CHAPtTRE 3 Methodologies et méthodes 3.1 Histoire des methodologies L'histoire des methodologies de Fenseignement/apprenrissage des langues a fair l'objet de nombreux travaux et on ne donnera dans le cadre de cer ouvrage que les grandes lignes de cerre évolurion, qu'il esr cependant indispensable de connairre pour comprendre la complexké du present. De Part ďenseigner les langues á la pédagogie des langues vivantes pour arriver á la linguistique appliquée, puis á la didactique des langues et du TLE, les changements inémes de désignarion témoignent d'une emergence disciplinaire progressive dont on ne percoit souvent qu'apres coup l'unite relative des périodes. 3.1.1. Les grandes families methodologiques Lc rour d'horizon qui suit n'a pas pour ambition de faire l'histoire des methodologies par le menu et il est loin d'etre exhaustif. De nombreux ouvrages ct revues specialises dans le domaine olTrent des analyses trěs approfondies et remonrenr dans un remps aussi éloigné que possible en fonction des archives recueillies en France comme a 1'étranger. Tout en respectant les limites imposées par ce chapitre, le panorama que nous proposons pcrmct uniquement de focaliser revolution sur des aspects majeurs et de resituer les principaux courants qui ont favorisé progres-sivement l'emergence d'une discipline et la construction d'un champ de recherche. 3.1.2. Méthodes et methodologies Un des exemples les plus évidents ďévolution terminologique concerne deux termes employes avec des sens différents ou ambigus par les specialisr.es: il s'agit des mots méthode et méthodologie. Géncralcment, le terme de méthode est utilise dans deux acceptions différentes, mais essentielles, pour designer: - soir le materiel d'enscigncment qui peut se limiter a un seul outil (manuel ou livre + cassette audio ou video) ou faire reference a unc suite qui prend en charge l'enseinble des niveaux. Par exemple, la méthode Alter Ego + (Hacherre, 2015-2016) qui couvre tous les niveaux declines par le Cadre européen commun de reference; — soit une maniěre de s'y prendre pour enseigner et pour apprendre: il s'agir done d un ensemble raisonné de procédés et de techniques de classe destines á favoriser 263 COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ET SECONDE METHODOLOGIES ET METHODES une orientation particuliere pour acquerir les rudiments de la langue et soutenus par un ensemble de principes theoriques. Par exemple, la methode directe quj vise a enseigner directement la langue etrangere sans le passage ou le recours a la langue maternelle ou a la traduction et qui repose sur un ensemble de pratiques qui encouragent a nommer directement les choses et les actions qui peuvent etre observables dans une classe. Dans cette acception, une methode peut done donner naissance a des manuels ou des ensembles pedagogiques relativement differents les uns des autres et, dans ce cas, le terme est tres proche du sens couramment employe pour designer une methodologie. Quant au terme methodologie, il renvoie generalement: — soit a l'etude des methodes et de leurs applications; — soit a un ensemble construit de precedes, de techniques, de methodes, le tout articule autour d'options ou de discours theorisant ou theoriques d'origines diverses qui le sous-tendent. Comme le fait remarquer a juste titre Christian Puren1 dans l'introduction generale de son ouvrage, les methodologies mettent en ceuvre des elements variables, a la fois nouveaux et anciens, en etroite interaction avec le contexte historique qui les voient naitre ou qui conditionnent leur naissance. Dans ce faisceau interactionnel qui determine toute methodologie, les objectifs de l'apprentissage, les contenus linguistiques et culturels qui dependent des theories de reference et les situations d'enseignement peuvent varier profondement d'une epoque a une autre. Nous disposons aujourd'hui de plusieurs chronologies des methodes et des methodologies. Certaines remontent aux origines les plus lointainement connues; d'autres, plus succinctes, s'attachent davantage, a travers revolution typologique, a montrer leurs coherences. Cependant, si habile soit-elle, une presentation chronologique ne rend pas totalement compte de la complexity des situations et du fait que de nombreux outils pedagogiques entremelent des donnees theoriques quelquefois fort differentes et appartenant a divers courants methodologiques. Un des exemples les plus frappants est la methode Cours de langue etde civilisation frangaises (Hachette), tres connue sous le nom de « Mauger bleu » du nom de son auteur Gaston Mauger, qui a forme des generations et des generations d'apprenants et d'enseignants, en France comme a letranger, notamment au cours de la decennie 1950, mais pas uniquement: cette serie en quatre volumes presente un compromis coherent de certains principes-cles puises dans differentes families methodologiques. 1 ■ Puren Ch., Histoire des methodologies de l'enseignement des «Didactique des langues etrangeres», 1988, p. 16-20. es, Nathan-CLE International, 3.1.3. La methodologie traditionneUe d'enseignement des langues etrangeres appellation de « methodologie traditionneUe » recouvre generalement toutes les methodologies qui se sont constitutes sur le caique plus ou moins fidele de l'en-seignement ,-[es langues anciennes, a savoir le grec et le latin, et qui sont basees sur les methodes « grammaire-traduction » ou «lecture-traduction». Quelquefois, elle englobe d'autres methodes comme la methode directe, car la denomination, par extension, est souvent synonyme de non-audiovisuel. Il nest pas facile de dresser un bilan succinct de la methodologie traditionneUe d'enseignement des langues vivantes parce quelle s'etale sur plus de trois siecles, et quelle prend des formes variees au cours de son evolution. On peut noter cependant que ces methodologies sont toutes marquees par: - L'importance donnee a la grammaire L'enseignement formel de la grammaire couvre l'ensemble des debuts de l'acquisition et se realise dans une approche mentaliste qui caique des categories de la langue sur celles de la pensee. La progression est done souvent arbitraire puisqu'elle repose sur les parties du discours: Farticle, le nom, l'adjectif, le verbe, les complements du verbe, les adverbes, etc. Chaque lecon est organisee autour d'un point grammatical: l'expose de la lecon et l'explication progressive des regies sont suivis d'une batterie d'exercices d'application qui privilegient les exercices de version ou de theme. La grammaire est explicite et son enseignement utilise generalement un metalan-gage lourd. - L'enseignement d'une langue normative centree sur l'ecrit Malgre la presence d'exercices de prononciation au debut de l'apprentissage, mais qui sont en realite tous orientes vers 1'oralisation de l'ecrit comme la recitation de textes ecrits, puis la lecture a haute voix des textes d'auteurs, e'est l'enseignement de l'ecrit qui predomine et qui s'effectue selon la gradation mot-phrase-texte. II n'y est question que du francais normatif, qui trouve sa meilleure expression chez les ecrivains. Tres rapidement, le point grammatical aborde est illustre par une phrase d'auteur et explicite par les activites de traduction de textes litteraires. La norme a enseigner etait done celle qui etait vehiculee par les ecrits litteraires qui representaient le «bon usage » et cette conception ne souffrait pas l'ombre d'une remise en question tant elle etait forte et repandue. - Le recours a la traduction Quelle soit au service de l'apprentissage de la grammaire ou du vocabulaire, la traduction joue un role important dans ce dispositif d'enseignement. Elle repose egalement sur l'illusion qu'on pouvait passer d'une langue a une autre et cette conviction est surtout presente dans le carnet de vocabulaire qui proposait un apprentissage METHODOLOGIES ET METHODES - L'importance de la littérature comme couronnement de l'apprentissage d'une langue L'acces a la liltcrarure, généralement sous la forme de morceaux choisis, constitue Fobjectif ultime de l'apprentissage d'une langue étrangěre dans Fenseignement traditionnel des langues. La litrérature est appréhendée commc un corpus unique qui alimente tour l'enseignemcnt de la langue et de la civilisation et il est difficile ďétablir unc distinction entre un apprentissage de la langue par la littérature ou un apprentissage de la littérature par la langue tant ces deux domaines sont inti-mement lies dans le courant traditionnel. Comme pour Fenseignement des langues mortes, lc texte littéraire devient par la suite le support privilegia de la traduction orale et son explication s'msere dans l'acquisition d'une histoire littéraire et ďun appreniissage de la civilisation ou, plus exaetement, d'un enseignement littéraire de la civilisation. 3.1.4. La méthodologie directe La méthodologie directe ouvre le xx.c siěcle puisqu'elle a été officiellement imposée dans l'cnseignement secondaire francais par les instructions ministerielles de 1901, mais eile évoluera trěs rapidement vers unc méthodologie mixte, c'est-a-dire mi-di-recte, mi-traditionnellc, et se maintiendra jusqu'ä la premiére guerre mondiale. Comme la plupart des méthodes, eile marquera une evolution importance pour les débuts de l'apprentissage, mais aura du mal ä détróner les lignes de force instituées par les methodologies traditionnelles pour les niveaux intermédiaire et avancé, méme si ä 1'exercice de version se substitue la lecture expliquée des textes et que les trois póles langue-littératurc-civilisation trouvent une nouvclle orientation, fort détaillée dans les instructions ministerielles. Cest pourquoi certains spécialistes la classent dans les méthodes de l'cnseignement traditionnel tout cn notant ses spécificités propres. Comme pour toute méthodologie, la méthodologie directe s élabore d'une part en function de nouvcaux besoins sociaux mis ä jour par la revolution industrielle et, d'autre part, en reaction ä la méthodologie iraditionnelle qui accordair une place éerasante a la traduction et qui préconisait l'acquisition d'un bagage culture] important. Or, en cc debut de siěcle, face ä l'extension du commerce et de l'industrie, se répand fortement 1'idée que le buc principal de l'enseignement des langues consiste ä apprendre ä les parier, puis a les écrire, et que leur connaissance pratique doit prévaloir sur l'acquisition d'une culture lkLérajre. On revendique done la nécessité de démarquer l'enseignement des langues Vivantes de celui