EHESS Review Author(s): Anne Rasmussen Review by: Anne Rasmussen Source: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 62e Année, No. 2 (Mar. - Apr., 2007), pp. 481- 482 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27587983 Accessed: 31-03-2016 13:03 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Annales. Histoire, Sciences Sociales This content downloaded from 147.251.225.92 on Thu, 31 Mar 2016 13:03:24 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms - COMPTES RENDUS Mark Harrison Medicine and victory. British military medicine in the Second World War New York, Oxford University Press, 2004, 320 p. Mark Harrison fait partie, avec Roger Cooter, Steve Sturdy ou encore Christopher Lawrence, du petit groupe d'historiens qui, en Grande Bretagne, depuis une quinzaine d'ann?es, ont largement contribu? ? d?fricher un champ de recherche sp?cifique, celui des relations entre guerre et m?decine, et ? le sortir du pr? carr? de l'histoire officielle ?manant de l'institution m?dicale militaire. Celle-ci avait eu le m?rite de collecter des donn?es et de restituer l'histo rique des unit?s, mais, par souci institutionnel autant que m?moriel, elle s'?tait souvent vou?e ? une vision apolog?tique des services de sant? et de l'innovation m?dicale consid?r?e comme une cons?quence heureuse des conflits: en somme, l'attestation du progr?s par la guerre. C'est pourquoi les travaux qui ont examin? les interactions complexes entre ? m?dicalisation de la guerre et militarisation de la m?decine ?, selon la formule de M. Harrison, en y impor tant des questionnements culturels, sociaux et politiques des plus stimulants, ont constitu? un renouveau historiographique vivifiant en histoire traditionnellement dite ? de la m?de cine ? - renouveau qui, regrettons-le, n'a gu?re connu d'?cho en France. Dans cette perspective, le dernier ouvrage de M. Harrison ?tonne ? premi?re vue en s'ins crivant dans une forme historique des plus clas siques. Comme l'indique le sous-titre, British military medicine in the Second World War, cette histoire r?int?gre des cat?gories ?prouv?es : les bornes chronologiques de la Seconde Guerre mondiale, le cadre national d'organisation de l'arm?e britannique, la notion de ? m?decine militaire ?, strictement associ?e ici ? la bataille et qui renvoie explicitement au langage et aux pratiques des officiers de sant?. Le plan du livre confirme cette approche conventionnelle en adoptant un d?coupage qui envisage les campagnes militaires britanniques successives et les principaux th??tres d'op?ration o? les forces du Commonwealth ont ?t? engag?es : les retraites des ann?es 1940-1942 en Norv?ge, en Gr?ce, ? Hong-Kong et ? Singapour, les batailles du d?sert d'Egypte et de Libye men?es contre l'Afrika Korps, les campagnes d'Afrique du Nord, de Sicile et d'Italie, celles de Birmanie et d'Inde orientale, enfin les vic toires en Europe occidentale des ann?es 1944 et 1945. Au-del? de la forme, le titre du livre lui m?me, Medicine and victory, met en exergue la th?se qui le sous-tend, ?nonc?e d?s la premi?re page : avec la guerre moderne, le contr?le des maladies et des blessures ?tant devenu d'une grande importance op?rationnelle, les services m?dicaux militaires ont apport? une contribu tion essentielle ? la victoire alli?e. L'absence de d?sastre sanitaire, m?me dans les conditions de combat les plus dures et sur les th??tres les plus lointains, la sup?riorit? d?terminante de l'intervention m?dicale britannique sur celle des arm?es allemande, italienne ou japonaise, ou encore les saisissantes donn?es statistiques indiquant par exemple qu'un soldat anglais bless? en 1944 avait vingt-cinq fois plus de chances de gu?rir et, par cons?quent, d'?tre r?incorpor? que lors de la Grande Guerre, sont autant d'indices que le facteur m?dical a constitu?, pour les Britanniques, un ?l?ment cl? du succ?s militaire. L? non plus, la th?se n'est pas pour surprendre et ne fait que confir mer ce que les officiers de sant? avaient reven diqu? pendant la guerre et que leur m?moire s'employa ensuite ? d?fendre. Si l'auteur pose des questions issues de l'histoire militaire traditionnelle - celles, sans doute non des moindres, des causes de la victoire et de la d?faite - et aboutit finalement aux m?mes conclusions que ses pr?d?cesseurs, c'est en empruntant toutefois des voies diff?rentes. Tel est l'un des apports manifestes du renou vellement historiographique relatif aux guerres du XXe si?cle, dont les approches culturelles n'ont pas craint de se saisir d'objets prisonniers d'une lecture cat?gorielle - ici, la m?decine militaire - pour tenter d'ouvrir, ? l'aide d'autres outils, ces bo?tes noires. En relevant le d?fi de la synth?se, un demi si?cle apr?s celle que les histoires officielles des services de sant? ont produite, M. Harrison ne met