täte de nos plaifirs 8t qui avez par confe- i Digitized by Google peint par lui-mime. 5j quent le plus joli departement du monde ; fai-tez-moi, je vous prie , Tamme* de me mander quand il faudra lui envoyer les paroles de Samfon. Je n'ai fait cet Ouvrage par aucun autre motif, que par celui de coniribuer de fort loin a la gloire de Mr. Rametiu St de fervir a les salens , comme celui qui fournit la toile & le chevalet contribue a la gloire du Peintre. Mais quoique je ne joue qu*un role fort fubalterne dans cette afiaire , cependant je voudrois bien n'avoir aucune difficult^ a efluyer , Sc pouvoir compter perfonnellement fur la protection de Mr. le Prince de Carignan , foit pour la ma-ruere dont cet Opera fera execute , foit pour 1'examen des paroles. Je me flatte que vous vou-drezbien lui faire un peu ma cour 8c que ce fera a vous a qui j*aurai Pobligation de fes bontes. On mande ici £que ces LettresArigloifes faifoient* beaucoup plus de bruit qu'elles ne meYitent, que la plupart designorans qui par-lem haut dans les carle's devant des gens plus ignorans qu'eux , difoient que j'avois tort fur Newton , dont ilsne connoiflbient que le nom , que les Janfeniftes m'appelloient Mo-linifte , que les Devots difoient que je fuisun Athee , parce que je me fuis mocque des Quakers 6t que les indignes ennemis cju'un peu de reputation m'a attires, ne- parloient que de lettres de Cachet pourfe venger de ce que jnon Livre leur a peut-etre fait trop de plaifir 6c leur a appris quelque chofe. Vous pouvez compter que mon feul embarras eft de fcavoir pour qui de tous ces animaux raifonneurs' j'ai le plus grand mepris, mais je ne fuis point embarraue de vous dire que je fuis beaucoup plus touchy de votre amitte que de lews crlailleries. E 3 Digitized by 54 M. de Voltaire LETTRE XXV. Sur fon Talent pour les Opera. J'Ai faitune grande fottife de compofer un Opera; mais l'envie de travailler pour un homme comme Mr. Rameau m'avoit empörte. Je ne fongeois qu*á Ton génie & je ne m'aper-cevois pas que le mien \ fi tant eft que fen aie un ) n'eft point fait du tout pour le genre lirique; aufH je lul mandois , il y a quelque terns, que j'aurois plutót fait un Poéme épi-que que je n'aurois# rempli des canneva*. Ce n'eft pas allurement que je méprife ce genre d'Ouvrage. II n*y en a aucun de méprifable; mais c'eft un talent qui, je crois, me manque entiérement. Peut-étre qu'avec de la tranquillity ďefprit, des foins &x les confeils de mes amis 9 je pourrai enfin panrenir á faire quelqüe chofe de moins indigne des talens de, nptre Orphěe ; jnais je prévois qu'il faudra remettre Texécu-tion de cet Opera á l'hyver prochain. II n'et» vaudra que mieux & n'en fera que plus défiré du Public Notre grand Muíicien , qui a fans doute des ennemis en proportion de fon m£> rite, ne doit pas étre fache que íés rivau* pafíent avant lui. Lé Point n'eft pas d'etre joué bientót; mais de réuřlir. II vaut mieuz étre applaudi tard qi)ie d'etre íifflé de bónne heure. II ri*y a que le plamr de vous vek ■que* je ne puis differer plus long-terns. _J)igitized by Google peint par lui-mime. 5$ wW 7ff Tf% TT\ TTx fit Sfl m TFT/ 7f» TrT TfT TTt lf| TfT LETTRE XXVI. Swr Pandore. A Cirey , /« 16. iiw*/***i7$8# SI vous étes curieux d'avoir Pandore, ejle eft avec fa Boere chez l'Abbe Mouffmot qui doit vous la remettre. Ce fera á vous á faire que de cette Boéte , il n'en forte pás des fifflets ( a ). Zulime eft quelque chofe de fi commun au theatre , qu'il faut bien que Pandore foil quelque choíe de neuf. "Madame a'Aiguillon qui l'a lue , dit que c'eft un Opera á la Milton. Voyez de Rameau ou de Mondonville qui, vous voudrez choilir ou qui voudra s'en charger ; mais voyez auparavant , fi cela mérite qu'on s'en, charge, AVERT IS SEM EN T fur Its Lettres fuivan-tes , touchant les démélés de Mr. VAbbé Des-Fontaines avec Mr. de Voltaire* Les premiers* nuageš entre ces deux Auteurs s'eleverent á l'occafion d'une Tragédie fur la-quelle le Počte demand a fon fentimenfc au Critique , & que eelui-ci ne trouva pas tonne* , Une reflexion jufte , honnéte & polie fur la Tragédie de la Mm de Céfar, & un léger ba* ( a ) Pauvoit.il en firtir autre chafe 1 Mr* d$ Voltaire eft auffi propre a la Poifie lyrique r* muä ia Phikfapjhie fogs & tranmilk. « Digitized by M, de Voltaire dinage fur le temple du goüt algrirent encore plus Mr. de Voltaire. II s'en plaignit par une Lettre particuliére ä ľ Abbé Des-Fontaines lui-môme, qui lui donna lä-deflus toute la fatis-faöion qu*il pouvoit fouhaiter; il en fut content & ľécrivit ä ľ Abbé Des-Fortuities en 1735. dans les termes les plus affečhieux. Sa Lettre ä ce fujet eft imprimée dans le cinquiéme Volume des Obfervations. Cependant quinze jours apres la datte de cette Lettre de reconciliation & d*amitié , Mr. de Voltaire écrivit contre ť Abbé Des-Fontaines dans leMercure , & fit courir, dit-on,des Epigrammes contre lui. Enfin, il publia le Préfervatif ou Critique des Obfervations fur les Berits modernes ; cette Brochure finiflbit par une lettre oü ľon difoit que Mr. de Voltaire avoit tiré ľAbbé Des-Fontaines de Bicetre. II eft vrai que ce Critique célébre y fut mis en 1725. & que Mr. de Voltaire em-ploya pour lui fés amis $ mais le fouvenir de cette avanture depiaifoit au Critique. XX*XX#XXXXXXXXXXXXXXX* LETTRE XXVII. Sur ľAbbé Des-Fontaines. JE ne connois ľAbbé G. Des-Fontaines, que parce que Mr. Tiriot ľemmena chez moi en 1724. comme un homme qui avoit été ci-devant Jéfuite , & qui par conféquent étoit un homme ďétude. Je le recus avec amitié , comme je recois tous ceux qui cultivent les Lettres. Je fus étonné au bóut de quinze jours de ŕe-cevoir une lettre de lui, dattée de Bicetre , oü !i venoit d'etre renfermé. J'appris qu'il avoit Digitized by peint par lul-méme. $7 été mis trois mois auparavant au Cháteletpour le méme crime dont il étoit accufé , & qu'on Jui faifóit fon Proces 'dans les formes. J'etois alors aflez heureux pour avpir quelques amis trés-puiflants que la mort m'a enlevés. Je courií á Fontainebleau, tout malade que j'etois , me jetter á leurs pieds, je preflai, je follicitai de toiués parts; enfin j'obtins fon élargifiement, & la difcontinuation ďun Proces ou il Yagif-foit de la vie. Je lui fis avoir la permifíion ďaller á la Campagne chez Mr. ie Préfident B.....mon ami. II y alla avec Mr. T....... Scavez-vous ce qu'il y fit 1 un Libelle contre moi, il le montra méme á Mr. T.....qui 1'obli- gea de le jetter dans le feu; il me demanda pardon , en me difant que> le Libelle étoit fait un peu avant la date de Bicetre ; j'qus la foiblefle jde lui pardonner, & cette foibleífe m'a valu en lui un ennemi mortel qui m*a écrit des Lettres annonymes, ßc.qui a envoyé vingt Libelles en Hollande contre moi. Voila , Monfieur ,*une partie des chofes que je puis vous dire fur fon compte , &c. L E TTRE XXVIII. Sur le méme Sujet. VOvs f^avez , Monfíeur, le plaifir que me font vos Lettres. Elles me fervent ďantido-te contre toutes ces miférables Brochures qui m'innondent. Tous ces petits infeftes ďun jour piquent un moment & dijfparoiíTent pour ja-mais. Parmi les Satyres qu'on imprirae , j'ai vú avec douleur une certaiue Tragédie de moi» Digiiized by 5* Aff. de Voltaire nomme'e la Mart de Cifar. Les Editeurs out maflacr^ ce Ceiar plus que n'ont jamais fail Brutus 8c: Cajfius. J'adnure TAbbd Des Fontaines de m'imputer toutes les pauvrctes , les mauvais vers , les phrafes inintelligibles , les. Scenes tronquees 8c tranfpof£es qui font dans cecte Edition. Miferable Edition ! Un homme de goftt diflingue aifement la main de l'Ou-?rier ,^1 fcait qu'il y a certains deTauts, doni un Auteur qui connolt les premieres regies det fon Art eft incapable. Mais il paroit que Vhhb€ Des-Fontaines fcait bien mal les regies du gout, de requite', de la raifon r de la foeietd 8c fur-tout de la reconnoiffance. II n'y a point de Lecleur qui ne doive £ire indigne , quand cet-Abljd compare tes St&iciens aux Quakers. II ne fcait pas que les Quakers font des gens paci&-ques, les agneaux de ce monde ; que e'eft un, point de religion chez eux de ne jamais aljkr; a la guerre, de ne fwrter pas meme d'e'pee. i C'eft avec autant d'erreur qu'il prononce que/ Brutus e'toit unLParticulier \ tout le monde fcaitt aflfez qu'il etoit Senateur 8c Pre*teur ; que tous les Conjures etoient Senateurs , &c. Je ne r£le>erai point toutes les me'prifes dans lef-quelles il tombe ; mais je vous avoue que toute ma patience m'abandonne , quand il ofe dire que la Mort de Cifar eft une Piece contre les ihceurs,j:ft.ce done alui de parler des mceurs? Quoi! il fait imprimer une Lettre que je liii ai £crite avec confianqe. II trahit le premier devoir de la fociete\ Je le priois de garder le fecret fur ma iettre.8c fur le lieu ou je fuis, & de dire feulement en deux mots que cette impertinente Edition de la hjort de Cifar , n'a prefque rien de commun avec mon Ouvrage. Au lieu de faire ce que je Uii demande , U _ Digitized by ptint pay ini-mime. 59 rmprimeime Satyre , ou il n'y.a ni raifon ni •cquite' , 8c au bout de cette Satyre il donne ma Lettre au Public. Oncroiroit peut-6trea ce precede*, que c'eft un homme qui a beau-coup a fe plaindre de moi , 8c qui cherche a fe vengec a tort 8c a travers ; c'eft cependant ce mime homme pour qui je me tralnai £ Verfcilks, etant prefque a l'agonie, pour qui je follicitai route la Cour 8c qu'enfin je tirfci de Bicetre. C'eft ce mime homme que le Mi--niftefe voulolt faire bruter , contre qui les Procedures etoknt commencees celui a qui j'ai fauve* Fhonneur 8c la Tie 4 celui que j'ai lou6 comme un aflez 'bon Ecrivain , quoiqu'il m'eut fort foiWement traduit; -celui enfin qui depuis ces fervices eflemiels, n'a jamais re£u de mt>i que des politeues , 8c qui, pour toute recoH-noiuance , ne ctfle de me dechirer. II veut, dans ies feuilles qu'il donne toutes les femai-Incs , toiirner la Henriade en ridicule. Scavez-tous bien qu'il en a faitune Edition clandef- • tine a Evreux, 8c qu-il ya mis des vers de fa ifacon. Cetoit bien la meilleure manie're de rendre l'Ouvrage ridicule. Je vous avoue qi|e ce cohtinuel exces d'ingratitude eft bien feasible. Tavois cru ne trouver dans les Belles-Lettres que de la douceur 8c de la tranquillite*, 8c certainement ce devfoit €tre leur. portage; mais je n'y ai rencontre* que trouble 8c qu'amer-tume. " Que dites-vous de l'Auteur d'une Brochure contre les, Lettres Philofophiques, qui commence par aflurer, que non-feulement j'ai fait impri-mer .cet Ouvrage en Angleterrc , mais que j'ai trompe* le Libraire avec qui j'ai contra&e". Moi qui ai donne* pi?bliquement cet Ouvrag^ a Mr. Tiriot pour qu'il en eut feul tout le Digitized by 60 M. de Voltaire profit, pent-on m'accufer d'une baflefle fi di-reftement oppofee a mes fentimens & a ma conduite ? Qu*on m'attaque comme Auteur v je me tais; mais qu*on veuille me faire patter pour un mal-honn6te homme , cette horreur m'arrache des larmes. Vous voyez avec quelle confiance je remands ma douleur dans votre fein. Je compte fur votre amitie , autant que j'ambitionne votre eftime. AVERT IS SEMEN T furies Lettres fuivan-tes au fujet des DimiUs de Mr. de Voltaire avec Mr. de Saint-Hyacimhe. Saint - Hyacinthe meritoit un peu plus que l'Abbd* Des-Fpntaines le courroux de Mr. de Voltaire. Dans fa Diification du Doeieur Arif-tarchus Maffo, il s'avifa de rappeller une fc£ne facheufe qui s'&oit paflTle entre un Officier 8c ce grand Poete. Mr. de Voltaire n*a jamais pft pardonner le recit de cette cruelle avanture a f'Auteur du Chef-d'auvre d'un Inconnu , 8c comme cet Ouvrage lui fit une reputation qui fubfifte encore, Mr. de Voltaire , pour fe ven-ger , a toujours ecrit depuis que Saint-Hya» einthe n'en avoit pas fait une ligne. Voye\ let Lettru fecretes de Voltaire, petit vol. in-12. LETTRE Digitized by_ print par lui-nUme. fa LETT RE XXIX. A MONSIEUR BERGER. Sur Saint-Hyacinthe, MOn cher Ami, voulez-vous mc rendreun fignale" fervice ? II faut voir Saint-Hyacin-the. Je nc le connois pas , direz-vous , il faut le connoitre $ on conholc tout le monde quand il s'agit d'un ami. Mais Saint-Hyacinthe eft un * homme decruS; 8c qu'importe ! Void de quoi il s'agit. II eft cite* dans le Livre infame de Dcs-Fontaines , pour avoir e*crit contre moi art Libelle intitule* : Deification tfAriftarchus. Or je ne l'ai jamais offenfe* ce Saint-Hyacinthe. Pourquoi done imprimer contre moi des im-poftures fi affreufes ! Veut-il les foutenir I Je lie le crois pas. Que lui coutera-r>il de figner , qu'il n'en eft pas 1'Auteur ? ou qu'il les deV tefte , ou qu'il ne m'a point eu en vfre t Exigez de lui un mot qui lave cet outrage 8c qui pre'vienne les fuites d'une querelle cruelle. Faites-lui ecrire un petit mot dont il rgfulte la paix 8c Thonneur , je vous.en conjure. Courez, rendez-moi ce fervice. Je ne demande que le repos, procurez-le a votre Ami. A Cirey 9 8. Janvier 1730, /. PArtie, JF Digitized by Google éi Af. de Voltaire LETTRE XXX. JE vousfuppHe , Monfieur, fi-tót la préfente recue , que de mes aumdnes & defcs libel- Fi Digitized by Google 64 de Voltaire les. II m*a told & il a ofe m'outrager. Efcroc public t plagiaire qui s'eft attribue* le Matha-nafius de Salengre 8c de Sgrave\ende, fait pour mourir par le baton ou par la corde; je ne dis ften de trop. Dieu merci, je n'ai des ennemis que de cette efpece 8c des amis de la vdtre. Comptez fur moi pour jamais. L E T T R E XXXII. A ,U M E JVI E. * Voyage h . Bruxelles, NO us partons demain (a) moncherCor-refpondant. Dans quelque pays que l'ami-t\i me conduife, vos Lettres me feront tou-jours bien du plaifir. Je vous adrefle un mot pour Mr. de Billy , dont je ne fc,ai pas la demeure. N'oubliez pas vos amis qui vont plai-der dans les PaysBas; Adreffez , je vous prie , vos Lettres a Mde. la Marquife du ChateUt a rimpdratrice , a Bruxelles. Je n'ai que le terns de vous renouveller les aflurances de mon ami-tie'. Je Yais m'arranger pour partir. A forey y le...... Mai 1739. ( a ) Pour Bruxelles , ou un Prods appellbit Mde. la Marquife du ChateUt. Digitized by Google feint far lui-mčme. 6S ++++** ++ + + LETTRE XXXIIL A Ú M E M E. Sejour ä Bruxelles. J'A i fait mille tours, je fuis á préfent fixe á Bruxelles , & reforme ä la fuite ďun Proces. Rien ne peut mieux , mon eher Moníieur, égayer ľennui de la chicane que vos agréables Lettres. Les aouvelles de Paris en deviennent plus intéreíTantes, quand elles paíľent par vos mains. Ma vie eft ici aufli uniforme & auffi tranquille qu'elle ľétoit á Cirey. ä cela prés qu'on y parle beaueoup moins de Rpuffeau qui ne f» montre nulle part, & dont on ne m'a pas prononcé le nom. Mr. Pallu m'a écrit en dernier lieu , qu'il étoit trés-dilpofé á faire á Mr. de Billy tous les plaiíirs qui dépendront de lui, & cela eft, je vous aíľure , trés-indépen-dant de ma chétive recommandation. Adieu t mon ami. Mes Lettres font aufli ftériles que les nouvelles de ce Pays ici, je vous embrafle de tout mon ceeur, &. j'attends de vous des Lettres auffi longues que la mienne eft courte ; car qui écrit bien doit écrire beaucoup. A Bruxelles U 17. Ju/n 1739t r% Digitized by 66 M. de Voltaire LETTRE XXXIV. A V M £ M E, Fite donnie für Monßeur de Voltaire. JE reforc votrc Lettre du 15. Vous ne poüve? ajouter, Monfieur, au piaifir que mc fönt vos Lettres , qu'en dötruifant le bruit qui Je re'pand, que j'ai envoy^ mon Siede de L&u'u JßV. 3 Prault. Je fcai qu'on n'en a que de» eopies tres-infideles , je ferois jäcbe' que les eopies ou rofiginal fuEent imprimds. Je n'aurai jarnats d'aufß brillantes nouveUe* & vous apprendre , que Celles que vous im>u» envoyes. C'eft ics le pay* de l'untformitd. BruxeHes eil fi peu bruyant que la plus grand* JsJouvelle d'aujourd'hui eft une tr£s*fetite Fese que je donne ä Mde. du Chaukt, ä Mde, la Princefle de Chimai fct äMr. le Duc & Aremberg. Roujjeau, je crots , n'en fera pas. C'eft aöre* ment la premiere F&e qu'un Poete adt donnie £ fes depens, & o& H ny ait pobu de Poefie. J'avois pronais une De vife fort galante pourle ftu d'artifice; mais i'ai fast faire de grandes Lettres bien fajraineufes npi <üfent:. le jkit du Jeu ; va tout. Cela ne corrigera pas not Dames qgi airneat un peu irop k Urelan Je n'ai pourtant fait cela que pour les corriger. A Btmxetles le,....... 174a* Digitized by LETTRE XXXV. Au TvIakqvk Mäpfei Sur "Mtrope , 1743. Eloge de ta Mérope du Marquis Majßi. VQus qui avez donné a vos compatriote« des modules en plus d'un genre ; vous leur avez donné dans votre Metope l'exesnple d'une Tragédie íimple & iiuereßante. J'eu fus QáR des que je la Im 5 moa amour pour ma Pa* trie ne m'a jamais fermé les yeux Air le merüe des Etrangers ; au contraire, plus je Ans boa Citoyen , plus je chercbe a enricjrir mon pays des tréfors qui ne iont point nés ďans (on fein, Mon envie de traduire voire Merape redpubla lorfque j'eus Phonneur de vous -coonoitreÄ Paris en 1733. Je m'appefcus qu'en aimani VAuteur , je me fentois encore plus ^'inclination pour l'Ouvrage 4 mais quand je voulus y travauier, je vis qu'il étoit abfolument impo*-fible de ia ftire paflér Air ootre Theatre Fraa» fois. Notre ileücauue. eft devcau* excedive; nous fcmmes peut-étre des Sifcarites plonges dans le luxe , ^ut ne pemvons fupporter cet - air naif & rufitaue, ces detail« de la vie chaw-f étre que vous avez inu'te* du Tbeitre {kec Ma Mérofjt git acfcevde au oEMcmencemeat de 173Í. á peu pres teile qu'elk eil aujoiiid'M. P'autres etudes m'empecliereut de la dormer an Theatre / majs ia ratíbn qui »'ea éloignoit le plus , éjok la crainte de la &ire paroltfe BprWautres P*éefisfceureuie*,datfslefqueJief on avoit vú depuis $en k roi*»« tofa um de* oojftS Digitized by 69 M. de Voltaire " différens. Enfin j'ai hazarde ma Tragédie, 8c no-tre>vNation a fait connoitre qu'elle ne dédaignoit-pasv de voir la méme matiére différemment traitée. tititittittmnnntttttnnt LETTRE XXXVI. A MONSIEUR*** Satyre de la Mérope du Marquis Mafféi. VO Os me demandez ce que penfent les Litterateurs fur la Mérope de Mr. Mafféi, Hs penfent qďil s'eft contenté de ce que préfente naturellement Ton Sujet , 8c qu'il n'y a mis aucun art théatral. Les fcénes fouvent ne font point liées 8c le theatre fe trou ve vuide ,* défaut qui ne fe pardonne pas aujourďhui aux moindres Poétes. Les A&eurs arrivent 8c partem fouvent fans raifon ; défaut non moins eílentiel. Nulle vraifemblance , nulle dignité , nulle bienféance , nul art dans le dialogue , 6c cela dés la premiere fcéne , oů Ton voit un Tyran railbnner paifíblement avec Mérope , dont il a égorgé le mari 8c les enfans, 8c lui parier ďamour ; cela feroit fiřflé á Paris par les moins connoiíTeurs. En un mot, Moníieur, POuvrage de Mafféi eft un tres-beau fujet , 8c une trěs-mauvaife Piece. Tout le monde convient á Paris qué la repréfentation n'en feroit pas achevée , 8c tous les sens fenfés ďltalie en font trěs-peu de cas. Ceft trés-vainement que PAuteur dans fes voyages n'a rien négligé pour engager les plus mauvais Ecrivains á traduire fa Tragédie ;il ' lui étoit bien plus aifé de payer un Tradu&ew que de rendre fa Piece bonne, Digitized by Google feint par luUmSíhe. 6$ LETTRE XXXVII. La Mort de Cifar. JE traduiíís en vers il ya quelques années, plufieursmorceaüxdes meilleurs Poétes d'An-gleterre , pour Tinflručlion de mes amis, & par-lá j'engageai beaucoup de perfonnes á ap~ prendre ťAnglois; enforte qu'aujourd'hui cetté langue eil devenue familiére aux|gens de Lettre*. C'eft rendre fervice á Tefprit humain de ťorner ainíi des richeflěs des pays étrangers. Parmi les morceaux les plus finguliers de» Poetes Anglois que je traduifis , je donnal la* Scéně d'Antoine & du peuple Romain , prife de la Tragédie de . Jules-Céfar , écrite il y a cent cinquante ans par le fameux Phakefpear. On me pria de donner le rede de la piéce f mais au lieu de traduire cet Ouvrage monf-, trueux , je compofai dansle goůt Anglois la Mort de Céfar repréfentéc pour la premiére fois le zo. Aoüt 1743. On en avoit donné une Edition frauduleufe en 1745. & ce fut á cette oc-cafion que j'ecriris cette Lettre á l'Abbc* , Des-Fontaines. Digitized by Google M. dt tťakam TTTtTtTt^tTTTTTTtTTtTtT LETTRE XXXVUL a- monsie.ua i/abbé d. f. Sur la TsagédU dt la Mart at Céfiuu MOniicur, je m'amufai, il y a quelques années, á faire une Tragédie en trois Actes de la Mort de JuUs-Céfar. C'cft une Piece ďun caračtěre tout oppofé au gout de notre Nation. II n'y a point de femme dans cette Piece ,il n'eft queftion que de l'amour de laPatrie; d'ailleurs eile eft audi finguliére par 1'arrange-snet théatral que par ks fentimens. En un mot eile n'eft point fake pour le Public. Je l'avois confiée , il y a deux ans äJtfeftieurs de **j qui la repréfenterent 6c qui eurent la fidélite de n'en garder aucune copie. J'ai eu en dernier lieu la meine confiance dans Mr. l'Abbe a * * * , Provifeur d'H * *, que j'aime 8c que j'eftime 7 mais il n*a pu , malgré fes foinsA empécher que quelqu'un de fon College n'en ait tire une copie. Voílá la Tragédie imprimée, á ce que j'ap-prends, pleine de fautes , de tranfpoííúons Sc ďomiflions confidérables. On dit méme que le Profeífeur de Rhétorique ďH*** qui étoit charge de la repréfentation, y a change plu-fieurs vers : ce n'eft plus mon Ouvrage .