Doktorský seminář – Analyse morphologique, syntaxique et sémantique des dérivés du nom propre Trump De nombreuses approches du nom propre ont été longtemps univoque : celui-ci est dépourvu de sens (ou doté d’un sens minimal) (Leroy, 2005) et ainsi limité au prédicat de dénomination (Kleiber, 1984) /être appelé de/. Malgré le fait que leur capacité dérivationnelle est souvent mise en doute ou mentionnée d’une manière marginale dans les grammaires et manuels de morphologie, de nombreuses créations néologiques apparaissent en discours, en particulier le discours journalistique qui paraît en être particulièrement riche. Quoiqu’un certain nombre de dérivés pénètre dans la langue jusqu’au point de se lexicaliser, la majorité des, étant liée à l’actualité reste occasionnelle. Or, ceci n’implique pas que ces créations ne méritent pas l’attention de linguistes et les dérivés du nom propre Trump peuvent tout à fait servir pour comprendre le nom propre et sa productivité dérivationnelle. Les nouvelles créations lexicales, malgré leur faible impact sur la structure de la langue, apportent des informations sur les mécanismes linguistiques sous-jacents dans le cas de notre étude notamment sur l’affixation et la composition mais dans un contexte plus large également sur l’emprunt ou la réduction (Cartier, Sablayrolles, Boutmgharine, 2018). Depuis 2016, Donald Trump a éveillé l’intérêt des journalistes ce qui a abouti à une vague de néologismes ayant son nom pour base. Grâce au nombre important de néologismes « trumpiens », nous espérons approfondir les connaissances sur la lexicalisation des noms propres et ses dérivés. 1) Le corpus traité Si la notion de nom propre semble relever des défis en termes de délimitation, les néologismes sont généralement compris comme de « nouveaux mots ». Pourtant, cette notion n’est pas dépourvue de difficultés théoriques et par conséquent, des problème pratiques, c’est-à-dire le repérage. En ce moment, on peut constater que grâce à l’essor du numérique, le recueil manuel a été mis de côté au profit de la détection automatique. Sablayrolles (2002 : 98) explique que la collecte individuelle aboutit à des résultats limités qui ne permettent pas tirer des conclusions générales faute de représentativité du corpus. Il ajoute que ce type de travail est utile pour les études ponctuelles qui, pourtant, permettent de dégager des tendances et des évolutions en cours. Pour cette raison, la première partie de notre analyse se basera sur une collecte individuelle et manuelle en dépit de ses inconvénients. Notre corpus comporte un ensemble de textes contenant un ou plusieurs dérivés du nom propre Trump qui ont été repérés entre mars 2020 et février 2021 : une période qui couvre plusieurs événements marquants comme les élections, l’attaque du Capitole, le second « impeachment » et la fin de son mandat. Le corpus est divisé en deux parties : la première partie contient les textes recueillis dans le journal Le Monde et la deuxième du journal Libération. Les deux journaux paraissant quotidiennement, ils procurent un grand nombre de textes et ainsi de la matière à analyser. Quoique Le Monde et Libération se veulent neutre en termes d’alignement politique, ils restent quand même plutôt loin des idéologies de la droite : plus ils s’en éloignent, plus on pourrait attendre d’articles à l’adresse de la droite conservatrice américaine. Bien que le repérage manuel effectué sur un choix restreint de journaux et de temps n’inclue pas les créations linguistiques publiées en ligne, nous croyons que cette sélection apportera de données de valeur. Une solution pour remédier à ce défaut serait d’élargir l’équipe et effectuer une collecte en équipe : cependant, Sablayrolles (2002 : 98) cependant avertit qu’elle n’élimine pas complètement le risque d’aléatoire. Des dépouillements systématiques fournissent plus de données car qu’ils permettent de traiter des textes incomparablement plus larges : or, les créations orales semblent toujours échapper à ce recueil car c’est surtout la presse informatisée qui est ainsi analysée. Pour une diversification des méthodes, nous nous recourrons également à un repérage automatique à l’aide du logiciel Néoveille qui nous permettra d’élargir notre corpus de néologismes. Néanmoins, Néoveille ne permet pas d’afficher la totalité des occurrences au cours d’une période restreinte et c’est là que la collecte manuelle, bien que moins efficace, devient utile. 