Mais je vcux Clrc seul n vlvic inn rniH'iiiur, Et seul fcrai la niquc mi slide do In Inline. Vous m'e'loignez dc vous, helus, ct jc vous pcrds; Le destin, inegal en ses sollicitudcs, Aura mSie" ma joie a mes vicissitudes Et pave le passe de ses cailloux impairs. Ma blessure secrete ignore votre baume; Je n'ai plus a choisir, d mon Sme en lambeaux, Qu'un refuge supreme ainsi qu'un froid tombeau; Ma tristesse est d'un roi banni de son royaume. Tel un troupeau marin de monstres irrites Qui plongent dans la mer et de la mer bondissent. Et dont les dos luisants de cr£tes se h£rissent, J'edge les recifs aux flancs dechiquetcs. Mont noir de houille et qu'un fort grain souleve et crible Muraille en s'approchant qui masque 1'horizon, Qu'autour de mon domaine une vague de fond A 1'imprudente nef Je rende inaccessible; Que Poce'an cabre" sous l'assaut des ressacs A son pied de granit vienne ^eraser sa masse; Que le grand vent qui berce, 6 mouette vorace, Ton vol rauque et plaintif suspende ses hamacs. Au marin hasardeux nulle bise insalubre Ne saura pre"sager une trop prompte mort, Nul affame' rapace en son robuste essor N'ira l'dpouvantcr de cris assez lugubres. Jc serai seul dans mon farouche isolement, L'homme ne saura pas ou ma fiert6 s'exile, En moi j'abolirai ce tr&or inutile, De mes sombres amours le souvenir dormant. A vous uniquement mes heures d'audience, 6 mes songes errants le long de froids couloirs, Jusqu'a Theure exauc£e ou cc sera le soir, Ou mon Sme a jamais uprise de silence... 6 ma pensee amere et lourde comme un faix, Une lune au sang blanc, lumineuse sangsue, En buvant ton rayon de sa bouche goulue, Rodera sous les murs de mon chateau dc paix. kjY DELAHAYH (1888-1969) [Wliiint cn médecine ä 1'Université de Montreal (il y enseignera plus tard) et ä l'liiMilut Pasteur de Paris, Guy Delahaye, de son vrai nom Guillaume Lahaise, i «erecra son metier ä l'höpital Saint-Jean-de-Dicu de Montreal, oü il soignera ni .i ,iiumc[ii Nelligan. Apres avoir collaboré ä diverses ceuvres collectives [f.'Aube, L'Encephale), il fonde en 1910 un cercle littéraire, le Soc. Comme son «ini René Chopin, il publie deux livres: en 1910, Les Phases, recueil de poemes hrel's ct parfois convaincants et, en 1912, Mignonne allons voir si la rose... est »ans épines, fantaisies en prose poético-théltrales, qu'il qualifie de « tableau ultra-futuro-cubiste », dadaiste avant I'heure mais sans suite. Le jugement d'Al-hcrt Lozeau, que cite dans sa these André G. Bourassa (Surrealisme et littérature ■/■it '■<■■ ••••••. Montreal, L'Etincelle, 1974), explique assez le regain ďintérět que luscite aujourd'hui son osuvre: « L'auteur de Mignonne allons voir si la rose... n'est pas morphinomace, ni nymphomane, éthéromane, ni érotomane, successo-mHne (megalomane) ni quoi-que-ce-soit-mane, ä moins qu'etre soi-méme (self-mnde man) (ipsomane, non dipso-name) soit étre un mane-quelconque, car il pent bien rester quelque chose ď avoir produit un livre bizarre comme un debut ďaliénation mentale. » fOuclqu'un avait eu un réve trop grand. vinion d'hospicl Voilá l'exlase, tout se fait clos; Tout fait silence, voilá 1'extase; Le bruit meurt et le rire s'enclot. Voilá qu'on s'emeut, cris sont éclos; Pensée ou sentiment s'extravase; Voilá qu'on s'emeut de peu ou prou. L'on rive un lien, l'on pousse un verrou, La téte illuminée, on la rase, Et l'dtre incompris est dit un fou. Au Docteur Villeneuve Á la vie 1 mensonoe d'un portrait Pourquoi menlir, 6 portraits heureux on en souffre tont un jour. Mensonge des formes qui reposent Pour mieux s'illusionner de paix Et faire ä la douleur une pause; 244 245 Mensongc des yeux oil I'iirl impose L'exquis sourire qu'un plcur frappait Au signe de l'äme inassouvie; Mensonge du coeur qui bat la vie En rythmes ardents, en flots épais, Pourtant la Mort passe et s'y convie. 20 Janvier, ( I liuliiinl: Docteur, lc numero 40. — Oui? — II est mieux. 1910. Observation N Hopital par un jour de soleil. Le Dr Optime, médecin comme ils sont tous...! Un étudiant comme ils sont tous...? Une malade comme elles devraient étrc toutes. 14 Janvier. L 'Étudiant: Salle Ste-Gertrude; au numero 40 Fillette de 16 ans; arrive du couvent. Debut du mal: 5 jours. II faisait un grand vent, Elle avail eu trop chaud á la danse courante. Point á gauche, frissons, pouls hálif, toux vibrantě; Brúle dans tout son corps, respire tres souvent; Lcs troubles, semblent-ils, vont toujours s'aggravant: Crachats ďabord rouillés sont de rougeur ardente. Dyspnée intense empéche autres renseignements. Le Docteur: Argyrol, sénéga, ventouse, en traitements. 15 Janvier. L 'Étudiant: Beaucoup moins oppressée; un progres fort sensible. 16 Janvier. L 'Étudiant: Docteur, la méningite est éerite cn ses yeux!? Le Docteur: Glace, ponction lombaire, hypnal... et Pimpossible... Observation N' avoir! Hópital par un jour de pluie. Dr Worst-Pejor, médecin comme il ne saurait y en I Un étudiant comme ils sont tous...? Une malade comme les malades qui ont tort. 14 Janvier. /, Étudiant: Salle Ste-Gcrtrude; au numero 40. Fillette de 16 ans; arrive du couvent. Debut du mal: 5 jours. U faisait un grand vent, Elle avait eu trop chaud á la danse courante. Point á gauche, frissons, pouls hátif, toux vibrantě; Brůle dans tout son corps, respire tres souvent; Les troubles, semblent-ils, vont toujours s'aggravant Crachats ďabord rouillés sont de rougeur ardente. Dyspnée intense empéche autres renseignements. Le Docteur: Ventouscs et cognac sont les seuls traitements. 15 Janvier. L 'Étudiant: A pu dormir un peu; progres presque insensible. 16 Janvier. L 'Étudiant: Mon Dieu! la méningite est lá, la qui la mord! Le Docteur: Glace, révulsifs, on va faire son possible. 246 247 17 Janvier. L 'Étudiant: Docteur, le numero 40., — Quoi? Est mort. 1910. Les jumeaux Chambre nuptiale; sur les meubles, souvenirs ďamour anciens et récents. Monsieur, brave homme. Madame, brave femme. ....et bébé(s), avenir. Le Docteur, ange de l'esperance. — on espěre quelqutm — La Mere, aimante; Je réve ďune fille á qui transmettre un peu L'amour que j 'ai pour toi; je rěve d'une fille Doni le cceur s'ouvre grand et doni l'ceil tendre brille Á r eclat d'une étoile, au charrae ďun aveu. Le Pere, aimant: Moi, ce serait d'un fils qui s'eprenne du jeu Doux et combien aimé de te faire gentille La vie assez souvent méchante qu'on gaspille Sans jamais réagir, au lieu d'etre joyeux. — Voici le Docteur — La Mere, confiante: Docteur, c'est fou, je sais, mais si le ciel m'ecoute. Le Pere, confiant: Docteur, vous concevez tout ce qu'il nous en coute. Le Docteur, ange... etc. Bien! espérons toujours, fera ce qu'on pourra... — guelques-uns sont arrives — Le Docteur, rayonnam: Mere, soyez heureuse, une fille vous est née; Et vous, pere, charitez aussi votre hosanna, Un fils semblable á vous fleurit votre hyménée. 1910. Les eusomphaliens Chambre de Madame: sur les meubles, portraits d'amis anciens et recents Monsieur, calvitie de cercieux. Madame, fausses dents, chichis, tres rapportee. B£b£ (?) pauvre diable. Le Docteur, pli ironique a la partie gauche de la levre superieure. — On attend quelqu'un — La Mere; Je demande une fille a qui transmettre un peu L'ardeur qui couve en moi; je demande une fille Dont le coeur soit facile, et dont l'oeil moqueur brille A l'appel de la rune, au transport d'un aveu. Le Pere: Moi, moi, je veux un fils qui s'eprenne du jeu Que nous devons mener, quand, plus ou moms gentille, La vie arrive a nous; tout moment qu'on gaspille A larmoyer se perd; il faut etre joyeux. — Voici le Docteur — La Mere, idiotement: Docteur, c'est fou, je sais; s'il se peut qu'on m'ecoute... I.c Pgre, bitement: Vous savez, n'est-ce pas? Eh bien quoiqu'il en coute... /,c Docteur, ennuye': Oui, mais enfin, enfin, advienne que pourra! — c'est arrive — /,c Docteur, pli accentue': Madame, tres bien, une fille vous est n6e; A vous, Monsieur, un fils; mais, avant 1'hosanna, Dites, ce serait un symbole d'hymenee! -< lis n'en mouraient pas tous, mais... » Voic publique. Madame, ignorant la nature tic la maladie de 1910. Monsieur, ignorant lui-méme. Le Docteur, Hottentot auíheníiquc. Madame, tout á son époux; Chéri, voici venir un Maítre, )e célébre Médecin Hottentot; il a pris ses degrés Au Free for all College, ceuvre de Sadík... Grey, Pour venir en aide ä qui souffre des vertěbres. Monsieur, tout ä son mal: Ah! Cette douleur qui me mord dans les ténebres, Ces points ď aspect cuivré dont j'ai le corps tigré, Cet ulcere ä ma langue, et cet autre emigre De ma levre ä ma joue, ont fait mes jours funcbres. Au Docteur qui passe: — Docteur, vous venez done demeurer par ici? — Ca me sembie pas mal, ce pays. — Oh! merci; C'est, en effet, tres bien... quand on est sans vertige. — Comment, 5a ne va pas?... (Ja remonle ä jadís? — 6.....0..... — Bien, suffit; « Un homme averti... » je Vous traiterai, venez me voir, au 606. 1911. Le 606 Voie pubiique. Madame, sachant la nature du mal dc Monsieur, malchanceux. Le Docteur, Allemand. Specifique contre la sp6cificite\ Madame, reche par I'experience: Monsieur, voici venir le Docteur; tres celebre Disciple de Ehrlich, il a pris les degres Au Hata-Foundation lance par Lead et Gray Pour venir en aide a qui souffre des vertebres. Monsieur, tres, tris ennuyi: Ah! cette douleur qui me lancine en les tdnebres Ces points «jambon fume" », dont j'ai le corps tigre, Cette plaque a ma langue, et 1'ulcere emigre" De ma levre a ma joue ont fait mes jours funebres An Docteur (canne et tuyau) qui passe: — Docteur, vous venez done demeurer par ici? —■ 11 me sembie joli, ce pays. — Oh! merci; 11 est bien, en effet, et tout le monde en parle; Dites done, n'avez-vous rien de mieux qu'enesol? — Oui; venez me voir, je vous traiterai par le Dioxydíamidoarsénobenzol. 1911. IJLANCHE LAMONTAGNE-BEAUREGARD (1889-1958) Premiere poetesse quebecoise, chantre de la Campagne et de sa Gaspesie natale, Blanche Lamontagne 3 longtemps subi les sarcasmes des ad versa ires du regio-nalisme. Du strict point de vue poe'tique, son ffiuvre, abondante, n'echappe pas non plus ä J'iionie critique du lecteur contemporain: eile demeure souvent fade, contien! des redites et son « idealisme tres saia », scion CamiJJe Roy, pourrait n'etre que pale et naTve bigoterie. Elle ira meme jusqu'ä s'adresser ainsi ä son « peuple »: Nulle gloire, ici-bas, n'egal era la tienne Car un peuple n'est grand et n'esl beau qu'ä genoux!... N^anmoins, sa voix trouvera parfois quelques accents plus sürs, notamment dans ses nouvclles (Au fond des bois, s. d.), dans quelques poemes gaspesiens, dans I'ar nos champs et nos rives (1917) et Dans la brousse (1935). I ji belle Octavie I ji belle Octavie vient de mourir. Quel desarroi dans notre petit village! Cette inorl c'est un peu ie deuit de chacun, car elle etait un ange cette fille, et tous I'nlmaicnt. Ah! il y a vraiment de bien braves gens sous le ciel! Aussi belle dc t'flme que du visage, toujours douce et souriante, elle semblait avoir du mikil dans son sourire. Ses beaux cheveux noirs bien lisses sur les tempes, Ml ycux tour a tour graves et rieurs, sa bont£, sa finesse, sa compassion, tout i'oniribuah a faire d'elle un de ces etres privilegies qui sement le Donheur Nil r k'tir passage. On 1 'avail surnommec « la belle Octavie » a cause de son visage et de IOII grand creur. Et jamais uu nora n'avait €te mieux porte. Devenue moins (nine, elk n'en diait pas moins belle, quoique un peu plus songeuse et de rlieveux grisonnanls. Mais quel Niiurirc. cl quelle voix charmante! C'etait