des langues mortes. I !enseignemcnt direct de la langue étrangěre: La principále originalitě de la méthodologie directe consiste ä utiliser, děs les débuts de l'apprentissage et děs la premiere lecon, la langue étrangěre pratique en s'interdisant tout recours ä la langue maternelle et en s'appuyant d'une part sur les 266 elements du non-verbal de la communicaiion comme les mimiques er les gestes et, d'autre part, sur les dessins, les images, et surtout l'environnement immediat de la classe. On apprend ainsi a l'eleve a nommer directemenr les choses qui l'entourent et les actions qu'il voit faire ct, au cours de cette etape, il acquiert oralement les mots concrets. A ce stade, on percoit bien Finnucnce de la «methode naturelle», qui englobc les differentes manieres d'acquerir une langue au contact de ceux qui la parlent. On peut dire que e'est la facon a la fois la plus ancienne de s'appropricr une langue (c£ le preceprorat2 dans 1'aristocratie europcenne) et la plus perenne puisqu'on la pratique toujours en dehors de Fapprcntissage scolaire (cf. l'acquisition «naturelle» de la langue par les immigrcs par exemple). Les caracteristiques essenlielles de la methodologie directe sont: - l'apprcntissagc du vocabulaire courant: on commence par les mots de vocabulairc concret qui designent des realites palpables, puis progressivement et selon une gradation, on introduit d'autres mots plus absttaits que Ton explicitera a partit des mots connus; - la grammaire est presentee sous forme inductive ei implicite; a partir d'exemples bien choisis, on conduit l'apprenant a decouvrir les regularites de certaines formes ou structures ct a induire la regie qui ne peut etre explicitee ni dans la langue maternelle, ni vraiment dans la langue etrangere etant donne que le bagage lexical de l'eleve est reduit au vocabulaire concret; - l'accent est mis sur l'acquisition de l'oral et 1'etude de la prononciation, qui repose sur une demarche analytique (d'aboid le phoneme, puis la syllabe, lc mot, le groupe de mots, etc., pour arriver au rythme et a l'intonation) et suppose une veritable gymnastique des organes vocaux, occupe une place importante dans les debuts de I'apptentissage. La predominance de l'oral, qui s'exerce par tout un jeu de saynetes ou d'activites de dtamatisalion qui engagent le corps, conduit a poser le problemc de ce que Ton appellera plus tard le passage a l'ecrit: en effet, dans cette methodologie, Fectit est d'abord envisage essentiellcment comme un auxiliaire de l'oral (dictee, questions sur des textes qui appellent la reprise quasi totale du texte et qui rappcllent le questionnaire declencheur d'activites orales, etc.); - la progression prend en compte les capacites et les besoins des etudiants: la reutilisation de ce qui a ete appris pour apprendre de nouveau regit entierement la progression qui part done du connu pour aller vers Finconnu, du plus simple au plus complique et du plus concret au plus abstrait; - I'approche globale du sens: par exemple, on favorise toujours la construction du sens d'un mot par rapport a la phrase ou la proposition complete qui le vchicule; mais cette methode est surtout visible dans les procedures mises cn ceuvre pour 2. Le « precepteur », qui souvenl n avail comme competence que celle d'etre narif de la langue etrangere, parlait aux enfants dont il avair la charge de manicrc aussi naturelle que possible, sans traduction, ni progression, ni explication grammatical^ 267 COURS DE UIDACTIQUE DU FRANCAIS LANCUE LTRANGÉRE El 5ECONDE l'approche des textes: dégager Fidée d'ensemble, le sens general, prévaut toujour sut la perception du detail ou l'explication des mots. Cette méthodologie est particuliěremcnt active: l'apprentissage repose pour I'essen-tiel et, en dehors de l'aide apportc par le manuel, sur un jeu de questions-réponses et done sur les interactions et les échanges constants entte le professeur et les élěves ■ e'est dans ce dialogue permanent, qui sollicite a la fois le corps et I'esprit et qui dent compte des acquis, que se trouve le noyau dur de la méthodologie directe. Comme le souiigne Christian Purer*1, cette méthodologie met cn ceuvre plusieurs méthodes qui la strucnirent en profondeur, notamment les méthodes orale et active. Si elle n'a pas pu répondre a tons les problémes rencontres lors de l'enseignement des langues vivantes, la méthodologie directe a posé, cependant, les jalons de base qui ont engage l'apprentissage des langues vers la modernitě et a su soulever les questions qui sont toujouts ďaclualité en didactique des langues. 3.1.5. La méthodologie audio-orate La méthodologie audio-orale s'est développée aux États-Unis, grosso modo durant la periodě 1940-1970, et s'est inspircc d'une experience didactique menée dans 1'arméc pour iormer tapidement un grand nombrc de militaires á comprendre et á parler les langues des différents champs de bataille de la seconde guerre mondiale. The Army Method proposait des dialogues de langue courante qu'il fallait mémo-riser avant de comprendre le fonctionnement grammatical des phrases qui les composaient et elle distribuait ses lecons au cours de stages intensifs. Les suecés obtenus ont contribué á ébranler la méthodologie traditionnelle ptatiquée alots aux États-Unis. Plus tard, le lancement du ptemier Spoutnik russc, en 1957, a lui aussi accéléré le processus de modernisation de l'enseignement des langues, cat les États-Unis ne voulaient pas s'isolcr, linguistiquement, des autres nations. Riche de ['experience de 1'ASTP (The Army Specialized Training Program, 1942-1943), la méthodologie audio-orale a également béncficié des appoi ts de deux domaines qui se sont rencontres, l'un linguistique avec le structuralisme, 1'autre psychologique avec le béhaviorisme, et a intégré des techniques nouvelles qui allaient profondément modifier le paysage de l'enseignement des langues vivantes: il s'agit d'abord du magnetophone, puis du laboratoire de langues. Comme l'indiquc son appellation, cette méthodologie donne la priorité á la langue orale et la prononciation devicnt un objectif majeur: nombreux sont les exercices de repetition et de discrimination auditive et la prononciation benéficie des atouts des enregistrements de différentes voix de natifs. La langue étant concue comme un réseau de structures syntaxiques qu'il faut acquérir sous la forme ďautomatismes, les lecons de la méthodologie audio-orale 3. ťuren Ch„ op. cit., p. 121-175. METHODOLOGIES ET METHODES sont done cen trees sur des dialogues de langue courante enregistrčs sur des bandes magnétiques et élaborés en fonction d'une progression rigoureuse: chaque réplique est construite sur une structure de base, ou pattern, qui sert de modele á 1'étudiant pour produire d'autrcs phrases grace au jeu des operations de substitution et de transformation, et qu'il s'approprie en 1'apprenant par cceur. Les structures véliiculées par les dialogues sont renforcées au cours d'exercices oil 1'étudiant est invité á les manipuler en exercant des subsrirutions et des transformations guidées: ce sont les exercices structuraux {pattern drills) destines, par des repetitions intensives, a automatiser les structures de base acquises lors des dialogues. Ces exercices mettent en relation les elements de la phrase et permettent de pratiquer trois types ďopération: - des substitutions sur l'axe paradigmatique (par exemple, la pronominalisation), - des additions sut l'axe syntagmatique (par exemple, l'insertion de certains elements a des endroits-clés de la phrase), - des transformations (par exemple, la nominalisation, le passif), des integrations (réunir deux elements en une phrase) ou méine des transpositions. Le langage, ďaprěs les psychologies béhavioriste et surtout skinnériste, nest qu'un type de comportement humain (behavior en améticain): apprendre une langue consiste á acquérir un certain nombre d'habitudes qui reposent sur le fondement du conditionnement du type stimulus - reaction - renforcement, la réponse étant ainsi associée automatiquement á toule réapparition du stimulus. L'acquisition des structures obéit a une progression pas á pas (step by step), établic pour chaque langue á partir ďunc analyse contrastive ou diffcrentielle afin ďéviter les erreurs d ties aux interferences entre la langue source et la langue cible et selon une gradation calculée afin de ne pas donner a 1'étudiant plus qu'il ne peut apprendre. La memorisation et limitation commandent l'acquisition d'une grammaire inductive implicite et l'apprentissage privilégie la forme au detriment du sens: lc voca-bulaire oceupe une place secondaire et il est limite au vocabulaire de base. La méthodologie audio-orale a été trés rapidement contestée dans ses fondements rhéoriques: sur le pian linguistique, pat la grammaire générative-ttansformation-nclle, et sur le pian psychologique, par les violentes critiques de Chomsky pour qui l'acquisition d'une langue reléve principalement de processus innés. Elle a néanmoins joué un role important et a été la premiére á mettre en ceuvre l'inter-disciplinariié dans l'approche de l'acquisition des langues et á placer les moyens audiovisuels au centre du renouvellement méthodologique. 268 269 COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ÉTRANGĚRE ET SECONDE METHODOLOGIES ET MÉTHODES 3.1.6. La methodologie structuro-globale audiovisuelle: 1960-1980 En Europe, a l'exception de l'Angleterre oil predomine la methode situationnelle fortement influencee par le structuralisme americain, ce sont les methodologies grammaire-traduction et directe qui ont coexiste jusqu'au milieu du siecle. Comme aux Etats-Unis, ce sont des preoccupations politiques qui seront a Forigine du renouveau dans l'enseignement des langues. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France doit renforcer son implantation dans ses colonies, integrer une vague d'immigrants, lutter contre l'expansion de 1'anglais qui devient de plus en plus la langue des communications internationales et, enfin, restaurer son prestige a l'exterieur. Le gouvernement va engager une politique de diffusion de la langue francaise a l'etranger et adopter des mesures pour faciliter son apprentissage. C'est ainsi qu'un linguiste, Georges Gougenheim, est charge de dinger une equipe afin de mener une etude de statistique lexicale et grammaticale et de mettre au point, a partir d'une analyse de la langue parlee, un frangais elementaire. Ce projet se concretise avec la publication, en 1954, de deux listes qui vont etre utilisees par l'equipe du Credif pour concevoir les premiers cours audiovisuels: il s'agit d'un Frangais fondamentalpremier degre4 de 1 475 mots et d'un Frangais fondamental second degre" de 1 609 mots qui vont servir de reference pour assurer la progression que mettra en place la methodologie SGAV. La creation du Centre de recherche et d'etude pour la diffusion du francais (Credif) puis, en 1959, du Bureau d'etude et de liaison pour l'enseignement du francais dans le monde (BEL), qui deviendra comme on Fa vu le Bureau pour l'enseignement de la langue et de la civilisation francaises a l'etranger (BELC), va favoriser les recherches en didactique et donner naissance au nouveau materiel d'enseignement. Comme aux Etats-Unis, c'est la linguistique, ou plus exactement la linguistique appliquee, qui sera le moteur principal du changement. C'est autour de Petar Guberina de l'lnstitut de phonetique de l'universite de Zagreb (Croatie) que va se developper la methodologie SGAV, avec notamment Paul Rivenc de l'ecole normale de Saint-Cloud et Raymond Renard de l'universite de Mons en Belgique. Et ce sont les methodologues du Credif qui vont elaborer le materiel d'apprentissage selon les principes sgaviens, la premiere methode Voix et Images de France paraissant en 1960; a noter que cette methode servira de « modele » pour l'enseignement des autres langues etrangeres. k. Gougenheim G. et al., Le Francais fondamental premier degre, Publication de l'lnstitut national de recherche et de documentation pedagogiques, Paris, 1970. Voir infra partie II, paragraphe 2.2.1. 5. Gougenheim G. et al, Le Frangais fondamental second degre, Publication de l'lnstitut national fvíéme si le structuralisme américain a exercé quelque peu son influence, ce sont les travaux de Ferdinand de Saussure et surtout de Charles Bally qui vont servir de theories de reference á la methodologie SGAV. La langue est avant tout un moyen d'expression et de communication orales et, plus que la langue, c'est la parole en situation que vise á enseigner cette methodologie. La notion de structuro-global illustre bien cet aspect: si toute structure s'exerce par des moyens verbaux, elle se realise également par des moyens non verbaux tout aussi importants tels que le rythme, l'intonation, la gestuelle, le cadre spatio-temporel, le contexte social et psychologique, etc.; l'adjectif «global* rend compte de l'ensemble de ces facteurs qui interviennent dans la communication orale. La structure est done intimement liée á une situation qui la fait naitre et qu'il faut envisager globalement sans séparer les différents elements intrinsěques qui la composent: si l'intonation et l'ensemble du corps font partie de la structure, celle-ci prend consistance dans un dialogue qui prend lui-méme sens dans un contexte. C'est pourquoi le noyau dur de toute lecon audiovisuelle consiste en un dialogue qui véhicule la langue de tous les jours et qui se développe dans une situation de communication de la vie quotidienne conerétisée par des images qui mettent en scene sa réalité: ďoů l'importance de la synchronisation dans la manipulation du magnetophone (enregistrement des dialogues) et du film fixe (déroulement des images qui se veulent situationnelles) qui plonge l'etudiant dans une situation de communication qu'il percoit d'abord globalement par voie audiovisuelle. Cette representation des usages de la parole doit favoriser l'acces au sens, ce qui ne peut se faire qua partir de la situation visualisée. II en résulte que les structures SGAV sont beaucoup plus sémantico-pragmatiques que morpho-syntaxiques, comme le souligne Henri Besse: on accorde de l'impor-f ' tance au sens méme si la forme linguistique est privilégiée. 0 l Cette conception de 1'apprentissage de la langue va étre influencée et soutenue par la théorie psychologique de la Gestalt qui propose une perception globále de la forme ou de la structure: si celle-ci réunit des elements en un ensemble organise, chaque element constitutif entretient avec les autres des rapports intrinsěques et solidaires qui ne peuvent étre decomposes. Les elements acoustiques du langage jouent également un role predominant: selon Petar Guberina, la langue est un ensemble acoustique-visuel; d'oii l'importance de l'oreille (audio) et de la vue (visuel) dans ce systéme méthodologique. La théorie verbale-tonale de Guberina, qui est avant tout une théorie de la perception auditive, propose une méthode originále de correction phonetique et met l'accent sur la maitrise des elements prosodiques de la langue étrangěre (rythme et intonation). L'enseignement grammatical est implicite et inductif et s'inspire du structuralisme européen tout en s'interessant plus á la parole qua la langue. La progression de la grammaire et du vocabulaire, qui repose sur le principe d'une progression pas v iN ..s i r r i i i »r i / -i ■•_]-!- METHODOLOGIES ET METHODES linguistiques et pédagogiques. Les exercices structuraux permettent de réemployer et de fixer les structures du dialogue dans des situations différentes: ils ont done une visce situationnelle. L'ecrit n'est considéré que comme un derive de l'oral; son apprentissagc est done différé afin que les signcs écrits ne nuisent pas a la prononciation et a sa correction C'est ainsi que, généralement, Ic livre de Félěve n'est consume que des images, sans la transcription des dialogues. Lorsque 1'écrit apparait, aprěs 60 heures de cours environ, c'est cssentiellernent 1'aspect grapliique qui est retenu. La lec^on SGAV repose sur différentes phases successives appelées les moments de la classe et qui ont chacune un objectif precis: - une phase de presentation du dialogue enregistré accompagné des images conte-nues dans le film fixe avec pour objectif principal la comprehension globále de la situation; - une phase $ explication qui consiste a reprendre lc dialogue sequence par sequence ou image par image afin ďexpliquer les elements nouveaux et s'assurer que félěve isole correctement chaque unite sonore; - une phase de repetition avee correction phonétique et memorisation des structures et du dialogue; - une phase A'exploitation ou de réemploi des elements nouvellement appris et memorises par cceur dans des situations légěrement différentes de cclle dans laquellc ils ont été présentés; - une phase dc transposition qui conduit félěve á réutiliser avec plus de spontaneitě les elements acquis dans des situations de méme type sous la forme de jeux de role ou ďactivités dc dramatisation. La méthodologie SGAV, qui doit plus a la méthodologie directe qua la métho-dologie audio-orale mime si Ton retrouve des points forts communs (prioritě a la langue parlée, dialogues élaborés en fonction d'une progression rigoureuse, etc.), va connaitre une evolution conséquente, si bien qua partit des années 1970, les historiens de la didactique du FLE caractérisent de seconde generation aussi bien la reflexion que les matériaux d'application realises au cours de cette décennie. C'est la rigueur de 1'édifice et la pauvreté des dialogues, véhiculés par des person-nages sans épaisseur psychologique, qui vont ětre essenticllement rcmis en cause et remaniés. L'assouplissement va porter sur la progression et stir les momenrs de la lecon. Deux procedures novatrices vonr cependant davantage engager 1'apprenanr: il s'agit de la paraphrase, technique mise en ceuvre děs la phase de presentation et qui invite les élcves a imaginer plusieurs possibilités ďéchange sur une méme image du dialogue, puis sur les images de transposition, et du discours rapporté, qui va letir permettrc de prendre tine certaine distance par rapporr au dialogue de base en les incitant á raconter les images de la lecon, puis a rapporter le dialogue a la troisieme personne. Une des realisations qui a connu une grande diffusion er f qui met en application ces principes est De Vive Voix7, paru en 1972, mais celle qui marque une avancee didactique incontestable est la merhode C'est leprinlemps* qui date de 1975 et qui assure une transition evidente entre la methodologie SGAV et l'approche communicative. Au debut de la decennie 1970, les didacticiens s'interrogent sur la suite a donnet aux principes sgaviens au-dela des debuts de 1'apprentissage. Un numero du Francais dans le Monde'' est entierement consacre a cette problematique: Le Niveau 2 dans I'enseignement du francais langue etrangere definit a la fois un contenu linguistique et civilisationnel, propose d'unir etroitement l'enseignemenr de la langue a celui de la civilisation et de concilier ces nouvelles options avec les principes audiovisuels mis en ceuvre pour ['acquisition des rudiments linguistiques. Le support a privilegier serait le document authentiquc d'autant plus qu'il permet un contact direct avec la langue reelle ulilisee dans un contexte reel. Les fondements ainsi definis vont donner naissancc a un materiel qui va se presenter sous la forme de dossier: c'est le cas de Langue et civilisation1® et d' fnterlignes'1. Mais, pat un « choc en rerour12», les hypotheses methodologiques emiscs pour le niveau 2 vont remettre en cause les caracteristiques qui gouvernent le niveau 1 et, avec l'emcrgence de nouvelles conceptions linguistiques, le developpement dc nouvelles theories de reference et l'apparition d'un nouvcau public, celui des scienrifiques, qui va donner naissance a la problematique du francais instrumental, puis du francais fonctionnel, la didactique des langues va s'orienter vers de nouvelles options methodologiques: il s'agit de l'approche communicative, que certains didacticiens, comme Christian Purcn, considerent comme la troisieme generation de la methodologie audiovisuelle. a 0 1 3.1.7. L'approche communicative: I = des annees 1980 a nos jours 9 —---- Bien quelle soit dans la continuite de la problematique de la methodologie audiovisuelle, l'approche communicative realise de profondes modifications par rapport aux pratiques precedentes er les lignes d'opposition sont quelqucfois plus fortes qu'il n'y parait a premiere vuc. La linguistique de l'enonciation, l'analyse du discours er la pragmatique vont offrir de solidcs bases scientifiques et reorienter les materiaux 7. Collectif Credit", De Vive Voix, Didier, 1972. 8. Collectif CI.AB, C'est leprimemps 1, CLE International, 1975; Cht leprintcmps 2, 1978. 9. Nataf R. (dir.), Le Niveau 2 dans I'enseignement du francais langue etrangere, Le francais dans le monde, n° 73, Hachetle-Larousse, juin 1970. 