132 LE QUÉBEC: UN PAYS, UNE CULTURE emissions tie television réservées en part égale aux partis en lice étaient traditionnellement ci&turées par !a chanson-théme ou ie slogan du parti present ce sorr-lá. Les iiberaux disposaient notammem d'un bref video oO Ton voyait le premier ministře en poste, Robert Bourassa, distingue, sérieux, mais pensif et qui s'etoignait en marchant. Le Parti québécois présentait la sequence suivante: les figures imporiantes du parti entouraient René Lévesque, face au public,, comme autour ďurte préfigu ration du Conseil des ministres. {On y reconnaissait notammen! Lise Payette trěs présente et aímée des íéléspectateurs). L'image se terminait — positive et encourageante — par le slogan, chanté en voix off: -A partiP-d'aujourd'hui, demain nous appartient...-Ceci ne pretend pas illustrer una quelconque superioritě promoEionnelfe de I'une ou I'autre campagne. mats témoigne bien d'un certain étai d'esprit qui étaít aiors porteur, globatement d'un regain ďespoir. Ce sentiment jouera nettement en faveur du Parti québécois. 9. Un autre parti fédérai avait recruté des membres au Quebec, surtou; en Abitibi-Témiscamingue et dans ia Beauce: !e Parti eréditiste. Ce parti eut son heure de gioire avec Real Caouetie, rnais son refus d'un certain progres et son programme écono-mique utopique ne résistěrent pas á I'eveil de la conscience collective au Quebec. 10 Le conservateur Brian Muironey, tout á fait bilingue. est issu d'une famille anglophone de la Cůte-Nord. Avant lui. plusieurs premiers ministres du Canada, Iiberaux cette fois, étaient sortis du Quebec, mais du Quebec francophone: sir Wilfrid Laurier (1896-1911), Louis Saint-Laurent (1948-1957), Pierre Elliott Trudeau {1968-1984, sauf un court intermede conservateur en 1979). 11. Le concept reste cependaní confus; on n'y précisaít pas ia question de la langue, par exemple. Bibliographie BERGERON, Gerard, Notre miroir ä deux faces, Montreal, Québec/Améríque, 1985. BERNARD, André, La politique au Canada et au Quebec, Sillery, PUQ, 1976. DION, Leon, Quebec et le Canada, Montreal, Ěd. Québécoises, 1980. JOHNSON, Daniel, Égalitě ou indépen-dance, Montreal, Éd. Renaissance, 1965. LEMIEUX, Vincent, Personnel et partis politiques au Quebec, Montreal, Boréal Express, 1982. LÉVESQUE, René, La passion du Quebec, Montreal. Quebec/Amérique, 1976. LÉVESQUE. René, Attendez que je me rappelie, Montreal, Québec/Amérique, 1986. McDONOUGH, John Thomas, traduit et ■ adapts par Paul Hebert, Pierre Morency, Charbonneau et le chef, (theatre), Montreal, Leméac, 1974. MURRAY, Vera, Le Parti québécois, de la fondation ä la prise de pouvoir, Huriubise HMH, 1976. PELLETIER, Réjean, Partis politiques et societě quěbécoíse de Dupiessis ä Bourassa, 1940-1970, Montreal, Quebec/ Amérique, 1989. SAINT-AUB1N, Bernard, Dupiessis et son époqve, Montreal. Éd. 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Eile fonctíonne selon un systéme idéotogique — ou systéme de references — qu'eile s'est donné peu a peu ä la lumiere tto ses experiences. Cet ensemble d'idées, impliciternent reconnu par ľensemble, influence ä son tour les individus. Page precedente: ..Un vieux de 37, dessín de Henri Julien (dans Album, 1936). Celte silhouette a été reprise par Is FLQ au moment des événements ďoctobre 1970. photo: Archives de folklore, Universitě Laval (collection Jean Simard). EN NOUVELLE-FRANCE La metropole transmet ä sa colonic le systéme de references selon lequel eile opere. Toutefois en Nouvelle-France, il aura une orientation tout ä fait parti-cuíiěre du fait que le groupe de colons ne vit précisément pas dans les conditions dans lesquelles il vivraiE en France sous cette méme monarchic Cette monarchie est absolue, de droit divin, certes, mais l'Etat que le roi incarne aura preeminence sur I'Eglise. La France, fille aínée de I'Eglise, a déveioppé une certaine indépendance vis-ä-vis du Saínt-Siége. Au XVIP sié-cle, I'Eglise de France est relative-merit soumise aux intéreís de l'Etat (gallica-nisme). Ces mémes intérěts demandent aussi que la colonie rapporte des reve-nus substantiels. Cependant, le monar-que est loin de la Nouvelle-France. Son representant dans la colonie, en raison de ľespace et des possibilités de ľépo-que, paraít également loin ä beaucoup de colons: ce qui développe chez I'habitant un individualisme certain. II est d'autant plus facile dans ce vaste territoire de contourner ies lois que le gouverneur et l'intendant n'ont ni le temps ni les effectifs necessaires pour les faire respecter. De plus, le Systeme social est simple, les devoirs legers et la bureaucratie inexistante. Le peuple ne participe pas aux decisions politiques qui orientent sa vie. II a plutot tendance a contester l'autorite comme il est dit dans ia chanson: «Bonhomme, Bonhomme Tu n'es pas maitre en ta maison QuanrJ nous y sommes» D'une maniere generale, on garde ses distances vis-ä-vis de I'Eglise et de ses representants, tout en etant ravi d'utiliser ses services sociaux - ensei-gnement, sante - qu'eile prodigue sur-tout en ville. Habitants et marchands rechignent ä payer la dime, qui doit etre reduite ä plusieurs reprises. Parallelement ä cet esprit d'indepen-dance des habitants, la classe bour-geoise des marchands va peu ä peu s'organiser pour faire des representations aux autorif.es dans l'interet du commerce. A la firs du Regime francais, la difference de perception entre la metro-pole qui envoyait administraieurs et soldats et la colonie cree un veritable malaise chez les Canadiens, qui se sentent de moins en molns compris et aidös. C'est sans doute aussi ce qui expiique la decision de Louis XV au traite de Paris. Ses conseillers ne voyaient vraiment pas la colonie cana-dienne avec la meme determination que ceux qui la construisaient sur place. 136 LE QUEBEC; UN PAYS. UNE CULTURE LE MOUVEMENT DES IOEES 137 APRĚS LA CONQUÉTE Le premier objectif d'un peuple qui sort de guerre est ď assurer sa survivance dans Ies meilleures conditions possibles. Etant donné le désir de conciliation de la part des conquerants qui semble s'affirmer d'une constitution a 1'autre, le peu d'elite qui reste, une poi-gnée de seigneurs et quelqucs mar-chands, des religicux et des prétres, obtient le maintien d 'institutions >■ comme le droit civil, hi tenure seigneu-riale od*ie libre exercice'de la religion. C'est ainsi que TEglise aura a cceur de garder ses privileges, en retour d'une indefectible loyauíé a la couronne bri-tannique. S'y ajoute chez Ics clercs1 la erainte caehée des revolutions. Cellc de France n'a pas bonne presse et celte des États-Unis se passe trop pres potir qu'on n'en tienne pas compte. Le cíergé se méfie du manque de soumission aux autorités legitimes; les energies canadiennes se mobilisent pour la defense du territoire dans les attaques des États-Unis pour s'emparer de Montreal en 1775 et 1812. Cependant, les idées iransmises par les revolutions américaine et franchise trou vent un echo dans les jotirnaux qui pénetrent le milieu intellectuel et petit-bourgeois. Dans nombre de pays, sur-tout dans les deux Amériquesj le debut du XiXc siěcle est marqué par 1'effervescence des nationalismes. Au Quebec, le systéme politique octroyé par Londres en 1791, permet á la democratic de s'affirmer dans ia légalité et quel-qu'un comme Papineau, qui jouera au XIXs siěcle un role politique considerable, ďoit třes profondément á l'effi-cacité de ce processus. Intellectuels et poiiticiens sont tenus de preciser leur pensee. lis recherchent ct obtiennent I'appui du peuple notamment en IS 10, en 1822, en 1834 et en 1837-38. On assiste en ce debut de siecle a une veritable et profonde prise de conscience nationale. Du point de vue social, la structure dc la colonie anglaise se transforme. Ä l'economie rurale, un peu simpliste et tres fragile, basee sur le ble, ä la traite des fourrures