2) le traitement du corpus et les résultats préliminaires Notre ensemble de textes a ensuite été traité : un repérage manuel de néologismes a été effectué afin de pouvoir procéder à une analyse morphologique et également observer la fréquence des dérivés et leur évolution au niveau temporel. Le tableau récapitulatif suivant est le résultat de ce dépistage et permet de comparer la créativité néologique dans les deux journaux : Le Monde occurrences % La Libération occurrences % trumpisme 117 30,2 pro-Trump 67 29, 6 trumpiste 113 29,2 trumpiste 48 21,2 pro-Trump 62 16 trumpisme 42 18, 6 anti-Trump 31 8 anti-Trump 19 8,4 trumpien 30 7,8 trumpien 18 8 à la Trump 4 1 Trump-Biden 6 2,7 antitrumpiste 2 0,5 après-Trump 3 1,3 après-Trump 2 0,5 à la Trump 2 0,9 mini-Trump 2 0,5 antitrumpisme 2 0,9 post-Trump 2 0,5 trumpeter 2 0,9 pré-Trump 2 0,5 trumpisé 2 0,9 Trump-Biden 2 0,5 trumposphère 1 0,4 trumperie 2 0,5 Trump-Pence 1 0,4 trumpisé 2 0,5 Donald Trump-Benjamin Nétanyahou 1 0,4 trumpologue 2 0,5 ça trumpe 1 0,4 trumpum 2 0,5 Trump-Maduro 1 0,4 antitrumpisme 1 0,3 Trump l'œil 1 0,4 trumpisation 1 0,3 trumpocalypse 1 0,4 avant-Trump 1 0,3 neverTrumpers 1 0,4 Hamiltrump 1 0,3 Trump-covid-réchauffement 1 0,4 néotrumpiste 1 0,3 pro-trumpiste 1 0,4 trumpeur 1 0,3 trumpenprolétariat 1 0,4 trumpissime 1 0,3 post-trumpisme 1 0,4 trumposphère 1 0,3 trumpo-complotistes 1 0,4 Trump-Pence 1 0,3 néo-Trump 1 0,4 ultratrumpiste 1 0,3 Total 387 100 total 226 100 Le graphique suivant démontre la dynamique de la création des nouveaux lexèmes dans le temps : Les tableaux nous permettent non seulement de compter les occurrences des dérivés mais également de les isoler pour les analyser d’un point de vue grammaticale et morphologique : ainsi, nous pouvons dresser une liste d’affixes productifs avec le Npr Trump, comparer les catégories grammaticales et observer la dynamique dans le temps. Bien que la liste ne représente qu’un exemple limité des néologismes du Npr Trump, elle peut esquisser les tendances et décrire le lien entre l’actualité et la productivité néologique. La question qui se pose est de comment savoir quels néologismes sont plus aptes à la lexicalisation et si cette distinction est valide, faut-il laisser de côté les occasionalismes ? 3) Analyse syntaxico-sémantique Quoique l’apport des statistiques pour la recherche des néologismes soit indiscutable, il n’en est moins important de comprendre le contenu sémantique des dérivés. Cette partie de notre étude s’appuie sur la distinction établie par Gardiner (1954) du nom propre incarné (embodied) et désincarné (disembodied). La dérivation qui s’effectue sur le nom propre incarné convoque le contenu sémantique complet du nom propre (Gary-Prieur, 1994) et ainsi renvoie à son référent pour son interprétation (Leroy, 2005). Les noms propres peuvent donc être susceptibles d’un « transfert de sens » ou à une « dérivation sémantique » décrite par Roché (2003 : 87). Ainsi, notre attention sera tournée vers les 5 néologismes les plus fréquents dans les deux corpus : d’abord, on peut estimer qu’ils inclineront plus facilement à la lexicalisation parce qu’il ne s’agit pas d’occasionalismes; la deuxième raison est purement pragmatique : les lexèmes plus fréquents permettent une analyse plus vaste et par conséquent plus profonde. L’analyse sémantique sera effectuée en deux parties : d’abord, nous nous focaliserons sur le cotexte immédiat grâce aux outils de corpus Sketch