10. Cardinal J., Combe N., Firmin F., Langue et civilisation, Douze dossiers pour la classe avec exploitation de documents sonores, BF.LC, 1971, multigr. 11. Moget M.-T., Besse H., Lapcyre F., Papu E., fnterlignes, 18 volumes, Didier-Credif, 1975-1979. 1 2. Debyser F., «Le choc en retour du Niveau 2», Le francais dans k monde, n° 133, novembre-dc-ccmbre 1977, p. 38-42. 272 273 L i r«llbtKb t I ShlUNUb METHUUULUlilbS bl MhlHUUtb d'apprentissage. Comme l'indique son appellation, l'approche communicative a pour objcctif essentiel d'apprendre ä communiquer en langue étrangěre. Bien quelle recouvre des pratiques quelquefoisfort différentes oudivetsifiées ä 1'extréme comme le suggěre, du reste, le terme ď«approche», quelle préfere ä mérhodologie pour souligncr sa souplesse, eile repose sur un consensus partagé en ce qui concerne l'appropriation ďune competence de communication. Comme les précédentes methodologies, l'approche communicative est née dun croisement de facteurs politiques et de nouvclles theories de reference. Pour le premier point, l'clargissement de l'Europe a sans doute été lourd de consequences-nouveaux besoins d'ordre linguistique, formation continue en langues des adultes etc. Ainsi, en 1972, le Conseil de l'Europe réunit un groupe d'experls, d'une part pour promouvoir la mobilitě des populations et favoriser ('integration curopéenne par l'apprentissage des langues, et d'autre part pour inciter les adultes ä apprendre les langues étrangěres, mettant ainsi en valeur de nouveaux besoins sociaux ct profes-sionnels. Leurs analyses vont étre cenlrées sur un seuil minimum en decä duquel un adulte ne peut sc débrouiller en langue étrangěre et vont donner naissance en 1975 au Threshold Level English pour l'enseignement de l'anglais comme langue étrangěre d'oü sera derive, en 1976, Un niveau-seuiP pour le francais langue étrangěre. Une des caractéristiques essentielles de cet ouvrage est qu'il dresse, pour chaque fonetion langagiěre ou acte de parole, une série ďénoncés possibles qui couvrent I'ensemble des situations de communication dont les diíférents paramětres conditionnent la realisation de tout message. La deuxiěme caractéristique fondamentalc reside dans la typologie des categories de publics potentiels et des domaines sociaux ďactivité langagiěre qu'il dresse et qu'il croise, faisant ainsi jaillir la notion de besoin, qui va conditionner tous les programmes dc l'approche communicative et ofřrir la possibilité d'une utilisation «a la carte» des matériaux d'apprentissage. Diverses analyses'1 ont mis en valeur les différenls elements qui interviennenr dans la competence de communication". En regle generale, on peut distinguer quatre composantes essentielles: - unc composante linguistique, c'est-ä-dire la connaissance des regies er des structures grammaticales, phonologiques, du vocabulaire, etc. Cette composante constitue une 13. Coste D., Courtillon J., Fcrenczi V, Marcins-Baltar M., Papo E., Roulet E., Un niveau-seuil, Hatier-Conseil de l'Europe, 1976; Porcher L. ct al, Adaptation de « Un niveau-seuil •>pour des contextes scolaira, Hatier, 1979. 14. Les plus imporrantes soni celles de Canalc M. ct Swain, Theoretical bases of Communicative Approaches to Second Langage Teaching and Testing, Applied Linguistics, vol. 1, n° 2, 1980 et de Moirand S., Enseigner a communiquer en langue ctrangere, Hachette, «F», 1982. 1 5. Pour des etudes approfondies, voir: Austin J.L., How to do Things with Words, 1962, cn traduction franchise Quand dire, e'est faire, Seuil, 1970; Hymes D., On Communicative Competence. 1972, en traduction franchise Vers la competence de communication, Credif-Hatier, «LAL», 1984; Widdowson H., Teaching Language as Communication, 1978, en traduction francaisc Une approche communicative de Tensetgnement des langues, Credif-Hatier, «LAL», 1981. 274 condition necessaire, mais non süffisante pour pouvoir communiquer en langue erränge re; _ une composante snciolinguistique qui renvoie ä la connaissance des regies sociocul-turelles d'emploi de la langue er qui impose de savoir utiliser les formes linguistiques approprices en fonetion de la situation et de l'intention de communication; une composante discursive qui assure la cohesion et la coherence des differenrs types dc discours en fonetion des paramctres de la situation de communication dans laquelle ils s'inserent; _ et, enfin, une competence strategique constitute par la capacite d'utiliser des strategies verbales et non verbales pour compenser les defaillances ou les « rates» de la communication. Ces phenomencs de compensation peuvent s'exercer soit sur la competence linguistique, soit sur la competence sociolinguistique. Ces quatre composantes, qui mcttent en valeur les conditions pragmatiques dc I'usage de la langue, vont constituer le noyau dur de toutcs les unites didactiques du materiel pedagogique: que ce soit pour l'oral ou pour l'ecrit, on apprend a communiquer en apprenant ä savoir adapter les cnonces linguistiques en fonetion de la situation de communication (statut social des interlocuteurs, rang, age, lieu de l'echange, canal, etc.) el en fonetion de l'intention de communication (demander une information, donner un ordre, convaincre, etc.). Dans cettc perspective, le sens reside davantage dans l'interaction des interlocuteuis que dans un simple message transmis par un locuteur. Dans tous les cas, savoir communiquer ne se reduit en aucun cas ä la simple connaissance de la langue, mais implique d'une maniere ou d'une autre la connaissance des regies d'emploi de cctte langue mises en valeur par les quatre composantes qui formen t la competence de communication. Un autre poinr fort qui decoule des diverses theories qui sous-tendent l'approche communicative concerne la notion de besoin16 qui a ete notamment mise en valeur par l'cquipe du niveau-seuil. Les methodes d'enscignement de type genetaliste vont mettre en ceuvre les besoins langagiers les plus objectifs et les plus generaux alors que le materiel complementaire prendra pltitot en chatge des besoins plus specialises en fonetion d'un profil precedemment analyse ou ciblcra davantage une des quatre habiletes qui conditionnent l'apprentissage d'une langue etrangere. Dans tous les cas, cc n'est plus une progression de type grammatical qui va gouverner le contenu du materiel pedagogique, mais les besoins langagiers formules cn rermes de fonctions langagieres qui vont inflechir aussi bien la progression grammaticale et lexicale que les supports des lecons. La flexibilite des materiaux d'apprentissage est la consequence logique de l'analyse des besoins: celle-ci va faire eclater la progression tres rigoureuse installee par la methodologie audiovisuelle; eile va egalement favoriser le developpement dun mareriel concu pour un public precis 16. Chancerei J.-L., Ricluerich R., ^Identification des besoins des adultes apprenant une langue étrangěre, Conseil de l'Europe, 1977. 275 COURS DE CIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ET SECONDE et des materiaux complementaires qui peuvent s'ajouter ou non a une methode de base de type universaliste. Pour toutes ces raisons, l'approche communicative va preferer les documents dits authentiques, qu'ils soient oraux ou ecrits, aux documents fabriques en fonction de entires linguistiques precis. S'ils ne sont pas directement pris dans la realite culturclle, les supports d'apprentissage seront elabores de maniere a ce qu'ils soient proches de l'authentique et des types d'echanges qui existent dans la realite. Les theories de la communication vont orienter l'apprentissage de la grammaire des les debuts de 1'acquisition et les formes vont etre generalement abordees dans une perspective notionnelle. Une large place est faite a la grammaire explicitc et a la conceptualisation; les activites de decouverte du fonctionnemeiu de la langue jouent souvent un role non negligeable a. cote des activites d'assimilation des realisations linguistiques en fonction des usages socioculturels. Par ailleurs, des exercices de type traditionncl ou structural permettent d'acquerir des automatismes et de systematiser le fonctionnement morphosyntaxique de la languc. Parmi les autres orientations de cettc approche, il faut egalement relever un chan-gement radical en ce qui concerne la conception de l'apprentissage. En effet, le behaviorisme est rejete et remplace par la psychologie cognitiviste1'' qui met la participation de l'apprenant au cceur dc son apprentissage, celui-ci etant envisage comme un processus actif et createur dont le rythme depend dc l'individu, et qui instaure une pedagogie moins repetitive que celle instituee par la methodologie SGAV. Dans cette conception, la pensee joue un role fondamental dans la decouverte des regies qui permertent de produire de nouveaux enonces ct la memoire a long terme integre les nouvelles informations aux connaissances anterieures, qui constiluent ce que Ion appcllc la connaissance du monde ou F encyclopedic de tout individu (theorie des schemes). La centration de l'enseigncment sur l'apprenant va modifier le role de 1'enseignant qui doit plus favoriser les interactions entre les apprenants, leur fournir les divers moyens linguistiques necessaires et leur proposer des situations de communication stimulantes que distribuer des stimulus, comme c etait le cas pour la psychologie behavioriste. Les rctombees pedagogiques de toutes ces theories sont consequcntes: - L'oral occupe une place de choix et l'cxpression se deploie generalement dans des activites dc simulation, de jeu de role et d'interaction: les canevas18 proposes impliquent des echanges qui se deroulent dans le cadre de situations authentiques qui favorisent souvent I'usage de rimplicirc de la langue, proposent une variation sur 17. Pour une analyse délaillée, cf. Cuq J.-P et Gruca I., « Cognirivisme et didactique des langues étrangeres: dc la reference ä Taction pedagogique», dans Billiěres M. et Spanghcro-Gaillard N. (coord.), Didactique cognitive des Ungues (ctrangere, seconde, matemelle): comporternent cognitif des apprenants, Revue Parole, nQ 34-36, universiré de Mons-Hainaut, 2005, p. 136-162. 