* je fens bien cependant qu'on me jugera comme fi j'etois TEditeury 8c que la calomnie fe join-dra á la critique. Tout ce que je demande , ťeft qu'on flache que cette Piece n'eft point imprimée telle que je Tai faite , 8c que je fuis Digitized by Google peiat go* lui-mime. ja bkt \m avoir ia maiadre part a cett* EdiV t&a. le vous prie d'es- dire deux mots dans itocatfon. A Cirey prh de Voffi en Champagne, ce 7« Septembrt 1735^ tmm$ntut:ttutttttttttt$ LETTRE XXXIX- St»' l* Panigyrique de Louie XT', « CS Pane'gyrique , d'autaat plus eloquent qu'il ne paroit pas pretendre a Teloquence f tout fonde uniqueraent fur les fates, eft ega-kment gtorieux pour le/ Roi & pour la Nation. Jc ae crois pas qw'on puiflfe lui compares ceku que Peliffon compofa pour Louis XIV* Ce n'etoit qu'un difcours vague; celui-ci eft appuye fur les evlnemens les plus grands, fur les anecdotes les plus intereffantes. C'eft un tableau de TEurope ; c'eft ua precis de la guerre; c^eft un Ouvrage qui annonce a cha-que page un bon Citoyen \ c*eft un eloge ou U n'y a pas ua mot qui fente la flatterie; il drvxott avoir eie prononce dans rAcadeaiie areola plus grande folemnite ;v& la Capitale doit Tenvier atut Provinces ou U a e^ imp rime, LETTRE XL. SUr kx manoeuvres de fes Ennnemis. r\M 4t6 tentd d'avoir beaucoup de vanity, quand fat vu, que nos grands Ecrivains ea foient avec moi 9 comme on en i£ agi aveo Digitized by f* Af. cle Voltaire rope ( qu'il ne fit á la vérité que pour ľhonneur des Let-tres 8t par un exces de zéle pour le bon gout. U fit imprimerla Henriade dans laquelle il infera des vers de fa faconr, 8c enfuite il critiqua ces mémes vers qu'il avoit faits/ J*ai foigneufement confervé une Lettre que m'é-erivit un jour un Auteur de cette trempe. Món-fieur , j'aifait imprinter un libelle contre vous* U y en a 400. Exemplairés'; fi vous voulej m'envoyer 400 livres , je vous remettrai tous les Exemplairés fidilement. Je luimandai que je me donne-ŕois bien de garde ďabufer de fa bonté , qne ce feroit un marché trop- défavantageux pour hli, 8c que le débit de fon livre lui vaudroit beau-coup davantage \ je n'eus pas lieu de me re-pentir de ma généroíité. . II eft bon ďencourager les gens de Lettres mconnus qui ne fc,avent oú donner de la tete. Une des plus charitables a&ions qu'on puifTe faire en leur faveur, eft de donner une Tra- . (a ) Pope dtoit violent , empörte* , vain , miprifant. II didaignoit plufieursde fes Confreres, 6* Us lui rendoient didain pour dtdain. Citoit moins fa gloire qui irritoit que fon cara&ere. Quota a Monfieur de Voltaire il ne reßemble pas du tout a Pope ; il eft doux, affable , ma-iefte. &c, &c% gitited by Google peint par lui-mtme. fj édie au Public. Tout auffi - tót vous voyez clore des Lettres a des Dames de Qualité ; Cri-que impartiaU de la Piece nouvelle : Lettre 'un Ami a un Ami ; Examen réfiéchi ; Examen. ir fiénes ; 8c tout cela ne laifle pas de fe sndre. Mais ie plus súr fecret pour un honnéte ibraire , c'eft d'avoir íbin de mettre á la fin ;s ouvrages qu'il. imprime toutes les horreurs i toutes les bétifes qu'on a imprimées contre Auteur. Rien n'eil plus plus propre á piquer curiofité du Lečteur 8c á favorifer le debit. : me fouviens que parmí les déteítables Edi-ons qu'on a faites en Hollande de mes pre-ndus Ouvrages, un Editeur habile d'Amfter-im voulant faire tomber una Edition de la aye , s'avifa ďajoůter un recuéii de tout ce ťil avoit pů ramaiTer contre rnoi. Les pre-iers mots de cecrecueil difoient que j'etois i chien rpgneux. Je trouvai ce Livre á Magde->urg entre les mains du Maltre de la Poite . li ne ceftoit de me dire combienii trouvoit : petit morceau eloquent. En dernier lieu * íux Libraires d'Amfterdam pleins de probité, >rés avoir défiguré tant qu'ils avoient pů la inriade 8c mes autres Pieces , me firent l'hon-iur de m'eerire , que ii je permettois qu'on : á Drefde une meilleure Edition de mes uvrages , qu'on avoit entreprife alors , ils roient-obliges en confcience d'imprimer con* e moi un Volume d'injures atroces > avec le us beau papier, la plus grande marge 8c le eilleur caractire qu'ils pourroient. Ils m'ont nu fidélement parole. Ils pnteu wme 1'at-ntion d'envoyer leur beau recuěil , á un des us refpeftables Monarques de 1'Europe , á la our duquel j'aTOis alof s> Tiionneur d!étre. Le /. Partie. G Digitized by Google 74 M. de Voltaire Prince a jetté leur Livre au feu (a ), en di-fant qu'il falloit traiter ainfi MM. les Editeurs. U eft vrai qu'en France ces honnétes gens fe— roient envoyés aux galeres > mais ce feroit trop gener le commerce qu'il faut toujours favorifer. A V E RTIS S E MENT furies Dé mele s de de Mr. de Voltaire avec Roufleau. Au mois d'Aoüt 1710. des Dames de la con* noifľance de Roúffeau le menerent voir une Tragédie des Jéfuites. A la diíhibution des Prix , il entendit appeller deux fois Francois-Marie Arouet. II demanda au Pere Tarteron qui étoit ce jeune homme. LePere Tarteron lui répondit , que c'étoit un petit gar9on qui annoncoit des difpofitions pour la Poéíie : il propofa de le faire venir ; á quoi Roujffeau confentit. Le Jéfuite ľalia cäercher, Sc revint un moment aprés avec un jeune homme d'une phiíionomie aíľez mauvaife , mais vive & ani-mée* C'étoit le petit Arouet, qui fut flatpédes complimens & des carefles que lui fit Rouffeau* Deux ans aprés , ce fameux Poete refugié k Soleure , en recut une Lettre accompagnée • d'une Ode qu'il avoit compofée pour le prix de ľAcadémie francoife. Mr. Arouet lui en demandoit fön fentiment, qu'il ne balanca pas á lui marquer avec la fincerité qu'on doit ä la confiance ďun jeune homme. Cette Ode fut ~ mife au rebut, & ľannée üiivante une feconde Ode qu'il avoit faite pour prendre fa revanche , eutle mémefort.11 continua ďécrire de terns en terns á Rouffeau , toujours avec des tranfports (a) Feroit-il la méme chofe aujourďhuil Digitized by Google peint par lui-mime. 7$ ďadtairation, ťappellant fon Mattre 8t fon Modele , St lui adreffant quelcjuefois des Pieces de fa * fagon , entr'autres fa Tragédie ď(Edipe , á la-* quelle VHorace francois donna des éloges, quoi-qu'il y trouvat beaucoup de défauts. II averti£ foit feulement le jeune Auteur de parler dé-formais avec un peu plus de -letenue de So-phocle 8c des autres qu'il maltraitoit dans fes Prefaces. II fit un voyage á Bruxelles , 8c ne quitta prefque pas le grand Roujfeau j il lui confia fon Poéme de la Ligue appellé depuis la Henriade. Roujfeau le lui rendit deux jours aprés, en lui confeillant en homme fage 8c en veritable ami, ďy corriger les declamations fatyriques 8c paffionnées, oil il s'emportoit á tout propos contré TEglilě Romaine > le Pape, les Prétres féculiers 8c réguliers , enfin contre tous les Gouvernemens Eccléíiaítiques-& Poii-tiques , le priant de fonger qu'un Fpeme^épir que ne devoir pas étre traité comnie unéšá-tyre ; que c'etoit le ftile de Virgile qu'on de-vok s'y propofer pour modele , 8c non celui jle Juvenal. Malgre ces avis, tout alloit encore aífez bien entre ces deux Poětes, lorfqu'un jour Mr. de Voltaire ayant invité Roujfeau á une promenade Jiors de la ville, il s'avifa de lui reciter une certaine Epitre , 8c dont le fujet étoit contraire á la facon de penfer de Rouf. feau , qui ne put s'empecher de lui marquer fa furprife 8c fon mécontentement; il Tarréta dés les premiers vers. Mr. de Voltaire voulu con-tinuer, Roujfeau Tinterrompoit encore 8c lui dit avec fermeté qu'il alloit defcendre de caroffe , s'il He changeoit de difcours. 11 fe tůt alors, 8t le pria de ne point parler de cette Piece. Depuis ce jour Mr. de Voltaire fut plus refervé qu'a fon ordinaire avec Roujfeau. U partit enfin 6z Digitized by Google «6 Af. de Vóltalr* 6c ne crut pas devoir ménager le grand Pofctt qu'il avoic tant admire* y il fe permit contre lui les propos les plus odieux dans fes conventions en Hollande 8c á Paris. Mais la grande époque de fon refientiment fut en 1732* £ Poccafion de la Tragédie de Zaire qu'on jouoit alors. Mr. de Launay, avec qui Rouffeau avoic fait connoiíTance par écrit, lui envoy a cette Piéce aufíi-tót qu'elle fut imprimée il y joignit fes reflexions (lir TOuvrage 8c fur TAuteur. Rouffeau lui répondit fur le méme ton ; cette réponfe courut contre fon intention. Mr. de Voltaire y fut trés-feníible , 8c děs ce moment il fe mit en téte de rabaiíTe.r le grand Rouffeau* II fit fes premiers a&es ďhoftilités dans le fas-meux Temple du Goút, 8c n'a jamais depute quitté les armes. LETT RE XLI. A MONSIEUR BERGER. Šur Rouffeau, JE vous prie d'aller voir les Jéfuites, le Pere Brumoi fur-tout, il vous recevra bien 8t com-- me vous le méritez .• qu'il vous montre Mir ope * aflurez-le de mon eftime > de mon amitié 8c de ma reconnoiíTance ; dites-lui que je lui écrirai inčeflamment. II aime Rouffeau , mais il aime encore plus la vérité 8c la paix. II me paroh un homme ďun grand mérite , mertez au net en fa préfence les procédés de Rouffeau 8c les miens: faites-lui fentir que depuis 50. *ns Rouffeau a déchiré maitres, bienfaiteurt, _ Google peint par lui-méme. 77 amis, touš les gens de Le teres , & que je fuis le dernier á qui il a fait la guerre. Je fcai me venger , mais je fcai pardonner. J'ai eu des occaüons ďexercer ma jufte vengeance , qu'od nťen donne de montrer que je peux oublier l'in-jure. Aflurez fur-tout les Jéfuites ďune vérité* qu'ils doivent feavoir, e'eft qu'il n'eft pas dans ma maniére d'etre , d'oublier mes maitres & ceux qui m'ont élevé. Jltm wfc ^fc* jS| ^fc- •jjfm jS| a jjg -jff ajS| ji A| A Ja A tttTtttTTtTTTTTtttttTty LETTRE XLIL A U M E M E, Sur mime. A drey, /e.. Novembre 1738. JE vous envois , mon eher Correfpondant, un petit Ouvrage d'une main refpeftable; je vous prierai de le rendre public, en le fai-fant imprimer inceíTamment, vous me ferez un vrai plaiíir. II faut confondre le mauvais goůt comme les mauvaifes moeurs ; je vous prie fur-tout de parier au jeune Saurin ; il eil bien in-téreífé ä aöermir la honte d'un homme dont la rehabilitation feroit la honte du vieux Saurin Pere fit la perte du fils. LETTRE XL III- AU M E M E. Sur le mime. JE vous prie de donner ä Mr. Saurin Ie jeune & á Mr. de CribiÜon^ des copies del'Ode flir Tiogratitude ; ils font tous deux ftls de perfon- G3 Digitized by Google 78 M. de Voltaire nes diftmgu&sdans ia Littirature, qne Roujfeau. a indignemcnt attaqu^es; ils doivent s'unir con-tre l'ennemi commun. S\ Roußeau revenoit, fpn hypocrifie feroit dangereufe ä Mr. Saurin le Pere , loit que la deílinée , en me conduifant á la ille oů l'illuftre 8c malheureux Rovjfeau a fini ís jours , me ménageoit une reconciliation vec lui. L'efpece de maladie dont il étoit ccablé , m'a přivé de cette confolation, que tous aurions tous deux également fouhaité ; 'amour de la paix l'eut empörte fur tous les üjets d'aigreur qu'on avoit femes entre nous, les talens > fes malheurs , 8c ce que j'ai oüi lire ici de ion caračtěre , ont banni de mon :<£iir tout relTentiment , 8c n'ont laiffé^ mes reux ouverts qu'a fon mérite. Votre amitié >our lui, Monfieur, contribue fur-tout á me éconcilier avec fa memoire. J'attends avec im->atience une Edition que votre gout rendra ligne du Public , á qui vous la préfentez / j'en etiens deux Exemplajres, 8c je fuis charmé [ue cette occafion me procure le plaifir de ous dire á quel point je vous eílime , 8c ombien j'ai l'honneur d'etre , &c. LETTRE XL V. Sur Us malheurs de RouJJeau. CEux qui ont fait imprimer le Recueii des Lettres de RouJJeau deyoient pour fon hon-íeur les fupprimer á jamais; elles font dépour-'ués ďefprit 8c trcs-fouYenj de yérité; elles fe Digitized by Google to M. de Vottairt contredifent; i) die le pour 8c le contfe a louc fit il d^chire les memes perfonncs: il parte de Oieu a des jjens qui lui donnent de l'argent, & il envoye des Satyres a Brojfette qui ne lui donne rien. La veritable caufe de fa derniere difgrace chez le Prince Eugine, puifque vous la voulez fcavoir, vient d'une Ode intitulee la Palinodie qui n'eft pas aflurement fon meilleur Ouvrage. Cette petite Ode dtoit contre un Marshal de France , Miniftre d'Etat, qui avoit 6t6 autrefois fon Prote&eur. Ce Miniftre marioit alors une defes filles au fils du Marshal de Villars. Celui-ci informe* de ftnfulte que faifoit Roujfeau au beau-pere de fon fils, ne de*daigna pas de Fen faire punir, toute meprifable qu'elle dtoit. U en Icrivit au Prince Eugine , 8c ce Prince retrancha a Roujfeau la penfion qu'il avoit la gene'rofite' de lui faire encore, quoiqu'il crut avoir fujet d'etre me'eontent de lui, dans l'af-faire qui fit pafler le Comte de Bonneval en Turquie. Madame la Mare'chale de Villars , dont je ferois forcd d'attefter le t£moignage , fi\ en droit befoin ( a ) , peut dire fi je ne tSchai pas d'arreter les plaintes de Mr. le Ma* rdchal , 8c fi elle-m^me ne m'impofa pas fi-Jence , en me difant que Roujfeau ne mdritoit |>oint de grace ..• voila des Faits , Monfieur, 8c des Faits authentiques. Cependant Roujfeau crut toujours que j'avois engage' Mr. le Marechal (a ) Oúi , il en eft befoin , car dés 1718. Mr. dt Voltaire parloit de Rouíľeau ďune maniere indigne , quoiqu'il tui écrivit des Lettres en -■f ile de Panégyriqúe. Voyez ci-deíTous une Lettŕe á Mr. de La-F«ye. peint par lui-mSme. Si \ Villar* ä ecrire contre liti au Prince Eugfne: Si je ne Jus pas la caufe de fä difgrace au- es de ce Prince , je vous avoue que je fu$ tufe 9 malgre moi , qu'il fut chafle de la aifon de Mr. le Due ^Aremberg. II pretendit ins fa mauvaife bumeur, que je l'avois accufe lpr&s de ce PriHce, d'etre en effet FAuteur is Couplets pour lefquels il avoit eti banni 2 France. II eut l'imprudence de faire impri-er dans un Journal de Du-Saufet cette im-afture. Je me fentis oblige* pour toute expli-uion d'envoyer le Journal ä Mr. le Due Aremberg , qui chaffa [Rouffeau fur ce feul xpofe. Voilä , pour le dire en paflant , ce u'a produit la deteftable 8c hontcufe licence j'on a prife trop long-temps en Hollande, 'inferer des Libelles dans les Journaux, & e deshonorer par ces turpides , un travail ttdraire imagine en France pour avancer les rogres de l'efprit humain. Ce fut ce Libelle ui rendit les dernieres annies de Roujfeau bie« larheureufesi La frefle , H le faut avouer % eft CTenue Utt u€i neaux ( b ) de la Sbcieti \ 6t n brigandage intolerable. Au refte, Monfieur , je vous Favouerai har-iiment; quoique je ne me fufle jamais ouvert Mr. le Due d'Aremberg fur ce que je penfois les Couplets infames & de la fubornation les temoins qui attirerent k Roujfeau 1*Arret dont I fut fletri en France , cependant j'ai toujours *u qu'il etoit capable. II l^avoit que je pen-bis ainii, fit e'etok une des grandesfources ( b ) Rien nyeft phis vrai, Mr. de Voltaire ie fe contente pas d1italer de belles maximes ; •l fournit tous les jours des Faits qui les appuienu Digitized by JSi M. de Voltaire de (a haine ; mais je ne pouvois avoir une autre opinion. LETTRE XL VI. £ur /e mime. A Cirey...........1738. T) Oussbav m'a enyoye* I'Ode apoplec-XX tique dont vous faites mention. Ii m'a fait dire qud c'etoit par humility chretienne ; qu'il m'avOit toujours eftime' , 8c que j'aurois etc Ton ami fi j'avois voulu , &c. Je lui ai fait dire qu'il y avoit en eflfet de l'humilite' a avoir compos cette Ode 8c beaucoupa md'envoyer* que fi c'etoit de l'humilite' chretienne , que je Q'en fcavois rien : que je ne m'y connoiflbis pas , mais que je me connoiflbis fort en ptjo-bitel; qu'il faiioit 6tre jufte ( a ) avant d'etre humble ; que puifqu'il m'eftimoit , jl n'avoijt pas du me caiomnier , 8c puifqu'il m'avoit ca-lomnie*, il devoit fe retra&er , 8c que je ne pouvois pardonner qu'a ce prix. Voila mes fentimens qui valent bien fon Ode. ( a )• It faut itre fun & Vautre ; car de Torgueil vient fouvent finjuftice. Mr. de Voltaire pourroit-il le mettre en doute I Digitized by Google p t int par lui-mSme. «3 LETTRE XLVII. Sur le mime. A Cirey.........1739* ESt-il vraique Rouffeau eft mort?il avoit trop vecu pour fa gloire & poür le repos des honnetes gens. Je vous embraffe : Je Alis pourtant fache* qu'on m'ait ofe imputer l*en-nuyeufe & dix fois trop longue R^ponfe aus Epitres de Rouffeau. II eft bien lache ä celui qui Ta ofe* faire , de n'avoir ofe* Tavouer: Tai fait pis contre ce Scele*rat, je Tai convaincu de calomnie par la Lettre de Mr. le Duc Aremberg & par vingt autres preuves. Tai parle de lui 9 comme un honnlte-homme doit parier d'un monftre; mais en prononcant fa fentence , je Tai fign^e de mon nom. Tachez de trouver le Pruffien Greffet ( a ) ; il va dans une Cour oü Rouffeau eftregarde* comme un faquin de verfificateur, & oü Ton m'aime com« me homme & Poete..... ( a ) Mr. Greffet deVoit aller a Berlin oü le Roi de Pruffe Vappelloit. Jamais Frederic rCa penfefur Rouffeau comme Mr. de Voltaire le fait penfer ; mais il juge affe\ fainement dt VAuteur^ de la Henriade, pour aimer le Poets & diteßer VHomme. * . j Digitized by 84 M. J* Voltaire LETTRE XL VIII. Semiramis» CEtte Tragödie repreTentee pour la premiere fois le 29. Aout 1748. eft d'uneef-pdce particuliere ; eile avoit €t€ demanded par Ilnfante d'Efpagne Oauphine de France , qui, remplie de la le£ture des Anciens , aimoitles Quvrages de ce caractere. Si eile eut vecu , eile eut protege* les Arts & donne* au Theatre plus de pompe & de dignite*. AtTE KT IS SEME NT fur la Correfpondance de Mr. de Voltaire avec he Cardinal Quirini a qui Semiramis eft didiie. LesJLettres dont nous allons donner une traduction, furent ecrites ä Toccaüon del'E-glife que le Roi de Prüfte avoit permis de bätir pour les Catuoliques de Berlin. On les imprima en 1753. ä Rome'par ordre de Mr. le Cardinal Quirini, qui avoit ix& uh des plus ardentsSol-lickeu« ~de eette permiflion fit mi des Protec-teurs les plus genereux des travaux qu'elle otcafionna. Les juftesdlages que Mr. de Voltaire: dpnne ä fou Eminence.} avoient dte precedes, par la Dddicace de Semiramis , & par une jolie Epitre en vers. Mr. le Cardinal Quirini meritoit les lauriers dont le Poete fran^ois ornoit fa tite. II protegea les Arts, il encou-ragea , il recompenfa les Scavans j il regarda fes oüailles comme fa famille &c les pauvres comme fes enfans. U etendit la gloire de la religion t Digitized by Google pemt par lux-mime, $$ religion; il illuftralapourpre , ilmourutavec les regrets du Souverain Pontife & de l'Europe. Ce tut far Toriginal Italien de 1753. que j'ai fait ma traduction. Un Scavant plein d'efprit qui &oit en relation avec Mr. le Cardinal Quirini, & qui &oit digne d'un tel commerce , a bien voulu me le prefer. Si fa complaifance meVite de la gratitude , fon cosur ne merite. pas moins des fentimens , ftc fon efprit dcs eloges. LET TRE XLIX. DE MONSIEUR DE VOLTAIRE a Monsieur le Cardinal Quirini. MONSEIGNE URt LA mort duComtedeRatembourg,Tun des Dire&eurs de cette Eglife, que Votre Eminence favorife tant , a laiAe* ici les regrets les plus vifs. Je ferois beaucoup Itonne , s'il n'avoit pas deitine' par fon Teftament une fomme confiddrable pour la perfection de cet Edifice. Les aflauts continuels de la maladie qui me mine , font un preTage que je ferai bient6t avec le pauvre Comte de Ratembourg dans ce pays, ou Ton ne batit, ni pour Dieu, ni pour les hommes. L'Eglife de Berlin aura part & mes dernieres difpofitions ; mais je donnerai peu ( a ) , parce que j'ai peu. L'on ( a ) Monfieur de Voltaire ctvoit aiors foixante mille Uvres de rente. /. Partie* H Digitized by 1 86 M. de Voltaire doit fc rappdler dc fes parens & de fes amis f avant de fe fouvenir des pierres d'ua Monument. Jl eft digne ďun Evéque, d'un grand Cardinal í9 4'un céjébre Bienfaiteur teft que vous, de faire éclater fa généroíké dans tous les. endroits oů parvient fa gloire. Je finis'avec la veneration qu'on doit á ua mérite incomparable comme celui de Votre Eminence. 4 Yotre trév humble & tqesy devoué Serviteur , Voltaire. A.*Berliny U 7. Janvier, 17$** LETTRE L. A U ME ME* DA 1 gnez agréer les plus vives a&ioaf' de graces, pour les nouveaux gages que Votre Eminence me donne de fa bienveillance. Je la vois toujours attentive á répandre fes bienfaits fur TEglife & fur les Lettres ; fes iecons inftruifent le monde autant que fes exem-pies l'animent. Des Religieufes recoivent en prefent des Marquifats & des Duchés , uú Temple Catholique élevé au milieu de l'erreur, de ťargent & des ftatues. Je l'admire.de loin toujours infirme, toujours aigmiloné.. par. le_ déíirdeJui prifeuter mes refpeás; mais attache par les chaines du repps, de la liberté 8č des plaiiirs , par ces chaines que les Princes font ft rarement porter, aupré$ Digitized by Google peint par lui-mimc. 8? d'ltn Prince tres-aimable quoique heV&ique. Jo, fouhaiterois Chanter les loüanges de Votre Eminence , mais lorfqu'on eft livrö ä la fieVre & a Galien, Ton pen) le chant , &c la vote devient rauque. Je ne fuis pas rftoins l'admira-teur de Votre Eminence. A Poßdam, ce 4. JuilUt 1752. W*Z wf\ TTT fft TTT 7f\ UK *FT TTT WT TTT T¥T TTT ¥7T WT% wW% LETTRE LI. AU ME M E. MONSElGNEVlR, QUe penfera Votre Eminence quand Elle lira cette Lettre apres celle de Salomon du Nord ? Elle penfera qu'ayant recu Tor , Pencens & la myrrhe d'un Prince , qui vaut les trois Rois de l'Eprphanie , Elle veut bien jetter les yeux fur le tribut d'un Berger. Les devices de'Votre Eminence font d'elever des Eglifes, mais fon temple eft dans la memoire des hommes. Je voüdrois joindre mes applaudiflemens äux eloges que font retentir les prefles de Brefiia; mais ma voix eft rauque , & mon'efprit fe reflent de la langueur de mon corps.