Alain Finkielkraut, La seule exactitude, 2015, p. 77 Au pays du Grand Mensonge D’après le syndicat Sud de l’Académie d’Orléans-Tours, pour les corrections du bac, la consigne a été donnée aux professeurs de français de noter les oraux sur 24, de façon à remonter la moyenne de l’académie, qui plombe la moyenne nationale. Les candidats au baccalauréat n’ont pas le droit de tricher. Mais les professeurs, eux, sont fermement invités à trafiquer les notes, et même menacés de sanctions s’ils se montrent trop sévères afin que soient atteints les chiffres du Plan : 85 % de reçus annuels. Jadis délictuelle, la falsification devient obligatoire. La véracité sort de la légalité et le trucage s’y installe : chacun doit collaborer à la mascarade qui camoufle sous des statistiques mirobolantes l’effondrement de notre école. Ce Grand Mensonge national est beaucoup plus grave que la dissimulation par un ministre de son compte bancaire à l’étranger. Mais il n’émeut guère les croisés de la transparence.