1 8. Voir notamment Courtillon J., Raillard S., Archipel 1, 1982 et Archipel 2, Didier-Uatier, 1983. METHODOLOGIES ET METHODES les diverses realisations linguistiques possibles pour une meme intention langagiere et integrem, par ses contraintes, 1'acquisition des competences socioculturelle et strategique. De plus, Fappropriation des actes de parole est renforcee par un ensei-gnement de la grammaire centre sur la communication ct la construction du sens: la conjonction de ces facteurs permet dc proposer une veritable grammaire de l'oral qui prendra tout son sens avec la reflexion menee alors sur les simulations globales19. - L'ecrit est rehabilite des les debuts de l'apprentissage meme si la production ecrite est le patent pauvre des debuts de l'approche communicative. L'impact de la didactique dc l'ecrit se fera toutefois sentir au cours de la decennie 1990 avec, notamment, la methode Espaces10 qui prendra vraiment en charge et de maniere suivie le perfectionnement dc la production ecrite. Une place somme toute impor-tante est accordee ä la creativite ä cote des exercices de production plus classiques. - Dans les deux cas, pour evirer la surcharge cognitive, on favorise la comprehension globale ou selective et on generalise l'approche globale des ecrits selon le modele onomasiologique, dit « du haut vers le has», el scion les principes methodologiques mis en place par Sophie Moirand21 pour la lecture des documents authentiques. - En accord avec la notion de besoin et dans une perspective cognitiviste, l'apprentissage se deroule sous la forme d'un contrat didactique, fixe entre 1'enseignant et l'apprenanr, qui responsabilise ce dernier et le conduit vers l'autonomie. Ce principe-cle trouve son application dans les methodes qui offrent une progression modulaire ou en spirale comme Archipel, dont le titre metaphorique souligne la possibilite de naviguer entre les unites, ou dans les methodes qui prcscntent des tests d'evaluation ä la fin d'un parcours pre-ctabli comme dans Le NouvelEspaces21; revaluation et l'auto-evalualion ponctuelles permettent de faire le point sur les acquis et d'orientcr la suite de la formation aussi bien pour I'cnscignant que pour l'apprenarit. Les pratiques evaluatives commencent ainsi ä etre progressivement integrees dans le processus d'apprentissage. - Le deploiement du materiel complementaire ou periphcriquc, qui cible davantage une competence ou un domaine ou des besoins specifiques, est particulierement spectaculaire et offre souvent des activites plus creatives ou originales. - Au niveau de la culture, en accord avec les applications des sciences de la communication, ce sont les elements de la vie quotidienne qui sont privilegies meme si, au niveau avance, les supports choisis parmi les textes mediatiqucs permettent de dispenser un enseignement plus general dc la civilisation francaise. 1 9. Care J.-M. et al, « Quelques principes merhodologiques des simulations », Le francais dans le monde, n°252, octobre 1992 el Debyser E, L'Immeuble, Hachette, 1986, pourneciter que 1'essentiel de Tepoque. 20. Capelle G. et Gidon N., Espaces 1, 2 et 3, Hachette, 1 990-1991. 21. Moirand S., Situations d'eerit, CLE Internarional, «Didaclique des langues errangeres», 1979. 22. Capelle G., el Gidon N., Le Nouvel Espaces I, 2, 3, Hacherte, 1995-1996. 276 277 inr cinHiTCLKt bl bhLUNUb Toutes les methodes ou tous les manuels élaborés depuis le debut des années 1980 se réclament du courant communicatif. Force est de constater que cette revendication est quelquefois impropre ou du moins couvre un champ trěs vaste, car l'expression « approche communicative » fait souvent reference ä des pratiques et des demarches d'enseignement trěs diverses et heterogenes. II est vrai que l'approche communicative a connu et connait une certaine evolution qui repose néanmoins sur des principes de base fondamentaux: enseigner une competence de communication en travaillant ses differentes composantes, enseigner la langue dans sa dimension sociale, appréhender le discours dans une perspective globale et privilegier le sens sont autant de points forts qui perdurent. L'eclectisme, dénoncé par Christian Puren23, s'il a souvent des effets pervers, n'en demeure pas moins un ingredient de cette approche. Dans l'eclectisme qui domine dans les methodes d'apprentissage de la décennie 1990, on peut cependant relever un certain nombre de points communs qui semblent peut-étre autant de corrections ou de modulations apportées aux applications faites dans les manuels en fonction de nouvelles descriptions theoriques ou de réajustements methodologiques en fonction des situations de classe. Tout se passe comme si une « méthodologie-compromis » s'etait installée sur les lignes de force du courant communicatif, avec notamment un retour ä un enseignement plus systématique de la grammaire, du lexique et de la correction phonétique. 3.1.7. La perspective actionnelle^ depuis la décennie 2000 Avec la publication des travaux realises par le Conseil de l'Europe, réunis pour l'essentiel dans le Cadre européen commun de reference pour les langues, on peut penser que la methodologie du FLE entre, en ce nouveau millénaire, dans une étape nouvelle. Cette perception est favorisée par le fait que des methodes comme Studio24, Forum1'' ou Rond-point16 integrem rapidement de nouvelles données, et ce aprěs une periodě ďéclectisme qui a souvent gommé des principes-clés de l'approche communicative. Cependant, selon nous et d'autres didacticiens, l'approche actionnelle est substantiellement liée ä l'approche communicative méme si des changements opérés dans les methodes actuelles permettent de mesurer des evolutions et de redéployer certains principes du courant communicatif. Le terme de «perspective», sélectionné pour le titre du numero 45 du francais dans le monde, Recherches et Applications, La perspective actionnelle et l'approche par les 23. Puren Ch., La Didactique des langues etrangeres ä la croisee des methodes. Essai sur l'eclectisme, Didier, «Essais», 1994. 24. Lavenne C, Berard E., Breton G., Canier Y. etTagliante Ch., Studio 60 et Studio 100, Studio +, Didier, 2001-2004. 25. Baylon Ch., Campa A., Mestreit C, Murillo J., Tost M., Forum, Hachette, 2000-2002. 26. Labascoule J., Lause C, Royer C, Rond-point, Maison des langues-PUG, 2004-2005. täches en classe de langue17, rend compte de ce positionnement, en coherence, du reste, avec la philosophic developpee dans le CECR qui, s'il est necessaire de le rappeler, n'a pas pour vocation de prescrire ou de promouvoir une methode d'enseignement particuliere, mais de presenter des choix parmi lesquels enseignants et apprenants peuvent operer des selections ou elaborer de nouvelles combinaisons et configurations. Aussi, si Ton prend en consideration la diversite des systemes et cultures d'apprentissage-enseignement et si Ton tient compte du paradigme de la contextualisation qu'implique le Cadre, l'expression «perspective actionnelle» doit se decliner, en methodologie, au pluriel. Le CECR propose des notions qui vont engendrer un renouvellement methodolo-gique: la definition de zones de competences sur une echelle de six niveaux avec des referentiels detailles, base qui sera modelisee pour l'elaboration de curriculums, de methodes et de dispositifs evaluatifs, en est probablement l'aspect le plus spectacu-laire. Par ailleurs, le CECRva beaucoup plus loin que l'approche communicative en considerant«l'usager et l'apprenant d'une langue comme des acteurs sociaux ayant ä accomplir des täches (qui ne sont pas seulement langagieres) dans des circonstances et un environnement donnes, a l'interieur d'un domaine d'action particulier. Si les actes de parole se realisent dans des activites langagieres, celles-ci s'inscrivent elles-memes ä l'interieur d'actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. II y a "täche" dans la mesure ou Faction est le fait d'un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) strategiquement les competences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir ä un resultat determine.» (p. 15). On retrouve la, developpees et approfondies, les analyses sur la situation de communication, la recherche de l'authenticite, le role de l'interaction, l'implication des ressources cognitives et affectives, qui ont donne naissance au courant communicatif. La notion centrale de «täche» insiste cependant davantage sur l'aboutissement de toute activite langagiere: « est definie comme täche toute visee actionnelle que l'acteur se represente comme devant parvenir ä un resultat donne en fonction d'un probleme ä resoudre, d'une obligation ä remplir, d'un but qu'on s'est fixe. II peut s'agir tout aussi bien [...] de deplacer une armoire, d'ecrire un livre, d'emporter la decision dans la negotiation d'un contrat, de faire une partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue etrangere ou de preparer en groupe un journal de classe» (page 16). II ressort de cette definition et des exemples cites que le concept de täche recouvre des acceptions variees et etendues, mais il engage bien l'apprentissage dans la complexity qui caracterise toute action et, en particulier, l'agir langagier qui se realise dans differents contextes de l'espace social: c'est souvent cet aspect qui est retenu comme essentiel dans la perspective actionnelle que preconise le CECR, qui lui consacre un chapitre entier, « Les täches et leur role dans l'enseignement des langues » (chapitre 7, p. 121-127). II faut noter toutefois que le CECR distingue plusieurs categories dont les plus importantes sont: 27 Rosen E (coord.), La perspective actionnelle et I approche par les täches en classe de langue, Le francais dans le monde, Recherches et Applications, n 45, FIPF-CLE International, Janvier 2009. COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ET SECONDE - les táches de précommunication pédagogique qui sont constituées d'exercices « axes sur la manipulation décontextualisée des formes » tels que les exercices struc-turaux de grammaire ou autres activités linguistiques, - les táches pédagogiques communicatives, trěs répandues depuis l'approche communicative par l'intermediaire notamment des jeux de role, qui reposent sur un « faire-semblant» accepté, une sorte de contrat volontaire, pour jouer le jeu de F utilisation « authentique » de la langue étrangěre, - et, enfin, les täches «cibles», de « repetition» ou «proches de la vie reelle» que Ton fait pratiquer en fonction des besoins des apprenants et de leurs objectifs en dehors de la classe de langue, comme remplir un formulaire administratif ou Fen-trainement ä la prise de notes d'un cours magistral dans le cadre d'un apprentissage de francais sur objectifs universitaires. Ii est evident que ces täches se situent dans un continuum puisque Fobjectif ultime de tout apprentissage