se superpose une economic en voie de iL'venir industrielle qui s'appuie sur l'exploitation fores-tiere. Du cote de l'agriculture, il y a, en effet, des problemes manifestes: le sol s'e'puise, les prix chutent, la zone sei-gneuriale ouverte ä la culture ne sufit pas ä I'extension naturelle des families, cela remef en cause la vocation agricole des Canadiens dont conquerants et conquis semblaient s'etre accommodes depuis deux generations. :■ Parallelement, les elites de la societe canadtenne se tournent vers les professions ouvertes au peuple conquis: la religion, fenseignement, le notariat, la medecine. II y a egalement quelques entreprises et commerces modestes mais rien d'envergure. Les grands com-mercants sont les conquerants. Cette nouvelle petite bourgeoisie reste tres pres des inte"rets du peuple de cul-tivateurs et va chercher ä s'occuper de politique parce que c'est ie seul chemin pour imposer ses idees. II s'agit de faire front devant le mercantilisme anglais qui etrangle la colonie, et devant ceux qui appuient l'autorite britannique: l'Eglise, quelques seigneurs, et la clique gouvernementale qui defend ses propres (nterets economiques sous le couvert de t'interet de l'Empire. On appelle loujours !e,s conquerants ies Angiais et cette appellation, cou-rante jusqu'en I960, est encore en usage dans bien des paroisses rurales. L'Anglais est celui qui n'est pas d'ici et ne peut done etre Canadien comme celui dont les ancetres ont choisi ce pays2. On fonde un journal, Le Canadien, en 1806. A I'Assembles, les deputes francophones sont d'abord du Parti canadien5, qui deviendra ensuite le Parti patriote. Ce parti, dirige par Louis-Joseph Papineau compte aussi dans ses rangs des Irlandais d'origine (dont on ne s'etonnera pas qu'ils soient anti-britanniques). L'eveil d'une conscience nationale est dynamiquc. Les ; revendications sont d'ordre politique: avoir un role significatif et responsable en tant qu'Asscmblee legislative. Elles sont aussi d'ordre economique et social: s'opposer aux vues pan-territo-riales des Anglais — iS y a de'ja en 1822 un projet d'union entre le Haut et le Bas-Canada — et les battre dans leur domaine en n'achetant que canadien et en refusant tout produit d'importation. Sur le plan de la fidelite a une conscience nationale, l'opposition systema-tique au projet de scolarisation en anglais (Royal Institution for the advancement of learning) est eloquent: le peuple est determine a garder sa langue et ses valeurs cultureHes envers et centre toute manifestation abusive du pouvoir politique en place. LOUIS-JOSEPH PAPINEAU ET L'IDEOLOGIE PATRIOTE Homme d'une intelligence remarquable — d'oti l'expression populaire «C'est pas la tete a Papineau» —, il voit Fetat ď inferioritě dans lequel sont maintenus ies Canadiens et son engagement intellectuel et politique vise ä renverser ce courant; par exemple, le boycottage des produits anglais doit mener au dévelop-pement de nouvelles productions locales. En outre, Papineau, ä partir de 1832, cristallise dans sa personne les aspirations du peuple, C'est en chef dc parti (depuis 1826) qu'il combat inlas-sablement les visées de ['Oligarchie anglaise et de l'Empire britannique. Des 1823, ii porte un premiere petition ä Londres. Ä partir de 1825, une partie des Canadiens se tigue derriere le chef des Patriotes. Iis ont compris que l'en-jeu de la survie passe par le politique et que c'est done sur ce plan qu'il faut combattre le colonialisme. Pendant que s'appauvrissent les Canadiens resiés ruraux, l'immigration de langue anglaise augmente, menacant Ies habitants jusque sur leur propres possessions. Le controle du lucratif commerce du bois échappe aux Canadiens comme leur échappe le controle des dépenses de la colonie. Pendant deux décennies, la question des subsides, débattue en chambre tous les ans, envenime les relations entre les gouver-neurs nommés par Londres et F Assembler élue qui, tout compte fait, a peu de pouvoir. En 1834, fort d'un appui populaire massif et bien organise, le Parti patriote présente les 92 Resolutions ä 1'Assembiée. La paysannerie et la bourgeoisie s'entendent dans la poursuite des objectif's nationalistes. Les Patriotes résument dans ce document leurs exigences d'ordre politique, économique et social: ils dénoncent les abus d'une Oligarchie capitaliste, re-mettent en cause un regime qui favorise 138 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE LE MOUVEMENT DES IDĚES 139 un petit nombre de nantis et un grand nombre d'Anglais. Papineau, le Parti patriote ct l'Assemblée, que le parti domine, réclamení des changements constitutionnels et politiques fonda-menlaux. En utilisant le peu de pouvoir qu'ils ont. les deputes paralysent le fonction-nement de l'Assembfée, bloquent des resolutions qui amélioreraient ľécono-mie du Haut-Canada parce qu'il leur semble preferable de développer d'abord le Bas-Canada. Les tensions entre la metropole et la coionie ne font que s'accroitre: l'administration empri-sonne des jounialistes, use de violence en perióde électorale et ne tient aucun compte des revendications des Cana* diens. Dans ces conditions, ľexaspéra-tion des Canadiens mene ä un affron-tement inevitable qui deviendra réei au lendemain des decisions de lord Russell. Dans un premier temps, jusqu'en 1837, les Patriotes réclamení un réamé-nagement de la constitution. Dans un deuxieme temps (1838), ils s'inspirent des mouvements d'indépendance de plusieurs colonies du continent amérí-cain et radicalisent leur position. La Declaration d'indépendance de févríer 1838 est l'application en terre cana-dienne des principes républicains et l'affirmation d'une rupture nette et íotale avcc les monarchies euro-péenrtes. Ľ attitude du clergé dans son ensemble était la suite logique de celle qu'il avait montrée depuis la Conquéte: soumission envers les conquérants, done acceptation de leur mode de gou-vernement. Msr Lartigue, par un man-dement qu'il. demande aux cures de lire «sans commentaires», définit la position cíéricale anti-révolutionnaire et résolument monarcbique. Ce mande-ment est un moment historique d'im-portance. 11 stigmatise la scission entre les esprits libéraux et 1'Église. U se trouve au point de depart d'une nou-velle autoritě pour 1'Église. Get état de fait marquera le siěcle suivant. Certains cures de campagne, davantage pres du peuple, seront plus ottverts et certains méme participeront á la rebellion. La hierarchie catholique est tout de méme trěs puissante et décrétera l'excommu-nication de «ceux qui meurent les armes á la main». Beaucoup plus tard, i'Eglise canadienne reviendra sur cette attitude. Papineau, pour sa part, défendait la laici té. A ce sujet, il s'opposera vive-nient a son cousin, M£r Lartigue, premier évěque de Montreal. Pour Papineau, un État liberal est issu d'une société lai'que, aussi s'insurge-t-il con-tre la collusion des pouvoirs politique et religieux telle qu'elle s'etait dévelop-pée au lendemain de la Conquete. Dans !e Parti patriote, il représentera cependant plus ou moins le centre, puisqu'il sera débordé sur la gauche par Nelson et Cóté qui prdneront ia resistance armée — «Le temps est ventt de fondre nos plats et nos cuillers ďétain pour en faire des batles» — et qu'il y aura eu auparavant une scission dans ie parti avec un autre groupe de deputes modérés. Papineau, contrairement a Nelson, ne voulait pas bousculer la structure sociále du moment et tenait á conserver la tenure seigneuriale. 1837. Orateur remarquable, Louis-Joseph Papineau se manifeste dans des assemblies populates4 mais quitte le Canada děs les premiers affroiuements armés dont il n'était pas partisan. 11 séjoume d'abord aux États-Unis, puis en France de 1839 ä 1845; il reviendra au Canada ou il continuera ä jouer un role important dans l'equipe liberale des «rouges». Son nationalisme, son sens de la démoeratie sont des qualités de premier ordre pour un hemme politique. Sa vigueur intellectuelle, son anticléricalisme, son opposition viscerale a rUnion comme au projet de federation en font une des figure dominantes du XIXC siecle. APRĚS LA REBELLION DES PATRIOTES L'echec de la rebellion marque une date d'importance dans l'histoire des idées au Quebec. Les chefs du Parti patriote se .sont réfugiés aux États-Unis, les meneurs ont été executes ou exilés en Austrálie, le peuple est désorienté. Msr Bourget est nommé éveque de Montreal. II va redonner ä 1'autorité religieuse un pouvoir que celle-ci avait laissé s'effriter au cours de la generation precedente. L'economie du Canada-Uni se diversifie avec 1'industrialisation nais-sante: exploitation du bois, transformation des produits de consummation, fabrication de materiel de transport. On construit des voies de communication, routes et voies ferrées, on aménage les voies de navigation pour le Canada-Uni. L'agriculture aussi va vers un autre systéme de production avec l'ouverture de I'Ouest ä la colonisation, mais, déja, le Quebec ne participe que marginaiement ä cette transformation et la société rurale agricole se maintient pauvrement sur des terres qui s'epui-sent alors méme que les families grandissantes ont des besoins de plus en plus importants. La société canadienne-fraii£aise (traduction du «French Canadian" utilise par lord Durham dans son rapport) se toume aprěs 1840 vers les clercs qui reprennent en mains une autoritě qu'ils ont failli perdre. L'Eglise va devenir, suivant {'expression du chanoine Lionel Groitlx,^'institution la plus musclée du Canada francaisw. Basée sur la religion, la langue, le respect des institutions en place, l'ideologie que prone I'Eglise devient nettement conser-vatrice, orientée vers un passé que Ton peut perpétuer darts une survivance traditionnellement catholique, de langue franchise et de vocation agrictilturiste. L'Eglise — évéques et cures, chacun a sa place — développe. cette idée de la «vocation* agricole du Canadien francos telle que définie par M'°r Laflěche: Oui, la prosperitě et I'avenir du Canada francais se trouvent dans la culture et Ses. paturages de son riche territoire. Puisse le peuple canadien comprendre cette vérité importante ei ne la jamais perdre de vue s'il veut accomplir les grandes destinées que lui reserve sans aucun doute ia Providence! On ouvre de nouvelles paroisses Tune aprés 1'autre, les rangs s'ajoutent aux rangs déja extstants. L'esprit de corps en sera consolidé et jusqu'en 1936, les prétres apptiieront le gou-vernement dans ses campagnes de colonisation dont certaines s'avereront désastreuses. II reste encore aujourd'hui au plus profond des Québécois une vieille 140 LE QUEBEC: UN PAYS, UN£ CULTURE LE MOUVEMENT DES IDĚES 141 tendresse pour ce cote agricuhuriste et le contexte qu'il evoque; cela expltque line partie du succes dc series televisees comme Les belles histoires des Pays d' en Haut {diffusees du 8 octobre 1956 au 28 aoflt 1973, puis en reprise en 1977-1978 et en 1986), er plus recem-ment comme Le temps d'une paix (de 1978 a 1984) ou L'heritage (depuis 1987). Le repli sur soi preche par l'Egiise dans un reflexe d'auto-defense presque instinctif va se doubler du devoir de procreation, condition sine qua non pour eviter la minorisation. Aussi l'Egiise verra-t-elle d'un tres mauvais ceil ses ouailles partir pour les usines de la Nouvelle-Angleterre ou pourtant sur-giront des «petits-Canadas» ou des «petits-Quebecs», copies conformed des paroisses d'origines. Char aiiegorique sculpte par Louis Jobin pour la fete de la Saim-Jean-Baptiste de 1880, a Quebec, photo: Musee de la civilisation, Quebec. En fait, la vocation agrtcole est subordonnee a la religion qui va prendre la premiere place dans la vie d'une rnajorite de Canadiens francais. Le vieux reve coilectif de l'Amerique catholique et francaise alimente les prones et occupe les pensees5. On paie dame et capitation sans renacler comme autrefois, on construit des e^iises un peu sur le meme models d'austerite a i'exterieur, mais dont l'mterieur recele des tresors. L'Egiise inspire et com-mande beaucoup d'oeuvres d'art. En meme temps, l'Egiise va se sub-stituer a 1'Etat dont elle prefere endos-ser certaines des responsabiliies sociales par crainte d'assimilation (c'etait la I'idee mattresse du rapport Durham). Les clercs désormais voní s'occuper, presque exclusivemen!, de 1'enseignement, des services sociaux comme les hópitaux, Ses creches et les orphelinats, les loisirs, etc. La deuxiě-me moitíé du siěcle voit d'autre part se consthuer une classe ouvriěre faite de Québécois et d'Irlandais (usines, chan-tiers, etc.), eux aussi en marge de r«establishmeni» anglo-protestant. Au tournant du siecle, ie mouvement ouvrier qui en naltra sera měme tenté par Faction politique. Le Parts ouvrier ne dépassera cependant guere les limi-tes de Montreal. La fin du siěcle voit également 1'émergence d'une grande bourgeoisie camidienne-francaise dont les idées se rapprochent de celles de la bourgeoisie anglophone, responsables toutes deux de 1'expansion économique dont elles bénéfícient l'une et 1'autre. Ces elites défendent évidemment les idées capi-taiistes, progres industriel, individualisme et entreprise privée. Peu á peu, les spheres ďínfluence de 1 'elite bour-geoise et du clergé se círconscríront: la bourgeoisie d'affaires s'accommodera assez bien de laisser un certain nombre de responsabilités a 1'Église qui, en retour, renoncera a son réve de théo-cratie rurale. Les journaux devíennent ie lieu oú les courants ďidées se précisent: La Presse reflěte davantage les preoccupations sociales, tandis que de trés nombreux imprimés religieux et laTcs soutiennent le courant conservateur (La Véríté). Cependant, l'esprit de contestation qui représentait le Parti patriote n*a pas disparu avec 1'écrasement de la rebellion. Au contraire, dans le milieu intel-lectuel et chez certains politiciens se développe une pensée radič ale qui, s'exprimant sur le plan politique («Les rouges»), reclame entre autres la laíci-sation de ('education et s'oppose avec energie ä ľautorité de 1'Église. Eux aussi affirmeront leurs idées par le biais ď une certaine presse. Malgré la presence de rédacteurs francais ínstallés ici, le socialisme ä ľeuropcenne reste marginal au Quebec: le paysage idéolo-gique sera jusqu'au XXC siěcle domíné par Ses uitramontains et les libéraux. L'UL TRAMONTANISME L'ultramontanisme est la doctrine religieuse qui reconnatt l'autorite abso-lue du pape et la primaute de l'Egiise romaine sur les Eglises nationales. les uitramontains sont en reaction contre le gallicanisme, qui, au XVIF siecle, pronait une certaine independance de l'Egiise et de 1'Etat francais a l'egard du Saint-Siege. Le pape — de I'autre cote des montagnes pour les Francais — est geographiquement plus loin pour les Canadiens francais. Cela ne les empecheru pas de lever un contingent de zouaves pontificaux pour aller defendre le pouvoir temporel de la papaute contre Tarmee de Garibaldi (1868). Dans la deuxieme moitie du XIXs siecle, l'Egiise du Quebec valorise les institutions catholiques qu'elle ren-force. Elle etendra son autorite dans de multiples domaines, y compris la politique. Les liberaux se montranE anti-clericaux, le clerge appuie plus volon- 142 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE LE MOUVEMENT DES IDEES 143 liers le Parti eonservateur: «Rouge, c'est i'enfer; Biett, c'est ie paradis». L'autorile vienl tie Dieu. La meilleure forme de gouvernement est la monarchie temperee (I'Egiise et la Famille en son! des exemples; la plus imparfaite est !a demo-cratie). Le itberafisme commet I'erreur fon-damentale de vouloir edifier une sociere sur d'autres principes que les principes religieux. Les electeurs n'exercent pas seulement un droit; its remplissent un devoir, dont ils sont responsabies devant Dieu. Le pretre a done ie droit de les guides C'est une erreur condamnee par la raison, par I'histoire et par la revelation, de dire que la politique est "In terrain oil la religion n'a pas le droit de mettre le pied, et ou I'Egiise n'a rien a voir. M'r Lalleche, 1S66. La pensee ultramontaine est animee d'un nationalisme que Ton peut qualifier de culture! et de tnessianique: La nation est constitute par I'unite de lan-gue, I'unite de foi, I'uniformite de moeurs, de coutumes et destitutions. Lss Cana-diens francais possedent tout cela, et constituent bien une nation. Chaque nation a recu de la Providence une mission a remplir. La mission du peuple canadien-francais est de constituer un foyer de catnolicisme dans le Nouveau-Monde. M«>r Lalleche, 1866 L'ideologie ultramontaine s'appuie sur la structure sociale traditionnelle — le groupe plutot que l'individu — la famille se rassemble sous 1'autoritc du Pater familias pour recevoir la benediction du jour de 1'An ou pour dire le chapelet vesperal6. La paroisse regroupe les families. Comme c'est I'Egiise qui s'occupe des registres, le certifscat de Bapteme est un document officiel et, jusqu'a recemment, e'etait le seul moyen de prouver son existence. Les clercs ont la haute main sur l'en-seigncment, aussi formera-t-on surtout d'autres enseiguants, des medecins et des juristes, puisque le droit civil est spéciŕique aux Canadiens francais. A ['exception du Séminaire de Québec', le milieu de ľ education ne favorise guere les vocations commerciales ou scientifiques: pour les ultramontains, le pouvoir temporal est soumis au pouvoir spirituel. La philosophie de saint Thomas est la seuie enseignée. La pensée ultramontaine est tres conservatrice8. pen ouverte aux reven-dtcations d'ordre social, par exemple. Au Québec, la situation juridique et matérielle de I'Egiise se renforce en cette fin de XIX* siécle; le second évéque de Montreal, M8' Bourget, aura, de ce point de vue, un rôle de premier plan. Les publications catholiques sont truťťées de conseils trés clairs, de dessins suffisamment évocateurs pour que ľunivers mental et l'imaginaire des Canadiens francais soient oceupés par le bon côíé des choses. Un tel désir de mainmise sur les esprits n'allaít pas sans rencontrer de resistances. La deuxiéme moitié du siecle vo i t nattré et se multiplier une quantité de journaux, de revues dont une partie réagit avec vigueur. Du côté des groupes sociaux, ď une part, les anglo-protestants ne se soumettent pas ä ce contrôle du clergé catholique, qu'ils jugent abusif, et ils ont une force politique et économique qui leur faci-lite la läche; ďautre part, du côté des francophones, le noyau dur de ceux qui résisíent est ďabord politique: Supposition du libéralisme empechera les ultramontains de réaiiser cetíe théo-cratíe dont ils révaient pour la société québécoise. LE LIBÉRALISME La pensée libérale existe depuis la fin du XVIIIC siécle au Québec; elle est d'abord ľ apanage d'une classe sociale, la bourgeoisie, qui affinnera ses prerogatives avec de plus en plus d'assu-rance au cours du XIXs siécle. Chez les anglophones, elle paraít d'abord orientée vers des realisations économi-ques; elle s'accompagne ausst de principes que Ses francophones exprimeront d'abord de facon politique en utiiisant toutes les ressources que la democratic met ä leur disposition (mouvements et partis politiques, deputations, assembles populaires). Les hommes politiques et quelques membres des professions libérales s'alarment au len-demain du rapport Durham devant le diagnostic de son auteur: «Un peuple ignare, apathique et retrograde*, c'est possible; «un peuple sans histoire et sans littérature»... c'est moins súr; des historiens comme Francois-Xavier Garneau ou Benjamin Suite se lévent pour prouver le contraire. Ľéchec de ia rebellion de 1837-1838, ľimposition par Londres de l'Acte d'Union, la montée de la pensée ultramontaine vont, pendant deux décennies, renforcer chez certains potiticiens des prises de position qu'ils vont radicatiser. Les rouges représentent cette tendance; tis défendent les principes démocratiques (suffrage universel, abolition de la tenue seigneuriale, etc.). Dans le méme ordre d'idées, ils sont opposes ä ľ Union qui ne soutient pas les intérôts des Canadiens francais; ils demandent aussi la separation de l'Église et de l'État. Au milieu du XIX" siécle, une fraction de ia petite bourgeoisie a tenté de définir la societe canadien ne-francaise et ia position du Canada francais face au Canada anglais. Etie l'a fait en invitant les Canadiens francais ä se liberer de la domination des conservateurs et du cierge et ä cher-cher pour le Canada frangais d'autres voies d'avenir national qua l'acceptation de l'Union de 1840 et de la Confederation de 1867. Votlä le rougisme. Jean-Paul Bernard, Les Rouges Le Parti rouge est constitue d'elements tres actifs sur plusieurs plans; Papineau, A.A. Dorion, plus tard W, Laurier. Intellectuels, iis s'expriment de fagon claire, dans L'Avenir et Le Pays. Le radicalisme, l'anticlericalisme des rouges leur aliene une grande majorite des Canadiens francais. Cela entrainera l'eclosion d'une nouvelle generation de liberaux moderes, Louis-Hippolyte LaFontaine en tete, qui exerceront une certaine influence dans le gouveme-ttient responsable octroye par la Grande-Bretagne. L'lnstitut canadien Les rouges insistaient sur l'importance de l'education et en reclamaiem la laicisation. C'est pour dormer ä la jeu-nesse un lieu de documentation et d'echanges que l'on fonde l'lnstitut canadien (1844) qui ne releve pas de l'autorite clericaie. On y trouve des salles de conference et de lecture et une bonne bibliotheque. L'lnstitut canadien va bientöt devenir le lieu ou les liberaux vont continuer a defendre un ideal de demoeratie, de liberte, de droit des peuples ä disposer d'eux-memes, dans la ligrse de l'ideologie des Patriotes. Mais Mgr ßourget veille; il reussit ä reduire considerablement !'influence de cette ecole de pensce en obligeant les catholiques ä respecter les regies de 144 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE LE MOUVEMENT OES IDĚES 145 rindex. Le libératisme subit aäors une euisante défaite; la perssée ultramon-taine l'emporte. Par vote de consequence, dans une teile ambiance de soumission, il n'y aura pas de créateurs littéraires qui ne soient «du bon bord». On publiera trěs pen de romaiis et, en poesie, on eonnaitra une «Ecole litté-raire et patriotique de Quebec» tournée vers te culte du passe et limitation de la production littéraue francaise des années précédentes. Seuls quelques journalistes comme Arthur Buies, Louis-Antoine Dessaüies, ceux de L'Avenir ou du Pays, persistent ä avoir une pensée originale et nettement démarquée de celle des c leres. Au moment de la Confederation, l'aile radicale des libéraux était con-sidérablement affaiblie, mais un liberalisme modéré continue ďexprimer des valeurs comme l'individualisme et ia primauté de la proprietě privée. Au tournant du siěcle, e'est la presse d'affaires qui expose la vision de société qui découle du liberalisme (Fernande Roy). Au XX" siěcle, les idées liberales s'affirmeront en s'appuyant sur le développement économique. Le Parti liberal jprenant le pouvoir sera ä méme de conerétiser ces aspirations. DES NATIONALISMES A L1DÉE D'INDEPENDANCE Děs le XIXC siecle, ks Canadíens se pergoivent et sont pergus comme une nation dont la definition n'est pas sans varier au cours des temps. Or e'est autour du sens precis que Ton donne au mot nation que se bätit le nationalisme, doctrine qui n'aura pas le méme sens suivant les indívidus et les generations. On petit voir les premieres manifestations de Pidee d'independance dans les evenements de 1837-1838: il fau~ drait remonter precisement a la Declaration d'independance de Robert Nelson. Mats on se souvient que ce deuxieme sursaut de revolte fut un echec cuisant pour ies esprits repu-blicains qu'6taient Papineau et Nelson. La Confederation donne ä la nation canadienne-francaise un territoire dont les hommes politiques vont avoir ä cceur de defendre I'autonomie face ä 1'ensembte federal. Honore Mercier sera un de ceux-ci. Mais il saura — et d'autres apres lui — depasser a les stricts interets politiques de sa province pour rappeler a ses concitoyens que le Canada francais depasse les iimites du Quebec. Le nationalisme canadien, Henri Bourassa et Le Devoir Anti-imperialiste, Henri Bourassa, depute au pariement föderal, s'oppose ä la Grande-Bretagne, mais pas au Canada: «Nous, Canadiens francais, nous n'appartenons qu'ä un pays [...] La patrie, pour nous, e'est le Canada tout entier». Henri Bourassa fonde Le Devoir dans cet esprit. Respectueux de la duafite canadienne, il preconise un developpement equilibre des deux cultures fondaErices. Somme toute, son nationalisme est d'abord d'ordre cultu-rel et politique: defendre la langue et la culture francaise en Amerique et les droits des minorites au-delä des fron-tieres du Quebec. Henri Bourassa9 etait tres proche du nationalisme clerical qui avait peu ä peu remplace l'ideologie ultramontaine. Henri Bourassa, 1868-1952, fondateur du quotidien Le Devoir. photo: Bibliothěque nationals du Quebec. II se préoccupait peu ďéconomie puis-qu'il avait pour principe que les biens matériels doivent étre subordonnés aux biens spirituels. Journaliste d'envergure, il s'oppose á Wilfrid Laurier avec energie. Orateur briliant, il prononce un discours célěbre a 1'église Notre-Dame de Montreal, defendant du méme souffle la foi catho-Hque et la langue francaise. C'etait un homme ďidéal, á qui Ton doit un journal sérieux qui est encore public et lu aujourd'hui par 1'elite du pays. Le nationalisme économique L'emergence de Sa bourgeoisie d'affaires francophone a la fin du XIXE siěcle avait mis l'accent sur l'ouverture au liberalisme économique dont Ses Etats-Unis tout proches donnaient 1'exemple. Au tournant du sieclc, Errol Bouchetie, a son tour, a la certitude qu'au Quebec cette économie peut et doit se faire en francais. L'indépendcince économique du Canada frangais date de 1906; soixante ans plus tard, Bernard Landry, candidat du Parti québécois aux elections de 1970, redira que i'indepen-dance cuiturelle passe par I'indepen-dance économique. Les idées nouvelles étaíent lancées; intellectuels et universitaires réfléchis-saient sur la société dont ils étaient issus et pour laquelle ils pressentaient des changements sans toujours en ima-giner 1'ampleur. Le grand mérite de ce nationalisme a été non pas de s'opposer á 1'agriculture et á la colonisation idéa-lisée par les cleres mais de montrer quels pouvaient étre les avantages de V industrialisation pour la nation canadienne-francaise. A la suite de Bouchetie, Esdras Mainvilie et Édouard Montpetit insistent sur le développement économique des sociétés; e'est la, pour ce dernier, le secret du progres social qu'il espere pour le Quebec. Lui aussi, influence par les universités américaines, rěve de voir au Quebec comme aux États-Unis «partout, des écoles, des colleges, des universités, des bibliothěques, des musées». Lionel Groulx Les solitaires du débuí du siecle ali-mentent la reflexion de gens qui éprouvent maintenant le besoin de se regrouper. On avait déjá commence a se rassembler dans de grands congrěs qui faciliiaient la prise de conscience collective. Commence alors la grande periodě des revues qui voní se succé- 146 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE ■ LE MOUVEMENT DES IDÉES 147 der, ou exister en parallele, et qui témoignent de la vigueur intellectueíle de la socíété en ce deuxiěme quart du XXe siecle. Les litres de ces revues sont éloquents: L'Action francaise, L'Action nationale, Vivre, La Relive, pour ne citer que les plus connues. Au tournant du siecle, H. Bourassa avait défendu un type de nationalisme canadien dont les anglophones du Canada n'ont que faire apparemment (d'ailleurs les droits des minorités francophones diminuerrt pendant cette periodě). Conscients de l'echec des idées de Bourassa en ce domaine, un nouveau nationalisme se precise apres la Premiere Guerre mondiale: c'est un nationalisme centre sur le Quebec. La revue L'Action fraticaise met l'accent aussi bien sur les questions de culture et de langue que sur les problémes ďéconomie. Pendant ies décennies vingt et trente, un pretre remarquable sera la pierre d'angle d'un changement de mentalitě. L'abbe Lionel Groulx, Historien, est trés pres de certaines idées qui ne sont pas cteintes. Notre maitre le passe, La naissance d'une race sont des titres qui parlent ďeux-mémes. Sa vivacité ďes-prit, son dynamisme, sa conviction qu'ii existe une «nation canadienne-frangaise» catholique, si spécifique qu'il lui faudrait un Etat bien ä eile oú se développer ä l'abri des tentations des autres «races», le font réver d'un Éíat qui s'appellerait «la Laurentie». L'ceuvre du chanoine Groulx, marquee au coin de la generositě et d'une intelligence articulée, influencera toute une generation de penseurs. Le noyau de sa doctrine est la religion catholique mais il veut qu'il en emerge un projet: l 'elite doit gitider le peupie; il insistera sur la formation de celle-ci. De tradition ultramontaine'", le chanoine Groulx insiste sur I'autonomie provinciate; il fait faire un grand pas au nationalisme en le greffant directement L'abbe Lionel Groulx, 1878-1967, ä son bureau en 1925; ii sera elj directeur de YAction francaise en 1925. photo: Centre de recherche Lionel-Groulx. sur le territoire du Quebec et sur des valeurs specifiquement quebecoises. C'est un homme de droite qui se sert du passe pour laisser entrevoir un avenir; le culte des heros peut etre utile ä Tun comme ä 1'autre. Son apport principal au mouvement des idees du XXe siecle «a ete de hausscr dans la conscience collective la province de Quebec ä un Statut de grandeur nationale» (Denis Moniere). Duplessis et ľanti-duplesaisme Le premier ministře Maurice Duplessis continue sur le plan politique ce que d'autres ont fait depuis un demi-siecle, avec plus ou moins d'energie et plus ou moins de bonheur. IS s 'affirme contre le pouvoir centraljsateur du federal contre le pan-canadianisme, surtout économique, mais laisse aux capitaux prives le soin de développer ľindustrie du Québec. II continue a privilegier l'agriculture comme element fundamental de la société québécoise au mépris de la réalité ď une société devenue depuis longtemps industrielle et urbaine. Socíalement, il s'oppose ä ce que !a classe ouvriěre qui se déve-loppe énormément ait une possibilité de dialogue avec les capitalistes qui les emploienl. Cest un conservateur pour qui te respect de ľordre fait les bons ettoyens, Refus global — 1948 Un groupe d'artistes —peintres, poětes, dramaturges — regroupés autour de Paul-Émile Borduas publie un manifeste qui s'oppose avec virulence ä ľordre établi et aux idées qui ont dominé le Québec deputs un siécle. Cette date marque pour une petite minorite de Québécois le passage du désir de changement ä ľacte, La volonte de liberie, d'expression originale dans la creation montre ä ľévi-dence combien les artistes ont le sentiment precis de ce qui arrive ä la société qui ies produit. «Au Refus global, nous opposons la responsabiíité entiére. Un nouvel espoir collectif naitra» dans un souci d'independance culturelle, en opposition ä l'hegemonie du pouvoir duplessiste et de sa collusion avec l'Eglise. Apres ce beau moment d'ac-tion collective, le groupe perd de sa cohesion. P.