* Quand verrons-nous un Li-braire habile faire un RecUeil des productions trop e'parfes des Votre Eminence. fricriveqpas vosVers fur des'fefittlts volantes mais que tous vos Ouvrages foient reunis pour rimmortaliti. Je preTage que Votre Eminence donnera encore long-tems des benedictions aux Chretiens fee des exemples ä i'UniVers. Pour Hi Digitized by $8 „M. At ■ Voltaire moi petit ver luifant ( a J , je dois me prof- terner devant une Etoile il exlatante. Je fuis pour toujours avec la foumiflion 8c le refpect les plus profonds. monseigneur, 8tC. A Poftdam 9 ce ig. Septcmbre ij$z. ( ö ) Zw verj luifans ne piquent point; ai/i/? comparaifon rieft pas touUa-fait juße. LETTRE LIL AU MEM £. MONSEIGNEÜR, VOtre Eminence orne la raifon des Charmes de Tefprit, Elle eleve Tefprit par le zele , 8t Elle met le comble au zele par les foins magnifiques. D'une main , Elle decore Berlin d'urie Eglife', de l'autre Elle arrache au joug hdrdrique unTcavant Religieux , brebis «garere qui rentre au bercail. Votre Eminence repand avec une egale libdraliri fes trefors 8c fon encre ; Elle dclaire les S^avans & fou-lage l'indigence. Je brüle de voir vos fcavantes productions 8c vos vertus gendreufes recueillies par les Imprimeurs de Brefcia ; mais je fouhaite avec encore plus d'ardeur de lui rendre mes devoirs de pres, 8cc. A Poftdam , cell. Novembrt 1751» Digitized by peint par lui-tnime. $9 A VER TISSEMENT fur la reception de Mr. de Voltaire a l'Academie & fur la querelle quelle occajtonna. Monfieur de Voltaire vouloit étre de 1*Academie Francoife pour fe mettre á Tabri des pouriuites que quelques Ouvrages peu Chretiens póuvoient occafionner contre lui. A la representation de Mérope , il parcourut les Loges 8c le Theatre , 8c fe fit proclamer Académi-cien au milieu des applaudiffemens que recut fa Piece. L'occafion étoit favorable, il fit fes vifites aux Quarante 8c fut conduit. Ce réfus donna lieu á Mr. Bdillet de St. Julien , de faire un difcours ironique prononcé á la porte de PAcademie. Cette porte ayoit été fermée á Mr, de Voltaire ďune maniére aífez defobiigeantej II frappa de nouveau trois ans aprěs, 8c ort ouvrit les deux ba tans. L'etivie voulut troubler fa gloire ; on refufcita le difcours ironique enfeveli dans la pouffiére , 8c on y joignit une piece en mauvais vers, inthulée: Triomphe Poetique. Mr de Voltaire fe croyant outrage par cette pauvreté , fit des recherches pour en découvrir les Auteurs: il y eut une defcente de CommiíTaire chezMr.deAfairaii/t,connu par une traduction de Memefien, 8c enfuite chez Travenol, violon de TOpéra; il s'imaginoit que ce Muficien étoit TAuteur du difcours. On ne trouve que fon Pere , 8c Mr. de Voltaire- le fait, conduire á Fort-1'Evéque ; mais on le rélácha aprěs cinq jours de detention. Le pere ayant echappé á la vengeance de Mr. de Voltaire , il penfa á perdre le fils, chez qui on avoiťtrouvé deux exemplaires. Alors Travenol le Pere de-manda la reparation qiťon lui devoit pour foot Digitized by M. de Voltaire emprifonnement. Mr. de Voltaire fufjcondamn^ a lui payer cinq cent livres de dommages &t intents. Les fatyres qu'ils vouloient faife fupprimer nTen furent que plus connues, St il perdit a la fois Ton argent & Ton repos, com-me il arrive dans tous les Proces, LETTRE LI IL DE MONSIEUR DE VOLTAIRE. Uoiqü'vn difcours a l'Acade'mie ne folt ^£ d'ordinaire qu'un vain compliment plein deloiianges reba trues, 8c furcharge de l*£ioge d'un pr6de*cefleur qui fe trouve fouvent un homme tres-mediocre ; cependant ce difcours, dpnt plnfieurs perfonnes nous ont demande la reimpreflion , doit £tre excepts de la Loi commune qui condamne a l'oubii la plupart de ces pieces d'appareil ou Ton ne trouve rien. II y it ici quelque chofe & les notes font utiles. Sur fon difcours a VAcadimie frangoife. Digitized by Google peint par hii-méme. 91 LETTRE LI V. AU R. P. DE LA TOUR, JÉSUItE , Supérieur du College de Louis le Grand. N. B, Cette Lettre futécrite lorjque Mr. de Voltaire voulut ttre regu ä V Academie : il falloit pď-roitre bon ehret ien & bon c i toy en pour avoir cette place ; & comme cela eft affe\ difficile dans le cours ďune longue vie , il abrégea cette affaire en débhant d*e beaux ferttimens qui lui mériterent ťattejkttion du Jéfiitte. MON REFEREND PERE, AYant éxé élevé long-terns dans la maifón que vous gouvertiez , j'ai cru devoir prendre la liberté de vous adrefler cette Lettre, & vous faire un aveu public de mes fentimerts dans ťoccafion quife prefétíte. Le Gazétíer Ec-ciéfiaftique nťimpute des ífentknens que jen'ai jamais eus,, des livres que je n'ai jamais feits, ou qui ont eté älteres indignement par les Editeurs. Je crois devoir lui répondre comme le grand Corneille dans une pareille occafion: Jefoumets met Ecrits du jugemtht de VEglife ; je doute qu'il en, fafleautant Je ferai bien plus ; je lui declare á lui & á fes femblables > que 15 jamais on a imprimé fous mou nooi une page qui puifle fcandalifer feuiemeftt le Sacriilain de leur Paroiffe , je fuis prét de la déchirer devant lui ; que je veux vivre & mourir tranqúilíe dans le fein de TEgltíe catholique , apoftolique & romaine, fans attaqiier perfonne^, fans riuire á perfonne , fans foutenir la moindre opinlolr qui puifiě ofíenier pcrfbnne. Je detefte tout če Digitized by 9* M. de Voltaire qui peut porter le moindre trouble dans la. fociete. Ce font ces fentimens connus du Roi,' qui m'ont attird fes bienfaits. Combld de fes graces, attachd a fa perfonne facree, charge d'dcrire ce qu'il a fait de glorieux & d'utile pour la Patrie , uniquement occupy decet em-ploi, je tacherai, pour le remplir , de mettre en pratique les inftru£tions que j'ai revues dans votre maifon refpeftable y & fi les regies de l'dloqnence que j'y ai apprifes fe font eifacdes de mon efprit, le cara&ere de bon citoyen ne s'efFacera jamais de mon coeur. , On a yu, je crois , ce cara&ere dans tous mes Ecrits, quelques ddfigurds qu'ils foient par les ridicules Editions qu'on en afaites. La Henria-de mdme n'a jamais etd corre&ement imprimde* Qn n'aura probablement mes vdritabies Outrages qu^apres ma mprt; mais j'ambitionne peu pendant ma vie , de groflir le nombre des livres dont on eft furchargd, pourvu que je fois au nombre des honndtes gens , attache's a leur Sbuverain, z&ds pour leur Patrie , fiddles k - Ieurs amis des Tenfance ,: & reconnoiffans en-versleurs premiers maitres. C'eft dans ces fen* timens que je ferai toujours* A Paris 7; Fevrier 1746.. , LE T T R E L ¥. Pee me de FontenoL LE Public.fcait que cetOuvrage , compof& d'abord avec la rapiditd que le zeleinfpire, recut des ;ax,croiff€mens ^;chaque edition, qu*o% Digitized by peint par lui-mime, «/j en faifoit. Toutes les circonítances de la vic-toire de Fontenoi, qu'on apprenoit á Paris de jour en jour, méritoient d'etre célébrés, fcc ce qui n'étoit ďabord qu'une piece de cent vers , eil devenu un Poeme qui en contient plus de trois cent quarante Quelques étrangers ont voulu perfuader au public , que ľilluftre Adiffon , dans fon Poěme de la Campagne de Hocftet , avoit parle plus honorablement de la maifon du Roi , que ľAuteur méme du Poéme de Fontenoi. Ce reproche a été caufe qu'on a cherché í'Ou-vrage de Mr. Adiffon á la bibliothéque de Sa Majeílé , & on a été bien furpris d'y trouver beaucoup plus d'injures que de loüanges : c'eft vers le trois centiéme Vers. On ne les r£-pétera point , & il eft bien inutile d'y re-pondre ; la maifon du Roi leur a répondu par des vičtoires. LET TIE L VI. Orefte. 's CEtte Tragédie fut jouée le 12. Janvier 1750. je voulus donnerá ma Nation, quelque idée ďune Tragédie fans amour, fans confidens , fans épifodes. Le petit nombre des partifans du bon gout m'en fcurent gré , Sc les autres formerent des cabales pour empeV cher le fuccěs de la piece. Note fur la Lettre precedente. Cene fut point une cabale qui fit tomber Digitized by 94 dt Voltaire Orefte ; c*eft que Tauteur y avoit mis des dé-ciamations au lieu ďépiíbdes. II avoit devafit les yeux deux des plus grands modéles qui foient au theatre ; VElectre de Sophocle , & Celle de Mr. de Crébillon \ il eft vrai que cette derniere lui fatíguoit un peu la vúě , quoiqu'il nous ait bien afiuré du contraire dans un prologue audi adroit que modeíle , oil pour gagner la bienveillance du parterre , il le loue au dé-pens de toute l'Europe, II a fuivi le premier module autant qu*il a pú , s'eft écarté du fecond le plus qu'il lui a été poffible , & n'a égalé ni Tun ni l'autre. Klen ne fe fait hi qui n'ait été prédit: Ge vers de la piece s'applique tout feul $ la piece méme , dont la chute avoit été an-rioncée par les Prophétes.. A la repréfentation de cette piece, on fit mettre fur les billets du Parterre , les lettres initiales de Ce vers ^Horace: Omne tulit punctum qui mifiuit utile dutti, O. T. P. Q. M. V. D. Un plaifant prétendit que cela vouloit dire : Orejte f Tragédie pitoya-lie que Mr. Voltaire donne. AVERT IS SEME NT fur le Livre intitule: Cormoiflafice des béauťés Ik des défauts de la Poěfie. il parút en T75Ó. uh ^Livřě intitule : ton-noijfance des beautés & des défauts de la Pošfie & de I'Eloquence dans la Langue Frangoife. Mr. de Voltaire ý eft éxťrémement loué , Strneme mis au-deflus de nos meilleurs Ecrivains t fans Digitized by Google * peint< pär. lui-mime. $J exception* Cependant on le foupconna d*en etrel'Auteur ; il le de^avoua. Mais quel Qu* wage n'a-ih point defavoul ? II fedonne pour le feul modejte dans cet Ouvrage fingulier. II •nV bon de rapporter quelques morceaux qui tlfinneroat une idle de fa modeftie. Article Amour. Je donnerai deux portraits de l'amour tires de deux c&ebres Poetes, dont l'lia qui eft feu Rouffitau , n*a pas toujours parlel avec tant de bienfeance 4 & Tautre qui eft Mr* de Voltaire, a, ce me femble, fait toujours aimer la. vertu dans fes Ecrits (a ). Article Armie. Pour prouver incontefta-blement la fupeYiorite de la Poefie fur la Profe dans lememe genre de beaute , confiderons ee meme objet d'une armee en bataille dant le huitieme Livre de la Henriade. U y a dant cette defcription plus.^de path&ique encore 8c plus de ces portraits touchants que dans to TdUmaque. Ce morceau : Habitant malheureux de ces bordspleins de chärmef* forme un melange delicieüx de tendreüe & d'horreur* Le Poete met ici Ton art ä rendre la guerre odieufe , dans le terns me'me qu'il fonne la charge , & qu'il infpire l'ardeur du combat dans Tarne du Leäeiir. La comparai-fon de deux Mers qui fe choquent , eronne ^imagination ; la peinture de la bayonnette au bout du fufil, eft d'un goüt nouveau, vral & noble. Article AJTdut. Cet art de peindre les deV tails St. de decrire des chofes que la Poefie (a) Sur-tout dans la Pucelle & dant Candide* Digitized by 96 M. de Voltaire Francoife eVite communement, fe rrouve d'und maniere bien fenfibfe dans le recit d'un aflaut donne aux fauxbourgs de Paris. II eft vifible que l'Auteur a ajoütl contre le grand Peintre Home're , qui s'attache ä animer tout Sc. ä pein-dre toutes les chofes qui dtoient en ufage de Ton terns. Le Poete Francois entre dans les details de toutes les machines dont nous nousfervons, chemin convert 9 attaque ,fafcines pontes, mhies , bombes; tout eft exprimö. Article Bataille. Ce que j'aime dans la ba-taille d'Yvry, c'eft la foule des comparaifons & des metaphores rapides. Les avantures tou-chantes jointes ä l'horreur de Taction; la vertu ftoique de Mornay , oppof^e ä la rage des combattans; 1'eloge meme de Famine* au milieu du carnage , la cle'mence apres la victoire ; cela fait un tout que je ne rencontre point ailleurs. Article CaraBeres. Le caraftere de Charles XII. m'a frappe' dans un goüt abfolument different : c'eft ä la fin de l'hiftoire de ce Mo-narque. Le vrai fe fait fehtir dans cette pein-ture : on fent que ce n'eft pas la un portrait feit ä plaifir, comme celui de jfalftein , qu'on a fait valoir dans Sarrazin; mais qui n'eft peut-etre en eftet qu'un amas d'oppontion & d'an-tithefes , & qu'une imitation empoule'e de Salufte. Je vois dans ces traits un reTume' de toute l'hiftoire de ce Monarque. L'Auteur ne' peint, pour ainfi dire , que par les faits; il n'a point envie de briller : ce n'eft point lui qui paroit, c'eft fon Heros; & quoique fans envie de briller, il repand pourtant fur cette image une e'le'gance de diction & un fentiment de vertu & de Philofophie qui charme Tame. Article Comparaifons, De tous les Poemes~ Epiques Digitized by feint par luLmime. Eplques la Henriade eft celui oil fen ai vu da vantage ; rien de plus neuf que la plupart de Celles. que ce Poeme renferme......Voila comme un veritable Poete fait fervir toute la nature ä embellir fon Ouvrage, 8c comme la fcience la plus epineufe devient entre fes mains un ornement ; mais j'avoue que je fuis plus iranfporte' encore de ces Cfcmparaifons moins recherchees 6c plus frappantes, prifes des plus grands ob jets de la nature , lefquels pourtant nfavpient pas encore 6t6 mis en oeuvre. Article Dialogue. Mr. de Voltaire dialogue infiniment mieux que Mr. de Cribillon , de l'aveu de tout le monde ; 6c fon flile eft (i fuperieur que dans quelques-unes de fes Pieces f comme dans Brutus 6c dans Jules-Cifar, je ne crains point de le mettre ä cöte du grand Comeille% 6c je n'avance rien la que je ne prouve. Voyons les mimes fujets traites par eux, je ne parle pas d'(Kdipe / car il eft fans difficult! que YSdipe de Corneille n'approche pas de l'autre ; mais. choififlbns dans Cinna 6c dans Brutus des mor-ceaux qui ayent le meme fonds de penfdes. J'avoue hardiment que je donne la preference au ftile de Brutus. Article Enfer. On voit dans tons les Poetes epiques des defcriptions de l'Enfer. II y en a une aufli dans la Henriade , au feptidme Chant; mais comme elle eft fort longue 6c entremelde de beaucoup d'autres idees , j'aime mieux y renvoyer le Lefteur. Je dirai pourtant que j'aime mieux la peinture que l'Auteur trace des vices, qui de tout terns ont ouvert aux miferables mortels l'entree de cette horrible demeure, jque la defcription de Virgile , dans laquelie il met les remords vengeurs avec la crainte , la faim 6c la pauvrete* /. Partie. I Digitized by Google $8 M. de Voltaire Article Traduction. Mr. dc Voltaire & Mr. Racine le fils ont tous deux mis en vers une apoftrophe de Satan au foleil. Ii eft aife* de voir pourquoi les vers de Mr. de Voltaire font au-defliis des autres; c'eft qu'iis font phis rem* plis d'erithoufiafine, de chaleur 6c de vie , qu'iis ont plus de nombre'8c de force; qu'en un mot, ils font cftin Poete, 8c Lis ont fur-tout le merite d'etre une traduction plus fiddle. LETTRE L V I I. Jugement de Mohßeur de Voltaire fur Racme f Corneille 8c Cre^mllon. CE n'eft pas aflez d'amener une ou deux de ces (ituations qu'ori trouve dans tous let Romans, pour meriter le titre de PoSte tra* gique; mais il faut 4tre neuf fans etre bizarre, fbuvent fublime, 8c töu jours nature I; connot-tre le coeur humain 8c le faire parier / erre grand Poöte, fans que jamais aucun perfbnnage de la Pi^ce paroifle Pogte j fcavoir parfaite-ftient fa langue , la parier avec purete*, avec une harmonie continue » fens que jfamais la rime coute rien au fens. Quiöonque n'dbferve* pas toutes ees regies I peutj faire une ou deux Tragedies aplaudies au Theatre ; mais il ne fera jamais compt6 au rang des bons EcHvalns.-il y a tres-peu de'bonnes Tf ageMies; les ünes(a) jTont des IcUUes en dialogues biert Merits 8t bien riinäs; les untres ( b) des raifönhemens poli- {a) Celles de Racme. (bj les Tragidies de Corneille, Digitized by Google peint par lui-méme. 99 tlques qu^endorment , ou des amplifications qui rebuteni 5 les autres (c J des réves d'Ener* gumené en ftile barbare , des propos interrom-* pus, de longues apoftrophes aux Dieux , parce qu'onne fc, ait point parler aux hommes , des maximes faufles, des lieux communš empoulés. (<) Celles de Cre'billon. iln'v a done quel* grand Voltaire, qui foit fans defauts : cela efl modefte.. LETTRE L VIII. Autre preuve de Phumiliti deM. de Voltaire« LA Lettre dontvous me parlez , 8c qu'on doit mettre ä la täte de la Henriade, eft de Mr. Cocchi , hemme de Lettres t£es-eftim.e> Elle fut Werlte ä-Mr. de Renuccini, Se*creraire & Miniftre d'Etat ä Florence: eile eft traduite pär le Baron Eelderchen. Je ne me föuviens pas qu'il y ait un feul endroit oü Mr. Cocchi me mette au-deflus de Virgile. Sa Lettre m'a pani fage 8c inftruÖive. Si e'etoit ici une premiere Edition de la Henriade , jrexigerois qu'on n'im-primat pas cette Lettretrop d'eloges revol-teroient les Leöeufs Tran^ois ; mais aprfci vingt editions onne peut plus avoir ni orgueil ni modeftie fur (es Ouvrages. Iis ne nous ap-partiennent plus, 8c Tauteur eft hors de tout iriteret. H faudra feulement e^chäncrer les loüan- fes dontil m'affuWe. II commence par crier ä la, premiere phrafe : // n'y a rien de plus beau que la Henriade. Adouciflönsce terme, mettons i Digitized by Google too M. de Voltaire Ii y a pen d'Ouvrages plus beau que , &c. Mats comptez qu'il eft bon d'avoir , en fait de Poeme e'pique , le fuftrage des Italiens. Mort ami Tiriot s'eft fait peindre avec la Kenriade ä la main. Si j'ai une copie de ce portrait, j'aurai ma maitrefle & mon ami dans un cadre. AVERT IS SEMENT fur les Querelles de Mr. de Voltaire avec Maupertuis. Cette difpute fut la fuite de la quereile de Mr. de Maupertuis avec Koünig. Celui-ci avoit cite une lettre de Zeibnit\ , par laquelle il vou-loit enlever ä Maupertuis la gloire d'une de*, couverte. Le Prdfident de PAcaddmie de Berlin fomma fon adverfaire , de produire l'original de la Lettre de Leibnitf; mais cette lettre ne jfe trouvant point , Maupertuis le fit declarer fauflaire par PAcade'mie. Koenig en appelja au Public > & renvoya fa patente d'Acadsciicien. >lr. de Voltaire , malgre' la defenfe que lui en avoit fait le Roi de PrufTe » entra dans cette querelle. On furprit chez les Imprimeurs de Berlin plufieurs exemplaires de YAkatia. On faifitmeme Poriginai, & Pauteur ayant deTa-Toue cet ouvrage au Rpi de PrulTe , ce Prince le confondit enhri montrant fon manufcrit., Cette fatyre fanglante eft compofe^e de trois morceaux ,* le premier jntitule' .- Diatribe du Pocteur Akahia , Midecin du Pape ; le fecond: Dderet a VInquißtion ; le troifieme : Jugement des Profejfeurs du ColUge de Sapience. C'eft une allufion perpetuelle aux ouvrages de Maupertuis , un tifiu d'ironies, de perfonnalite's & d'in-fultes, oü Ton ne garde ni meTures ni bienfean-ces5 une pidee ä la verity pleine de fei 8t Digitized by peint par \ui~mtme. ioi d'agrement, mais qui n'en eft pas moins un li-belle diffamatoire dans toutes fes parties. IX fut brule par la main du bourreau dans toutes les places de Berlin , le 24. Decembre 1751. & l'Auteur fortit des Etats du Roi de Prude avec tous les fignes de la "difgrace. On a pretendu que ce Prince , en difgra-ciant Thomme de paix qu'il avoit tant defire d'avoir a fa Cour, l'avoit accable' de ces paroles : Je ne vous chaffe point, parte que je vous aiappelU: je nevous 6te point votre penjion, parce que je vous Vai donn4e : je vous defends de re-parottre devant moi. Rien n'eft plus faux , Mr. de Voltaire fut toujours libre de paroitre a la Cour; Sa Majefte* daigna m£me ie nommer d'un voyage de Poftdam ; Elle lui rendit la le clef de Chambellan 6c le cordon de Tordre du Mirite. Mais les chofes changerent enfuite , & le Roi lui e'erivit cette lettre. » Vous etes »bien le maitre de quitter mon fervite quand »vous voudrez; mais avant de partir, faites-»moi remettre le contrat de votre engagement, »la clef , la croix & le volume de Poefies que »je vous ai confie. Je fouhaiterois qtie mes vouvrages euffent 6t6 feuls expofe'sa vos traits »& a ceux de Koenig, je les facrifie de bon »cceur a ceux qui croyent augmenter leur refutation en diminuant celle des autres 5 je jsn'ai nila fblie ni la vanity de certains au-»teurs; les cabales des gens de Lettres me joparoiflent l'opprobre de la Literature ; je » n'en eftime pas moins les honnetes gens qui »les cultivent : les chefs de cabales font feuls *>avilis a mes yeux». Du 16. Mars 1753I Mr. de Voltaire quitta la Prufle au mois.de Mars 1753. e'eft-a-dire apres trois ou quatre gns jle fejour en ce Royaume. U fe propofoit Digitized by 102 M; de Voltaire (Taller a Plombieres, & d'y attendre la faifott. des Eaux; mais Ton e*tat de foibleffe le con-traignit de s'arr&er a Leipfig, 8c c'eft de cetta Ville qu'il decocha fes principaux traits. LETT RE L I X. PublUe pjr Mr. de Voltaire , fous le Titre det Reponfe d'un Academicien de Berliny a un Academicien de Paris. VOicr rexafte verite" qu'on demande. Mr. de M*** dans une brochure intitulee: Bffai de Cafmologi* pr6 tend it que la. feule preuvexie Texiftence deDieu eft, Ar ^nRB9 qui doit £tre un Minimum. ( Voyej png. 51. de> fin Recueil in-40. ) II affirm e que dins tons les cas pofftbles l'a&ion eft toujours un Mini* mum , ce qui eft de'montre' faux : 8c ii dit avoir ddcouvert cette loi du. Minimum , ce qui n'eil pas moins faux. Mv.Koenig , ainfi que d'autrcs Mathemati* ciens , a dcrit contre cette affertion etrange , & il a M cite) entr'autres chofes, un fragment d'une lettre de Leibnitf, 011 ce grand hommet difoit avoir remarqud que dans les modificatione du moufement, L'a&ion devient ordinairement un Maximum ou un Minimum. Mr. de M * * * crut qu'en produuant ce fragment, on vouloit lui enlever la gloire de & pretendufc decouverte, qnoique Leibnitfeut dit prexifement le contrairede ce qu'il aarancc* II forca quelques JMembres penftonnaires de PAcademie de Berlin , qui dependent de lui» de> (ommer Mr. de- produire i'originai Digitized by Google peine- par- lui-mtmc. lojr de la lettre de Leibnitz; 8c ľoriginal ne fe trou* ▼ant plus, U fit rendre par les mém es Mem* bres y un jugement qui declare Mr. Koěnig coupable d'avoir attenté á la gloire du Sieur Moreaitde M* ** en fuppofant une faufľe lettre. Depuis ce jugement auffi incompetent qu'uv* jufte, & qui deshonoroit Kofnig , Profefteut en Hollande 8c Bibliothecaire de S. A. S. Mde* la Princefle ÜQrcmge r ie Sieur M. de M*** écrivit 8c fit j écrirer a cette Princefíe , pour ľengager á.faire.ftmprimer par Ton autorite les réponfes de Ton adverfaire. Mr. KoZnig s'eft juftifié pleinement., non-feulement en fäifänt voir que ce qui appartisnt á.M. de M * * * dans fa -théorie eil faux, 8c qu'il n*y a que ce qui appartient á Leibnit^ 8c áďautres qui fok vrai; mais il a dormé la. lettre, toute entiére de Leibniti avec deux autres de ce Philofopheb Toutes ces lectres font du méme flile ; il n'eft pas poffible de. s'y> méprendre , & il n'y a perfonne qui ne convienne qu'elles font de LeibnitTi. Ainfi le Sfeur M. de M * * * a été convaincu á ia face de PEurope fcavante , non-feulcment de plagiát 8c ďerreur , mais ďavoir abufé de fa place pour éter la Uberte aux gens de Lettres, & pour pérfécuter un honnéte hornine, qui n'avoit ďautre crhne que- de n'étrc pas de fon avis. Plufieurs Membres de ľÄcadé-mie de Berlin ont protefté contre une conduite * fi criante, 8c quitteroient ľAcadémie que le Sieur M*4** tyrannife 6c déshonore , s'ils ne craignoientr de deplaire au Roi qui en eft 1« Proteäeur. A Btrlin, k 8* Sepumkre jj%%4 Digitized by Google 104 de Voltaire « AVE RTIS S EME NT fur la fuite de la Querelle avec Maupertuis. Ei» reponfe de la Diatribe duDo&eur Akakia, Mr. de Maupertuis dcrivit la Lettre fuivante , a laquelle Mr. de Voltaire fit la Replique qui y eft jointe. II fit imprimer ces deux morceaux fou$ ce Titre : VArt de bien argumenter en Philofophie , reduit en pratique par un vieux Capitaine de Cavalerie, travefti en Philofophe. LETTRE de Mpnjieur Maupertuis a Monfeur de Voltaire. Je vous ddclare que ma fame* eft aflezbonne pour vous venir trouver par-tout ou vous ferez , pour tirer de vous la vengeance la plus complette. Rendez graces au refpect & a TobdifTance qui ont jufqu'ici retenu mon bras. Tremblez. Maupertuis. LETTRE L X. fiiponfe de Monfeur de Voltaire h Mfnjieur de Maupertuis. J'A i recu la Lettre dont vous m'honorez; vous m'apprenez que vous vous portez bien » que vos forces font entidrement revenues, £>c vous me menacez de venir m'aflafliner, fi je publie la Lettre de la BeaumeUc. Ce proce'de n'eft ni d'un Prdfident d'Acaddmie , ni d'un J>on Chretien ui que vous fres. Je vous fais Digitized peint par lui-mtme. 10$ mon compliment fur votre bonne fante > mais je n*ai pas tant de force que vous : je fuis au lit depuis quinze jours , &. je vous «fupplie de difterer la petite experience de Phyfique que vous voulez faire. Vous voulez peut-etre me dilTequer ; mais fongez que je ne fuis pas un Geant des terres auftrales , & que mon cerveau eft fi petit, que la dexouverte de fes fibres ne vous donnera aucune nouvelie notion de Tame. De plus fi vous me tuez, ayez la bonte' de vousfouve-nir que Mr. de la Beaumelle m'a promis de me pourfuivre jufqu'aux enfers : il ne manquera pas de m'y aller chercher , quoique le trou qu'on doit creufer par votre ordre jufqu'au centre de la terre , & qui doit mener tout droit en enfer, ne foit pas encore commence': il y a d'autres moyens d'y aller; & il fe trouvera que je ferai mal mene dans Pautre monde, comme vous m'avez perfecute dans celui-ci. Voudriez-vous, Mohfieur t pouffer ranimofite* fi loin ? Ayez encore la bonte de faire une petite attention. Pour peu que voüliez" exafter* votre ame , pour voir clairement Pavenir, vous verrez , que ft vous venez m'affaffiner a Leipzig, ou vous n'etes pas plus aime qu'ail-leurs, £c ou v§tre Lettre eft depo'fee., vous courrez quelque rifque d'etre pendu ; ce qui. avanceroit.trop le moment de votre maturite' f fccferokpeu convenable a un Prdfident d'Aca* demie. Je vous coiiIeille.de faire d'abord declarer la Lettre de la Beaumelle forgee Sc at-tentatoire ß yptre gloire dans une de vos Af-femblees apres quoi il vous fera plus permis jeut-etre de me tuer , comme perturbateur de votre amour propre. Au refte je fuis encore, bien foible vous me trouverez au lit, & je Ue pourrai que vous jetter a la tete jma f4- Digitized by Google lo6: M. de Voltaire ringue Sc mon pot de chambre. Mais des que j'aurai un peu de force , je ferai charger mes piftolets cum pulvere Pyrio , & en multipliant la mafle par le quarré de la vitefle , jufqu'ä ce que Taction 8c nous foient réduits á zero, je vous mettrai du plomb dans la cervelle; eile paroit en avoir befoin. Ii fera trifte pour vous que les Allemands» que vous avez tant vilipendés, ayent inventé la Poudre, comme vous devez vous plaindre qu'ils ayent inventé Tlmprimerie. Adieu mon. eher préfident. LETTRE LXI. A MONSIEUR FORME I, Secretaire perpétuel 4e V Academie de Berlin. Monsieur le Secretaire etzrnel , JE vous envois Tarrét de mort que le Préfident a prononcé contre moi , avec mon appel au Public 8c les témoignages de pro* tection que m-ont donné tous les Médecins 8c tons les Apoticaires de Leipzig. Vous voyeí que Mr. le Préfident ne iě borne paš aux ex-* périences qu'il projette dans les terres auftrales í 8c qu-il veut abfolument féparer dans le nord mon ame ďavec mon corps. Ceil la premiére fois qu'un Préfident a voulu tuer un de fes Confeillers. Eíl-ce la le principe de la moindré action ? Quel terrible homme que ce Préfident! It declare faufiaire á gauche, il aflaf-líne á droite, 8c il proliv* Dieu par A* plus ft Digitized by peint, paf lui*fňime. -107 divífé par Z. franchcment on n'a jamais rien Irů;de paréíl.J*ai fait, Monfiětir une petite reflexion ; e'eft que quand le Préfidcnt m'aura tué , diffóqué^&lsnteřré , ilfaüdra faire mon éloge á řAcadémie felon la louable cÓŮtume. Si e'eft luk qui s*en charge , il ne fera paspeu embarraffé. On fcait comme il Pa eté avec feu Mt>le Maréehal de 8chrMettau, auquel il avoit fait quelquepeine pendant fa vie.Si e'eft vous, Monueur , qui faites mon oraifbn ťunébre, vous y ferez tout autB empéehé qu'tm autre. Vous étes Přétre , & je füis profane ? vous . etes Galvinifte, & je Aus Papille 5 vous étes Auteur , je le fuis auffi vous vous portex bien , & je fuis Médecin. Ainfi ,' Monfieur , pour efqüiver Toraifon funébre , & pour mettre tout le monde áfon aife , laifiez-moi mourir de la main crüelle du President & r aye z-moi du nombre de vos Ems. Vous fentež bien d'ail-leurs qu'etant condamné á mort par fon arret, je dois étre préalablement degrade. Retranchez» moi done, Motofieur , de Voire Lifte ; mettez> moi ávec le fauflaire Koenig, qui a eu le mal« heur d'avoir raifon. J'attendrai patiemmentla mort avec ce coitpable. Pariterque cede nies ignovire DIU. Je fuis taetaphifiquöment, ■ M on sie ur, &cc« &c4 Digitized by Google to8 M. de Voltaire LETT RE L X II. A M A D M E D***. Mayence , U 9. Juillet 175 j, IL y avoit trois ou quatre ans, que je n'avoii pleure , & je comptois bienque mes. pru* nelles ne reconnoitroient plus cette foiblefle y jufqu'a ce qu'elles fe fermaffent pour toujours* Hier le Secretaire du Comte de Stadidn me trouva fondant en larmes ; je pleurois votre depart & votre fljour ; ratrociti de ce que vous avez fourTert perdoit de fon horreur quand vous e'tiez avec moi ; votre patience & votre courage m*en donnerent1, mais apres votre depart, je. n'ai plus ^tel foutenu, je crois que c'eft un r£ve , je crois que toiit cela eft arrive' du terns de Dinis de Syracufe. Je me demande s'il eft bien vrai, qu'une Dame de Paris vo-yageant avec un pafleport du Roi fon maitre \ ait 4t6 trainee dans les ruSs de Francfort par les foldats , conduite en prifon fans aucune forme de proces , fans femme de chambre , fans domeftiques, ayant a fa porte quatre foldats la bayonnette au bout du fufil, & con-trainte de foufFrir qu'un Commis de Freytag f un fcllerat de la plus vile efpece , paffat feul la nuit dans fa chambre : quand la Brinvillers fut arrStde , le bourreau ne fut jamais feul avec elle, il n'y a point d'exemple d'une in-de*cence ft barbare , & quel £toit votre crime % d'avoir couru deux cents lieues pour venir con-duire aux eaux de Plombieres un oncle mou- rant, pelnt par lui mime. rant , que vous regardez comme votre pere. II eft trifte fans doute pour le Roi de Prufle qu'il n'ait encore repard une telle indignite* cprnmife en fon nom, par un homme qui fe cut fon Miniftre. Parte encore pour raoi , il rn'avoit fait arreter pour avoir fon livre imprime' de Podfies , dont il rn'avoit gratifie, 8c auquel j'avois quelque droit; il me l'avoit lajife' comme un gage, de fa borne* 8c comme la recompenfe c\e mes (bins ; il a voulu reprendre ce bien-fait, il n'avoit qu'a dire un mot , ce n'dtoit pas la peine de faire emprifonner un Vieillard qui veut prendre les eaux, il auroit pufe fou-venir que depuis plus.de 17 ans il rn'avoit pre-venu par fes bonids feduifantes, qu'il rn'avoit dans ma vieillefle tird de ma patrie , que j'avois travaille avec lui deux ans de fuite a perfec-tjonner fes talens , que je l'ai bien fervi, 8c ne lui ai manque* en rien ; qu'enfin il eft bien au-deflbus de fon Rang 8c de fa Gloire, de prendre parrie dans une querelle Acadejnique,. 8c de finir pour toute recompenfe , par me faire demander fes Poelies par des foldats ; j-efpe're qu'il connoltFa t6t ou. tard qu'il a ete trop loin, que mon ennemi l'a trompe*, 8c que ni ItAuteur ni le Roi ne doivent jetter tant d'amertume. fur la fin de ma vie. II a pris con-feil de fa colore , ii le prendra de fa raiton & de fa bonteVMais que fera-t-il pour reparec l'outrage abominable qu'on. vous ?a fait en fon nom ? Milqrd Marichal fera fan* 'doute cbargd de vous faire oublier , s'il eft pollible, les hor-r-eurs ou un Freytag vous a plonge\ . On vient de m'envoyer ici des lettres pour vous , il y en a. une de: Mme. La-Fontaine t qui n'eft pas confolante > on, prdtend toujour* quej'ai dtd Pniflien j fi ji'on ewe^ par-lji que LPartie. K Digitized by Google lie* M. OoOt(X)o(X)OOOÜOQ(XXX -LETTRE LXIV. ▼ Lettres , que la Beaumelle proraet de rat pourfuivre jufifu'aux Enfers. 11 eft bien le mai-tre d'y alter quand U roudra. Vous me faite* entendre que pour mieux meriter Ton gke , il u&primera cootre moi beaueoup dechofes peiv fonelles f fi je refute ies Comweataires qu*il a imprimis fur le Slide de Louis XIV* Vous m'arouerez que c'eft un beau procede' d'imprimer trois volumes d'irrjures St d'hnpoihires oontre un homme , & de lui dire enfuite : Si vous ofif vous defendre , je vous adomjiierai encore. Vous me raportez, Monfieur , dans votre Lettre 4u «. Mars, tque la mauie're doat il s'y prendra , ne pourra que me faire beaueoup de peine , & quand il auroit tout le tort du men-de, le Public ne s'en iaformera pas, & rira a boa compte Sachez , Monfieur, que le Public peut rice d*un homme heureux 6c avantageux * qui dil ou fait, on e'erit des fottues ; mais qu'il ae rit point d'un homme infbrtune' &c perfecuteV La Beaumelle peut reamprimer tout ict qutoa a e'erit coatre moi , dans plus de ciaquante volumes; cela lui procurera pen de profit & peu -de rieurs. Je vous responds que fes nouveas chets-d'eeuvres ne me feront aucune peine. Je lui donne une pleine liberty , je crois bien que la Beaumelle eft un Ecrivain a faire rire; mafe 11 TAuteur de la Speiiatrice Danoife, du Sur Monfieur de la Beaumelle. us m'apprenez , Monfieur , par vos Digitized by Google peißt par lid-mime. *** gu*e* dira-t~on ©u de MtjPenfUs t qui a outrage tant de Souverains & de particuliers avec une tnfolence 0 brjjtale , & qui n'eit impuni que par Fexcés du mépris ut avoit de fuivre les rd-volutions de l'eiprit humain dans celles des Gouvernements. Je cherchc4s comment tant de mechants hommes, conduits par de plus me*chants Princes y ont oourtant £ la loiigue &abli des Societies ,, on les arts , les fences, les vertus sn&me ont e'te' cultivees. Je cherchois les routes du commerce qui r£-pare en fecret les ruines que les Sauvages con* queVants lahTent apres eux. Et je m'gtudiois a examiner par le prix des denree* , les ficheffes & la pauvrcte' d'un peupie. J'examinois fur-tout comment les Arts ont pu renaitre 8c fe &u-tenir parmi tant de ravages. Cette partie de 1'Hiftoire etoit fans doute mon plus cher objet, & les revolutions des Etats a'etoient qu'un acceflbire a celles des Arts 6c des Sciences. Tout ce grand morceau qui m'avoit coute' tant de peines,, m'ayant £%& derobe* il y a quejques annees, je fits d'autant plus encourage , que je me fentois afefolumeot »capaMe de reconunencer un £ pinible Ouvrage. La partie purement hjftorique refla informs entre mes mains. Elle eft pouffe'e jufqu'au Reg&e de Philippe 17. 8c elle devoir fe lier au $«cle de UuU XIV. Cette fuite d'Hiftoire deharraflee de tons les details qui obfcurciflent d'ordinaire le fond 8c de tomes les minuties de 1a guerre, £ intere£-faates dans le moment 8c ji ennuyeufes apres, Ac de tous les petks faits qui font tort aux grands devoit compofer un vafte tableau , qui pouvpit Aider lame&oke en frappaut ('imagination. Digitized by Google peiat fat lu&tntMie. tut Wufieurr pcrfonnes voutorem avoir let fiianu&< crir > tout imparfait qu'il etoir,. & il y en a plus de trente copies. le les donnat d'autant us volontiers que ne pouvant plus. travailler cet Ouvrage, c'e'tok ausant de materiaux que je mettois enrre les> mains de ceux qui pou* veient tfachever. Lorfque Mr. de la Entire cut le Privilege du Mercure de France vers 1'anaee 1747., il me pria de lui abandonner quelques^unes de ces feuiiles qui parurent dans (on Journal. On lea a-recueilKes depuis en 1751., parce qu'on re-cueille tout. Le morceau fur les Croifades , qui fait une partie de I'Ouvrage, fut donne dans ce recueil comme un morceau detache , 81 le tout fut imprimd tres-incorre&ement avec ce Titre peu convenable ; Plan de VHiftoire de VEfrrit huntain. Ce pre*tendu Plan de l'Efprit htunalo coatient feulement quelques Chapitres hHtoriques touchant le neuvie'me & dixie'me Siecles. ■ Un Lifrraire de la Haye ayant trouvd un ma> nufcrit plus complet, vient de 1'imprimer avec le Titre tfAbrigt de VHiftoire univerfelle depute Charlemagne , jufqu'a Charles Quint. Et cepen-dant il ne va pas feulement jufqu'au Roi de FranceXoiiiV XL ; apparemraent qu'il a'en avoit pas da vantage , ou qu'il a voulu attendre pour dbnner ion troifieme Volume , que fes deux premiers fiiuent de'bites. II dit qu'il a achete' ce manufcrit d'un horn* tne qui demeure & Bruxclles* J'ai oiii dire ea. efiet qu'un domeflique de Mgr. le Prince Charles de Lorraine en pofledoit depuis long-temps une ceaie , &: quelle etoit tombee eatre les mains de ce domtfbque par une avanture afiea fingii* Here. L**x*mp4aire> fin pns tout lui pih roiíTok petit Se fauvage. On entreprit done cet Ouvrage pour i'inftruire Sc pour s'inftruire ayec ejle. Je ne puis trop regretter la perte ides marmCcrits qui contenoient la plus grande par* #e de rhiftoire des Arts dans TOrient. Qette partie avojt 4té fournie par un Grec de Smyrně, aommé Mx.JJadihi, Interprete duRoi d'An-gleterve George L Ces raatériaux furent per dus aprěs la mort de la JPerfonne illuftre ., pour laquellej'avois compofécette Hiftoire d*un goút 1 nouveau. * Je ne Pavois jamais deftinée á étre publique: vous pouvez vous flatter que je nePai donnée qu*á votre priére St á ťempreíTement de mes amis qui ont comme vous été frappés de 1'im-partialité , de la candeur St de 1'efprit égale-ment philofophique 81 bienfaiftnt qui forme le caraftére de POuvrage. Sur le, mime Sujet. rs Perfonnes fcavent que VEjfal Digitized by Google M pánt par lúi-mtme. lij L E T T R E XL V11. A HONS IEUfc ŤIRIOT*** A Monridn prés deLau\anné, 26. Mars t7 57. On cher8c ancien ami, detous les éloge* dont vous comblez ce foible Effai fit* ťHiftbirč generále, je n'adopte que celui de ľimpartiahté , 4e Tameur extréme pôur la veríte, du zéle pour le bien public , qui out diäécet t&vrage. ^ J'ai Mvtxmt ce que"j'ai pu toure ma vie ; pouŕ contribuer á etendre cet efprit de phíla-fophie & de Tolerance qui femWe au jour* ďhui caraôériftr le fíécľe. Cet efprit qui anime tous le« honnéies gens de ľEuropé , a. jette tfheureufes řacines dans le paýs you ďabord fórfoih de ma mauvaife íantém'avóit conduit\ & oú ta reconnoiďance 8c lä douceur d*une ▼ie trsnquine cťairétent. ' > Ce n'eíl pas un petit exemple du progres de 1a raifcm humaine qu*on alt imptimé é Geneve, dans cet Eflľai fur ľHiúoire vavec ľ Approbation poblique, que Calvin avoit une äme atroce , anflMaáen qu'tín efprit éclairé. . . ■ ■ í - Le meurtre de Servet parol r aujourďhui abominable.' Les HolläUdofe rougiííént de celúi de Ärôtvi/ii; Je ne fcjal encore ti les Anglois au* ront á fe reprocher''celui de -PAmirai Bing. -Mais feávez-vous que vos querelles abfurdes, fcc enfin ťatrentat de ce monftre Damien, m'attk rent des reprocties de toutó ľEurope littéraire f Eft-ce Ját j me dit*on •, ceťfce Nation que vouf La Digitized by Google 124 M. de Voltaire avez peinte fi fage ? A cela je réponds comme peux, qu'il y a des hommes qui ne font ni de leur fiécle, ni de leur pays. Je foutiens que le crinie d'uo fcélératftt d'un infenle dc la lie du peuple, n'eft point PefTet de celui du tems. Chatef 8s Rpvaillac ftirent enivrés des fureurs épiděmíques qui regnoient en France. Ce fut reibrit dufanatifme public qui les infpira; & cela eft fi vrai que j'ai lů une Apologie pour Jean Chatel 8c fes fauteurs , impriméé pendant le proces de ce malheureux. II n'en eft pas ainfi aujourd'hui:, Le dernier attentat a faifi ďétonnement 8t #horreur la France 8c i'Europe./ : * , ,VJ ^ A- . . , - Nous détournóns les yeux- de ce* abomina* tions dans notre pays' Roman, ap-peUé autre-ment le pays de Vaud, le long des bords du beau Lac Léman. Nous y faifons ce qu'on de-vroit faire á Paris; nousyvivonstranquilles\ nous y čukivons les lettres fans cabales. Tavemier difoit que: la víte de Laufaune-&a Je Lac dei Genevei, relíemble á celle derConC* tanrinoplemais ce, qui m*en plait davao'tage* c'eft Tamour des Arts .quLawme tousles hon* tíétes gens. de< Lau&nne. i i .' r ?:) On ne vous a point trompe., quánd on vons a dit qu'on y avoit joué Zaire , Y Enfant pradigu* Be d'autres Pieces , aiííTitbien, qu'oa pourroit les repréfenter á.Paris. N'en foyez pointiurpris; eti ne parle , on< conaoit ici' d'autre langue tjue la ndtre, Pfefque kontes; les í fatrélies $ifám francoifes, 8t il y a >ict aujtant rdctffprit 8ě-d* gout qu'en aucun-Heu du monde; >-,: • r f On ne connoit ici ni cette plate 8c ridicule J Hijloire de la guerre de^ 1741. qu'on a.imprimée á Paris fous monnomyni cette.infamerapfo* die iatitulée: Lapmelle:djO(léart^4 rejtiplie;dc j ' i ' Digitized by Google peint par tui-méme. 125 Vers les plus plats & les plus grofliers , que. l'ignoraace fit la ftupidité ayent jamais fabri-qués , 2* des infolences les plus atróces que. reffronterie puiffe raettre fur ie papier. «II faut avouer que depuis quelque terns on a fait á Paris des chofes bien terribles. ayec la plume & le canif. Je fjjÄs confolé d'etre loin de mes amis, en me voyant loin de tou tes ces énormités , Sc je plains une Nation aimable qui produit des monftres. AVERTISSEMENT fur la Lettre pré-cédente & ßir les Lettre* fuivantes. La Lettre á Mr. Tiriot ou Calvin eft Ii mal traité, caufe une fermentation dans Geneve, On publia des Lettres ou il y avoit des chofes tres-mortifiantes contre Mr.de Voltaire. II ne tróuva pas de moyen plus court pour fe tire* d'affaire , que de dire que^a Lettre« 4 Tiriot útok falfifié v mais comme eette re^pppfe ne fctisfit pas les Critiques, it drefla ie Afómoite fuivant. II fut (ans eflfet * on trouva fort étcange: que Mr. de Voltaire ne voulut pas fouffrir quelques égratignures > aprés avoir donné de grands .coups dc íabre. t • MEMOIRE fur le Libelle clantefifnemen* •. imprimé h.Laufanjxe+fou* le Titre de Guerre. ,> de íMtonfour de Voltaire* c 1:2er. La Mfekfc de Milord Boünbrob eil m Ecrit formel contre la religion^ » Ecfic tteV áangéreux, qu'oa ne peut publier T nt fauue-ment impurer á qui que ce íbitlans criine-j I-, *°~La ^ttttfe teilte* te< F?ikw*4v#te.4s. L3 Digitized by Google itfS Äff. de froltäire Laufanne ä Mr. Tiriot a Paris eft one Lettre prefqtie emidrement (uppofläe , comme ileft a-ifd de le f9avoir de Mr. Tir/or ä Paris, rue St. Honori , chez Mr. le Oonwe de ÄSonraa-ne»cy. C'eft troubler la Societö dHmprtmer les Lettres des Particulars; il eft encore plus contre les bonnes -moeurs de les falfifier. 3°. Reponfe ä cette Lettre par une Spciete' de Genevois , eft un outrage a la vile 4k Geveve, un Libelle anonyme qui n*a jamais ix£ imprimd ä Gdneve, fit qu'il n'eft pa* permit d'imprimer ni de ddbiter. - 4°. Une-autre prätendue" Lettre ecriie dGd» neve eft encore im Ecrit anonyme fauifcment impute ä un Genevois, & ne montre qu'une fetenöon formelle, quoique tres-infrudueufe,de. ferner la difcorde entre la Ville de Gdne w fic Mr. de Voltaire > Seigneur de deux Terres aua pörtts de cette Ville , dans Pancien ddnoau brfcment. - 5öVLa pretends difpute de Mr. de Voltaire avec' Miv Verne* , Profeflfeur en Rheologie, n'a jamais exjftd. Mr.. de Voltaire eft Seigae* de la Terre oü Mr. le Profefleur Verhet a une maiibrt de Campagne; & le Brouilk>n qui a wp-föCi un demeid entre deux voißns & deux amis , ne peut dtre qu'un perturbateur da repos pu||[ic. - Le dernter Memoire anonym« ! fur ft memoire de feu Mr* Saud», ne vtend qn'Äde-foler une famille innocent* de« fautes du Pere, **il en a fait, & ä renouveller un fcandale af-freux que la prudence & la boritd de • leurs Excellences daignent voutoir dtoufter. Le feul nom dt rEditsar read bien fofpeÄ tout le refte de cet Ouvrage de tdndbrei, ^fu« jene connoispas «nüeremeüt^ Ät^aoatje Digitized by Google pest* par tuumhac. n'ti tu que quelques fragment 8t quelques titrcs tous faux & calomnieux. Ceft on nom> mi Gntfßt, Genevois , comtaincu d*avonrvol£ Mr. Crammer. Je joins telle certificat que Graffet a &e dderete* de prife de corps a Geneve. Je Ae reftrve le droit de le pourftiivr* en juflice ; e'eft une vaine excufe de dire que fon Libelle eft extrait d'autres Libellet ; des perfonalite's calomnieufes font punüTables; 6c il eft faux que toutes les pieces de ce Kecueil foient tire'es d'autres Brochures , puifque les deraieres Le tires fur Sauriti font nouveiles. Je requiers que cette Declaration fignee de majnairt , en&mble le Certiftcat des fttwrs Crammer, & autres Pieces probaates que je fcrar tenir, foient produites devant les Seigneurs curaieurs de i'Acadeinie* Tournayprej deGtneve,parmoiRdeVö\tü\Tt9 GentiU Womme ordinaire de la Chambre dn Hoi, ■v €omte de Tournay fe 12. Firritr £755}. Notts Jbuffigäes, declaring que fe nomine* Fr/tnfois Crajfet nous ayant vote pendant 'Pet pace de d»-hu4t aas ©u ä peu pres , quM nous a fervi en qualite' de Commis ; le magnifiqae Cotueil 'nous It demander en 1756. one De-claration de tout ce qui s'etoft uafffc j qöfe nous -nous toafermÄmes & cet Ordre , Äc la donames ä Mr. TAuditeurde NormamHe, «1 ■Paccompagnant de toutes ks Pieces qui pot|-toiem eonftater fes rrtoonneries; enftdte de quei Digitized by Google r*8 M. de Veltairt Cette Declaration a été envoyéc ä TAca* démie de Laufanne fans Lettre , 8* dans une fimple envelope , avec cette adreífe : A MM. Ur Reäejirs & Membres de l*Academie de Laufanne. LETTRE LXVIII. „De Mr. de Voltaire a Mrv Haller. - VO i c i, Monfieur , un petit Certificat qui peut fervir á faire connoitre Graffex y pour lequel on demande votre protection. Ce mak heureux a fait imprimerá Lauianne un Libelle abominable contre les mceurs , contre la religion , contre la paix des particuliers, contre - le bon ordre il eft digne d'un homme de votre probité & de vos grandi talens, .derefuíér á un ícélérat une protection qui honoreroit les gens de biem J'oie compter fur vps bons offices,. ainfi que fur votre équité. Pardonnez á ce chiffon de papier ;ün'eft pas conformeaux ufages Allemands ; mais il reft á la franchife : .» «: . Si les fouhaits avoient du pouvoir , j'eti ajauterois un aux bienfaits du deftein* Je vous donnerois de la tranquillite , qui fuit devant le g£nie , qui ne le vaut pas par rapport a la Society, mais qui: vaut bien davamage par Digitized by Google M. de Vokaift rapport ávous-méme : des-lors lliomme le plus célébre de 1'Eutopé feróit aufli le plus - heureux. Je fuis arec l'admiration la phis parfaite. fife. JJĚu Jk^kjHL^fejJfe Jtu j&jfc ďb^fe^lb JŠí &k Jtíriíbt3h-JSk LETT RE LXIX. Méfutation ďun Ecrit anonyme coňire la Mé-moire de feu Mr. Jofeph Saurín de VAca~ dérnic des Sciences , Examinateur des Livres, & Prépofi au Journal des Scavans , Uquěí Ecrit anonyme fe tnowedans le Journal Hel-vétíqne du Mens ďOStobte 1758. SI celui qui pourfuřt feu Mr. Saurín jufqnes dans le tombean , fcavoit que cet Académi-eienalauTéune faminenombreufe, ilferoitfans doute aífligě d*á?oir porte le poignard dani le coeur des enfatis>, en remuant la cendre du Pere. S^it fcavott que le fils aufl; reiapli de probité fit de 'mentě que dénué de fortune , pent ft voir arracher coutes fes efpérances par l*oppro-> bre dont on veut le courrir ,* sftl apprenoit que cet opprobre peur priver ďétabluTement quatre álles vertueuíesy il effaceroit par (ěs larmes ce que fon imprudence lni a fait écrire. Jufqu'a quand Terra-1-on ,uon-feulementlét gens de Lettres qui doivent étre humamsi ftais encore ceux auxqpels il eit ordonaé-dí&re charitably, infe&er les Journaux & les Die-tionnaires , de roédifances , ďoftenfes perfon-flclles, de ftandales que hi religion reproure |c quele mondev^emeafebope. Digitized by Googk ^ peint par tuimlm*. ju Qn imprima il y a quelques amides dans lei fiipldmens de Morirj &c du cdldfcre Bayle, des anecdotes concernants feu Mr. Jofiph Saurin, v Onl'accufe dans ces Articles des crimes les plus, infames & les plus fcas ; & on cite une Lettre de lui a un Pafteur fon ami, dans la* quelle il lui fait la confeßion de fon infamie, fl n'eft pas naturel qu*un homme d'un grand feus & d'un efprit profond, tel qy'dtoit Saurin, ait (ignd fa honte. Mais quand meme il feroit poÜible qu'il eutdcrit cette Lettre a unami, certainement les loix de la Socidtd ne permet-lent 9 ni qu'on trahifle les fecrets de l'amitid, ni qu'on viole l'afyle des tombeaux, pour faire un mal public, dont il ne revient aucun bien a perfonne. . Les JDiftionnairesfont faks pour dtre les ddp6ts des Sciences, & non les greffes d'une Cham* ere criminelle. Les loix ne permettent pas meme qu'on reproche ä un homme d'avoir etd puni paries loix, parce qu'un reproche public eft une partition, & qu'il u'appartient qu'au Souverain de punir. Cependant ce fcandale fut imprimd * & il fit tout fon eftet dans les et-prits foibles, avides de la honte d'autrui. Les enfans infortunds de l'Accufd adreflerent leurs juftes plaintes ä un Officier de la Cham-' hre du Roi tres-Chrdtien , qui par fa charge d'Hiftoriographe de France , pouvoit donnef quelque crddit ä fes recherches, & de'tourner Infamie dost on vouloit fletrir une familie Umocente. Cet homme en place ä qui ils s'adreflerent, dtoit d'autant plus en droit de leur preter fa voix, qu'il dioit ami du fils , 8c qu'ü. l'avoit e|e du Pere. Jl .aypit >paifö trois anndcs 4* f«fc jeuneüe avec Mr. jojeph $ a la morale , a Pddification publique , quand on aura triftement combattu des timoignages rendus en faveur de cinq enfans malheureux % Remarquons ici un contrafte bieri frappant &. trop ordinaire. L'Auteurdu Siicle de Louis XIV. Tami {b ) de Mr. Saurin , de fonfils & de fes Si M. de Voltaire itoit amide Mr. Saurin f il ne devoit pas le peindre comme un homme qui /. Partie. m Digitized by 134 . M. de Voltaire fceurs, touché de leur affliction , 8c preAe" par le devoir de rhumanité , va trouver un Gentil-Homme, un ancien Officier , Seigneur de la Terre dans laquelle Jofeph Saurin étoit Minif« tre ; avez-vous jamais vú, lui dit-il, cette Lettre dans laquelle Saurin eíl íuppofé s'accufer lui-méme des crimes dont on le charge l Non, répond cet Officier , plein de fran-chife 8c de bonte , je ne Tai jamais vůě, 8c je ne puis approuver Pufage qu'on en fait / toute fa famiile répond la méme chofe. Trois Paf-teurs refpeöables, animés des mémes princi-pes ďhonneur , íignent la méme declaration ; 8c voilá qu'un homme ( c ) qui n'ofe pas figner fon nom , s'eleve contre tous ces témoignages. Une familte entiére 8c trois Miniftres cherchent á fauver Phonneur proítitué á la médifance ; 8c un Anonyme leurdonne á tous un dementi: Non , leur dit-il, je ne veux pas que vous ren-diez la paix á dés coeurs affligés ; tous vos témoignages autentiques font des impoftures ; 8c je veux par un Libelle fans nom , déchirer pieufement ceux que vous avez généreuíément confolés. Les enfans de Mr. Saurin ne font-ils pas en avoit change de religion , uniquement pour echap-per h Vennui & a Id mi/ere ; qui avoit trompe? le grand Bofliiet , en fe difant per/hade" ; qui faoit.d'une humeur dure & altUre , &c. Voyez Ies Articles Saurin 8c la Motte dans le Siecle de Louis XIV. Ces Articles infirment entUrement ce Mimoire. ( c ) Cet homme a tort ; mais Mr. de Voltaire lui a fourni Us plus fortes armes par les Artim ticks dija citds. ' Digitized by Google peint par lui-mtme, i$5 droit de dire ä cet ennemi des hommes : par quelle cruaute' inoüie venez-vous , fans miC-won, fans titre , fans raifon > perfecuter la memoire de notre pere que vous n'avez point connu , 8c pourfuivre fes enfans que vous ri'e connoiflez point ? Vous affe&ez par les fup-pofitions les plus ridicules, de douter du te-moignage favorable 8t necefiaire , dont nous avons l'Original entre les mains ; avez-voüs l'Original de la Lettre qu'on impute ä l'lnfor-tun£ dont nous tenons la vie ? celui qui a 6i6 fon Seigneur ne Pa pas vüe , ie Doyen des Pafteurs äge de feptante ans ne Pa pas vüe.; montrez-la, ou faites-nous amende honorable/ Apprenez qu'un accufateur ( d ) doit avoir fes preuves en main , 8c quand il les a , il eft ödieux; quand il ne les a pas, il eft calom-niateur. Voilä ce que dira fans doute cette familie ft indignement attaquee. Tous les honnetes gens ajoüteront: par quel exces incomprehensible avez-vous pü vous läUTer empörter , juf-qu'ä taxer de Dcifme 8c d'Atheifme , le fervice charitable rendu ä la memoire d'un mort 8c & la reputation de fes enfans I fentez-YOUS toute Pabfurditd 8c toute Phorreur de ce raifonne-ment ? Un homme donne un fecours neceflfaire a une familie perfecut^e ,• done il eft Deifte 8c Athee ! Quoi! vous qui ne fongez qu'ä nuire , vous appellez Athee celui qui ne fonge qu'ä fervir / Vous qui croyez faire des Syllogifmes, ( d ) Beau principe qu'il faut appliquer a fin Auteur, calomniateur infatigable des hommes les plus rMrh f lorfqu'ils ont tut le bonheur oVitre Chritiens* Mi Digitized by 1$6 M. de Voltaire vous confondez ceux qui adorent la Divinity avec ceux qui la mem: St ne connoiflant, ni la force des termes , ni les bienfe'ances, ni ks hommes dont vous ofez parler , ni les loix tnii peuvent vous punir; vous couvrez du nom 4)e zele la t6me'rite' barbare de vos outrages / Ceil ainfi que vous parlent les plus mod^res ; mais celui que vous avez vouhi offenfer vous tiendra un autre langage. II eft content d'avoir rempli fon devoir; il vous pardonne , vous plaint, & vous exhorte a vous repentir. Nous n'avons que deux jours a vivre fur la terre : Dieu ne veut pas que fes enfans con-fument ces deux jours a fe tourmenter impito-yablement les uns les autres. Nous fommes prets de paroitre vous & moi devant fon Tribunal. J'efpeVe que je n'y tremblerai pas d'avoir fecouru mes freres , & qu'il vous pardonnera a vous , quand vous aurez ge'mi de leur avoir mis le couteau dans le cceur, & d'avoir de-chire' leurs bleiTures. P. S. VAuteur de cette Declamation n'a ri-pondu au Libelle anonyme infiri dans le Journal Hervetique , que pane quHl s'agit de defen-dre Vhonneur d'une famille. On*lui dit qu'il y a d'autres Articles personnels contre lui , infiris dans le mime Journal ; il ne les a jamais lus9 & d'ailleurs il nyy repondroit jamais parce qu'ils ne regardent que lui. Fait a mon Chateau de Ferney par moi F. de VoLTAIR£, Gentil-Homme ordinaire ac-fuel de la Chamhre du Ro'i, ancien Chamhellan du Roi de Prujffe , des Academies de Paris, Rome.% Florence t Boulogne , Londres , &?• 15. NoYembre 1758. Digitized bv ptiat far lui-mime. iS7 LETTRE LXX. Sur le mime Sujet. De Ferney , ee 24. Man 1762. MOn eher Sc grand Philofophe , vous avez done lu cet impertinent petit Libelle d'un impertinent petit PrStre , qui etoit venu fou-vent aux Deuces Sc ä qui nous avions daigne" faire trop bonne chere. Le fot Libelle de ce mife'rable etoit fi me'prife' , fi inconnu ä Geneve , que je ne vous en avois point parle*.. Je viens de lire dans le Journal Encyclopidique, ' tin Article ou Ton fait l'honneur ä ce croquant de reliever fon infamie ; vous voyez que les Presbyt&iens ne valent pas mieux que les J£-fiiites, 8c que ceux-ci ne font pas plus dignes du Carcan que les Janfe*nifles. Vous avcz fait ä la ville de Geneve un honneur qu'elle ne m6-rite pas. Je ne me luis venge* qu'en amufant fes Citoyens; on joua Caffandre ces jours paffe* Air mon Theatre de Ferney , rion le Cajfandre que vous avez vü croqud ; mais celui dont j'ai fait un tableau fuivant votre goüt. Les Minify tres n'ont ofd y aller ; mais ils y ont envoys leurs filles. J'ai vu pleurer Genevois Sc Gene-voifes pendant cinq Actes Sc je n'ai jamais vft Pierce fi bien joue*e , Sc puis un fouper pour 200.. Spectateurs , 8c puis le bal. e'eft ainfT que je me fuis vengd. K On venoit de pendre uh de leurs Predicant at Touloufe, cela les rendoit plus doux; mais on vient de rouer un de leurs freres accui£ Digitized by 1)8 M. de Voltaire d'avoir pendu fonjils en haine de notre Sainte Religion , pour laquelle ce bon Pere foupcon* noit dans Ton fiis un fecret penchant. La vilie de Touloufe beaucoup plus fotte & plus fa-natique que Geneve, prit ce jeune pendu pour un Martyr ; on ne s'avifa pas dfexaminer , s'il s'etoit pendu lui-meme , comme cela eft tres-vrai-femblable ; on l'enterra pompeufe-ment dans la Cathe'drale , une partie du Par-ment aflifta pieds-nuds a la Ceremonie ; on invoqua le nouveau Saint, apres quoi la Cham-bre criminelle fit rouer le Pere a la plurality de huit voix contre cinq. Ce jugement dtoit d'autant plus Chretien , qu'il n'y avoit mule preuve contre le roue\ Le roud eToit un boa Bourgeois, boa Pere de famille , ayant cinq Enfans en comptaat le pendu. II a pleure foa fiis en mourant, il a proteftede Ton ianocea-ce fous les coups de barre, il a cite' le Par-iement au jugement de Dieu. Tons nos Cantons her&iques jettent les hauts cris, tous di-fent que noifs fommes une Nation aufli barbare que frivole, qui f^ait rouer, & qui ne f^ait pas combattre , & qui pafle de la St. Barthekmi a TOpera comique : nOus devenons rhorreur 8c le mepris de l'Europe \ j*en fuis {ache* , car nous etions fairs pour 6tre aimables. It vous promets de n'aller fii a Geneve «.aia Touloufe , -on n'eft -bien que ches foi. Pour l'amour de Dieu , rendez auffi execrable que vous le pourrez le fanatujne qui a fair pendre un fib par fon Pere., ou qui a fait rouer un innocent par hah confeillers du ftoi. Mandez-moi, je votfs prie , quel eft le Corps que vous raeprifez le plus; je fuis empeche' «i tefbudre ce prObleme. Interim vous fcave2 con> bien je vous aims , sftime 6c revecc. . / Digitized by ptint par lui-mSme. LES TORTS a Mr. de Voltaire au Jkjet de fa Lettre , oü Calvin eft troM d'homme atroce. l3 Er vet eut tort, & fut un fot D'ofer dans un Siécle falot > S'avouer Anti-Trinitaire. Et notre illuftre Atrabilaire Eut tort d'employer le fagot, Pour refiiter fon Adverfaire ; . Et tort notre antique Senat, ďavoir prété fon Miniftěre A ce dangereux coup d'Etat / Quelle barbare inconféquence ! O malbeureux Siécle ignorant! Nous ofions abhorrer en France Les horreurs de ľ Intolerance, Tandds qu'un zele intolerant Nous faifoit bruler un Errant I Pour le Cenfeur Epiftolaire, Qui de fon petulant effort f Pour exbaler fa bile arnere , Vient reveiller le Chat qui doit; Et dont ľinepte Commentaire Met au jour ce qu'il eut dú wire 9 Jé laiffe á juger s'il a tort, Quand á vous célébre Voltaire, Vous eůtes tort, c'eô mon avis# Vous vous plaifez dans ce Pays Fétez le Saint qu'on y révere* Vous avez a íatieté Les biens ou la raifon aípire; Ľopulence , la Uberte, La \paix qu'en cent lieux on défíreV Des drjoiis á ľimmortalité, Cent fois pluš.qtfon ne feauroit dire ; Digitized by Google 14» M. de Voltaire* On a du goüt, on vous admire f Tronckin veille a votre fant6 j Ge4a vaut bien en verite*, Qu*on immole ä fa surety , Le plaifir de pincer fans rire. LETTRE L XX I. Sur le Poeme de la Pucelle, que VAuteur attribui a Monßeur de la B***. ON donne tous les jours fous mon nom , des chofes que je ne connois pas. Je ne responds de den , fi Chapelain a compos dans le Si&le pafle* le beau Poeme de la Pucelle ; fi dans celui-ci une focie^ de jeunes gens s'amufa, il y atrente ans, ä faire une autre Pucelle , fi je fus" admis dans cette focilte*, fi j'eus peut-6tre la complaifance de me prater a ce badinage , en y intrant les chofes hon-nStes & pudiques qu'on trouve par-ci par-lä dans ce rare Ouvrage, nez qu'eile la fait copier pendant la nuit. pVoila les gens á qui vous vous confiez , 2* »les feuls qui meritem votre confiance, font jpceirx avec lefauels vous étes en defiance ». On fcait de tres-bonne part que ce Poéme fut dénoncé á Mr. le Chancelier D * *, comme la quinteíTence de tout ce que les Juliens, les Celfes & les Rabins , prédéceífeurs de Mr. de Voltaire , avoient vomi de plus arTreux contre le Chriitianifme , & les Bocaces , les Aretins contre ies mceurs. Ce digne Magiitrat fit dire jau piafphémateur , que s'il paroiíToit un feul Vers imprimé ou manufcrit de cette horreur , ji fe preparát á finir í^s jours dans un cu de baiTe-fofTe. De-lá les inquietudes de Mr. de Voltaire , lorfqu'il commenca á fe répandre : de-lá ces différentes Lettres pour le défavouer. On pardonne á Mr. de Voltaire de tacher de fe laver ; mais on ne lui pardonnera pas de le blanchir aux dépens de Mr. de la B. Tous Ceux qui ont connu cet Ecrivain , f^avent que la Poěíie l)adine n'efl pas un talent qu'il cul-tive 5 il nfa jamais fait que des Vers férieux , des Odes & des Epitres ; & il n'en a fait Digitized by Google peiht par lut-mime. iff auffi marquees pour la Poefie , que le fuppo-fent certains morceaux de la Pucelle , 8c le» plus infames, 6c les deux derniers Chants que Ton ennemi lui attribue , il eft bien fot ou bien modefte de les cacher. E X T R A I T d'une Lettre fur le Poeme de la Pucelle. II y a trente ans que pour m'amufer je vol-tigeois fur cette corde, 8c deux ou trois mauvais GilUs en ont voulu faire autant dans le Prtau de leur foire j je leur abandonne cette fottife , a laquelle mon a" ge , mes maladies > ma fac.on de penfer ne me permettent pas de faire de* formais la moindre attention ( a ). AVERT IS SEME NT fur Us Difputes de Mr. de Voltaire avec Mr. Freron , Auteur de /'Annee Litteraire. , Mr. de Voltaire ayant e*te* plufieurs fois atta* que* dans cet Ouvrage pe*riodique , parut d'abord infenfible aux traits du Journalise. II fortit enfin de cette efp£ce d'affoupiflement, a Poccaftoa de l'Extrait qui fut fait dans XAnnie Litteraire , d'une Com£die attribuee a Mr. de Voltaire , intitulee ; La Femme qui a raifon , repreTentee a Nancy. II fit inf^rer dans le Mercure une Lettre contre le Journalifle ; & depuis cette Epo-que on a vu paroitre le Pauvre Diable, YEcof-faife , 8c mille autres Ouvrages fatyriques dont la fource ne paroit point encore 6tre tarie. ( a ) Dans U temps que Mr. de Voltaire icrivoit eeci , il priparoit une nouvelle Edition de lav Pucelle , qui a paru en 1762. in-&°. a Genev*. Digitized by Google 144 M. de Voltaire LETTRE LXXII. DE MONSIEUR DE VOLTAIRE, Au Sujet de La Femme qui a raifon , adrejße aux Auteurs du Journal Encyclopldique. QUelque repugnance, Meffieurs, qu*on puifle fentir a parier de foi-mSme au Public , & quelques vains que puiflent £tre quelques petits interSts d'Auteur , vous jugerez peut-Stre qu'il eft des circonftances 011 un hom-me qui a eu le malheur d'^crire, doit au raoins en quality de citoyen xefuter la calomnie. II n'eft pas bien intereflant pour le Public que quelques hommes obfcurs ayent depuis dix ans mis leurs Ouvrages fous le nom d'un homme obfcur tel que moi; mais il m'eft permis d'aver-tir qu'on m'a fouvent apporte dans ma retraite , des Brochures cte Paris qui portoient mon nom avec ce titre imprimi a Geneve. Je puis protef-ter que non-feulement aucune de ces Brochures n'eft de moi , mais encore qu'ä Geneve rien n'eft imprime' fans la permiffion exprefle de trois Magiftrats, & que toutes ces puerili-t^s, pour ne rien dire de plus, font abfolu-ment ignorees dans ce pays, oul'on n'eft occupe* que de fes devoirs , de fon commerce & de agriculture ; & oü les douceurs de la fociete ne font jamais aigries par des querelies d'Au-teurs. Ceux qui ont voulu troubler ainfi ma vieillefle & mon repos fe font imagined que je demeurois ä Geneve. 