vise les täches langagiěres authentiques de la «vraie vie» et que le fondement méme du CECR est d'aider l'apprenant ä s'integrer dans un autre pays et devenir avant tout un citoyen européen. Sans rentrer dans le debat dejä ancien puisque les décennies 1980 et 1990 ont beaucoup ergoté sur la notion d'authenticite, on peut noter que le concept de «täche» ravive en profondeur et donne toute sa dimension ä «l'activite communicative » telle que déployée par le courant communicatif: de maniěre quelque peu caricaturale, on pourrait dire que ce dernier apprenait plus ä parier avec l'autre qua faire avec l'autre. C'est ä juste titre qu'Evelyne Rosen souligne qu'avec la perspective actionnelle, on passe « d'un apprentissage individuel (que Ton peut associer ä la centration sur l'apprenant, carac-téristique de l'approche communicative et qui s'exerce parfaitement lors des jeux de role et des simulations) ä un apprentissage collaboratif et solidaire misant sur un agir social et communicationnel (que l'on peut associer, pour tenter le parallele, ä une centration sur le groupe qui trouve son expression dans la pédagogie du projet)28». Les diverses demarches qui vont dans le sens de la realisation de täches sont intégrées dans quasiment toutes les méthodes actuelles. Donner quelques exemples serait bien fastidieux et gommerait sans doute les multiples tentatives réalisées pour mettre en oeuvre les differentes acceptions et étapes qu'englobe la notion de täche qu'il est nécessaire, en méthodologie, de croiser ä d'autres principes tout aussi importants comme, par exemple, la progression. A noter également que certains types de táches ne sont pas toujours ou forcément adaptables ä toutes les cultures éducatives: la pédagogie des grands groupes dans certains pays, sans le recours aux TICE, est difficilement conciliable avec une pédagogie de la täche. II ne s'agit done pas de préeoniser ä tout prix une approche actionnelle, d'autant plus quelle prend ä son compte des aspects développés par d'autres methodologies: l'approche communicative bien évidemment, mais aussi la pédagogie du projet, l'approche par 28. Rosen E., «Perspective actionnelle et approche par les táches en classe de langue» dans Rosen METHODOLOGIES ET MÉTHODES les táches ou l'approche par les competences. Mais, dans l'ensemble, les méthodes post-Cadre s'efforcent d'instaurer un équilibre entre les différents types d'activites, de microtáches et de táches et tentent de réduire la rupture entre apprentissage et «réalité», entre la classe et l'exterieur de maniěre á ce que l'apprenant soit ou devienne un veritable acteur social. L'exemple le plus original reside sans doute dans la méthode IcP: concue spécifiquement pour le milieu francophone, elle alterne táches pédagogiques et táches authentiques, réalisées en dehors de l'espace de la classe, mais dans le prolongement direct des apprentissages avec une mise en pratique des acquis puis une recuperation de ces realisations au retour dans la classe. La scénarisation30, qui permet le décloisonnement des competences, mobilise á la fois des competences générales, langagiěres et des strategies, met en contexte 1'activité, offre la possibilité de graduer sa difficulté, met en relief l'enjeu du résultat de Faction, etc., et constitue probablement la forme la plus aboutie de la mise en ceuvre méthodologique de la notion complexe de táche. Mais ce modele intégratif de Faction implique l'acquisition de táches intermédiaires, qu'elles soient formelles ou communicatives et quel que soit le niveau envisage. Le CECR développe une autre competence qui va se greffer á ce socle d'activites et de táches, il s'agit de Févaluation. Lá aussi, le phénoměne nest pas nouveau, car l'approche communicative a intégré Févaluation formative ainsi que des exercices de remediation individuels dans ses méthodes. Mais cette tendance est nettement plus marquee dans les méthodes actuelles: outre les activités évaluatives mises en place á intervalles réguliers au terme d'un ensemble de sequences ou d'unites, et outre les epreuves calibrees sur des certifications officielles proposées soit comme entrai-nement, soit comme bilan - deux procedures somme toute devenues classiques -, les méthodes intěgrent á part entiěre Févaluation formatrice dans les processus d'apprentissage, généralement sous la forme d'un portfolio. En effet, si le portfolio, élaboré selon la progression du manuel et calibre par rapport aux deseripteurs des niveaux définis sur Féchelle des competences de communication, permet de faire le bilan qui peut s'inserer dans une evaluation formative ou certificative, il sinsěre généralement dans un projet plus ambitieux et formateur car il peut solliciter la reflexion de l'apprenant sur ses mécanismes d'apprendre á apprendre, d'apprendre á s'auto-evaluer, et le former ainsi á la prise en charge de son apprentissage et á Fautonomie. Ces principes, esquissés notamment dans Cartes sur table"1 qui, avec Archipel, marque les débuts du communicatif, sont declines de maniěre approfondie 29. Abry D., Fert C, Parpette C, Stauber J., Soria M., Borg S., IciAl et Ici A2, CLE International, 2007-2008. 30. Nous renvoyons aux analyses developpees dans le chapitre 2 de cette partie, consacree ä revaluation et aux certifications. COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE b I SECONDE des 2005, notamment dans deux series methodologiques, Tout va bienP et Alter eg^. Depuis, on assistc ä un certain eclectisme meme si I evaluation formative teste presente dans quasiment toutes les nombreuses methodes diffusees sur le marche actuel. D'autres parametres theoriques importants sont pris en compte de maniere plus ou moins consequente dans le materiel pedagogique et revelent un renouvellement mcthodologique plus ou moins marque selon les methodes. Mais la vision complexe de l'acte de langage et de l'enseignement/apprentissage qu'offre le CECR, si nova-trice soit-elle34, prend ä son compte tons les concepts et notions de l'approche communicative tout en les imbriquant davantage dans fagir social. «En tous les cas, si le CECR est souvent presente comme un grand outil de formatage, il est incontestable qu'il est egalement, et de maniere tout aussi importante, un stimu-lateur qui a permis a la merhodologie du FLE de se recentrer de facon dynamique pour poursuivre son evolution», notions-nous en 2007 apres avoir mesure l'impact de cet outil de reference majeur dans diverses methodes35. Et, si Line decennie s'est ecoulee depuis et que nous pouvons constater une certaine « repetition » ou reprise d'une annee sur l'autre dans les methodes actuelles, il est necessaire de souligner que les potcntialites contenues dans le CECR sont loin d'etre epuisees el que de nouvclles methodes sont a concevoir. Introduire davantage d'interactions entre les differentes activites que, pour des raisons pedagogiques evidentes, nous avons tendance ä trop separer pour facilirer Facquisition, peut etre une option realisable ä tres court terme. Plus ambitieuse est Integration d'une reelle competence cultu-relle qui ne peut se reduire uniquement ä la composante sociolinguistique de la communication, ni etre juxtaposee ä la competence communicative. Des analyses complementaires realisees par le Conseil de FEurope et disponibles sur son site36 devraient permettre une meilleure articulation des differents parametres pour une reelle prise de conscience interculturelle du dialogue des cultures qu'offre Fappren-tissage de toute langue etrangere. 32. Auge H., Canada Pujols M.D., Marlhens C. a Martin L., Tout va bun!Al, A2, Bf et B2, CLL International, 2005-2007. 33. Berthet A, Hugot C, Kizirian V.M., Sampsonis B., Wa enden dries M. etat, Alter ego, A1,A2, Bl, B2 et CI, Hacherre, 2006-2008. 34. Pour une comparison plus systematique entre Papproche communicative et la perspective actiunnclle, nous renvoyons aux tableaux dresses, d'une part, par Abry D., «Le manuel de FLE aujourd'hui, la didactique des langues et le CECR: unc revolution ou une evolution ?», dans Le Cadre europeen, une reference mondiale', Dialogues et cultures, n" 54, FIPF, 200y, p. -11-42, et, d'autre part, par Rosen IL., dans >, dim Le Cadre europeen, une reference mondiale? Dialogues et cultures, n" 54, op. cit., p. 33-38. 36. https://www.coe.iul METHODOLOGIES ET METHODES Ainsi, si la petspective actionnelle n est pas en rupture methodologique avec le coutant communicatif mais apparait comme son prolongement le plus actuel et le plus complet, si de nombreuses et diverses evolutions ont ete et sont effectives dans la plethore de methodes et de matetiels complementaitcs dc notre decennie, malgre des limites inherentes a tout outil dc reference aussi ambitieux soit-il, il est a noter qu'on est loin d'avoir tire parti de l'ensemble des potentialites que presente le CECR, notamment quant au developpement du plurilinguisme et a son inscription a Finterieur de principes el valeurs plus generaux autour du pluriculturalisme. Au terme de ce rapide parcours historique sur les grandes families methodologiques qui ont permis les evolutions que connait notre epoque, il n'est pcut-etre pas inutile de souligner la coherence globalc des principes didactiques, des objectifs methodologiques et du cadre theorique qui sous-tend la constitution propre de chaque methodologie. Chacune a sa maniere a eeuvre pour prendre en compte de nouveaux besoins societaux et mettre en application les theories de leur epoque. Chacune a tente d'aborder dans sa complexity l'enseignement/apprentissage d'un «objet» vivant quest le langage. Chaque nouvelle melliodologie s'inscrit dans la precedente, ne serait-cc qu'en reaction: des ruptures, certes, permettent de les distinguer, mais des proximites permettent aussi d'expliquer leur naissance et de les situer dans un vaste continuum interactif. Toutes ont conttibue a la construction d'une discipline et de son champ de recherche, la didactique du FLE, ainsi qua la construction de notre present qui nous donne les moyens de construire le futur. II est impensable, notamment en methodologie, dc nier lc passe ou dc glorifier le present cn ccdant aux charmes de la nouveaute, et l'inverse est egalement impossible. Pour les besoins de la cause, les differents courants ont ete decoupes dans le lemps et ont ete sepates du point dc vuc des implications theoriques, mais il va de soi que les principes methodologiques et leurs mises en eeuvre n'ont pas surgi brutalement des apports theoriques et qu'il est difficile de rendre compte de la constitution progressive dc toute methodologie. Par ailleurs, d'autres methodes, mises en place a l'etranger, qui n'ont pas donne lieu 3 de vetitables experimentations en France, ont neanmoins influence certaines approches francaises. C'est notamment le cas des methodologies dites non conven-tionnelles37 qui, s'inspirant de theories psychologiques, ont pese sut les conceptions de 1'apprentissage et du fonctionncmcnt groupe-classe. 