-E. Borduas connattra I'amer-tume d'un exil tout autant interieur qu'impose par tes circonstances. Cite libre — 1950-1966 L'equipe de la revue Cite libre parait moins radicale et plus organisee que ceile du Refus global qui ne r6sistera d'ailleurs pas ä la repression d'un regime que les intellectuels qualifient de «grande noirceur». La revue, con-trairement au manifeste, affirme sa sou-mission ä rfiglise, mais reclame aussi le droit ä la liberie individuelle. La revue insiste sur le respect de la per-sonne humaine et done sur une politique democratique fondee sur une pens^e econornique et sociale qui n'est pas sans rappeler les idees qui ani-maient au meme moment en France la revue Esprit. Au Quebec, Cite libre rejette un clericalisme vötuste et pröne l'idee que la justice et la prosperity peuvent exister dans une societe indus-trialisee et urbanisee. Sur le plan politique, «les cite-libristes» sont fondamentalement fädö-ralistes et veulent que le Quebec joue le role qui lui revient dans la Confederation. On ne s'etonnera done pas de retrouver plus tard au gouvernement federal trois de ses animateurs, ies «trois colombes», Trudeau, Marchand, Pelletier. Iis installeront ä Ottawa un «French Power» ä la fin des anrtees soixante, qu'on peut voir comme un contrepoids ä ta Revolution tranquille. 148 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE LE MOUVEMENT DES IDEES 149 Outre ccs futurs homtries polifiques, on retrouvait dans Cite libre d'autres signatures connues: celle de René Lévesque, celle de penseurs lucides comme Fernand DumoiU ou Pierre Vadeboncoeur. André Laurendeau et le néo-nationalisme Cest sans dome le contrecoup du bou-leversement que causa Sa guerre dc 1939-1945 qui amenities plus sensibles j dcs Québécois a «sentir le monde trem- | bier sous leurs pieds» suivant l'expres-sion de Georges Vincenthier. André Laurendeau", avec lueidité et calme, erttretenail les lecteurs de I'Action Rationale, puis du Devoir, comme Ernest Gagnon ou Francois Hencl. Caratérisés par une formation et une culture Httéraires, par un esprit d'ou-verture qui savait s'enrichir ďéchanges avec un ccrtaine intelligentsia euro-péenne, ces artistes du verbe alcrtaient par la puissance des mots la collectivite dont ils voulaient, chacun ä leur maniere, faire une societe modeme, plus consciente de ses possibiütes. Ce courant neo-nationaliste, ne autour des economistes et htstoriens de i'Universite' de Montreal et de l'Ecole des hautes etudes commerciales est l'aboutissement d'une tendance datant de 1'Action liberale nationale des annees trente. Ses manifestations politiques s'incarnent dans la formation du Bloc populaire. C'est une affirmation claire de i'identity nationale du peuple canadien-francais. mais le rejet du traditionalisme qui avait marque le nationalisms precedent. Le Parti liberal reprendra ä son compte la plupart des idees et beneficiera d'un renouveau ideologique qui Uli vaudra une populärste nouvelie. Les sciences sociales ä l'Universite Laval André Laurendeau, au cours d'une assemblée du Bíoc Popuíaire au marché Jean-Talon, é Montreal, le 12 juillet 1944. photo: Centre de recherche Lionel-Groulx. Dans les annees cinquante, un domi-nicain, le pere Georges-Henri Levesque, doyen-fondateur de la faculte des Sciences sociales de l'Universite Laval, se reveie un eveilleur d'esprits hors pair. II croyait en Puniversite comme instrument de transformation de la societe, II le prouva en formant dans la vieille capitale avec beaucoup de rigueur intetlectueile une pepiniere de penseurs: Guy Rocher, Fernand Dumont, Jean-Charles Falardeati, Gerard Bergeron, Doris Lussier, Jean Marchand, Gerard Dion, Arthur Tremblay, pour n'en nomtner que quelques-uns. Le pere Levesque sera d'ailleurs contraint de prendre ses distances; le gouvernement obtiendra de 1'Egiise qu'on l'eloigne pour un temps, a Rome d'abord, puis en Afri-que oil on le chargera de mettre en place les structures de la nouvelie universitě du Rwanda. La conjoncture de decolonisation en Afrique n'est pas étrangere non plus ä ce nouveau sentiment d'insatisfaction, ä ce nouveau questionnement concer-nant 1'identitě eanadienne-fran^aise. C'est une periodě ďintenses éehanges d'informations facilités par la proliferation de moyens mediatiques, sur-tout audio-visuels. Uberte — 19S9 Pendant qu'ä Quebec naissait une nouvelie école de pensée, on fondait ä Montreal la revue Liberie. Des écri-vains, essayistes, romanciers et poětes en téte réclameront, dix ans apres Refus global, une liberie surtout cuhurelle; une nouvelie notion se fait jour: cette collectivite québécoise doit s'exprimer dans sa langue avec fierté. Cette sécu-rité culturelle permettra ä la société du Quebec ďaccéder ä la sécurité écono-mique puis politique. A une vision d'un monde canadien-francais, imposée aux Québécois depuis plus d'un siěcie, va succéder I'idee que le pays est ainsi mal nommé. Bien plus, il ne Test pas encore. Ce sont les poětes et les Chansonniers qui, les premiers'2, le chantent sur tous les tons et sur tous les toits. Je suis d'un pays qui est comme une fache sous le pole, comme un fait divers, comme un film sans images. (...) Sache au moins qu'un jour, j'ai voulu donner un nom ä mon pays, pour le meiileur ou pour le pire; que j'ai voulu me reconnaftre en lui, non par faux jeux de miroirs, mais par exigeante volonte. Jean-Guy Pilon, 1961 C'est ainsi que le Quebec nait au monde, prenarst ses assises dans la conscience aigue que ce sont les Que-becois qui feront leur pays a partir de ce qu'ils seront eux-memes. Cette analyse du dedans sera faite par chacun ou presque, a des degres divers. La Revolution tranquille Le grand changement qui s'opere dans les annees soixante consiste surtout en une generalisation des idees que prö-naient autrefois des solitaires ou, plus recemment, de petits groupes d'intel-lectuels. Les idees circulent plus libre-ment dans une societe autrefois homogene qui se diversifie. On rem-place les structures traditionnelles qui se desintegrent par un nouveau Systeme de valeurs. L'arrivee des liberaux au pouvoir avec Jean Lesage concretise cette soif de renouveau et la traduit en gestes politiques, sociaux et culturels concrets. Mais les origines de ce changement13, veritable Revolution en rat-son de la rapidiuS de la transformation, remontent plus loin qu'ä la mort du chef de l'Union nationale. L'apres-guerre avait favorise un nouveau federalisme et justifie Finter-vention de l'Etat permettant un meiileur equilibre economique et une plus grande justice sociale. Paralleiement au neo-nationalisme, se developpe ainsi tin neo-liberaiisme, conciliant les elements nationalistes d'une politique (juelv coise avec une planification eumotsu que plus rigoureuse, Pendant quelques annees, le Qu6bec suivra tres majou tairement cette vision incanwe p.u l'equipe du tonneixe de Jean t k'\.