pas en valeur les m?mes points cardi naux. Pour lui, l'innovation m?dicale n'en constitue pas la pierre de touche. Certes, d?s le d?but de la guerre, les progr?s britanniques 48J_ This content downloaded from 147.251.225.92 on Thu, 31 Mar 2016 13:03:24 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms - COMPTES RENDUS r?alis?s dans la transfusion sanguine au profit de la chirurgie de l'avant et, au terme du conflit, l'introduction de la p?nicilline, arme anti infectieuse radicale, et du DDT, contre la malaria, particip?rent d'un arsenal sanitaire au r?le d?cisif, mais dont la mesure repose moins, pour M. Harrison, sur la nouveaut? technique ou th?rapeutique que sur son efficacit? organi satrice. Le terme anglais ? efficiency ? est en effet au fondement des relations entre m?de cine et guerre qu'explore cet ouvrage, ? travers les transformations th?oriques et pratiques que cette notion a subies depuis la Premi?re Guerre mondiale. Dans le domaine militaire, la notion traduit l'adaptation des ressources m?dicales ? l'extr?me mobilit? du champ de bataille, dans un conflit totalement m?canis? qui oblige ? repenser le fractionnement des unit?s de soin, leur action dans le mouvement ou leur circulation dans les airs et sur terre. Appliqu?e au corps humain, l'id?e d'efficacit? tend ? induire le d?veloppement d'une m?de cine pens?e comme un outil de maximalisation du potentiel, ? valoriser l'expertise m?dicale afin de d?finir et de r?guler les besoins des orga nismes en guerre, ? rationaliser les techniques manag?riales o? l'hygi?ne et la prophylaxie sont d?sormais des objets prioritaires de l'inter vention des chefs britanniques, ? la diff?rence des chefs allemands. L'analyse des ? cultures ? de commandement, des valeurs qu'elles assi gnent ? la sant?, celle de l'int?gration des offi ciers de sant? dans les ?tats-majors, sont tr?s ?clairantes. M. Harrison montre ?galement avec beaucoup d'originalit? ? quel point la qu?te d'efficacit? s'applique aux relations entre l'individu et la collectivit? nationale, au nom de l'?galit? du sacrifice. La sant? indivi duelle en appelle ? la responsabilit? civique du citoyen-soldat; en retour, l'arm?e lui assu rera la protection m?dicale et l'?tat pourvoira au bien-?tre de la soci?t?. L'institution mili taire, s'appuyant sur un syst?me de contr?le autant que d'adh?sion, concourt ? instituer un droit ? la sant? per?u comme un b?n?fice social qui peut ?tre obtenu gr?ce ? la participation ? l'effort de guerre. Ainsi envisag?e, la m?de cine militaire rel?ve d'une strat?gie plus large d'unification de la soci?t? britannique. Bien d'autres th?mes de ce livre sont tr?s pertinents : le recours constant ? la comparaison avec la Grande Guerre et la relecture nuanc?e de l'entre-deux-guerres sanitaire, que les ann?es 1940 mettent en lumi?re ; le remploi au cours du conflit des techniques sanitaires h?ri t?es des campagnes coloniales de l'Angleterre ; l'?tude approfondie des transformations pro fessionnelles et culturelles touchant ? deux domaines cruciaux des pathologies de guerre : les maladies sexuellement transmissibles - fl?au des troupes en campagne - et les troubles psychiatriques ; ou encore le sort des prisonniers britanniques dans les camps japo nais. Autant d'apports enrichissant singuli?re ment le point de vue d'une m?decine en guerre que la seule focale de la ? m?decine militaire ? est loin d'?puiser. Anne Rasmussen Isabelle von Bueltzingsloewen L'h?catombe des fous. La famine dans les h?pitaux psychiatriques fran?ais sous l'Occupation Paris, Aubier, ? Collection historique ?, 2007,512 p. L'interrogation est r?currente depuis une vingtaine d'ann?es. La mort par famine de mil liers d'ali?n?s en France (de 40 000 ? 45 000) pendant l'Occupation a-t-elle ?t? l'effet d'une politique d'extermination men?e par le r?gime de Vichy sur le mod?le des directives nazies d'euthanasie des malades mentaux? Une ? extermination douce ?, a-t-on ?crit. De 1987 ? 1998, plusieurs livres et de nombreuses prises de position, certaines fort vives, ont marqu? ce d?bat. L'ouvrage d'Isabelle von Bueltzingsloewen vient nous offrir sur ce ter rain tr?s passionnel les r?sultats d'un travail d'historicisation pr?cise, rigoureuse, r?f?renc?e, distanci?e, lequel nous fait enfin entrer dans la r?alit?, infiniment complexe, de l'objet. Comme le dit elle-m?me l'auteure, la rigueur n'exclut ni le respect ni l'?motion. Mais elle permet, d?passant la confusion des pol?miques et par le jeu crois? d'un remarquable ensemble de sources, de reconstituer l'ensemble des causes et des facteurs le plus souvent contra dictoires qui ont conduit ? ce d?sastre, dans la confusion des r?actions et des initiatives, des 482 This content downloaded from 147.251.225.92 on Thu, 31 Mar 2016 13:03:24 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms