Les poetes de ce temps montent la garde du monde car le peril est dans nos poutres, la confusion une brunante dans nos profondeurs et nos surfaces nos consciences sont eparpillees dans les debris de nos miroirs, nos gestes des simulacres de liberte je ne chante plus je pousse la pierre de mon corps Je suis sur la place publique avec les miens la poesie n'a pas ä rougir de moi j'ai su qu'une esperance soulevait ce monde jusqu'ici COMPAGNON DES AMERIQUES Compagnon des Ameriques Quebec ma terre amere ma terre amande ma patrie d'haleine dans la touffe des vents j'ai de toi la difficile et poignante presence avec une large blessure d'espace au front dans une vivante agonie de roseaux au visage je parle avec les mots noueux de nos endurances nous avons soif de toutes les eaux du monde nous avons faim de toutes les terres du monde dans la liberte criee de debris d'embacle nos feux de position s'allument vers le large l'aieule priere a nos doigts defaillante la pauvrete luisant comme des fers a nos chevilles mais cargue-moi en toi pays, cargue-moi et marche au rompt le cceur de tes ecorces tendres marche a l'arete de tes dures plaies d'erosion marche a tes pas reveilles des sommeils d'ornieres et marche a ta force epissure des bras a ton sol mais chante plus haut 1'amour en moi, chante je me ferai passion de ta face je me ferai porteur de ton esperance veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avenement un homme de ton requisitoire un homme de ta patience raboteuse et varlopeuse 100 101 un homme de ta commiseration infinie l'homme arteriel de tes gigues dans le poitrail effervescent de tes poudreries dans la grande artillerie de tes couleurs d'automne dans tes hanches de montagnes dans l'accord comete de tes plaines dans l'artesienne vigueur de tes villes devant toutes les litanies de chats-huants qui huent dans la lune devant toutes les compromissions en peaux de vison devant les heros de la bonne conscience les emancipes malingres les insectes des belles manieres devant tous les commandeurs de ton exploitation de ta chair a pave de ta sueur a gages mais donne la main a toutes les rencontres, pays toi qui apparais par tous les chemins defences de ton histoire aux hommes debout dans l'horizon de la justice qui te saluent salut a toi territoire de ma poesie salut les hommes et les femmes des peres et meres de l'aventure L'OCTOBRE L'homme de ce temps porte le visage de la Flagellation et toi, Terre de Quebec, Mere Courage dans ta Longue Marche, tu es grosse de nos reves charbonneux douloureux de l'innombrable epuisement des corps et des ames je suis ne ton fils par en haut la-bas dans les vieilles montagnes rapees du Nord j'ai mal et peine 6 morsure de naissance cependant qu'en mes bras ma jeunesse rougeoie void mes genoux que les hommes nous pardonnent nous avons laisse humilier l'intelligence des peres nous avons laisse la lumiere du verbe s'avilir jusqu'a la honte et au mepris de soi dans nos freres nous n'avons pas su lier nos racines de souffrance a la douleur universelle dans chaque homme ravale je vais rejoindre les brulants compagnons dont la lutte partage et rompt le pain du sort commun dans les sables mouvants des detresses gregaires nous te ferons, Terre de Quebec lit des resurrections et des mille fulgurances de nos metamorphoses de nos levains ou leve le futur de nos volontes sans concessions 102 103 Yest-y flush lui... c'est un blood man... watch out a mon seat cover... c 'est un testament de bon deal... voici me void l'unilingue sous-bilingue voila comment tout commence a se meler a s'embrouiller c'est Fecheveau inextricable Je m 'en vas a la grocerie... pitche-moi la balle... toe scram d'icitte... y t'en runne un coup... voici me voici l'homme du langage pavlovien les reflexes conditionnes bien huiles et voici les affiches qui me bombardent voici les phrases mixtes qui me sillonnent le cerveau verdoyant voici le garage les banques l'impot le restaurant les employeurs avec leurs hordes et leurs pullulements de necessites bilingues qui s'incrustent dans la moelle epiniere de l'espace mental du langage et te voici dans l'engre-nage et tu attrapes l'alienation et tu n'en sortiras qu'a coup de torture des meninges voila comment on se reveille un bon jour vers sa vingtieme annee infeste cancereux qui s'ignore et ca continue 117 Passe-moi le, lighter... j'ai skidé right, back... le dispatcher m 'a donné ma slip pour aller gaser... donne-moé le wrench que je spere le sign'... toé t'es un mental... j'ai quand mime envie d 'un good score... ces maudits-lä y vont faire rire de nus antes... aie sir you speak french pour Vamour du bon dieu vous pourriez pas me passer dix cennes garanti c 'est pas pour un verre de biere c 'est pour manger... encore un verrat de bloke qui parle pas francä sus la djobe... j'te dis que j'te I'ai squeezéepis neckée á mart... monsieur c'est vrai chuspas capable de parier anglais avec les clients mais chus capable de donner mes ordres en anglais au cook prenez-moé comme waitrisse... on s 'est entendu full top... maudit locké ca m 'arriverait pas une shot de fois a moé... ainsi le temps s'abolit ainsi 1'éternité fait irruption dans l'instant ainsi je ne vis pas une histoire je ne suis pour ceux qui font l'histoire ä 1'étage supérieur qu'une maladie du soubassement dont ils souffrent depuis un certain temps deux siěcles environ je crois une maladie naguěre benigne sais pas j'essaie de voir quelque chose de temps en temps comme une dé-mangeaison mais aujourd'hui qui se manifeste et culmine en abcěs de fixation de sorte qu'il est temps estiment-ils d'en faire l'ablation ou quelque chose ďéquivalent ce quelque chose qui peut-étre surpren-dra la maladie elle-méme ainsi la maladie se résor-bera dans la deglutition des grands ensembles alors tout finit par chambranler autour de toi puis c'est la grande rasade la grande débarque la grande galope la grande toupie la grande tombée dans les pämes de l'irrationnel tu marches tu vires il n'y a plus rien de reperable plus de points cardinaux tu regar-des le ciel et la terre a l'endroit ou a 1'envers et c'est tout comme il n'y a plus ni forces centrifuges ni cen-tripetes alors l'univers t'appartient tu es fils de l'universel tu n'as plus terre lieu ni feu et tu t'affirmes universel en te niant et tout est cotonneux blanc gros sel et lisse verre polarise et alors tu commences a faire de la litte-rature a cause des mirages et tu vois l'Homme et tu vois la Personne Humaine et tu vois ses Attributs uni-versels et tu vois la Culture independamment des accidents ethniques geographiques ou religieux et tu vois les laches sans attaches ni matrice ni homoge-neite et tu vois les Criteres humains et tu vois la Politique Fonctionnelle flotter sur le crane chenu du bel univers harmonise et tu vois pour ton compte se lever les couchers de soleil de la beaute et les oiseaux et les fleurs faire cui-cui et belles hampes avec corolle a cinq rangees dans tes vers et tu vois que tu oublies les Priorites c'est-a-dire les trous de printemps dans les rues et la loi des coroners de quinze ans trainant la patte parce qu'il va de soi que tu ne peux resoudre les problemes qu'a la queue leu leu consecutivement contigument c'est-a-dire les trous dans les rues et la loi des coroners de sorte qu'il faut commencer par ca de sorte que «tout ce qui est une vue partielle ne peut etre absolument bon ni pour la meme raison absolu-ment mauvais» et tu vois que tu meurs par le tout et tu vois que tu ne te vois plus 118 119 alors tu te mets a te chercher a belles dents mais tu n'as plus de dents et tandis que d'autres ont le retard de leur avance toi tu es toujours en retard d'un rattra-page et alors tu plonges dans ta peau de peau et tu touches du doigt que tu es dans l'eau salee qui defait les chairs dans un acide qui corrode les plus resistants dans un periple de generations dans une entreprise d'elevage en serie pour la fonction et que tu disparais dans la densite dans le nombre indifferencie dans rinforrae l'incertain le vague tandis que perorent toujours au-dessus du magma les CATEGORIES ci-devant enoncees par les specialistes d'usage et tu touches du doigt s'il t'en reste l'occultation par les-dites CATEGORIES de ce dans quoi tu te meus c'est-a-dire tes determinations et ta specificite parce qu'elles nient celles-ci et tu touches de ton moignon qu'elles suppriment l'un des termes de la dialectique de sorte que tu es tranquille sans antagonismes et sans tensions, sans tragique et sans destin et tu touches avec ton moignon raccourci que tu ne peux dire qui tu es et que par consequent personne autre que toi ne sait comment tu te percois dans 1'amplification de la trame sonore de l'existentiel pas plus que les autres cellules tenues etanches de la reproduction collective et alors tu t'evades par la calotte dans un salut personnel ou tu rejoins les quelques autres avec tous les attributs et les criteres humains universels alors tu re-entends parler de la Personne Humaine tu entends un nomme Dean Rusk demander aux peuples libres qui croient en cette meme Personne et en ses Droits inalienables de resserrer le blocus autour de Cuba «economiquement, politiquement et spirituellement» et tu entends un certain Cabot Lodge protester au nom encore de cette meme Personne et de ses memes Droits de la sauvagerie de la barbarie d'un attentat du Viet-cong contre trois innocents officiers americains et qui demande aux peuples libres de condamner de telles methodes et tu lis dans ton journal qu'un avion vietnamien sur le conseil des civilises a rase au napalm un village de ce pays repaire de vermine et qu'il n'est pas reste de survivants et toi tu en conclus que ces gens-la ne font pas partie de l'Humanite et qu'ils n'ont pas de Personne Humaine et toi tu en viens quelque part dans ta pensee polluee de dualisme de langage depuis la formation de ton psychisme premier a te demander si c'est bien de la meme Personne Humaine que se reclament les specialistes d'usage de chez nous et toi tu ne sais plus quoi penser ni qui tu es et si tu as une Personne Humaine et laquelle si c'est oui alors ce coup de lucidite agit comme un coup de bambou et tu t'acharnes et decharnes tu es la proie de l'osmose tu oscilles tu deraisonnes tu delires tes bras frappent l'air comme ceux des moulins a vent tu deviens un monceau de tics un paquet traumatise tu fais eau de toutes parts tu es traverse de part en part tu te sens mal de pis en pis sombrer desintegrer t'en-liser sans prise tu es mediocre inferieur les peurs les fantasmagories le degout la nausee le pot au noir du desespoir tu entends des voix tu fais le con le pitre la risee et tu n'es plus que deux yeux de grenouille a la 120 121 surface de l'etang et tu n'es plus tout court tandis que les subtils effluves de l'agression t'enveloppent tour-noient s'insinuent et a la fin dans ton histoire qui n'a ni commencement ni fin tu te suicides sans mourir comme un lemming dans l'infini et la densite de l'inconsistance fluide et non caracterisee sinon par la negation de toute caracterisation et alors donnant naissance a une autre cellule en tous points pareille a ce que tu ne fus jamais et qui parcourra les memes etats intermediaires et tronques sans vraiment se pos-seder et se concevoir et pouvoir se vivre comme experience connaissance specificite identite destinee et universalite tandis que tu t'avances titubant de plus en plus dans la plus gigantesque saoulerie d'irreel 6 mon schizophrene dans le plus fantomatique des mondes et tu n'es plus qu'une fonction digestive a l'echelle de ta vie Notes sur le non-poeme et le poeme extraits ne depassez pas quand arrete... pharmacie a prix coupes... balancement des roues... saveur sans aucun doute... coin-wash... Canadian Acceptance Co... City & District Savings Bank... Shoe Fox... Hot smoked meat... Albert's Men's Wear... Bed s Furniture... National Meat Market... Nous vous remercions de voire patronage... monnaie exacte... limites legales... 122