Buveur de femmes qui enterrent leur jeunesse Buveur de belles femmes cruelles et d^chirantes Buveur de volupte et d'ecumes sanglantes Buveur des cruautcs qui traquent et qui broient Buveur de la vie de la mort ct de 1'efFroi Les ombres mc dis-je nJen valent pas la peine Otivrant les journaux vieux d'une semaine Jc me noyai dans l'encre noire des colonnes Ou jc vis unc grande photo d'Edison On parlait de sa toute derniere invention II avail l'air d'un pretre au temps des processions Mais on scntait peser la beauts qui nons broie Le courage de vivrc ct mourir et la joie II Nos vies sont comme au flanc d'une epave le vide Un bean soir rentrait un rapide Aux confins du Michigan et du Canada A travers des gorges que je ne connais pas Un jeune convoyeur arpentait la vigie Sa casquette lui rctombait sur les sourcils , Mais on sentait peser la beaute qui nous broie Le courage de vivre et mourir et la joie Tailleur cordonnier bucheron marchand son pere Avait une chaumiere une cave une terre L'eternelle instability qui nous pousse anx vagabondages II mourut du mal du pays et des chagrins de son jeune age 30 Pere tu savais ce qu'est la vie éternellement amére Aujourd'hui tu es cendre étoile ou bien eclair Pére tu savais qu'il y a partout des gens méchanls Méme pármi les tailleurs et surtout parnú les marchands Tu savais ce que c'est toi les vagabondages et la faím Je voudrais mourir comme toi aussi jeune aussi sain Mais je sens tout ä coup la tristesse qui broie La nostalgie de vivre et mourir et ľeffroi Je ne sais pas oú est ta tombe en as-tu une II n'est reste de ton sang qu'un enfant posthume Regarde au Canada il épelle déjä les écriteaux Regarde il se réjouit déjä d'aller aux courses de chevaux Regarde il lit déjä des épopées des encyclopédies Regarde comme le temps passe vite comme il a grandi Regarde les vies ďhommes cclébres ľintéressent beaucoup Regarde les livres de chimie le passionnent plus que tout Moi aussi tout enfant j'ai réve de prouesses Moi aussi j'ai lu ľOrigine des espéces Moi aussi j'ai joué plus gravement que ďautres Dans la salle de classe avec les electrodes Avec le magnesium la soude ľamrnoniaque Pourtant je voulais étre aussi joueur de harpe Pourtant j'aimais aussi ľorgue de Barbarie Pourtant j'imaginais aussi des féeries Dont je garde ä jamais la tristesse qui broie La nostalgie de vivre et mourir et ľeffroi 31 Thomas tu n'etais pas un specia]jste Tu avais lu /'Analyse de la ^iiancolie Decouvert a Detroit Pamour e| paniertume Dans les livres parmi des miHjers ^e volumes Tu revais aussi de la mer et des recjfs Dans ton petit laboratoire portatif Accroche" aux wagons du train de marc^an^ses Ou tu decoupais dans des bouts ^e papier des aiIQ d'oiseau Grand Trunk Herald! Dcrniere editi°n' Tu composes! Tu imprimes! Greves! Guerres! Erosion | Demandcz les dernieres nouvcUes1 Te voila crieur dejournau*! Incendie au Canada ct petit courrier ^e B°rn^°' Mais on sentait peser la tristesse qUj broie La nostalgie de vivre et mourir et I'effroi Alentour pas ame qui vive tout a coap Voila que tu te precipites sons ]es roues Tu retires un gamin d'enlre Jes tampons Tu lui as sauve" la vie nous t'eri remercions Les machines crachent le feu comme u11 Vesuve Tu cloues des souliers dans cette chaleur d'etuve Mais tu t'ereintes pour de bon sur chaque paire Tu as Tame d'un vagabond Comme ton pere Colporteur dans la rue tu peases ta remorque Mais un beau jour tu prends le chemin de New York Perdu dans cette metropole a.menicainE Pret a tout pour arrivcr au bout de tes peines Tu as joue peut-etre tu as bu peut_£tre N'y as-tu pas laiss£ le meillenr ^e ton etre 32 Mais on sentait peser la beauté qui nous broie Le c^ourage de vivre et mourir et la joie III Nos -vies sont un cercle vicieux Tel tm joucur rentrant d'une maison de jeu Un. -tiede aprěs-midi sous le soleil de mai Un j eune aventurier qui remontait Broadway S'ar-nreta devant la West Union Telegraph Oli -<^ela sifflait comme dans un écouteur C'ét£iit un camelot et nn grand inventeur Des tmilliers d'inventeurs ont fait faillite Mai s éternellement les étoiles gravitent Des jnilliers de gens měnent leur petite vie Ce arzt'est pas du travail est-ce de 1'énergie Que de vivre enfermé dans un laboratoire D'etre comme un marin doublant des promontotres Des jnilliers de gens měnent leur petite vie Oui e'est une aventure e'est une alchimie Ah -apetit dimanche combien de cloches sonnent Peti-«; central entends les sonneries des telephones Vos oreilles écoutent les amants Lea -faux monnayeuts et les trafiquants Les -tueurs de Californie et les fous qui divaguent Con_-^ersalions téléphonique du Grand Prague Vott s étes une petite source électrique Des -pbonomoteurs et des oiseaux mécaniques S'eri_-vo]cnt vers les étoiles puis volent en rctour Ver^s vous comme vers I'oiseleur á Tangle du faubourg 33 RACHEL Je suis fatigue Rachel On va dans un instant dedoubler notre train Venez sur la banquette et donnez-moi la main Dormez sur la banquette etroite et soyez belle Je suis fatigue Rachel Dormez sur la banquette d'un sommcil de mort Et longuement comme si nous £tions encore dans le lit que cette banquette vous rappelle Je suis fatigue Rachel Comme votre vieille race chimerique Comme nos trop vieilles 6glises Comme la poesie comme la beaute Comme la tristesse comme le rire Je suis fatigue Rachel L'ADIEU ET LE MOUCHOIR Adieu et si c'etait pour ne plus nous revoir cela fut merveilleux et cela fut parfait Encore un rendez-vous mais combien d6risoire Ce ne serait pas moi peut-etre qui viendrais Cela fut merveilleux hdlas tout doit finir Que se taise le glas je connais sa tristesse Baiser mouchoir sirene et cloche du navire Deux ou trois fois sourire apres quoi on se laisse Adieu et si les mots nous semblent trop banals Qu'un petit souvenir des jours qui nous £murent plus leger qu'un mouchoir qu'une carte postale nous grise de l'arome envofitant des dorures Et si j'ai vu ce que n'ont pas vu d'autres yeux tu m'as montr6 lc sud et le nid qui t'attend Tant mieux belle hirondelle en quete du ciel bleu ton destin e'est le vol mon destin e'est le chant Adieu et si c'etait pour la derniere fois tant pis pour mon espoir il ne nous reste rien Pas d'au revoir et tant mieux si je vous revois L'adieu et le mouchoir accomplis-toi destin 1934 (V Adieu et le Mouchoir) 82 J934 (U Adieu et le Mouchoir) 83