37. Voir Didactiques non corwentionnelks, Lefrancais dans le monde, n" 175, fevricr-mars 1983. 282 283 COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANSUE ETRANGERE ET SECONDE 3.2. Les methodologies non conventionnelles Parmi une série d'approches38 pour «apprendre les langues étrangěres autrement» et dont certaines relěvent de 1'éducation dite humanisté ou dc courants psycholo-giques, on ne peut negliget lcs orientations préconisécs par: 3.2.1. La methode communautaire Elaboree par le psychologue americain Charles A. Curran3' en 1961, puis reprise en 1971 par des collaborateurs, Community Language Learning prend en consideration les aspects humains et affectifs de l'apprentissagc d'une langue etrangere: selon cette methode, tous les elements de la pcrsonnalite de l'adulte sont impliques dans l'apprentissage et non pas settlement les aspects intellectuels. C'est pourquoi un climal de confiance ct de respect mutuel doit prevaloir entre les differents membres d'une communaute constitute par le groupe classe, l'enseignant jouant le role de conseiller linguistiqtie ct veillant a ce que les conditions necessaires pour un apprentissage optimum soiem respectees. D'apres Charles A. Curran, six elements importants engagent la reussite dc l'apprentissage d'une langue etrangere: la securite, F affirmation de soi, l'attention, la reflexion, ia retention et, enfin, la discrimination. Les apprenants apprennent par interactions avec les autres et le contenu des cours provient, dans un premier temps, uniquement des messages qu'ils veulent se transmettre, meme si, par la suite, l'enseignant peut avoir recours a des manuels. La langue est done concue comme un moyen d'interaction sociale et la methode, qui prend en charge esseniicllement la comprehension et l'cxpression orales, cherche a ce que les apprenants apprennent a apprendre. Des marques de cette responsabilisation de l'apprenant par rapport a son apprentissage se trouvent dans la methode Cartes sur table'0 qui propose des conseils pour apprendre et enonce lcs regies du jeu de l'apprenant pour prendte en charge son apprentissage. 11 y a egalement, dans la methode communautaire, les premisses des analyses de l'approche communicative sur 1'autonomic de l'apprenant et l'apprentissage de Fautonomie ainsi que quelques elements partiels developpes et nettement approfondis par le CECR tels le role de l'interaction et l'imporiance des valeurs vehiculees par le groupe-classe. 38. Pour un inventaire exhausrif et une analyse detaillcc, voir, outre le numeto du Francis dans k Monde n° 175, Care J.-M. (courd.), Apprendre les langues etrangeres autrement, Le francais dans le monde, Rechtrches et Applications, n° special, Janvier 1999. 39. Curran C. A., « Counseling Skills Adapted to the Learning oi Foreign Languages», Bulletin of the Menninger Forum, mars 1961, reproduit dans Blair R. W., Innovative Approaches to Language Teaching, Newbury House, 1982 (reed.). 40. Richterich R., Sutcr B., Cartes sur table 1 a.2, Hachcttc, 1981-1983. METHODOLOGIES ET METHODES 3.2.2. La methode par le silence Mis en place par Caleb Gattegno des 1963, the SilentWay met l'accetit sur l'impli-cation de l'apprenant en tant que person nc dans son apprentissage: elle se realise en particulier grace au silence, par la prise de conscience des elements caracteristiques tie la langue etrangere. A la repetition et a l'imi ration qui structurent generalemcnt tout enseignement, cette approche prone le silence qui, d'une part, favorise la concentration, la memorisation, la decouverte de la langue et Fautocorrection et, d'autre part, encourage Fautonomie et les initiatives de l'apprenant: ce dernier est invite a apprendre a apprendre une langue etrangere et l'enseignant a, du coup, un r61e efface, bien qu'il lui incombe de construire les lecons, sans manuel, mais avec Faide de reglettes de couleur et de tableaux qui teposent sur des associations: tableau des sons-coulcurs, tableau dc mots et tableau de cotrespondances sons-lettres. Cette methode accorde beaucoup d'importance au vocabulaire et a la prononciation et etablit tout un systeme de correspondances pour favoriser la memorisation et Facquisition des structures nouvelles, introduites a partir des acquis de l'apprenant. L'originalite de cette methode, qui s'est deployee alors que la metliodologie audio-visuelle battait son plein dans Fcnseignement americain, reside sans doute dans la part accordee au silence dans l'apprentissage de la langue et a la prise de conscience du role joue par l'apprenant pour acquerir son independance et son autonomic. 3.2.3. La methode par le mouvement Concue par James Asher41 dans les annees 1965, the Total Physical Response Method, appelce egalement the Comprehension Approach car elle privilegie nettement la comprehension orale au debut de l'apprentissage, s'appuie sut des activites physiques qui correspondent a des rcponses donnees sur le mode imperatif, etant donne que e'est la forme privilegiee par Fenfant dans Facquisition dc sa premiere langue: ce procede renforce la memorisation et evite le blocagc et le stress que peut entrainer la necessitc de repondre par une production orale, meme si l'exprcssion orale constitue Fobjectif a atteindte. D'autres activites et d'autres supports sont envisages apres 120 heures de cours, mais I'ensemble reste toutefois sous l'egide de la fonction incitativc de la langue. Dans cette methode, l'enseignant est assimile a un metteur en scene et les apprenants jouent le role d'acteurs. Selon James Asher, il est souhaitable d'utiliscr la methode par le mouvement avec d'autres methodes et, a ce titre, certaines techniques peuvent porter leurs fruits. 41. Asher J., «The Strategy of Total Physical Response: an Application to Learning Russian », IRAL, n" 3, 1965 et « The Total Physical Response Approach to Second Language Learning», The Modern language Journal, n" 53, 1969. 284 285 COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANCUE ETRANGERE ET SECONDE 3.2.4. La suggestopedie La methode suggestopedique dc Georgi Lozanov a ete mise en place dans les annees 1965 en Bulgarie a partir d'un principe-cle selon lequel il est possible d'ac-celerer I'apprentissage d'une langue ettangere en supptimant les inhibitions d'ordre psychologiquc qui diminuent le rendement des capacites humaines, notamment celles du cerveau (d'apres certaines hypotheses, 1'homme n'utiliserait qu environ 4 % des capacites de son cerveau). II s'agit done, pour 1'essentiel, de « desuggestionner» l'apprenant en creant des conditions favorables d'apprentissage (atmosphere agreable ou de detente, integration des arts dans l'enseignement et particulierement dc la musique, etc.) et en activant les capacites du cerveau avec notamment la memorisation inconscicntc: l'apprenant s'impregne de la langue sans en avoir conscience ou plus exactement sans faire appel a la concenttation de son attention. L'activite de base, deployee par les couts suggestopediques, est la dramatisation, qui permet de lever les barrieres psychologiques et de stimuler l'imagination, pouvant ainsi favoriser l'acquisition d'une langue etrangere: l'apprenant s'atttibue une autre identite selon sa fantaisie (nom, emploi, biographie, etc.) au couts de simulations ou de jeux de role. L'enseignant represents l'autorite et le savoir et doit cteer tine relation de prestige et de confiance avec le groupe dont il a la charge. L'enseigne-ment suggestopedique vise a. developper les quatre competences meme si l'oral est nettement privilegie et dispense une connaissance pratique de la langue, fondee essentiellement sur le vocabulaire et sur la memorisation de listes de paires de mots (mot en langue etrangere suivi de sa traduction). Le point de depart de la lecon consiste en la lecture d'un texte long, choisi pour son interet ou son cote amusant: dans un premier temps, les apprenants suivent a l'ecrit le dialogue lu par l'enseignant de maniere tres expressive sur fond de musique classique; les documents distribues comprennent le texte, mais aussi des notes concernant le vocabulaire et la gram-maire ainsi que la traduction dans la langue source. Dans un deuxieme temps, le texte est relu, selon un debit plus naturel, par l'enseignant, toujours sur fond dc musique, pendant que les apprenants ecoutent dans une position de relaxation. L'exploitation du dialogue est basee, pour l'csscnricl, sur la dramatisation. Selon des bilans effectues, la methode suggestopedique a obtenu de meillcurs tesultats en Bulgarie qu'au Canada. En France, bien quelle n'ait pas ete mise en application, elle a suscitc un grand interet parmi les didacticiens42 ct influence notamment les techniques de simulation globale. On trouve des echos dc cette methode dans I'apprentissage des langues par hypnose qui emerge actuellcment mais, faute dc fondemcnts methodologiques et d'analysc, elle rcstc trcs secondaire et quelque peu mysterieuse. 42. Gali.sson R., La Suggestion dans lenseignement. Histoire et enjeit d'une pratique tabou, CLE International, 1983. METHODOLOGIES ET METHODES 3.2.5. L'approche naturelle Fruit de la collaboration de Tracy Terrel et de Stephen D. Ktashen, the Natural Approach® s'est developpee aux Ftats-Unis a partir de 1977: cette approche repose, pour l'esscntiel, sur la transposition, en milieu scolaire, de la facon dont les adultes parviennent ä acquerir une langue etrangere en milieu naturel. Par consequent, elle va se distinguer par I'absence dc tout enseignement grammatical systematise ainsi que par I'absence du recoilrs ä la traduction; elle va s'attacher ä developper essentiellement la comprehension el accorder une place dc choix au vocabulaire: les lecons sonr organisees autour de sujets qui portent sur un clement de la vie quotidienne et les activites sont centrees sur le sens plutöt que sur la forme. Par ailleurs, le materiel didactique, s'il doit viser la comprehension et la communication, doit egalement etablir des liens etroits en tie le monde de la classe et la realite cxtcricure; e'est pour-quoi l'utilisation du materiel «aurhenrique» est preconisee dans toute sa diversite. La theorie elaboree par Tracy Terrel et Stephen D. Krashcn, si eile presente des points controverses que certains caracterisent d'utopiqucs, n'en demeure pas moins originale: elle developpe des concepts-cles comme, par exemple, celui d'acquisi-tion (processus inconscient) qui s'oppose ä apprentissage et elle a favorisc l'entree du monde exterieur dans la classe de langue avec, notamment, l'introduction des documents dits authentiques. Ainsi, d'une maniere generale, s'il n'y a pas eu de veritable application des methodologies non conventionnelles en France, quelques retombecs sont, cependant, evidentes et ont d'une maniere ou d'une autre alimente le debat didactique. 