Engine, la concordance. Elle nous servira par exemple pour l’analyse des adjectifs comme sur l’exemple suivant du lexème « trumpien » : L’analyse sémantique offre plusieurs pistes : le traitement numérique des données (par exemple grâce aux logiciels comme Sketch Engine et d’autres) facilite la détection des liens syntaxico-sémantiques. A titre d’exemple, la concordance nous rendra service pour l’analyse du dérivé « trumpien » dans ses contextes différents : et, dans le cas de ce dérivé particulier, peut nous aider $ déterminer s’il s’agit d’un simple équivalent de « de Trump » (emploi relationnel) ou s’il est chargé d’attributs sémantiques supplémentaires. Lors de la deuxième étape, nous analyserons les sèmes dans le contexte plus large de la phrase ou du paragraphe. Cette approche permettra d’observer à la fois les liens syntaxiques et sémantiques et repérer des sèmes typiques pour les dérivés du Npr Trump. De plus, le trumpisme étant toujours un terme peu distinct, les textes s’expliquent souvent eux-mêmes : « Ce « bon sens » s’imposait tant l’épidémie de Covid19 semblait être un terrible révélateur : méthode de conquête certifiée par la victoire surprise de 2016, le trumpisme avait montré qu’il peinait à devenir une méthode de gouvernement. Ses principaux ressorts, l’entretien des divisions internes, la défiance des élites, le mépris de la science, le goût pour les théories du complot, ne pouvaient pas être plus antagonistes en apparence avec les impératifs d’une pratique du pouvoir par temps de crise. » 4) Conclusion La néologie étant un champ vaste dont une partie importante attends toujours son analyse, elle révèle des tendances langagières et bat la mesure de l’évolution de la langue et les dérivés du nom propre Trump en sont un exemple. Toutefois, la recherche en ce domaine mériterait une amélioration : en ce moment, notre étude exclut les créations lexicales publiés par exemple sur des réseaux sociaux qui compléterait l’image de ce groupe de néologismes. Il est donc clair que la complexité de ce phénomène dépasse l’étendue de notre travail. Bibliographie : BOULANGER, Jean-Claude (1979). « Problématique d’une méthodologie d’identification des néologismes en terminologie », dans R. Adda [et al.], Néologie et lexicologie. Hommage à Louis Guilbert, Paris, Larousse Université, coll. « Langue et langage », p. 36-46. [article] CABRÉ, Maria Teresa a Lluís de YZAGUIRRE. Stratégie pour la détection semiautomatique des néologismes de presse. TTR. Technolectes et Dictionnaires. 1995, 8(2), 89-100. CARTIER, Emmanuel, Jean-François SABLAYROLLES, Najet BOUTMGHARINE, et al. Détection automatique, description linguistique et suivi des néologismes en corpus: point d'étape sur les tendances du français contemporain. SHS Web of Conferences [online]. 2018, 46 [cit. 2022-06-09]. ISSN 2261-2424. Dostupné z: doi:10.1051/shsconf/20184608002 KLEIBER, Georges. Dénomination et relations dénominatives. Langages [online]. 1984, 19(76), 77-94 [cit. 2022-06-10]. ISSN 0458-726X. Dostupné z: doi:10.3406/lgge.1984.1496 L’histoire du « Monde » au fil des années. Le Monde [online]. 2021 [cit. 2022-06-10]. Dostupné z: https://www.lemonde.fr/le-monde-et-vous/article/2021/02/12/l-histoire-du-monde-au-fil-des-annees_60 69693_6065879.html LEROY, Sarah. Les dérivés de noms propres dans le TLFi : quelles bases pour quels sens ?. Corela. 2005, (HS-1). ISSN 1638-573X. Dostupné z: doi:10.4000/corela.1146 SABLAYROLLES, Jean-François. Fondements théoriques des difficultés pratiques du traitement des néologismes. Revue française de linguistique appliquée. 2002, VII(1). ISSN 1386-1204. Dostupné z: doi:10.3917/rfla.071.0097 PARYZEK, Piotr. Comparison of selected methods for the retrieval of neologisms. Investigationes linguisticae. 2008, 16. ISSN 1386-1204. Dostupné také z: chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/http://cejsh.icm.edu.pl/cejsh/element/bwmeta1.e lement.ojs-doi-10_14746_il_2008_16_14/c/9150-8894.pdf