La coarticulation (d’après Jean-Michel Kalmbach) •Le linguiste isole des sons (les phonèmes), mais dans la réalité de la parole les sons se succèdent et ne sont pas isolés les uns des autres. •Le passage d’un son à un autre se fait de façon continue. Dans « continue », le [i] commence comme le [t] se termine: le conduit vocal ne permet pas de passer d’un son à l’autre de façon immédiate. •Par conséquent, les sons agissent les uns sur les autres lors de l’articulation, s’influencent, s’articulent les uns par rapport aux autres; on parle de coarticulation. •Les phénomènes de coarticulation sont étudiés par la phonétique combinatoire. • Exemples •Dans un mot comme trouve, les consonnes [t], [ʁ] et [v] se labialisent à cause du [u], qui est prononcé avec les lèvres arrondies. •Dans trêve au contraire, [t], [ʁ] et [v] ne se labialisent pas car la voyelle [ɛ] n’est pas prononcée avec les lèvres arrondies. •La raison de la labialisation dans trouve est la loi du moindre effort: il est plus pratique d’arrondir directement les lèvres et de les garder dans cette position durant toute la prononciation du mot car cela n’affecte pas la compréhension. •La loi du moindre effort est toujours contrebalancée par le principe de clarté: on peut prononcer de façon économique seulement si cela ne joue pas sur la compréhension. La syllabe •La syllabe pose des problèmes de définition puisque les sons sont continus au niveau de la parole. On a toutefois plusieurs repères: 1)D’un point de vue physiologique, il y a une légère baisse de tension musculaire entre les syllabes. Dans il va à Annecy, vous pouvez observer une baisse de tension musculaire entre les 3 [a]. 2)Pour les consonnes, la bouche se ferme généralement, alors qu’elle s’ouvre pour les voyelles. 3)Le français préfère les syllabes terminées par des voyelles (syllabes ouvertes), car le français maintient généralement la tension vers la fin (or les voyelles sont plus tendues que les consonnes) 4)La tension permet donc de distinguer un élément faible (la consonne) et un élément fort (la voyelle) et de distinguer physiologiquement les syllabes. • • La syllabe •En français, les syllabes qui ont l’enchaînement Consonne-Voyelle sont les plus nombreuses; elles représentent 55 % des syllabes. •Quand on articule une consonne, on lui donne déjà les traits de la voyelle qui va suivre. Quand on prononce sucre, on arrondit déjà un peu les lèvres pour le [s], et on entend un peu la voyelle dans la consonne. •Les différents phénomènes de coarticulation L’assimilation •L’assimilation est un phénomène par lequel un son, du fait de sa proximité avec un autre, tend devenir identique ou à prendre certaines de ses caractéristiques. On distingue plusieurs types d’assimilation: -l’assimilation régressive : c’est celle où le son influencé se situe avant celui qui l’influence. Exemple: absent est prononcé [apsɑ̃] par assimilation du trait de surdité de [s] par [b] qui, de sonore, s’assourdit et se rapproche alors de [p]. -L’assimilation progressive: c’est celle par laquelle le son influencé se situe après celui qui l’influence. Exemple: cheveu est prononcé [ʃfø] par assimilation du trait de surdité de [ʃ] par [v] qui, de sonore, s’assourdit et se rapproche de [f]. •L’assimilation double: c’est une assimilation qui est à la fois progressive et régressive. Exemple: dans pendant, le [d] se nasalise en raison des voyelles nasales [ɑ̃] qui l’entourent et pendant est prononcé [pɑ̃d̃ɑ̃] •On ne peut pas prédire de façon sûre les assimilations, mais: 1)Les sons en position initiale dans un mot ou une syllabe auront plus de probabilité de transmettre leurs caractéristiques phonétiques que les sons en position finale. 2)Plus la force articulatoire d’un son est élevée, plus ce dernier tendra à transmettre ses caractéristiques phonétiques à un autre son, et inversement, plus la force articulatoire d’un son est faible, moins il tendra à transmettre ses caractéristiques à un autre son. Pour mesurer la force articulatoire d’un son, on utilise l’échelle de Pierre Delattre. L’échelle de la force articulatoire de Pierre Delattre •1. [p], [t], [k] ; •2. [l], [f] ; •3. [b], [d], [ɡ], [m], [n], [s], [ʃ] ; •4. [ɲ], [j] ; •5. [ʁ], [w], [ɥ], [z], [ʒ], [v]. • La dilation •La dilation renvoie à la modification des caractéristiques d’un son par anticipation d’un autre son qui ne lui est pas contigu. On distingue plusieurs types de dilation: 1)La dilation régressive: c’est quand un son se modifie en raison d’un autre son qui suit. Exemple: surtout est prononcé [suʁtu] au lieu de [syʁtu] et le [u] influence le [y] qui devient [u]. 2)La dilation progressive: c’est quand un son se modifie en raison d’un son qui précède. Exemple: définition peut être prononcé [defenisjɔ̃] au lieu de [definisjɔ̃] et le [e] initial influence le [i] qui devient [e]. 3)La dilation double: c’est quand un son se modifie en raison d’un son qui précède et d’un son qui suit. Exemple: disséminer est prononcé [disimine] en raison des 2 [i] et le [e] interne devient [i] La différenciation •On parle de différenciation quand un changement phonétique a pour but d’accentuer ou de créer une différence entre 2 sons. On peut distinguer: •La différenciation de 2 sons en contact: dans dehors, au lieu de prononcer [dəɔʁ] on peut entendre [deɔʁ] pour différencier [ə] et [ɔ]. •La différenciation de 2 sons voisins mais non contigus (on parle alors de dissimilation): dans venimeux, au lieu de prononcer [vənimø], on peut entendre [vlimø], ce qui permet de différencier [n] et [m]. L’interversion et la métathèse •On parle d’interversion lorsque 2 sons contigus changent de place dans la chaîne parlée. Exemple: le mot aéroport peut être prononcé [aʁeopɔʁ] au lieu de [aeʁopɔʁ] •On parle de métathèse lorsque 2 sons non contigus changent de place dans la chaîne parlée. Exemple: le mot séchoir peut être prononcé [ʃeswaʁ] au lieu de [seʃwaʁ]. • L’épenthèse et la syncope •L’épenthèse consiste à insérer un son. Exemple : moi aussi peut être prononcé [mwa zosi], avec insertion du son [z], ours polaire peut être prononcé [uʁsəpɔlɛʁ] avec l’insertion d’un [ə], etc. •La syncope désigne l’effacement d’un son. Exemple: Dans J’en veux plus, plus peut être prononcé [py], avec effacement de [l], au lieu de [ply]. •Phonétique et phonologie Qu’est-ce que la phonétique ? •La phonétique est une partie de la linguistique qui s’intéresse à l’étude des sons du langage, tels qu’ils sont réalisés dans la parole. •On distingue 3 domaines à l’intérieur de la phonétique : •1) La phonétique articulatoire, qui s’intéresse à la production des sons •2) La phonétique acoustique, qui s’intéresse aux propriétés physiques des sons •3) La phonétique auditive, qui s’intéresse à la façon dont l’appareil auditif décode et reçoit les sons Qu’est-ce que la phonologie ? •La phonologie, contrairement à la phonétique, ne s’intéresse pas à la réalisation matérielle des sons, mais aux sons en tant qu’ unités sonores abstraites. •Pour bien comprendre la différence entre un phonème et un son, on peut prendre l’exemple du /r/ français. Le phonème /r/, en français, peut être réalisé de plusieurs façons en fonction du locuteur qui le prononce. Il peut être réalisé par les sons suivants : •1) Par un /r/ normal, qui est celui du français standard : [ʁ] •2) Par un /r/ roulé, que l’on peut entendre à la campagne : [r] •3) Par un /r/ « grasseyé », que vous pouvez entendre dans les chansons d’Edith Piaf Comment identifier les phonèmes? •Les phonèmes sont des unités sonores abstraites qui ont une valeur fonctionnelle, c’est-à-dire qu’elles servent à différencier 2 mots entre eux. •Ainsi en français on peut dire que /p/ et /b/ sont 2 phonèmes différents, car ils permettent d’opposer les mots peau et beau ou pas et bas, qui ont 2 sens différents. On parle dans ce cas de paire minimale au sujet de peau et beau ou de pas et bas, puisqu’ils ne s’opposent qu’à partir de la présence du phonème /p/ et du phonème /b/. •L’identification des phonèmes d’une langue est donc liée à la question du sens des mots. • Les phonèmes s’écrivent entre barres obliques (/ /), les sons entre crochets ([ ]) • Les phonèmes et les paires minimales •Les phonèmes varient selon les langues. Ainsi, en français, /r/ et /l/ constituent 2 phonèmes, qui permettent par exemple d’opposer les mots riz et lit, mais en japonais /r/ et /l/ correspondent un seul phonème et ne sont pas différenciés. •Inversement, comme on l’a vu, le français ne distingue pas les sons [r] (r roulé) et [ʀ] (grasseyé), mais l’arabe le fait : selon qu’un mot a en arabe [r] ou [ʀ] il change de sens. /r/ et /ʀ/ forment donc 2 phonèmes différents en arabe, mais correspondent à un seul phonème en français. •Chaque langue a donc un système de phonèmes qui lui est propre. •Classement des sons du français Schéma des articulateurs de l’appareil phonatoire Voyelles et consonnes •Les voyelles sont caractérisées par le libre passage de l’air dans la cavité buccale ou les fosses nasales. Elles sont toutes sonores en français, c’est-à-dire que les cordes vocales vibrent. •Les consonnes sont produites par obstruction (= présence d’un obstacle) au passage de l’air; les cordes vocales peuvent vibrer ou ne pas vibrer selon le type de consonnes. •Les semi-consonnes, aussi appelées semi-voyelles ou glides, c’est-à-dire [j], [w] et [ɥ], ont en commun avec les consonnes leur type de tension articulatoire, et en commun avec les voyelles de se rapprocher de [i], [u] et [y]. Les voyelles •Les voyelles du français peuvent être classées à partir de 4 caractéristiques: -La zone d’articulation -Le degré d’aperture -Le caractère oral ou nasal -Le caractère arrondi (labialisé) ou non arrondi (non labialisé) La zone d’articulation •La zone d’articulation est liée à la position de la masse de la langue : -Lorsque la partie avant de la langue se rapproche de l’avant du palais, les voyelles sont antérieures : [i] par exemple est antérieur. -Lorsque l’arrière de la langue se rapproche de l’arrière du palais, les voyelles sont postérieures : [u] par exemple est postérieur. -Lorsque la partie centrale de la langue se rapproche du palais, les voyelles sont centrales : [ə] par exemple est central. • Le degré d’aperture •Le degré d’aperture (=d’ouverture) de la bouche se mesure par rapport à la distance entre la langue et le palais : -Dans les voyelles fermées, comme [i] ou [u], la langue est soulevée et se rapproche du palais. -Dans les voyelles ouvertes, comme [a], la langue est abaissée et éloignée du palais. -Il y a plusieurs degrés entre les voyelles fermées et ouvertes: mi-fermées, comme [e], ou mi-ouvertes, comme [ɛ]. Les voyelles orales et nasales -Si les voyelles sont nasales, l’air passe par la cavité buccale et aussi en partie par les fosses nasales, comme pour [ɑ̃], [ɛ̃] et [ɔ̃]. -Si les voyelles sont orales, l’air passe seulement par la cavité buccale (c’est le cas pour toutes les autres voyelles du français) Le caractère arrondi ou non arrondi des voyelles -Si les lèvres forment une ouverture circulaire, les voyelles sont arrondies (labialisées), par exemple [y] -Si les lèvres sont relâchées les voyelles sont non arrondies (non labialisées), par exemple [i] • Le trapèze vocalique Classification des consonnes •Les consonnes peuvent être classées à partir de plusieurs critères: •- Leur mode d’articulation, c’est-à-dire la façon dont un certain nombre de facteurs modifient le passage de l’air. •- Leur lieu d’articulation (également appelé point d’articulation), c’est-à-dire le lieu où se produit un obstacle au passage de l’air. Le mode d’articulation •Si l’air est retenu avant d’être relâché brusquement, les consonnes sont dites occlusives. C’est le cas de [p], [b], etc. •S’il se produit un rétrécissement du passage de l’air et un bruit de frottement, les consonnes sont dites fricatives. C’est le cas de [f], [v], etc. •Si l’air s’échappe des 2 côtés de la langue, les consonnes sont dites latérales. C’est le cas de [l]. Le mode d’articulation •S’il se produit une série de vibrations au niveau d’un organe (le plus souvent la pointe de la langue ou la luette), les consonnes sont dites vibrantes. Le [ʁ] français, par exemple, est produit par une brève série d’occlusions séparées de la luette, alors que le [r] du tchèque, « roulé », est produit par des vibrations de la pointe de la langue. •Les consonnes peuvent être sonores, si les cordes vocales vibrent, par exemple pour [b], ou sourdes, si les cordes vocales ne vibrent pas, par exemple pour [p]. •Enfin, les consonnes peuvent être nasales, si le voile du palais est abaissé et que l’air sort en partie par le nez, comme pour [m] ou [n]. Sinon, les consonnes sont orales. Le lieu d’articulation •Le lieu d’articulation désigne l’endroit où se situe un barrage au passage de l’air, c’est-à-dire l’endroit où la pointe de la langue se place pour barrer le passage de l’air. On distingue plusieurs lieux d’articulation pour les consonnes du français : -Si le lieu d’articulation est situé au niveau des lèvres, les consonnes sont labiales ou bilabiales, comme [p] ou [b] -Si le lieu d’articulation est situé au niveau des dents, les consonnes sont dentales, comme [t] ou [d] Le lieu d’articulation -Si le lieu d’articulation est situé à la fois au niveau des lèvres et au niveau des dents, les consonnes sont labio-dentales, comme [f] ou [v] -Si le lieu d’articulation est situé au niveau des alvéoles, les consonnes sont alvéolaires, comme [s] ou [z]. -Si le lieu d’articulation est situé au niveau du palais, les consonnes sont palatales, comme [ɲ] (ou « pré-palatales, comme [ʃ] ou [ʒ]). Le lieu d’articulation -Si le lieu d’articulation est situé au niveau du voile du palais, les consonnes sont vélaires, comme [k] ou [g]. -Si le lieu d’articulation est situé au niveau de la luette, les consonnes sont uvulaires, comme [ʁ]. •