0 eil vrai que j'ai pris depuis long-temps le parti Digitized by peint par lul-m tine. M5 parti de la retraite , pour n'etre plus en butte aux cabales Sc aux calomnies qui défolent a, Paris la littérature ; mais il n'eft pas vrai que je me fois retire á Geneve. Mon habitation naturelle eft dans des terres que je poflede en France fur la frontiére , 8c auxquelies S. M. a daigné accorder des privileges 8c des droits qui me les rendent encore plus précieufes. C'eft lá que ma principále occupation , aíTez connué dans le pays , eft de cultiver en paix mes campagnes 8c de n'etre pas inutile á quelques infortunés. Je fuis^ (i éloigné d'envoyer ä Paris aucun Ouvrage , que je n'ai aucun commerce ni direct ni indirect avec aucun Libraire , ni méme avec aucun homme de Lettres de Pari* t 8c hors je ne fcais quelle Tragédie intitulée: VOrphelin de la Chine K_qu'un ami refpectable m'arracha il y a cinq ans , 8c dont je fis le mediocre aux A&eurs du Theatre Francois; je n'ai certainement rien fait hnprimer dans cette Ville. J'ai été affez furpris de recevoir le dernien Décembre une feiiille ďune Brochure périodi-que, intitulée VAnnée Littéraire , dont j'ignorois abfolument l'exiftence dans ma retraite. Cette feuille étoit accompagnée d'une petite Comédie qui a pour titre : La femme qui a raifon , re» prsfentée a Karonge, donnée par Mr. de Voltaire, & imprimée a Genéve. II y a tans ce titre trois fauffetés. Cette piece, telle qďelle eft défigu-rée par le Libraire , n'eft afíurément pas mon Ouvrage ( a ). Elle n'a jamais été imprimée á Genéve : il n'y a nul endroit ici qui s'appelle (a ) Si cela efl , tout Us details dans lefquels entre Mr. de Voltaire font inutiles. Un defaveu fuffifoit. I Partie. N Digitized by Google 146 M. de Voltaire faronge, & j'ajoute que le Libraire de Paris qui ťa imprimée ibus mon nom , fans mon aveu , eft trés-repréhenfibles Mais void une aucpe Réponfe aux politeffes de i*Auteur de VAnnée Littáraire. La piece qu'il croit nouvelle, fut jouée il y a 11. ans at Luneville dans le palais du Roi de Pologne , oil j'avois l'honneur de demeurer. Les premieres perfonnes du Ro-yaume pour la naiflance & peut - étre pour Tefprir 6c le goíit, jouerent en préfence de ce Monarque. H fuffit de dire que Mme. la Marquife du Chatelet Lorraine , repréfenra la Femme qui a raifon avec un applaudiflément general. On tait par refpečt le nom des au-tres perfonnes illuftres 8c qui vivent encore , ou plutót par la crainte de bleffer leur mo-deftie. Une telle Aflemblée fcavoit peut-étre , auffi-bien que l'Auteur de VAnnée Littéraire , ce que c'eil que la bonne plaifanterie 8c la' biemeance. Les deux tiers de la Piece furent compofés par un homme dont j'envierois les talens, fl la jufte horreur qu'il a pour les tra-cafleries d'Auteur 8c pour les cabales de Theatre neTavoient fait renoncer á un Art, pour lequel il avoit beaucoup de génie. Je fis la la derniére partie de l'Ouvrage, je remis en-fuite le tout en trois Ačtes , avec quelques changemens légMs que cette forme exigeoit. Ce petit divertiífement en trots Actes , qui n*a jamais été deftiné au Public , eft trěs-different de la Piéce , qu'on a trěs-mai á propos im-primée fous mon nom. Vous voycz , Meifieurs, que je ne fuis pas le feul qui doive des remer-cimens á l'Auteur de VAnnée Littéraire, pour les belles imputations de grojfiéreté tudejqite, de bajfejje , 8c ďindécence qu'il prodigue. Le Roi de Poiogne , les premieres Dames du Ro* Digitized bvGofKjlp peint par lui~méme. 147 yaumc, des Princes méme peuvent en prendre leur part avec la méme reconnoiflance , 8c le refpeftable Auteur que j'aidai dans cette fete, doit partager les mémes fentimens. Je me fuis informé de ce qďétoit cette Annie Litter aire , & j'ai appris que c'eft un Ou-vrage ou les hommes les plus célébres que nous ayons dans la Littérature font fouvent outrages. C'eft pour moi un nouveau fujet de remerci-mentJ'ai parcouru quelques pages de fa brochure: j'y aitrouvé quelques injures un peu fortes contre Mr. le Murre: on l'y traite d'homme fans génie, de plagiaire , de joueur de gobelets , parce que ce jeune homme eftimable a remporté trois prix á notre Academie, 8c qu'il a réufli dans une Tragédie long-terns honorée des fuffrages encourageants du Public. Je dois dire en general , 8c fans avoir perfonne en vüe , qu'il eft un peu hardi de s'eriger en Juge de tons lcs Ouvrages, 8c qu'il voudroit mieux en faire de bons. La Saryre en Vers 8c méme en beaux Vers eft aujourd'hui décriée ; á plus forte raifon la Satyre en profe , fur*iout quand on réuffit d'autant plus rial, qu'il eft plus aifé d'ecrire dans ce pitoyable genre. Je fuis trěs-éloigné de caraöerifer ici l'Auteur de VAnnée Littéraire , qui m'eft abfolument inconnu. On me dit qu'il eft depuis long-terns mon ennemi; á la bonne heure ; on a beau me le dire , je vous aífure que je n'en fcais rien. Si dans la crife oil eft 1'Europe 8c dans ies malheurs qui défolent tant d'Etats , il eft eqcore quelques amateurs de la Littérature, qui s'amufent du bien 8c du mal qu'elle peut produire ; je les prie de croire que je méprife la Satyre 8c que je n'en fais point. ........ Janvier 1760. N 2 Digitized by LjOOQIC . 148 M. de Voltaire P R E U V E S que Monfieur. de Voltaire n'aime pas la Satyre. ■ EXTRAIT DES JtSUITIQUES. Dans la bataille des Jefuites nous avons ou-blie le R. P. Jean Friron , frere du poliflbn qui griffone VAnnie Littiraire ; ce JeTuite ne pent ni par le fer ni par le feu, il fut dcrafe' dans la mfile'e comme un infefte. Mr. Wafp (a) qui fait joiiment des merchants Vers, s'eft charge* du foin de fon Epitaphe. On a trouve' dans le porte - feiiille du JeTuite , des Vers en profe au Roi Stanijlas , un Poeme intitule): Arachni, ou YAragnie qui file fa propre Ordure , & des chiffons orduriers contre Mr. de Voltaire. Si Tefprit eft une e'tincelle de la Divinity , quel mortel approche ptus de TEtre fupreme que TAuteur de la nenriade ? Les vUs Zoiles , les Blaife Triron & les Cafuites rifervis feront bien de fe taire fur ce grand homme .* il faut deux mille ans a la nature pour produire un genie comme le fien ,* il ne laut que le terns de cutre ufl ceuf fraw pour produire a la fois un Cafuifte, un Sot, un Infecle , un Freron. dans (a) Norn fous lequel Mr. Freron eft difigni ns /'Ecoflaife. "5? Digitized bv Google peint par lui-tnime. M9 EXTRAIT DU PAUVRE D J ABLE. El Nfin un jour qiťun Surtout emprunté Vétit á cru ma trifte nudité , Aprés midi dans ľAntre de Procope, ( C'étoit le jour que ľon donnoit Mérope ) Seul dans un coin, penfíf & conílerné, Rimant une Ode , & n'ayant point diné, Je m'accoftai d'un homme á lourde mine, Qui fur fa plume a fonde fa cuifine , Grand Ecumeur des bourbierš d'Hélicon, De Loyola chafľé pour fes fredaines, Vermiíľeau né du cu de Des-Fontaines, Digne en tout fens de fon extraction, Läche Zoile , autrefois laid Giton / Cet animal fe nomnibit Jean Fréron. J'étois tout neuf, j'étois jeune, fincére, Et j'ignorois fon naturel félon : Je m'engageai fous ľefpoir d'un falaire , A travailler á fon Hebdomadaire , Qďaucuns nommoient alors patibulaire. II m*enfeigna comment on dépécoit Un Livre entier , čomme on le recoufoit, Comme on jugeoit de tout par la Preface, Comme on loiioit un fot Auteur en Place., Comme on fondoit avec lourde roideur Sur i'Ecrivain pauvre &c fans Prote&eur. Je m'enrôlai, je fervis le Corfaire ; * Je critiquai, fans efurit &. fans choix ; Impunement le Theatre & la Chaire , Et je mentis pour dix ecus par mois. Quel fut le prix de ma plate manie ? A diapré de nobles Fleurs de Lys, Digitized by Google 150 M. de Voltaire Par un fer chaud , grave fur l'Omoplate. Trifte & honteux , je quirai mon Pirate , Qui me vola , pour fruit de mon labeur >. Mon honoraire en me parlant d'honneur. AVERT IS S EMENT fur les Quereltes de Monjieur Le- Franc de Pompignan avec Monfieur de Voltaire. Mr. de Pompignan ayant €t€ recu a PAcademic Francoife, apres la mort de Mr. de Maupertuis y prononca le 10. Mars 1760. fort Difcours de Reception. II y prouva que Vabus des talens , le mi-pris de la religion t la haine de Vautoriti font le caraElere dominant des productions des Philofophes du jour ; que tout porte Vempreinte d'une Lit-tirature dlpravie , d*upe Morale corrompue & d'une Philofophie ahiire t qui fappe igalement le Thrdne & VAuttl; que ler Pkilofophes decla-ment tout haut contre les richeffes & qu'ils portent envie fecrettepient aux Riches , &c. Ce difcours irrita estrangement Mr. de Voltaire , qui publia les Quand , les Pourquoi, les Si, &c. Mr. he-Franc prefenta alqrs un Memoire au Roi , dans lequel fl fe juftifia des reproches que lui avoit fait fon adverfaire. Ce Memoire * ne fit qu'allumer la bile du Philofbphe des Ddlices, qui ecrivit Sajyres fur Satyres 7 & qui en eepra encore. Ml Digitized by Google peint par luitneme. i$t xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx LET TR E LXXIII. mSur qui s*en fuit en attendant ce quis'en fuivra. Le reffentiment de Mr. de Voltaire a tombé fur tous les Jéfuites, 8c il s'en faut beaucoup qu'il leur ait été fgvorable dans fes derniers Ouvrages. v Digitized by Google print par lui-mime. 15$ LETTRE LXXIV. De Mr. de Voltaire fur le P. Bertier. JE ne fcaurois mettre au nombre des bons Journalises Frere Bertier , qui n'eft point du tout mon ami, 8t qui a attaque mes Ouvrages & rEncyclopedie.Il faut fcavoir qu'il y a non-feulement un Journal de Trevoux , mais encore un Diftionnaire de Trevoux/ a ). Par confluent il y a un peu de jaloufie de metier entre les ignorants qui ont fait pour de Tar-gent le Diftionnaire deJTrevoux , &t les Sca-vants qui pnt entrepris^fc Diftionnaire de TEn-cyclopedie je -ne fcai pourquoi. Aufli-t6t les adverfes parties ont fouleve la Ville & la Cour ; on les a accufes de cabale. Helas! quel tems TAuteur du Journal de Trevoux & ceux de fon Parti , prennent-ils pour accufer les Philofopkes d'etre dangeVeux dans un Etatt Quelques Philofophes auroient-ils done trempe* dans ces deteftables attentats qui ont faifi d'horreur TEurope e'tonnee ? Auroient-ils eu part aux Ouvrages innombrables de ces Thdo-logiens d'Enfer , qui ont mis plus d'une fois le couteau dans des mains parricides ? Attiierent-ils autrefois les feux de. la Ligue & de la Fronde ? Ont-ils........ je m'arrSte. Que le Gazetier de Trevoux ne force point des hom- ( a ) Les Akteurs du Diciionnaire de Trevoux rfont rien de commun avec les Journaiißes de Trevoux : ainfi cette Satyre tombe oVelle-mtme* Digitized by Google 154 M. de Voltaire njes éclairés á une recrimination jufte & terrible ; que fes Supérieurs mement un frein a fon audace. J'eílime u6 de plus a l'Auteur de YOracle, que le Roi de Pruffe m'a chafle (a ) de chez lui / chofe trfcs-poffible , mais tres-faufle, fur laquelle cet honndte homme a mentu Je lui ai encore avoue que je ne fuis point attache a la France , dans le terns que le (fc) ( a ) Chajfi \ non ; mais difgracii de fagon a ne pouvoir plus refter honnitement. . (b)Qu'eftque cela prouve\ Louis XV. eft le meiU leur des mattres, & Voltaire le plus ingrat des fujetr^ Digitized by Google 156 M. de Voltaire Roi me comble de ies graces , me conferve Ja place de fon Gentil-Homme ordinaire &c daigne favorifer mes Terres.des plus grands privileges; enfin j'ai fait tous ces aveux ä ce digne homme peut-6tre compte* parmi les Phi- lofophes. LETTRE LXXVL Sur le meme. SI je me trouvois jamais avec TAbbe' G * * * dans la rue , car je ne peux le ?encontrer que la, je lui dirois, mon ami; de quel droit pretends-tu Itre meilleur Chretien que moi ? Eft-ce parce que tu affirmes dans un Livre audi plat que calomnieux, que je fäi fait faire bonne chore-, quoique tu n'ayes jamais dine' chez moi 1 Eft-ce parce que tu as revele au Public, c'efl-ä-dire, ä quinze ou feize Lefteurs oififs, tout ce que je t'ai dit du Roi de Prufle, quoique je ne t'aye jamais parle , & que jene .t'aye jamais vü ? Ne f^ais-tu pas que ceux qui mentent fans efprit, ainfi que ceux qui men-tent avec efprit , n'entreront jamais dans le Royaume des Cieux. Je te prie d'expruner (a) Turnte* de l'Egli-(e 8c l'invocation des Saints mieux que moi. fa ) Quatre ou cinq Vers chritiens ne dlcide-roient rien du tout eh faveur d*un homme ,* s'il en avoit fait neuf ou dix mille d*impies. Mr. de Voltaire n1 eft pas dansce cascomme tout le monde fgait. VEglifi Digitized by Google peint par lui~m€mc. *S7 L'Eglife toujour* une , & par-tout itendue, Libre , mais fous un Chef, adorant en tout lieu Dansle bohheurdesfaintsjia grandeur de fonDieu Tu me feras encore plaifir de donner une idde plus jufte de la Tranfliibftanuation, que celle que j'en ai donnde .• Le Chrift de nos pichis viclime renaiffante , De fes Elus chiris nourriture vivante, Defend fur les Auiels a fes yeux iperdus 9 Etlui dicouvre un Dieu fous un pain qui n'eft plus* Crois-tu definir plus clairement la Trinitd qu'elle ne reft dans ces Vers ? La Puiffance , VAmour avec I1 intelligence t Unit & divifes 9 compofent fon EJfence, Je t'exhorte tor 8c tes femblables , non-feu-lement a croire les Dogmes que j'ai chantds en Vers, mais aremplir tousles devoirs que j'ai enfeigncVen Profe, a ne te jamais ecarter du centre de 1'Uhite, fans quoi il n'y a plus que trouble , confulTon, anarchic Mais ce n'eft p^as auez de croire , il faut faire ; il faut dire foumis dans le Spirituel a fon Eveque, entendre la Mefle de fon Curd , communier a fa Paroif« fe, procurer du pain aux pauvres. Sans vanitd (b) y je m'acquitte mieux que toi de ces devoirs, 8c je confeille a tous les poliffons qui crientr d'dtre Chrdtiens, 8c de ne point crier. ( b ) Non , sürement il n'y a pas de vänitf a dire de teilet chofes , paneqxCon fgait que per« fonne ne les croirat /. Partie, o Digitized by Google 158 M. de Voltaire ttttttttttttttt-ttttttttttmt » LETTRE LXXVII. Sur le mSme, JE fuis fort en colere , mon eher ami, centre lemiferable Auteur d'un Libelle intitule.-VOracte des Philofophes, qui pretend avoir 6t6 admis ä la table d'un homme qu*il n'a jamais vü , &c dans VAnti-Chambre du quel il ne fermt pas foiiffert; qui fe vante d'avoir ete dans uni chateau , lequel n'a jamais exifte ; 8c qui, pour prix du bon accueil qu'ii dit avoir recu dans cette feule maifon, divulgue les fecrets qu'il fuppofe hü avoir ete confies. Ce poliflTon nomme* Guy on , fe donne ainfi iui-m£me de gay ete* de coeurpourun mal-Tionnete homme, N'ayant point d'honneur ä perdre , ii ne fonge cju'ä regagner par le de'bit d'un mauvais Libelle , Targent qu'il a perdu ä Timprerlion de fes mauvais Livres. L'opprobre le couvre, 8c il ne le fent pas ,• il ne fent que le de*pit hon« teux de n'avoir pü metne vendre fon Libelle. AVERTISSEMENT fur les Querelles de Monßeur de Voltaire avec les Auteurs du Journal Chretien. Un des Aflbciös du Journal Chritien , Mir. Binouard , s'etoit adreffd dans ce meme Journal une Lettre , contenant I'Analyfe des ElTais hif-torique? de Paris, par Mr. de Saint-Foix. II y aceufoit cet Auteur d'avoir attaque* la Religion dans fes ErTais, 8c täche de re*pandre du ridiaile fur fes Miniftres. Mr. de Saint-Foix Digitized by Google peint par lui-meme. i$9 affigna Mr. Dinouard au Chatelet , & dornra un Memoire juftificatif de fon Livrc , dans le-quel il oppofa une reponfe a chaque objection du Journalifte , &. conclut par demander une reparation. Les Auteurs du Journal n'attendi-rent pas la fentence du Chatelet : lis fireri imprimer un Ecrit dont Mr. de Saini.Foix vou-lut bien fe contenter. Mr. de Voltaire faifit cette .occafion pour tomberrudement fur Its Journalises , U fur-tout furM. l'Abbe' Trublet, autrefois fon ami. Cet Ecrivain n'avoit pourtant eft aucune part a la critique du Livre de Mr. de Saint-Foix , fon Compatriote / mais il etott Parent de Maupertuisil avoit dcrit dans fes EfTais que la Henriade faifoit bailler quelques gens de Lettres. II n'en falloit pas davantage pour remuer la vafe de Peftomac de Mr. de Voltaire ; il fe permit une foule de plaifanteries infultantes qui n'ont fait tort qu'a lui-meme. Mr. PAbbe' Trublet ayant e^t^ rec;u a P Academe Francoife , envoya fon difcours de Reception a fon ennemi; Ik ce Procede gen£reux adoucit un peu Pilluiire Atrabilaire de Ferney. VTZ TTv TTv 7TT TT 7TT 7TT 7ft TfX Trt Vtt fK TTK TtX fit Ttt Tlx *r T1% LETTRE LXXVIII. s Sur les Auteurs du Journal Chretien. LA multitude des faifeurs de Feuillese'tanf! augmented depuis plufieursannees,le nom-• bre a fait tort a la marchandife ; le Public s'eft laffe des Critiques lirteraires, les Follicu-laires ont pris un autre tour ; iis ont imagine d'accufer d'Atheifme les Auteurs des Extraits, v & ont cru par-la reveiiler Pattention de Paris, Digitized by ,l6o M. de Voltaire L'Archidiacre Tmblet, "que Ton croyoit n'etre que dans les Mcindres {a J , & les nommés Vinouard & Joannét fe font avifés de défendre la Religion chrétienne á quinze fols par feüille * efpérant que la modicité du prix allécheroit Jes ames dévctes; ils ont accufé le Sr. Saint-Foix d*avoir mal parle de la Religion Catho-lique , Apoilolique & Romaine , &. méme de la Magiílrature. Le Sr. Saint-Foix qui n'entend pas raillerie, a réfolu de leur donner fur les oreilles; mais ayant confidéré qu'il étoit plus Chretien de leur faire un Proces criminel, il les a aťlignés au Chatelet, pour étre reconnu bon Catholique , fee ferviteur du Parlement. (a) Quelles plaifanteries ! Et a quoi eß-on r4-duit, quand on veut étre gai malgré foi. LETTRE LXXIX. DE MONSIEUR DE VOLTAIRE. En Réponfe ä celle que Mr. VAbbé Trublet lui avoit éerite en lui envoyant fin Difcours de Reception a V Academie Frangoife. Au Chateau de Ferney, z7. Avril 1761. VOtre Lettre & votre procédé généreux, Monfieur, font des preuves que vous n'etes pas mpn ennemi, & votre Livre vous faifoit foupconner de Petre. J'aime bien mieux en croire votre Lettre que votre Livre, Vous aviez im- HiOitized bv^jCH peint par lui-mtme. 161 primi que je vous faifois bäiller, 8t moi j*ai wiffe imprimer que je me mettois ä rire y iL reTulte de tout cela que vous Stes difficile ä omufer, 8c que je fuis un mauvais plaifant ^ inais enfin en baillant 8c en riant vous voilä mon Confrere , 8c il faut tout oublier en bons Chretiens 8c en bons Acade^miciens. Je fuis fort content, Monfieur de votre Harangue , £c tres-reconrtoiffant de lä bonte* que tous avez eu de me l'envoyer. A regard de VOtre Lettre , Nardi parvus Onix eliciet cadum. Pardon de vous citer Horace , que vos Heros Memeiirs de Fönienetle 8c de la Motte ne citoient gueres. Je fuis oblige' en confcience de vous dire que je ne fuis pas ne plus malin que vous f & que dans le fonds je fuis bon homme. II eft vrai qu'ayänt fait reflexion depuis quelques annees qu'on ne gagnoit rien ä l'etre, je me fuis mis ä etre un peu gai ( a) , parte qu'on ni'a dit que cela eft bon pourla fante» Dailleurs je ne me fuis pas crü affez important , affefc confiderable pour dddaigner toujours certains illuftres ennemis qui m'ont attaque perfonnel-lement pendant une quarantaine d'annees , 8c -qui les uns apres les autres ont effay£ de m'accabler, comme fi je leur avois diipute un Evöche , ou une place de Fermier general. C'eft par pure modeftie que je leur ai donne' enfin fur les doigts; je me fuis crü precifement ä leur niveau : Et in arenam cum aqualibus def-cendi „comme dit Ciceron. Croyez, Monfieur , que je fais une grancje { a ) La tcüete" eft tres-bbmte & la mdchan-eeti diteftable ; or c'eft a ceitx qui vnt Id les Satyrn de Mr »de Voltaire ,« dire s'iln'eft que gai. O3 Digitized by 161 M. de- Voltaire difference entre vous & eux; mais je me fou> viens qne mes rivaux &t moi, quand j'etois á Paris, nous étions tous fort p&u de chofe, de pauvres écoliers du Siécle de Louis XIV. $ les tins en vers , les autres en profe , quel* ques-uns moitié profe, moitié vers, du nom* bre defquels j'avois l'honneur d'etre ; infatiga-* bies Auteurs de Pieces médiocres , grands, compoliteurs de rien , pefants gravement des - ceufs de mouche dans des balances de toile d'a* raignée ; je n'ai prefque vů que de la petite charlatanerie. Je fens parfaitement la valeur de ce néant ; mais comme je fens également le néant de tout le refte , j'imite le Vejaniu* d'Horace. ......... Vejanius armis Herculis ad poftemfixis , latet abditus agro. Ceft de cette retraite que je vous dis trěs-íincérement que je trouve des chofes utiles & agréables* dans tout ce que vous avez fait; que je vous pardonne cordialementde m'avoir pince; que je fuis faché de vous avoir donné quelques * coups ďépingle ; que votre procédé me défar* me pour jamais ( b ), que Bonhomie vaut mieux que Raillerie , & que je fuis , Monfieur moa cher confrere , de tout mon cceur, avec une veritable eíVime t & fans compliment, comme fx de rien n'etoit, Votre trěs-humble & trěs-obeiífant Serviteur, Voltaire. ( b ) Mr. de Voltaire a>t-il tenu fa parole ? Eft-ce qiťave* de U hile & un efprit ardent \ on $*ut la tenir / Digitized by Google peint par lui-méme. 'AVERT IS S E MEN T fur Us Querelles de Mr. de Voltaire avec VAuteur de ľOuvrage intitule : Les Erreurs de Voltaire. II parut en 1762. á Avignon chez Fez , fous !e Titre de Paris, un Ouvrage intitule : Les Erreurs de Voltaire dans la partie dogmatique & hiftoriquc. Ce reci eil fait avec difcerne^ ment deplüt d'autant plus á ľAuteur critique", que ion Cenfeur expofoit fes fames avec beau-coup de moderation. Pour décréditer ľOuvrage , Mr. de Voltaire fit inférer dans le /our-nal Éncydopédique , une Lettre dans laquelle il fuppofoit que le Sr. Per lui avoit propofé de lui vendre tous Ies Exemplaires de ľOuvrage moyenant mille ecus. Cettepropofltion étoit une chimére , comme on peut bien le penfer : Mr. de Voltaire qui n*ei\ pas familiarifé avec la vérité, répeta de nouveau ce menfonge dans les remarques qu'il joignit á fön Hiftoireuniverfelle, Edition de 176*. On ne peut rien ajouter ä ľenípor-tement *& a ľamertume que fes Obfervations refpirent. XXX)t(XX)tO()e(KXXXXXXX)i(XXXX LETTRE LXXX. Rtpanfe de Menfieur de Voltaire au Sieur Fez*, O u s me propoíez par voťre Lettre dattée pour mille ecus ľEdition entiére ďun Recuéil de mes Erreurs for les Fans biftoriques & dog^ Libraire ď Avignon* Aux Delictis , du 17. Mai 1761» Digitized by Google tftjj. de Voltaire maiiques f que vous avez, dites-vous., imprimef «tt Terre Papaie. 5e (Iris oblige' ea confcience de vous avertir, qu'en faifam en dernier tieu une nouveHe Edition de mes Ouvräges, j*ai d&ouvert dans la prexedente pöur plus de deux mille e'cus d'erreurs. Et comme en qualite* d'Au-teur je me fuis probablement trompe* de moitie* N « mon avantage : en voilä au moins pour douze mille livres ; il eft donc clair que je vous ferois fort de neuf mille franes, (i j'acceptois votre marche*. De plus, voyez ce que vous gagnerez au d^bit du Dogmatique ; cVft une chofe qui interefle particulierement toutes les Puiffances ^ j&t, jfc. jjfe. -oe. .dk a. a, a, a JCc .-jfc LETTRE LXXXI. d£ Mr. de Voltaire a Mr. Le-Brun. i4u Chateau de Ferney , Pay* leur de cinquame Exemplaires; il en prenofc deui' cents» J'en demaudois une ^ouzaine a *3 Digitized by Google 174 de Voltaire Son Altefle Royale Mgr. ľlnfant Due de Parme ; U a foufcrit pour trente. Nos Princes du Sang ont prefqiie tous foufcrits. Mr. le Due de Choifeuil s'eíl fait inferire pour vingt. Mme. la Marquifc de Pompadour , á qui je n'en avois pas méme écrit, en a pris cinquante. Monfieur fon frere douze. Pármi nos Académiciens , Mr. le Comte de Clermont , Mr. le Cardinal de Bernis, Mr. le M?réchal de Richelieu , Mr. le Due de Mver-nois fe font fignalés les premiers. Non-feulement Mr. IVatelet prend cinqExem-plaires, mais il a la bonté de deffiner & de graver le Frontifpice. II nous aide de fes talens & de fon argent. Enfin que direz-vous quand je vôus appren-drai que Mr. Bouret, qui me connoit á peine, a foufcrit pour vingt-quatre Exemplaires ? Tout cela s'eft fait avant qu'il y eut la moin-dre Annonce imprimée , avant qu'on feut de quel prix feroit ie Livre. La compagnie des Feimes generates a foufcrit pour ibixante. Plufieurs autres compagnies ont fuivi cet exemple .