^h-Son successeur au pouvoir, (>,tuii I 150 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE Johnson, protongera la Revolution iran-quille. bien que n'etant pas de la meme formation politique que Lesage. Parti pris — 1963-1968 Le Parti liberal donne un contenu politique et social ä ces aspirations encore confuses mais en train de se decanter dans des avalanches de mots ecrits. paries. Iiis ou chantes. Parti pris est un mouvement de gauche qui definit tres ciairement ses objecfffs et sa grille d'analyse dans la revue qui porte ce nom. Parti pris sera laic, marxiste et independantiste. Pour ics tenants de ce mouvement. le Quebec a ete et est toujours colonise, par les Anglais, par ies «Canadians», par i'elite clericale et bourgeoise, par les exploiteurs capitalistes americains; meme la litterature franchise a trop longtemps colonise les lettres quebe-coises. C'est bien ä une lutte des classes qu'appelient certains theoriciens de Parti pris, tandis que d'autres se ral-lient au mouvement qui realise au meme moment la Revolution tranquille. II faut faire table rase de presque tout et ecrire la langue que le peuple com-prend: de 1965 ä 1972, des poetes, des romanciers el des dramaturges s'expri-meront en joual, lis seront nombreux, les coilabora-teurs de Parti pris: des poetes, des romanciers, ä cöte d'essayistes que redoute particulierement la bourgeoisie capitaliste qui continue a se dire canadienne-fnmcaise. Sans doute ne se reconna?t-elle pas dans ces livres bon marehe en format de poche qui tou-chent les domaines politique, sociolo-giquc et litteraire. Parti pris suscitera dialogues et polemiques; le mouvement etait sans nul doute une etape dans le necessaire eventail de concepts qui ont aide le Quebec a se faire une idee de ce qu'il est reeilement. Plus tard, d'autres publications con-tribueront a propager une nouvelie culture (ou meme une contre-culture), notamment en milieu etudiant. Ainsi Mainmise (ecologique, libertaire et un peu «drop out»), Presqu''Amerique {nationaliste nouvelie maniere), le Quartier latin (etudiant et frondeur). Ces titres n'existent plus — ni le quo-tidien independantiste Le Jour qui naTtra par la suite — mais temoignent d'une effervescence des idees et des modes de vie dont les ramifications s'etendaient bien au-dela d'une certaine sphere imellectuelle ou politique. 1967: libre!* 'Vive le Québec Le Quebec vit dans l'enthousiasme de son Exposition universelle lorsque le general de Gaulle, aprěs avoir remonté le Saint-Laurent, empruntant de Saint-Joachim á Montreal ie Chemin du Roy, fait aux Québécois sttrvoltés son fameux discours impromptu du haut du balcon de 1'hotel de ville á Montreal. L'enregistrement sonore des disours du general est révélateur de I'état d'esprit des Québécois en 1967. Les applaudis-sements écíatent frénétiquement devant I'audace du: «Vive le Quebec libre!». Dans la société québécoise, cette declaration provoquera un melange de surprise et d'enihousiasrne. De Gaulle apportait sa caution dc grand homme d'Etat a un mouvement populaire. Mais de quoi se melait-il tout a coup, étaient Visite du general de Gaulle en juillet 1967. De Gaulle est au balcon de l'hötel de villa de Montreal et lance: «Vive le Quebec libre». photo: Service des affaires corporatives, Ville de Monireal. de quoi se melait-il tout a coup, etaient en droit de se demander d'aucuns — tant ici qu'en France ou son retour fut accueilli par une certaine froideur. Quoi qu'il en soit, le general avait trop le sens de 1'histoire pour ne pas poser un geste symbolique et fort, situant le debat au-dela des chicanes pro-tocolaires de l'«intendance». Le chef de l'Etat francais mettait ainsi, a sa fac^n, le Quebec sur la carte du monde. Au Quebec, «le premier ministre Johnson se faisait traiter de crypto-separatiste, et i'episode du general ne manquait pas de fouetter I'ardeur du militantisme independantiste.» (Pierre O'Neil). Les LE MOUVEMENT DES IDÉES 151 vives tensions qui en résultérent ä ľintérteur du Parti liberal du Québec amenatent d'ailleurs Francois Aquin ä quitter les rangs libéraux pour siéger comme indépendartt ä l'Assemblée nationale. Chronologie de ľidée d'indépendance 1837-1838: Rebellion des Patriotes 1838: Declaration d'indépendance du Bas-Canada 1910: Henri Bourassa fonde Le Devoir (independence culturelle et économiquej 1917: Motion de Francoeur et Laferté ä l'Assemblée Legislative de Québec 1920-1930: Chanoine Lionel Groulx 1948: Refus Global (indépendance culturelle par la creation) 1957: Alliance Laurerrtienne. Raymond Sarbeau 1960: Action Socialiste pour ľlndépendance du Québec (Raoul Roy) 1960: Rassemblement pour ľlndépendance Nationale (Marcel Chaput, André d'Allemagne) 1962: Parti Republican du Quebec (Marcel Cbaput) 1964: Raliiemertt National (René Jutras) 1967: "Vive ie Québec libre!» 1967: René Lévesque fonde le Mouvement Souveraineté-Association 1968: MSA+RN+RlN=Parti Québécois 1970: Événements d'Qctobre 1976: Arrivée du PQ au pouvoír 1980: Referendum sur ľlndépen- dance; 59% Non, 41% Oui. 1990: Des provinces ä majorite anglophone font échouer ľaccord de principe, signé en 1987, au iac Meech 152 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE ■ LE MOUVEMENT DES IDĚES 153 Les mouvements indépendantistes et le FLQ A partir de 1957, le mouvemem vers une action politique se precise avec la formation d'un parti résolument indé-pendantiste, Le mouvement s'accelere ä partir de 1960. Les partis s'engen-drent les uns les autres, naissant de divergences internes. Le Parti québé-cois résultera du regroupemcnt de trois de ces mouvements et partis dont deux avaient d'ailleurs partisipé aux elections générales précédentes (1966). Pendant que les Hbéraux, puis l'Union nationale, donnaient un con-tentt politique ä certaines aspirations de la société québécoise, notamment en Le president du Rassemblement pour 'indépendance nationale (RIN), Pierre Bourgault. photo Bibliothěque nationale du Quebec. matiére de culture, ďéducation et ďeconomic provinciate axée sur ies ressources naturelles du Quebec, une petite fraction de jeunes gens trouvaient que 1'indépendance n'arrivalt pas assez víte. Le Front de liberation du Quebec (FLQ) decide alors de passer aux actes. La violence commence en 1963 et trouve son apogée et son denouement á la fois en 1970. Cest la technique de la guerilla urbaine qui fait éclater les bombes dans des endroíts symboliques de J'oppression du peuple québécois (boites aux lettres de Westmount, une des villes anglaises de bon ton et majo-ritairernent anglophone de 1 'Tle de Montreal, bourse de Montreal, etc.); on attaque les banques pour trouver de 1'argent, on vole des armes dans les depots de 1'armée canadienne, on éerit des manifestes flamboyants pour expliquer ses idées. Le FLQ fonctionne en petites cellules, dix personnes environ, qui igno-rent tout ou presque des autres cellules et qui iťont pas touíes la méme vision de ce type ďaction: des marxistes-iéninistes, une tendance maoiste, une autre tendance qui se defend de toute allégeance marxisté. Chez tous, une prise de position socialiste et anti-cléri-cale trés nette. Pierre Vallieres et Charles Gagnon sont les théoriciens du FLQ. Leurs analyses ne manquent ni de lucidíté ni ďa propos. Quand Negres blancs ďAmérique sort des presses aux editions Parti pris, le FLQ n'en est déjá plus á son premier geste terroriste. En octobre 1970, le FLQ eniěve deux personnalités: un diplomate brí-tannique et le ministře du travail, Pierre Laporte. La erise ďoctobre secoue le Quebec: le premier ministře Robert ■ '"li, iílp front de liberation du québec communique .2 CO 1_ .2 ca i_ -o Cl o res (midi); dejui.! IZ Tieures; iiíie derniěre fois, a jnettre en ion ze teures Eninuits, les au- indfls de Kadiu-Canada ans Iß ctHiuTLíinílquÍ! 1; éter sur-le-champ leuzs turea; bligation de supprlmer tiUftratiop ÖU Quebec domanůB concretenet t ce qu'ellea qualifient de Quant ami qaritities que exíster selon la bonne f us ne wettrona pas la Nous libĚierons le dipi la realisation rj'tine autxe niora politique^ "consents Remarque! Houa tejf nos convm«n> pat la police faeiíT ■n place, elles doivent iLse, Ncuii le Eepetonu, pour une question de "pia strfc n11 Lqt quatre beyrer3 qui anivront A la liberation des prison- ration du Quebec :ontinueron3 ďétablic ,nt lea piéqes tendüs Tht lat«*t FLQcommunique, extending Iht deadline until mldnlgh* lis! night and rejecting Ihe Ides of * mediator Text of latest FLQ note on Cross Un communique du Front de liberation du Quebec dont i! avait exige la diffusion par les medias (radio, television, journaux). Celui-ci est tiro de The Gazette, journal anglophone de Montreal, paru le 9 octobre 1970. photo: Bibliotheque nationale du Quebec- 154 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE LE MOUVEMENT DES IDĚES 155 Bourassa demande Faide du federal qui declare «la ioi des mesures de guerre*'-'. La mort de Pierre Laporte stupéfie les Québécois, résolument pacifistes avant tout et agacés par les reactions gouvernetnentales. Le diplomate britannique est reiáché, Ses fei-quistes ayant obtenu tm sauf-conduii pour Cuba. Les commissions ďenquéte prouve-ront plus tard, comme les declarations de certains Telquistes, que ce mouve-ment terroriste čtait le fait ďun petit groupe, peut-étre une ířentaine dc per-sonnes, et que, ďautre part, la Gendarmerie royale du Canada était loin d'etre ignorante des agissements de ce.s groupuscules. De tome faeon. ce type ďaction révolutionnaire ne paraissait convenir ni au temperament ni a la situation relativement confortable des Québécois. Une consequence matten-due: le FLQ pěsera lourd sur le procite avenir du Parti québécois que ses détracteurs auront tot fait ďassimiler a des «terroristes assoiffés de sang». En 1970, le PQ, qui participe pour la premiere fois aux elections générales prend le relais de Fidée ďindépen-dance, mais dans une strategie electorate parfaitement démocratique: il lui faudra six ans de purgatoire avant ďac-céder au pouvoir. te referendum — 1980 Fidéle á sa promesse de mettre aux voix la question de la souveraineté, le Parti québécois propose un referendum populaíre. Celui-ci est precede ďun debat a 1'Assemblée nationale qui res-tera dans les annates du Quebec comme Lun des grands moments parle- mentaires. Le debat dure trois semaines et permet a la population, par le biais des retransmissions televisees, de jtiger — sur pieces oraloires au moins — les souverainistes et les federaltstes. Le vent semblait souffler en faveur des souverainistes qui abordaient la question avec calme et logique. En revanche, les deputes regroupes sous le para-pluie du «non» paraissaient plus sur la defensive, et leurs discours n'avaient pas Failure positive et ciaire des premiers. Mais e'etait au mois de mars. Le referendum etait prevu pour le 20 mai: cet cloignement dans le temps sera un des points faibles de la strategic gou-vernemcntale. Ces deux mois furent utilises it fond par les tenants du «non» — y compris les deputes federaux mobilises pour ia circonstance — pour discrediter i'option souverainiste. Tous les dangers du «ouj» furent mis de 1'avant, alors que grandissait l'inquie-lude— ou, dans 1'inconscient, une cer-taine angoisse de la separation d'avec la merc-patrie symbol ique. L'autre erreur de strate'gie du Parti quebecois, plus fondamentale, residait sans doute dans le iibclle meme de la question posee au referendum. Les tenants de l'etapisme ayant impose la moderation, la question posee15 pouvait sembler trop edulcoree ou suspecte. Par ailleurs, iongue et un peu alambiquee, est-elle apparue assez ciaire aux citoyens qui ne pouvaient repondre que brievement par «oui» ou «non»? Toujours est-il que la societe quebe-coise refusa la souverainete avec une majorite de 59% pour l'ensemble du Quebec. Le vote des francophones etait partage (50% — 50%). Des regions, d'ailleurs voisines, la CSte-Nord et le mm Deux épinglettes fíeurdelisées et une référendaire. photo: Francoise Tétu de Labsade. . Saguenay-Lac-Saint-Jean, avaient meme une majorite (56%) de oui, mais cela ne suffit pas pour contrebaiancer l'ouest de File de Montreal (21% de oui) ou reside la majorite des anglo-phones. Quelques annees plus lard, la Parti quebecois r6uni en congrcs substituera ä la these souverainiste celle de 1'afFir-mation nationale. Des inconditionnels de la souverainete prefereront alors partir en nombre. lis fonderont meme le Rassemblement democratique pour Find^pendance. D'autres creeront ä Quebec un Parti independantiste. La mort, en novembre 1987, de Rene L6vesque, semble redonner un nouveau souffle a Foption souverainiste du Parti Quebecois. Des anciens, comme Jacques Parizeau, reviennent ä la vie politique active. L'idee d'independance — ou au moins d'autonomie — existe toujours dans les esprits. Certains la souhaitent, d'autres la redoutent, tous y pensent16. L'avenir seul dira si cette idee se con-cr£ti$era d'une maniere ou d'une autre. Quoi qu'il advienne dans la realite politique future, eile est devenue une com- posantc de la réalité québécoise et canadienne, sous-jacente dans des expressions comme «société distincte» selon Faccord de principe du lac Meech, ou dans celle du «pouvoir élargi» a Quebec. Notes 1 A une France mythique. de tradition caihotique et monarchique, s'opposait ia France réelle, républicaine et anticíéricale. 2. Jusquá tout récemment, le terme de "Canadians- conservaii, au Quebec, sa portée sémantique premiére: !es premiers habitants de souche eurapéenne du Canada, puis leurs descendants, les Canadiens francais. Cest dans cet esprit que le club de hockey, les Habitants, a erioisi cle s'appeler Les Canadiens Son sigle d'ailleurs en témoigne aujourd'hui encore: il associe étroitement, dans un měrné logo, nnitiale des deux mots ■•canadiens- et «fiabitanls». Que ■■Canadian.' puisse étre synonyma de •■canadiens- est une réalité tout a fail récente dans I'histoire des icées au pays (Rénald Bérubé) 3. En 1810, deux deputes du Part Canadian, Bédard et Blanche! sont emprisonnés par le gouverneur Craig, sous pretexte de •■pratiques traitresses*. Le peuple canadien montre aiors sa determination en réélisanl les deputes pnsqnniers. Craig doíl céder devant la pression populaire 4. Le Parti patriote est le premier parti canadien doni le fonctionnement est rigoureusemsni démocratique 156 LE QUEBEC: UN PAYS, UNE CULTURE LE MOUVEMENT DES IDÉES 157 Drapeau du Québec, communément appelé le fleurdelisé. 5. Cast ainsi que la Soctele Saint-Jean-Baptisle, organisation patriotique fondee en 1844, devient «une sorte de bras seculier du nalionalisme clerical" (Rejean Seaudom). 6. Dans les annees soixante, pfusieurs posies de radio diffusaient encore chaque soir la recitation du chapelet sur les ondes. 7. Les pretres du Seminaire font ici preuve de clairvoyance en etant les premiers '•vulgarisateurs scientiftques- ei en incitant [eurs eieves ä se dinger du cöte des sciences, 8 Chez les uftramontains, il y a les intran-sigeants, dont ['intolerance est manifeste, et un courant plus modere (M°r Taschereau) qui s'accommode des nouvelies realites, 9. H. Sourassa etait le petit-fiis de Louis-Joseph Papineau; son attitude vis-ä-vis de l'Egiise etait bien differente de celle de son grand-pere. 10. On qualifie plutot cette periods de »clenco-nationaiiste«. 11- «II a plus fait, pour structurer les Canadiens frangais (instruire, c'est structurer par I'interieur). que la plupart des poiitiques.» (Le frere Untel) 12. En 1953, Gaston Miron fonde les editions de i'Hexagone. 13. Creation d'un appareil d'Etat moderne, processus de prise de decision plus methodique et plus efficace. amelioration des services pubiics, meifleur equilibre entre le federal et le provincial. 14 Imposes pour la premiere fois en temps de paix, cette loi suscite un debat qui se poursuit encore sur «la pertinence de cette mesure controversee». 15. «Le Gouvernement du Quebec a fait connattre sa proposition d'en arriver, aveo le reste du Canada, s une nouvelle entente fondee sur le principe de l'egaiite des peuples; cette entente permettrail au Quebec d'acquerir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impöts et d'etaplir ses relations exteneures ce qui est la souverainete — et, en meme temps, de maintenir avec le Canada une association economique comportant l'utilisation de la meme rnonnaie, aucun changement de Statut politique resultant de ces negociations ne sera realise sans I'accord de la population lore d'un autre referendum; en consequence, accordez-vous au Gouvernement du Quebec Je mandat de negocier ['entente proposee entre le Quebec et le Canada?" 16 A ceite epineuse question, le celebre humorists Yvon Deschamps a dejä repondu dans un monologue, en disant que les Quebecois revent «d'un Quebec independant dans un Canada fort»... 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