* cette noble emulation devient generale. A peine le bruit de cette Edition projettée s'eft répandu en Allemagne, que Mr. ľEle&eur Palatin, Mme. la DuchefTe de SaxeGotha, fe font empreíTés de la favorifer. A Londres nous avons eu Mylord Cheflerfeld\ Mylord Littleton , Mr. Fox le Secretaire d'Etat, Mr. le Due de Gordon , Mr. Crawford* & plufieurs autres. Vous voyez , mon eher Confrere , que tandis que la politique divife. les Nations, & que le fanatifme divife les citoyens, les Belles-Lettres les réunUTent. Quel plus, bei éloge des Arts h Digitized by Google peint par luU'mime. 175, & quel doge plus vrai / Autant on a de m€-pris pour desmiferables qui deshonorertt la Litterature par leurs infamies pe'riodiques, & pour d'autres miferables qui la periecutent , autant on a de refpect pour Corneitte dans tou-te TEurope. Les Libraires de Geneve qui entreprennent cette Edirion , entrent genereufement dans tou-tes nos vues ; ils font d'une famille qui de-puis long-temps eft dans les Confeils; Tun d'eux en eft Membie. Ils penfent comme on doit penfer ; nul intetet , tout pour l'honneur. US' ne recevront d'argent de perfonne , avant d*avoir donn£ le premier Volume. Ils livreront pour deux Louis d'or douze du treize Tomes in-8°. avec trente-trois belles Eftampcs : il y certainement beaucoup de perte. Ce n'eft done pomt par vanite* que j'ai ofe fcufcrire pour cent Exemplaires; e'etoit unendceffite abfolue; & fans les bienfaits du Roi, fans les genero-iitds qui viennent a notre fecours , Tentreprife dtoit au rang de tant projets approuve* & eva-noiiis. Je vous deronnde pardon d'une fi longue Lettre : vous (£avez que les Commentate,urs ne finiflent point , & fouvent ne difent que ce. qui eft inutile. Si vous voulez que je dife de bonnes chofes. ^crivez-moi. Vol taire* Digitized by GoOgle tj6 M. de Voltaire ■ LETTRE LXXXV. De Monfieur de Voltaire a Monßeur le Due de Bouillon. «4m Chateau de Ferney, en ßourgogne far Geneve ' le 31. Juillet 1761. VO v s voüä, Monfeigneur, comme le Marquis de LaJFare , qui commenca ä fentir fem talent pour, la Poefie a-peu-pres ä votre ige, quand certains talens plus pröcieux £toient fur le point de baifler un peu , 8c de Pavertir qu'il y avoit encore d'autres plaifirs. Ses premiers Vers furent pour Pamour, les les feconds pour TAbbe* de Chaulieu. Vos premiers font pour moi: cela n'eft pas jufte j mais je vous en dois plus de reconnoilTance. Vous me dites que j'ai triomphe* de mes ennemis ; c'eft vous qui faires mon triomphe. Aux pieds de mes rochers, au creux de mes VaHons, Pourrois-je regretter les rives de la Seine t La fille de« Corneille 4coute mes lecons. Je Aus chante par un Turrene , J'ai pour moi deux grandes Maifons, Chez Bellone 8t chez Melpomene , A l'abri de ces deux beaux Noms, On peut mepriför les Frelons, Et contempler gaiment teur fottife &leur haine» C'efl quelque ohoie d'etre heureux; Mais e'eftun grand plaifir de le dire ä l'envie^ De l'abbätre a nos pieds 8t d'en rire a &s yeux l Digitized by Google peint par lui-mtmc. 177 Qu'un Souper eft délicieux, Quand ou brave en mangeant les grifles de« Harpies! Que des Freres Bertier les cris injurieux Sont une plaifante Harmonie \ Que c'eft pour un Amant un pafle-tems bien doux, D'embrafler la beauté qui fubjugua fon ame , Et d'aftuble* encore du fei ďune Epigramme, Un rival fácheux 8c jaloux í Cela n'eit pas chrétien, j'en conviens avec vous: Mais ces gens le fons-iis 1 ce monde eft une Guerré ; On a des ennemis en tout genre, en tous lieuxj Tout Mörtel combat fur la Terre ; Le Diable avec Michel combátit dans les Cieux, On cabale á la Cour, á i'Egiife, á 1'Arniée; Au Parna fie on fe bát pour un pen de fumée, Pour un nom , pour du vent: 8c je conclus au bout, Qu'il fant jouir en paix,8c fe moequer de tout(a) Cependant, Monfeigneur , tout en riant, on peut faire du bien. Votre Altefie en veut faire a Mile. Corneille. Vous voulez que je vous taxe pour le nombre des Exemplaires. Si je ne con-iultois que votre cceur, je vous traiterois com-me le Roi; vous en feriez pour deux cent; mais comme je fcais que vous allez par-tout femant votre argent , 8c que fouvtnt il ne vous ea refte guére , je me reduis ?. fix; 8c j'augmen-terai le nombre , fi j'apprends que vous eres ( a ) Qu'il eft aifé de dire cela ; mais qu'il eft difficile d%étre fupérieur a la Critique , hrf. qu'on fent qu\n la mirite. Digitized by Google i 78 v M. 4e Voltaire devenu öconome. Je fupplie Votre Alteffc d'agrder mon profond refpect, «k de conferver vos bomäs au Suifle. voltatre. LETTRE LXXXVI. DE MONSIEUR DE VOLTAIRE. Au Sujet de fes Commentaire fur Corneille a un Academician. VO v s me reprochez, Monfieur , de n'avoir pasaffez etetidu ma" critique dans mes Commentates fur plufieurs Vers de Cemeüie-fvoiH voudriez que j'eufTe examine* plus fe vehement les fautes con tie la langue & contre le goüt. $i vous me reprochez trop d'indulgences, vous fcavez que d'autres ont trouve* dans mes Remarques trop de feverite*; mais je vous afliire que je n'ai fonge*, ni ä £tre indulgent , ni ä 6tre difficile. J'ai examine les Ouvrages que je cpmmentois j fans egard ni au terns ou ils ont eti faits > ni au nom qu'ils portent, ni ä la Nation dont eft i'Auteur : quiconque cher-che la verite ( a ) ne doit etre d'aucun pays. Les beaux morceaux de Corneille m'ont paru au-defliis de tout ce qui s'eft jamais fait dans ce genre chez aueun peuple de la terre : je ne penfe point ainfi, parce que je fuis ne en ( a ) S'il ne faut que cela pour la trouver 9 Mr. de Voltaire l*a trouvec. Digitized by boogie peint par lui-méme. 179 France, mais parce que je fuis jufte. Aucun de mes Compatriotes n'a jamais rendu plus de juftice que moi aux Errangers; je peux me tromper, mais c'eft affurement fans vouloir me tromper. Le merne efprit d'impartialité me fait convenir des extremes défauts de Corneille comme de fes grandes beautes. Vous avez raifon de dire que fes dernieres Tragedies font trés-mauvaifes, &c qu'il y a de grandes fautes dans fes meil-leures. C'eft précifement ce qui me prouve combien il eft fublime , puifque tant de défauts n'ont^iminué nifonmérite, nifagloire. Par quelle fatalité faut-ilque prefque tons les Arts dégénérent des qu'il y a eü de grands mo-déles/Vous n'étes content , Monfieur, ďau-, cune des Pieces de Theatre qu'on a faites de-puis quatre-vingt ans ; voilá' prefque un Siécle entier de perdu. Je fuis malheureufement de yôtre avis : je vois quelques morceaux , Quelques lambeaux de Vers épars ca tk lá dans nos Pieces modernes, mais je ne vois aucun bon Ouvrage. J'oferai convenir avec voushar-diment qu'il y á urie Tragédie ďúSdipe , qui eft mieux recue au Theatre que celie de Cor» neille; mais toutes les autres Pieces du merne Auteur me femblent trčs-médiocres ( b ) ; 8c la preuve en eft que j'en oublie volontiers tous les Vers, pour ne m'occuper que de ceux de Racine 8c de Corneille, Tai fait toute ma vie une etude aflidué de ľ Art dramatique; cela feul m'a mis en droit ( b ) Pour fgavoir fur quoi syen tenir fur cette modeftie de Mr, de Voltaire , voye\ ci-devant la Lettre fur Corneille , Racine & Cre'billon. Digitized by Google *$o *T. a*e Vohaire de cdmmenter les Tragedies d'un Grand Mahre. J'ai toujours remarque* que le Peinrre le plus mediocre fe connoiflbit quelquefois mieux en tableaux qu'aucun des amateurs qui n'ont jamais manie* le pinceau. C'eft fur ce fondement que je me fuis cru autorife' a dire ce que je pen-ibis fur les Ouvrages dramatiques que j'ai com-inentes, 6c de mettre fous les yeux des objefi de comparaifon. Tantdt je fais voir comment m Efpagnol & un Anglois ont traite' a pea pres les memes fujets que Corneille. - Tant6t je tire des exemples de Tinimitable Racine : quelquefois je cite des morceaux de Quinaut, dans tequel je trouve, en depit de Boileau , un me*rite tres-fuperieur. Je n'ai pu dire que mon fentiment. Ce n'eft point iciun vain difcours d'appareil, dans lequel ©n n'ofe expliquer fes idees, de peur de cho-quer les id£es de la multitude ; mais en ex-pofait ce que j'ai cru vrai , je n'ai en effet expofe que des doutes , que cbaque Le&eur pourra refoudre. AVERTISSEMENT de Mr. de Voltaire - 41« fujet de VOde de Monfieur Le-Brun touchant Corneille. c : Ayant vu dans pluiieurs Journaux TOde 8c les iettres de Mr. Le-Brun, Secretaire de S. A S. Mgr. le Prince de Conti , avec mes Reponfes armoncees fous le titre de Geneve , je fuis oblige d'avertir que Duchefne les a imprim&s a Paris; que je ne publie point mes Lettres, encore moins celles des autres; 8c qu'aucun des petits Ouvrages qu'on debite a Paris • fous le nom de Geneve , n'eft connu dans cette Viile. C'eft Digitized by pelnt par luimime. 181 tTeft d*atlleurs outrager la France que de faire accroire qu'on a eti oblige d'imprimer en pays Granger TOde de Mr. Le-Brun ,laquelle fait honneur ä la Patrie , par les fentiments admirables dont elle eft pleiae , 6c par le fujet qu'elle traite. Les Lettres dont Mr. Le-Bmn jn'a honore , font encore un monument tres-prfoieux ; c'eft lui 6c Mr. Titondu TMet (<) t ficonnu par fon zele patriotique , qui feuis ont pris foin dans Paris de Phe'ritie're du nom du grand Corneille , 8c qui m'ont procure* Thon-neur ineftimable d'avoir chez moi la defcen-dante du premier Francis qui ait fait ref-pefter notre Patrie des Etrangers dans le premier des Arts. C'eft done ä Paris 6c non a Geneve, ni ailleurs qu'on a dü imprimer 6c qu'on a imprime' en eftet ce qui regarde ce grand homme. Les petits billets que j'ai pfi e'erire fur cette affaire , ne contiennent que des details obfeurs, qui aflure'ment ne meri-tent pas de voir le jour. Je dois avertir encore que je ne demeure f ni n'ai jamais demeure" a Geneve, ou plufieurs perfonnes mal informers m'e'erivent; que fi j'ai une rnaifon de Campagne dans le territoire de cette Viile , ce n'eft que pour £tre a por-* tie des fecours dans une vieillefle infirme , que je vis dans des Terres en France, honore' des bienfaits du Roi 6c des privileges fingu-liers qu'il a daigne accorder ä ces Terres,* C c ) Vottk des Eloges qui furprendront teux qui auront lu les Critiques que Mr. de Voltaire a faites du ParnaíTe Francois; mais on ne peat pas avoir toujourt le mime fifage, U faut de in diverfité. I Partie, Q Digitized by i'8s M. de Voltaire - qn'en y me'prifant du plus fbuveraia nte*pris les infolens calomniateurs de la Litterature 6t de la Philofophie. Je n'y Ails occupy quede mofl zele 8t de ma reconnoiflance pour mon Roi, de ce qui intirefle mes amis , 6c des foins de l'agriculture. Je dois ajouter qu'il m'eft revenu que plu-fieurs perfonnes fe plaignoieat de ne recevoir point de Reponfes de moi; j'avertis que je tie re^ois aucune Lettfe-cachet^e de cachets in* eonnus , 6c qu'elles reftent toutes a iaPofte. Fait au Chateau de Ferney , Pays de Gese 9 Province de Bourgogne , le iz. Janvier 1761. Signi , Voltire. AVER TISSEMENT fur la Pie1 ce fuivante. Monfieur l'Eveqne du P\xy donna en i7Do(XXXXKXXXXXXXXXX LETTRE LXXXVIII. De Mr. de Voltaire a Mr. d'Am..... Ditail de ce que Monjieur de Voltaire a fait pour let Calas. Au Chdteau de Ferney , i. Mars 176$. JA1 deWord, mon cher Ami , le nouveatz Mdmoire de Mr. de Beaumont fur l'innocence des Calas; je Tai admire , j'ai repandu des larmes,; mais il ne m'a rien appris '* il y a long-temps que j'etois convaincu , fit j'avois eu le bonheur de fourhk les premieres preuves* Vous voulez fcavoir comment cette reclamation de toute TEurope contre le meurtre ju-ridique du malheureux Calas 9 roue a Touloufe r a pu venir d'un petit coin de terre ignore' r entre les Alpes & le Mont Jura, a cent lieues du Theatre ou fe pafla cette fcdne dpouvan-table. Rien ne fera' peut-etre mieux voir la chaine infenfible qui lie tons les e've'nementft 4c ce malheureux monde. Sur la fin de Mars 1762. un voyageur qui avoit paffe' par le Languedoc , & qui vint dans ma retraite a deux lieues de Geneve, m'apprit le fuppliee de Calas, 6c m*aflura qu'il etoit innocent. Je lui rdpondis que Ton crime n'etoit pas vrai-femblable j mais qu'il etoit moins vrai-fcmblable encore que des Juges euflent r fans aucun intent, fait p&ir un innocent par le fuppliee de la roue* J'appris le lendemain qa'un des enfans Digitized by Google 138 AT. de Voltaire ce malheureux Pere s'etoit retire en Suiffe affoi pres de ma chaumiere. Je fis venir tout de fuite le jeune Colas chez mot Je m'attendois á voir un Energuméne , tel que Ton pays en a produit quelquefois. Je vis un enfant fimple, ingénu , de la phifionomie la plus douce fcc la plus intéreffante , &c qui en me parlant faifoit des efforts inutiles pour retenir fes larmes. II me dit qu'il étoit á Nimes en apprentiifage chez un Fabriquant, lorfque la voix publique lui avoit appris qu'on alloit condamner dans Touloufe toute fa famille au fupplice >• que prefque tout le Languedoc la croyoit coupable , & que pour fe dérober á des opprobres fi afrreux, il étoit venu fe earner en SuuTe, Je lui demandai fi fon pere St fa mere étóient ďun cara&ére violent; il me dit qu'ils n*avoient jamais battu un feul de leurs enfans, & qu'il n'y avoit point de parens plus indulgens Sc plus tendres. J'avoue qu'il ne m'en fallutpas davantagepour préfumer fortement 1'innocence de la famille. Je pris de nouvelles informations de deux Negotiants de Geneve , ďune probité reconnué qui avoient loge á Touloufe chez Calas: its me confirmerent dans mon opinion. Loin de croire la famille Calas fanatique &c parricide > je cms voir que c'etoient des fanatiques qui Pavoient accufée & perdue. Je feavois depuis long-temps, de quoi l'efprit de parti &t la ca-lomnie font capables. Mais quel fut mon étonnement, lorfqu'ayant écrit en Languedoc fur cette étrange avantu-re , Catholiques 6c Protcflans me repondirent qu'il ne falloit pas douter du crime des Calas. Je ne me rebutai point ; je pri» la libertd Digitized by Google peint par lui-mtme. 189 d'ecrire a ceux m£me qui avoient gouverne* la Province, & des Commandans des Provinces . voifines, a des Minifires d'Etat; tous me con-feillerent unanimement de ne me point meler • d'une fi mauvaife affaire ; tout le monde me condamna , 8t je perfiflai: voici ie parti que je pris. La veuve de Calas , a qui pour comble de malheur 8c d'outrage on avoit enleve* fes lilies, e^toit retiree dans *iine folitude 011 elle fe nourriflbit de fes larmes , 8t ou elle atten-doit la mort. Je ne m'informai point fi elle e'toit attached ou non a la Religion proteftante, mais feulement fi elle croyoit un Dieu r£mu-nerateur de la vertu 8c vengeur des crimes* Je lui fis demander fi elle figneroit au nom de ce Dieu, que fon mari etoit mort innocent 5 elle n'heTita pas : je n'he'fitai pas non plus. Je priai Mr. MarUtte de prendre au Confeil du Roi fa defenfe. II falloit tirer^lme. Calas de fa retraite, 8t lui faire entreprendre le voyage de Paris. On vit alors que s'il y a de grands crimes fur la terre , il y a autant de vertus; 8c que fi la fuperftition produit d'horribles malheurs t la Philofophie les re^pare. Une Dame dont la gen^rofite* dgale la haute naiflance, qui etoit alors a Geneve pour faire inoculer fes filles, fut la premiere qui fecourut cette famille infortunde; des Francois retires en ce pays la feconderent; des Anglois qui voyageoient fe fignalerent; St comme le dit Mr. de Beaumont, il y eut un combat de g£-nerofite entre ces deux Nations, a qui fe-coureroit le mieux la vertu fi cruellement opprimee. Le refte , qui le fcatt mieux que vous ? Qui a fervi Tinnocence avec un zele plus conftant 8c plus.intrepide I Combien n'avez^ vous pat Digitized by Google %Qo M: de Voltaire encourage la voix des Qrateurs qui a i\i en-tendue de toute la France 8c de l'Europe attentive ? Nous avons va renouveller les tems oil Ciceron juftifioit, deva^it une Affemblee de Legiflateurs , Ame'rinus accufe' de Parricide. • Quelques perfonnes qu'onappelle devotes fe font elevens contre les Calas ; mais pour la premiere fois, depuis retabliffcment du fanatifme, la voix des Sages les a fait taire. La raifon reraporte done de grandes victoires parmi nous 1 mais croiriez-vous , moncher Ami, que la famille des Calas fi.bien fecourue, fi bien veng£e, n'etoit pas la feule alors que la Religion accufat d'un parricide r n'etoit pas la feule immolee aux fureurs du prejuge. II y en a une plus malheureufe encore , parce qu'eprouvant les tnemes hurreurs, elle n'a pas eu les memes confolations , elle n*a point trouve' des Mariette , de^s Beaumont, 8c des Itoifeau. Un Feudifte de Caflres nomine* Sirven avoit trois Riles. Comme la Religion de cette famille eft la pretendue reformed , on enleve , entre les bras de fa femme , la plus jeune de leurs fiUes j on la met dans un couvent , on la foiiette pour lui mieux apprendre fon cate*-ehifme; elle devient folle , elle va fe jetter dans un puits a une lieue de la maifon de fon pere. Auffi-t6t les ze'le's ne doutent pas quele pere , la mere 8c les fceurs n'ayent noye* cette enfant. II paffoit pour conflant chez les Ca-tholiques de la Province , qu'un des points capitaux de la Religion proteftanw , eft que les peres 8c meres font tenus de pendre , d'egorger ou de noyer tous leurs enfans,qu'ils foupconneront avoir quelque pechant pour la Religion Romaine. C'e'toit precifenient le tems Google peint par lui-m£me. ipi oh les Calas Itoient aux fers, 8c ou Ton drefr (bit leur ^charTaud. L'avanture de la fille noye'e parvient incontinent a Touloufe. Voila un nouvel exemple , s'e'crie-t-on , d'un pere 8td*une mere parricide La fureur publique s'en augmente ; on roue Calas 8c on de'cre'te Sirven , fa femme 8c fes filles. Sirven e'pouvente n'a que le temps de ■» fuir avec toute famille malade. lis marchent a pieds, denue's de tout fecours ,^a travers des montagnes efcarpees, alorscouvertes de neiges. Une de fes filles accouche parmi les glaconsv, 8c mourante , elle emporte Ton enfant mou-rant dans fes bras. lis prennent enfin leur che-min vers la Suiffe. Le meme hazard qui m'amena les enfans de Calas, veut encore que les Sirven s'adref-ffent a moi. Figurez-vous , mon Ami, quatre moutons que des bouchers accufent d'avoic mange' un agneau. Voila ce que je vis; il m'eft impoflible de vous peindre tant d'innocence 8c tant de malheurs. Que devois-je faire, 8c qu'euffiez-vous fait a ma place / Faut-il s'en tenir a g£mir fur la nature humaine \ Je prends la libertl d'^crire a Mr. le premier Prifident de Languedoc , homme vertueux 8c fage : mais il n'dtoit point a Touloufe. Je fais preTentec par un de vos amis un Placet a Mr. le Vice-Chancelier. Pendant ce temps-la on execute vers Cadres en effigie le pere , la mere, les deux filles; leur bien eft confifque , de'vafte 9 \ il n'en refte plus rien. Voila toute une famille hotmete , innocente , vertueufe , iivr^e a Fop-probre , a la mandicite' chez les Etrangers .* ils trouvent de la pine* fans doute ; mais qu'il eft dur d'etre jul^u'au tombeau un objet de pitie* / On me ripond enfin qtfon pourra ieu$ Digitized by iqi M. de Voltaire obtenir dcs Letcres de grace. Je cms d'abord que c'dtoit de leurs Juges qu'on me parloit, & que ces Lettres dtoient pour eux. Vous croyez bien que la famille aimeroit mieux mandier Ton pain de porte en porte, 8c ex-pirer de mife're , que de demander une grace qui fuppoferoit un crime trop horrible pour etre graciable; maisauffi , comment obtenir juftice/ Comment s'aller remettre en prifon dans fa iiatrie ou la moiue du Peuple ctit encore, que e meurtre de Calas dtoit jufte ? Ira-t-on une feconde fois demander une evocation au Con-feil ? Tentera-t-on d'e'mouvoir la pitie* publi-que que Tinfortune des Cdas a peut-dtre epuifee, 8c qui fe laflera d'avoir des accufations de parricide a refuter, des condamne's a rehabUiter, 8c des Juges a confondre ? Vous dirai-je que , tandis que le deTaftre dtonnant des Calas 8c des Sirven affligeoit ma fenfibilite*, un homme ( a ) dont vous devine-rez 1'Etat a fes difcours , me reprocha l'interet ue je prenois a deux families qui m'etoient trangdres ! De quoi vous melez-vous ? me dit-il : laiflez ies morts enfevelir leurs morts. Je lui repondis: j'ai rrouve* dans mes dcferts rifraelite baigne* dans fon fang, fouffrez que je repande un peu d'huile &c de vin fur fes bleffii-res: vous £tes Le* vite, laiffez-moi dtre Samaritain. Jl eft vrai que pour prix de mes peines on m'a bien traitd en Samaritain; on a fait un Libelle diffamatoire fous le nom d'Inftru&ion paftorale Sc de Mandement; mais il faut l'ou- (a) Cet homme neblamoit pas fans douteMr. de Voltaire d'avoir fecouru une famille infortuňée 5 mais d'avoir pris cette occajionpour debiter des im-piétés révoltantes dans fon T r ait é de lá Tolerance. blier Digitized by Google peint par lui-m&me. 193 bKer ; c'eft un Jefuite qui Pa compofe. Le rnaliieureux ne fcavoit pas alors que je donnois un afyle ä un Jefuite. Pouvois-je mieux prou-ver que nous devons regarder nos ennemis comme, nos freres ? Vos paflions font Pamour de la vdrite ,Phu-sianite , la haine de la calomnie. Laconfor-mite de nos carafteres a produit notre amitie. j'ai pane ma vie ä chercher , ä publier cette verite que j*aime. Quel autre des Hiftoriens modernes a defendu la memoire d'un grand Prince contre les.impoftures atroces de jene fgais quel Ecrivain ., qu'on peut appeller le ca-lomniateur des Kois, des Miniftres & des grands Gapitaines, &c qui cependant aujourd'hui ne peut trouver un Lecteur ? Je n'ai done fait dans les horribles defaf-tres des Calas 8c des Sirven que ce que font tous les hommes ; j'ai fuivi mon penchant. Celui d'un Philofophe n'eft pas de plaindre les xnalheureux^ c'eft de les fervir. Je f9ais avec quelle fureur le fanatifme s'e*-leve contre la Phiiofophie, Elle a deux filles qu'il voudroit faire perir comme Calas , ce font la verite &c la tolerance , tandis que la Phiiofophie ne veut que deTarmer les enfans du fanatifme , le menfonge &c la perfection. Des gens qui ne raifonnent pas ont voulu de'creMiter ceux qui raifonnent; ils ont con-fondu le Philofophe avec le Sophifte; ils fe font bien trompes. Le vrai Philofophe,(b) peut ( b ) fMr. de Voltaire tragoit ce~ beau portrait de Philofophe \ tandis qu'il envoyoit a Paris fon Di&ionnaire Philofophique , fa Phiiofophie de l'Hiftoire , & fes Libelies. /. Partie. R Digitized by Google '94 M. de Voltaire quelquefois s'trriter contre la calomnie qui lc pourfuit lui-meme. II pcut couvrir d'un eternel mdpris le vil mercenaire qui outrage deux fois par mors la raifon , le bon goür & la vertu. II peut meme livrer en paflant au ridicule , c*ux qui infultent a la Litterature dans le fanc-tuaire oü ils auroient dü l'honorer ; mais ilne connoit ni les cabales, ni les fourdes pratiques, ni la vengeance.-II fcait comme le Sage de de Montbart, comme celui de Vori , rendre la terre plus fertile & fes habitans plus heu-reux. Le vrai "Philofophe deTriche les champs incultes, augmente le no more des charrues, & par consequent des habitans, occupe le pauvre & Tenrichit, encourage les manages, dtablit l'orphelin , ne murmure* point contre des impöts neceflaires, & met le cultivateur en e^tat de les payer avec aHegreffe. U n'at-tend rien des hommes-, il leur fait le bien dont ü eft capable ; il a Vhypocrite en hor-reur, mais il plaint le fuperftitieux ; enfio, H fljait £tre ami. Je m'appercois que je fais votre portrait, fit qu'il n'y manqueroit rien , fi vous dtiez aflez heureüx pour habiter la Campagne. r Digitized by Google peint par hii-mtme, Jffi LETT-RE L XX XIX. Réponfe (a) de Monfieur- der Voltaire i Mr. Diodatj de Tórami , Auteur du Livre de /'Excellence de la Langue Italienne. JE fuis trés-fenfible , Monfieur , á l'honneur que vous me faites , de m'envoyer votre Livre de YExcellence de la Langue Italienne : e'eft envoyer á unAmant l'eloge de fa Mat-* trefle. Permettez-moi cependant quelques reflexions en faveur de la Langue Francoife , que vous paroiflez déprifer un peu trop. On prend Touveut le parti de fa femme , quand la mai-trefle ne la menage pas aflez. Je crois, Monfieur , qu'il n'y a aucune Langue parfaite ; II en eft des Langues comme dc bien d'autres chofes, dans leiquelles les Savants ont recu la loi des ignorants. • Ceil le peupie qui a forme tous les Luggages ; les ouvriers ont nommé tous leurs instruments. Les peuples á peine rafiemblés out donné des noms á tous leurs befoins: &. apres un trěs-grand nombre de fiécles. les hommes de génie fe font fervis comme ils ont pit des termes etablis au hazard par le peupie. II me paroit qu'il n'y a dans le monde que deux Langues véritablement harmonieufes, la Grecque & la Latine. Ce font en eftet les feules dont les Vers ayent une vraie mefure , un rime (a) Cette Lettre eft d'autant plus remarquable que Mr. de Voltaire j'y retracle de tout ce qu'il a icrit contre la Langue Frangoife. R 2 Digitized by Google *lH* M. de Voltaire certain , un vrai melange de da&iles fit de fpondees, une valeur reelle dans les fyllabes. Les ignoranrs qui formerent ces deux Langues avoient fans dome la tete plus fonnante, Toreiile plus jiifte , les fens plus d&icats que les autres Nations. Vous avez , comme vous le dites, Monfieur, des fyllabes longues & breves dans votre belle Langue Ixalienne. Nous en avons auffi , mais ni vous ni nous, ni aucun peuple , n*avons de veYitables da&iles & de veVitables fpondees. » Nos vers font carafterifes par le nombre & non par la valeur des fyllabes. La bella Lingua Tofcana &Ha figlia primogenita del Latino. Mais jouiflez de votre droit d'aineffe , & laiflez a. vos cadettes partager quelque chofe de la fucceflion. J'ai toujours regarde les Italiens comme nos maitres; mais avouez que vous avez fait de fort bons difciples. Prefque toutes les Langues de l'Europe out aujourd'hui des beautes 6c des defauts qui fe compenfent. Nous n'avons point, dites-vous, des dimi-nutifs: nous en avions autant que vous du terns de Marot & de Rabelais j mais cette puerilitd nous a paru indigne de la majefte d'une Langue annoblie par les Pafcals , les Bojfuets , les Fihe\-Ions , les Peliffbns, les CorneilUs', les Dejpreaux, les Racines , "les Maffillons. Nous avons laiffd k Ronfard , a Marot, a Dubartas ce$ diminutifs badins en otie & en ette, fct nous n'avons gu^res conferve que Fleurette , Amourette , FiU lette y Grandelette : encore ne les employons-nous que dans le ftile familier. N'imitez pas le Buon-Matei qui, dans fa harangue a T Academe de la Crtrfi^, que je refpefte St dont j'ai Thonneur d'etre; fait tant valoir Tavantage d'exprimer Corbelh &c Corkellino , en oubliant Digitized by peint par lui-m&me. 197 que nous avons des Corbeilles 8c des Corbilloni. Vous pofledez , Monfieur , des avantages bien plus rlels, celul des inverfions , celui de faire plus faciiement cent bons vers en Italien, que nous n'en pouvons faire dix en Francois. La raifon de cette facilite , c'eft que vous vous permettez ces hiatus, ces baillements de fylla-bes que nous profcrivons. C'eft que tous vos mots finiflent en a, e , i, 0 ; que vous avez au moins vingt fois plus de rimes que nous, 8c que par deuus cela vous pouvez encore vous pafier de rimes. Mais, croyez-moi, Monfieur , ne reprochez ä uotre Langue , ni la rudefte , ni le deTaut dc profodie , ni robfcurit^ , ni la fe'cherefle. Vos traductions prouveroient le contraire : lifez d'ailleurs tout ce que Mr. l'Abbd ttOlivet a compofe' fur la manlere de bien parier notre Langue : lifez Mr. Dudos: voyez avec combiea de force , de clarte , d'energie , s'expriment Mr. cYAlemberi 8c Mr. Diderot. Quelles expref-fions pittorefques employent fouvent Mr.. de Buffon 8c Mr. Helvetius , dans des Ouvrages qui n'en paroUToient pas fufceptibles / Je finis cette Lettre trop longue par uner feule reflexion. Si le peuple a formi les Lan-gues , les grands Hommes les perfectionnent par de bons Livres; 8c la premiere de toutes; les Langues eft celle qui a le plus d'excellents Ouvrages. J'ai l'honneur d'etre , Monfieur-, avec beau-coup d'eftime , pour vou* 8c. pour la Langue Italienne. Voltaire* > 4u Chateau de Ferney en Bourgogne ^ 24. Janvier \j6u Digitized by jpj Mi it Voltairt xxxxtxxittxittix^xnttnnxwt LETTRE XC. *Sur le pritendu Teftament du Cardinal dt Richelieu, a Monfteur de Foncemagne ( a ). MOnsieur, comment fe peut-tl faire,, qu'etant perfuade que le Teftament pritendu n'eft pas du Cardinal de Richelieu , que !la moiiie' de cet Ouvrage eft un tifTu de lieux communs, &. Pautre moitie un amas de projets impraticables, vous penfiez m'ebloiiir , en me difant qu'il a ete* loue par la Bruyere % N'eft-il jamais arrive qu'un homme de Let-tres fe foit laifle feduire par un grand nom,, par Tenvie'de faire fa cour a des perfonnes puiflantes; enfin, par i'erreur populaire qui domine fouvent les efprits les mieux faits ? Si l'Abbe de Bvurjey avoit donnd fes idees po-litiques fous fbn nom , on en auroit ri comme des projets de Mr. Ormin & de Caritidej*3i fentit combien Sojie a raifon de dire ; Touj ces difcours font des fottifes h Partants d'un homme fans iclat ; v Ce feroient paroles exquifes , Si cyitoit un Grand qui parlat, Des qu*une ;fois la prevention eft dtablte , (a)Mr. dans toutes les rapfodies, auxquelles on a donnd le nom de Teftament. Je fouhaitai a> l'Auteur qu'il eut €t€ couche fur celui du Cardinal Alberoni pour quelque bonne penfion. II fe trouva que cet Auteur etoit un Capucin ^chappe* de fon couvent , a qui perfonne n'avoit fait de legs, & qui n'ayant point de quoi fubfifter, faifoit des Teftamens pour gagner fa vie. L'Abbe' de Saint-Pierre , d'ailleurs excellent Citoyen, s'y prenoit d'une autre facon pour faire gouter fes ide'es; il les donnoit a la ve'-rite'^fous ftm nom avec franchife mais il les appuyoit du funrage du Due de Bourgogne, & pretendoit que ce Prince avoh; toujours &e* occupy de fcrutin perfeclionne* , de la pais perpe'tuelle , & du foin d'dtablir une Ville pour tenir la Diete'Europe'ane ou Europeenne ou Europaine: II reffembloit aux anciens Legif-lateurs qui* difoient avoir recu leurs loix de la bouche des Demi-Dieux. * Plut-a-Dieu , Monfieur , qu'il n'y eut de charlatanerie que dans ces projets chimeriques I mais il y a des Charlatans de toute efpece , Si le nombre de ceux qui ont voulu tromper les hommes peut a peine fe compter. Ce qu'il y a de pis, e'eft qu'on voit quel-quefois des hommes du plus rare merite , fort-tenir avec autant d'efprit que de bonne foi lea bigitized byLjOOQle '*04 Af. de Voltaire plus grandes erreurs, uniquement parce qu'elles font accreditees. S'ils trouvent une foible lueur qui puiife favorifer la caufe qu'ils embrafTent, ils ne manquent pas de la faire valoir. Si quel-que lumiére plus vive éclaire le mauvais cóté de leur caufe, ils ferment les yeux de peur de la voir. II eft peut-étre plus commutt en-core de fe tromper foi-méme, que de cher-cher ä tromper les autres. La féduaion 8c la charlatanerie entrent mé-me dans les chofes purement de goöt, dans le jugement qu'on porte ďune Tragédie , d'une Gomždie , d'un Opera , ďune Piece de vers 5 ďun Difcours oratoire. Tel qui fera enchanté de VArioße n'ofera l'avouer r 8c dira en bail-lant que YOdyJfée eft divine. II y a une foule prodigieufe de gens d'ef-prit; mais les perfonnes d'un gout épuré qui penfent jufte , 8c qui difent ce qu'elles penfent, font bien rares, Note fur la Lettre precedente. Lettre a Mr. de Voltaiäe. K* B. Cette Lettre nous ayant paru curieufe , nous, avons crü devoir la joindre a tet Ouvrage , dy aut ant mieux qu*il eft queftion du Cardinal de Richelieu dans la vie de Corneille. Vos nouveaux doutes fur le Teftament du Cardinal de Richelieu font un nouveau motif que vous fourniflez aux hommes de fe défier de leurs idées. Le- ton de moderation qui y regne f n'a pu furprendre que vos ennemis. Le plus aimable des Philofophes doit étre le plus poli des Critiques. Xayoue ni(iiti7Pr1 hy peitft par' nl-tnSme. 20$ J'avoue que les Teftateurs ä la facött de Crifpin font aufli communs que les Projetteurs ä la * Cerifantes. Les Teftaraens politiques font une mauvaife graine qui croit fur les tombeaux des hommes, qui ont occupy pendant quelques minutes Tattention de notre Taupiniaire. On ne s'eft point contente de faire tefter des Mi-niftres, on accorde aujourd'hui le meme hon-neur ä tous les perfonnages un peu fameux, foit qu'ils ayent etd revdtus de la pourpre , foit qu'on les ai vü en guenilles. Je ne defef-pdre pas de voir un jour le Teftament de Ramponeau : mais. enfin , parce que quelques valets ont pris l'habit de leur maitre , conclu-rez-vous que les maitres n'ont jamais porti cet habit. Bois-Guillebert a fait le Teftament de Vauban , Courtils celui de Louvois , Matthen celui d'Alberorii, Ckevrier celui de Bei-ieifle ; mais cela prouve-t-il que le Cardinal de Richelieu n'ait pü faire le lien ? Au con-traire celui-ci avoit rduffi , que les petits Auteurs, peuple finge qui vit des reftes de nos grands hommes, fe firent les Teftateurs du genre humain. Vous ne voulez pas que Richelieu, Amant public de Marion de Lorme , ait prdche la chaf-tetd a un Roi infirme : & pourquoi non f Ne voyons-nous pas tous les jours la calomnie s'dlever contre la calomnie. Moliere malheureux en femme ne ridiailifat-il pas toute fa vie les maris malheureux ?' Rien de plus commun que de voir la Morale ä la bouche & fous la plume de ceux qui plchent par les actions. II y a des chofes dures, il y a des confeils *■ Gafcon cilibre* L Partie. Digitized by Google lo6 M. de Voltaire violens: done cet Ouvrage n'eft pas du Cardinal ; voila comme vous concluez , 8c moi j* tire avec tous les Le&eurs une conclufion route dirferente : done il en eft. II 4crivoit fa thdorie d'apres fa pratique : pouvez-vous faire vaioir une telle raiibn ? vous qui avez peint fes violences avec plus de vivacite qu'aucun autre Hiftorien , 8c avec la chaleur que rhumanitej dont vous faites profeflion devoit vous infpirer*. Relifez, je vous prie , votre Hutoire univerfeiie fouc le Regne de Louis XHL, 8c vous verrez u* ces maximes impitoyabUs que vous reprochez au Teftateur , font indignes du perfecuteur de la Reine-Mere fa bienfaitrice, 8c de I'Autenr de cent autres process tyrannjques. Le ftyle vous de'plait ; mais avez-vous ete' plus fatisfait de celui de* autres Ouvrages du Cardinal de Richelieu. Cet enfant que vous ap* pellez inlegitime neporte-t-il pas les traits des autres productions de fon Pere \ On peut £tre iin iris-habile Miniftre 8c un tres-mauvais Ecrif vain. Les grands Hommes ne le font ni en tout temps ni en tout genre. Richelieu aimoit a ^crire ; e'etoit un calmant au milieu des agitations dont il etoit de>ore. II peut done avoir ecrit ou du moins difte fon Teftament, quelques fautes qu'il y ait. Vou? aimez mieux les attribuer a l'Abb^ de Bouf\eis qu'a un grand Miniftre; mais les he'ritiers des papiers de cet Abbe* n*om jamais pu decouvrir parmi fes nombreux broiiillons , rien qui ait rapport a ce Teftament. Laiflbns-le done $ celui dont il porte le nom. L'Ouvrage etant mauvais , peu importe qui"■ en eft l'Auteur. Si je ne connolflbis pas la fource d'ou font forties-2ai>e ou Mtrepe , je la chercherois avec avidity i mais cette reefcerche feroit bienridU Digitized bv Google peint par lui-m$me. toy cule á I*égard de quelques productions ďun Ecrivaindu dernier Ordre, &c. &c. &c. &c. #:####****#***#***#■* LETTRE XCII. DE MONSIEUR DE VOLTAIRE. Sur Zulime. Äilc vos non vobis. Dans le nombre immetue de Tragedies , Comedies, Opéra-Comi-ques, Difcours moraux & Facéties au nombre d'environ cinq cent miile;, qui font l'honneur éternel de la France , on vient d'imprimer une Tragédie fous mon nom intitulée Zulime^: La Scene eft en Afrique.W eft bien vrai qu'au-trefois ayant été avec Aljire en Amérique , je fis un petit tour en Afrique aitcZulime avant d'aller voir Jdamé á la Chine: mais mon voyage ďAfrique ne me réuffit point. Prefque per-fonne dans le Parterre ne connoiflbit la ville ďArGénie qui étoit le lieu de la Scene ; c'eft pourtant une Colonies Romaine nommée Arfe-tiaria, & c'eft encore par cette raifon lá qu'on ne la connoiflbit pas. Trémijéne eft un nom bien fonore , c'eft un joli petit Royaume ; mais on n'en avoit aucune idée : la Piece ne donna aucune envie de s'mformer du giflement - de ces cotes. Je retirai prudemment ma flotte (a) Et quadefperat traciata nitefcere poßerelinquiti » . i —■ (a ) Remarquei que cette Piece, fut jouée a Paris par Us Joins de Mr. de Voltaire , quelques íuois aprés qu'il eut écrit cette Lettre.. Si Digitized by *o8 M. de Voltaire Des Corfaires fe'font enfin faifis de la Piece & ä Tont fait imprimer; mais par droit de con-quite ils ont fupprime deux ou trois cent vers de ma facon , &. en ont mis autant de la leur. je crois qu'ils ont tres-bien fait ,• je ne veux point leur voier leur gloire , comme ils m'ont vole mon ouvrage. J'avoue que le denouement leur appartrent, & qu'il eft auffi mauvais que Petoit le mien. Les rieurs auront beau jeu , car au lieu d'avoir une Piece ä fifüer , ils en auront deux, II eft vrai que les Rieurs feront en petit nombre -r car peu de gens pourroient lire les deux Pieces; je fuis de ce nombre ; £*. de toua ceux qui prifent ces bagatelles ce qu'elles va-lent , je fuis peut-etre celui qui y met le plus Eis prix. Enchante des chefs-d'ceuvres du Siecle pafle autant que dögoutd du fatsas prodk gieux de nos me'diocrite's, je vais expier les miennes en me faifant le Commentateur de* Pierre Corneille. L'Academie a agre£ ce travail ; je me flaue que le public le fecondera en faveur des heritiers de ce grand nom. II vaut mieux commenter Heraclius que de faire Tancride ; on rifque bien moins. Le premier jour que Ton joua ce Tancrede , beau-coup de Speäateurs etoient venus arme^s d'un manufcrit qui couroit le monde , & qu'on af-furoit £tre mon Ouvrage; il reffembloit ä cette Z-ulime, C'eftainfi qu'un honn£te Libraire nomine* Gojje t. s'avifa d'imprimer une Hiftoire generale qu'il afluroit Itre de moi , & il me le fou-tenoit ä moi-meme. II n'y a pas grand mal ä tout cela .• quand on vexe un pauvre Auteur, les dix-neuf vingtiemes du monde Tignorent, le refte en rit & moi auffi. H y a trente ä. Digitized by boogie peint par lui-mtme. too qtiarante ans que je prenois ferieufement la chofe. J'etois bien fot ! Adieu je vous embraffe. LETTRE XCIIL De Mr. de Voltaire a Mr. d'Alembertv Sur divers Sujets. ......du 4. Fevrier 176J. MOn eher & illuftre Confrere, il me fem-ble que fi quelques pedans ont attaque en France la Philofophie , ils ne s'en font pas bien trouves , & qu'elle a fait une alliance ayec les Puiffances du Nord. Cette belle Lettre de rimperatrice de Ruflie vous venge bien. Cela reffemble ä la Lettre que Philippe ecrivit ä Ariflote , ä la difference preS , t\x?Arif-tote eut Thonneur d'accepter reeducation d'A-lexandre, & que vous avez la gloire de la refufer. Je me fouviens que dans mon enfance , je n'aurois pas imagine* qu'on ecrivit un jour de pareilles Lettres de Mofcou ä un Acade*mi-cien de Paris. Je fuis du temps de la creation, & voilä quatre femmes de fuite qui ont per-fecrionne ce qu'un homme a commence. Votre galanterie frangoife doir quelques compliments au fexe feminin fur cette Angularity, dont PHifloire ne fournit qu'un exemple. La belle Lettre que ceile de Catherine ! ni Sainte Catherine d'Alexandrie, ni "Sainte Catherine de Boulogne , ni Sainte CatMrin* de Sienne , Digitized by Google HO M. de Voltaire n*en ont jamais icrit de pareilles (ä). Si ces PrinceiTes fe mettent ainfi ä cultiver leur ef-prit, la Loi Salique n'aura pas beau jeu. Ne remarquez-vous pas que les grands Exem-ples Sc les grandes Lecons nous viennent du Nord t Les Newtons, les Locke , les Guftave , les Pierre le Grand & gens de cette eipice , n'ont pas 6t6 elevös au College de la Propaganda J'ai pärcouru ces joins pafTes une grofle Apologie des Jefuites pleine d'Ythos & de Pathos. On y fait le der.ombrement des grands ginies qui illuftrent notre Siecle. Iis font tous Jefuites ,• c'eft dit TAuteur , un Peruffeau , un Neuville ( b ) , un Griffet , un Chapelain , un Bodori , un Buffier , un Des-Billons , un Cäftel, un Laborde , un Briet, un Garnier , uivPe^enas, un Simonet , un Huth , & enfin ce Bertier, ajoute-t-on, qui a ete fi long-tems Toracle des gens de Lettres. Je Alis afTez comme Mr. Chicaneau ; je ne connois. aucun de ces gens-lä , excepte Frere Bertier, que je croyois mort fur le chemin de Verfaiiles. Mais enfin je fuis ravi que la France ait encore tant de grands Hommes. On dit auffi , que Ton compte parmi les fublimes Genies un Mr* ( a ) Nous laiffons fubfifter cette mauvaifi plai* fanterie. i^. Pour prouver' que Mr. de Voltaire veut rire de tout 9 & prefque toujours en grima~ fant. i°. Qu*il choijtt de pvifirence les objetsde la Religion. A quel ptopos ramener ici les Saintes Catherines! ( b) Remarque f que la plupart de ces Jifuites itoient amis de Mr. de Voltaire qui leur a fait la tout tant qutil a eu befiin de leur tfmoignage* Google peint par lui-mitne. lit le Roi, Predteateur de St. Euflache, qui preche contre les Philoibphes avec l'eloquence du r€% verend Pere Garafle. A vous parier ferieufement, je trouve que fi quelque chofe fait honneur au Siecle , ce font les trois Factum de Meffieurs Mariete , de Beaumon & de Loifeau , en faveur de la famille intortuneedes Colas. Employer auififoa temps, la peine , fpn eloquence , fon credit, 8c loin de recevoir un falaire , procurer un fecours ä des ppprimes , c'eft-lä ce qui eil veritatyement grand, 8c cequirefiembie plus au temps des CU ceron 8c des Homnfius, qu'ä celui des Briet 8c ties Huth 8c des Freres B$rtier* J'attends beau-coup de jugement qu'on rendra. Dieu merci PEurope a jug£ , 8c je ne connois de Tribunal infaillible que celui de tous les honn£tes gens de dirTerents pays qui penfent de meme. lis compofent, fans le fcavoir , un Corps qui ne peut errer , parcc qu'ils n'ont point Tefprit de Corps. Je ne fcais ce que c'efl que le petit Libelle dont yous me parlez , on Ton me dit des injures ä propos d'un examen de quelques Pieces de Cribillon. Je ne connois ni cet examen , ni ces injures. J'aurois trop ä faire fi je voulois lire tous ces rogatons j Pierre le Grand 8t le Grand Corneille m'occupent aflez , j'en fuk malheureufement ä Pertkarite , & je marie la »ie;ce pour me confoler. Nous mettrons dans le Contrat qu'elle eli coufine germaine de Chimene9 fcc.qu'elle ne connoit pour fes parens ni GrU moald ni Urnulphe. Elle pourra bien avoir fait tin enfant, avant que TEdition ne foit achevee. Beaucoup de grands Seigneurs ont foufcrit g£-nereufement ; les Graveurs difent que leurs noms ne font pas des Lettres de Change. J'envois, Digitized by zu M. de Voltaire á ťAcademie YHéraclius que j'ai traduji de Calderon, & qui eft imprimé avec YHéraclius francois. Vous jugerez quel eft ťOriginal de Calderon ou de Corneille y vous poufterez de rire ; cependant vous verrez qu'il y a daus ce Calderon de brillantes étincelles de génie. Vous recevrez atiffi bientót une certaine Hiftoire generale ; le Genre humain y eft peint čerte fois-ci de trois quarts ,* il ne Tétoit que de vieux , j'apprends tous les jours á le connoitre. Adieu mon illuftre Philofophe, je fuis oblige de ditler ; je deviens aveugle commeLa-Mot/ze : quand ťAbbé C * * le fcaura , il trouvera mes Vers meilleurs. profil aux autres Editions. Quoi fois bien Fin de la premiere. Partie. 9 - Digitized by i