3.3. Comment choisir une methode? Pour enscigner le FLE, les enseignants disposent d'un materiel particulierement abundant ct peuvent se sentit perplexes, si ce n'est petdus, devant la proliferation de manuels ou tout simplement demunis quant au choix de la « bonne methode » ou du «bon livrc», tant le paysage editorial est vaste. Des grilles45 de presentation et d'analysc de methodes ont ete elaborees pour permettte un examen liable de celles-ci; elles se prescntcnt gcneralement comme un outil pratique pour faciliter la selection, par les enseignants ou les autorites scolaires et institutionnelles, du manuel qui repond le micux ä leurs aspirations et aux situations de classe dans lesquelles ils interviennent. Files temoigncnt egalement d'une preoccupation constante depuis 43. Krashen S. D., Terrel T. E)., The Natural Approach: Language Acquisition in the Classroom, Pergamem Preis, 1983. 44. Pour un recensemenr de grilles d analyse qui peuvent servir de base ä réíaboralion de sa propre grille, voir Cordier-Caulliier C, Essai de caractérisation du discours du manuel de frangais langue seconde et etrangere. Parcours a travers les manuels utilises au Canada (1970-1995), repérage et description de leurs elements conslilulifs, diese de Dottorat sous la direction de Verdelhan M., universitě Paul Valéry-Montpcllicr 3, 1999. 286 287 COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ÉTRANGĚRE ET SECONDE METHODOLOGIES ET MÉTHODES le debut du xxe siecle qui a vu naitre une irentaine4'' d'outils d'analyse representa-tifs, maintes fois reconstruits et chaque fois juges insatisfaisants, comme s'il etait impossible de realiser une grille ideale, mais comme s'il etait difficile d'en faire 1'impasse tant la necessitc de cet examen est forte46. Parmi les outils de presentation et/ou d'evaluation, il en est deux, patticulierement detailles, que tout futur enseignant doit connate afin de questionncr les methodes ou pour constituer sa propre grille d'analyse: il s'agit d'une part de la grille realisee par Maria Cecilia Dertoletti avec la collaboration de Patrick Dahlet47 en 1984 et, d'autre part, celle d'Anne-Marie Thierry"8, publiee en 1987 et qui a l'avantage d'etre mise en application. 3.3.1. Une grille d'analyse de methodes elaboree en 1984 La grille d'analyse proposee par Maria Cecilia Bertoletti permet f examen syste-matique et complet d'une methode tant ses entrees sont divetses et detaillecs. Elle repertorie tous les parametres en deux sections: l'analyse factuelle et revaluation qui, dans la presentation materielle de la grille, sont reparties sur deux colonnes qui se cotoient et qui se donnent done ä lire simultanement. Comme tout cadre d'itude, cettc grille obeit a. une logique qui va du genetal au particulier, du plus global au plus specifique et s'inscrit dans une demarche fonctionnelle. Elle envisage, 45. Les plus significalives se situent au milieu du siěcle dernier er sonr dans: - Mackey W., Principe! de didactique analytique. Analyse scientifique de I'emeignement des langues (traduction francaise de Language Teaching Analysis, Longmans, 1965), Didier, 1972; - Ministěre de l'Education du Quebec, « Projel de rapport ďévaluation de manuels» n" 2, document 4-2, Division du francais langue seconde, MF.Q, reproduit dans Laforgue L., La Selection en didactique analytique, PUL, 1972; - Lalorgue L., La Selection en didactique analytique, PUL, 1972; - Gagné G., <• Essai d elablissement de entires ďévaluation de mérhodes d'enseignemenr du francais langue étrangěre a des debutants », dans Rondeau G, Contributions canadiennes ä Li linguistique appliquěe, ! 973; - Germain C., «Trois grilles d'analyse des methodes d'enseignement des langues secondes: examen critique", dans Vingt-cinq ans de linguistique au Canada, Centre éducatif et culture!, 1976. 46. Pour uu examen des problěmes posés par I 'elaboration d'une grille d'analyse, voir Verdelhan M., «Problcmatique pour l'elaboradon d'une grille d'analyse des manuels de langage en usage en Afrique», Tramux de Didactique du Francais Langue Étrangěre, n° 30, CFP - universitě Paul Valéry- Montpellier 3, 1993, p. 89-103. 47. Bertoletti M.-C. avec la collaboration de Dahlet P., «Manuels et matériels scolaires pour l'ap-prenrissage du ELE. Ébauche d'une grille d'analyse», Le francais dans le monde, n" 186, juillet 1984, p. 55-63. 48. Thierry A.-M., Analyse de methodes. Francais Langue Étrangěre, Centre internarional ďétudes pédagogiqucs, 1987. Ce dossier, constitué de fiches, constitue une mise ä jour d'un travail établi cn 1980, édité par le ministěre des Affaires étrangěres, et il a ensuke été complete en fonetion des parutions de nouvelles methodes, mais uniquement pour les débuts de la décennie 1990. 288 sous forme de grilles partielles, cinq champs de reference quelle decompose en plusieurs rubriques: A. Presentation matérielle 1. Fiche signalétique: ce paragraphs regroupe tous les elements iraditionnels qui permettent d'identifier un ouvrage (titre, auteur(s), maison d'edition, date, nombre de volumes, etc.). 2. Materiel complémentaire (inventaire quand il est present). 3. Preface du manuel ou du livre du professcur (relevé des indications diverses et des prises de position méthodologiquc). 4. Structure du manuel: cette partie focalise 1'analyse sur les unites didactiques et leur organisation interne, sur la presence ou l'absence d'unites de revision, d'index thématiques, de tableaux de grammaire, d'un glossaire, etc. B. Supports et documents: cette partie propose une typologie des textes écrits, des supports iconiques, des documents sonores et des documents videos, auxquels il faut ajouter pour notre periodě actuelle les documents ou les renvois aux rcssources numériques. Cette partie oriente 1'analyse vers la presentation des supports, leur origine (textes fabriqués, remaniés ou authentiques) et leur dimension. C. Contenus linguistiques /. Lexique: nombre de lexemes introduits par unite. 2. Phonétique: etude de phonemes, de phénoměnes prosodiques, presence d'ex-plications, de transcriptions phonétiques, presentation intégrée ou non intégrée a 1'unité didactique. 3. Grammaire: procédés de presentation (schémas, tableaux, etc.), type de presentation (contrastive, inductive, deductive, implicite, explicite), presence d'explications (en langue maternelle, en langue étrangěre). 4. Exercices/activités: typologie des operations requises en phonétique (discrimination auditive, correction phonétique, correction rythmique et intonative), en morphosyntaxe et en sémantique (repetition, formulation, substitution, transformation, etc.) et, enfin, en expression/communication (exptession dirigée, libre, jeux de roles, etc.). 5. Exercices: encadrcmcnt pédagogique portant sur les modalités d'execution (individuel, cn groupes, etc.), de correction et la presence de consignes. D. Contenus notionnels/thématiques: cette section propose de faire le relevé des themes, des notions et des fonctions langagiěres. E. Tests et evaluation: cette rubrique envisage, quand ils sont presents, lc type de tests (niveau, progres, contróle, autoéval nation) ct les outils pour la conduite de ces tests et 1'appréciation des íésultats. Cette description factuelle est complctcc par un questionnement, rubrique par rubrique, section pat section, qui favorise, par croisement, 1'évaluation de la méthode et permet ainsi d'avoir des elements d'appreciation d'ensemble ou sur 289 COURS DE DIDACTIOUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ET SECONiDE METHODOLOGIES ET METHODES des points particuliers. Cette grille, outre sa precision et son amplitude, est un des rares outils qui propose une veritable evaluation du materiel pedagogique. II va de soi qu'il est possible d'ajouter des entrees pour 1'actualiser par rapport aux methodes actuelles, comme l'affichage des objectifs, le portfolio, apprendre a apprendre, etc. 3.3.2. La grille d'analyse de methodes elaboree en 1987 La grille elaboree par Anne-Maric 'Ihicrry, plus analytique, propose treize entrees pour apprehender les methodes d'apprentissage: 1. Fiche signalctique. 2. Descriptit du materiel didactique et prix: ingredients constitutes de la methode (livre(s), cassettes, diapositives, etc.) et inventaire du materiel requis pour son utilisation. 3. Public vise: enfants, adolescents, adultes, public scolarise, non scolarise, debutants, faux debutants, etc. 4. Type de langue privilegie: langue soutenue, standard, langue de communication orale, ecrit oralise, plusieurs registres de langue selon les niveaux, etc. 5. Finalites: apprentissage de la langue outil de communication, connaissance du francais de survie, renforcement ou approfondissements des connaissances, decouvene d'aspects sociocultutels, autonomie de l'apprentissage, etc. 6. Type de methode: audiovisucllc, notionnclle-fonctionnclle, resultat d'un compro-mis, etc. 7. Structure dc la methode: plan d'ensemble, detail d'une lecon ou d'une unite didactique. 8. Duree et rythme d'apprentissage. 9. Contenu linguistique: - analyse du type de langue; - lexique (les mots «actifs», les expressions imagees, synonymes a differents niveaux de langue, etc.); - rapport oral/ecrit (primaute de l'un ou de I'autre, rechcrclic d'un equilibrc); - exercices de langue - principaux types d'exercices a Pecrit comme a l'oral (exer-ciccs structuraux, QCM, questions/reponses, exercices contextualises, exercices de creativity, de production librc, etc.); - grammaire (implicite, explicite, modes d'introduction, tableaux traditionnels de synthese ou de conceptualisation, etc.). 10. Phonetique: phonetique articulatoire, exercices d'intonation, transcription phonetique. 11. Appareil de controle: nombre, frequence et consignes de passation. 290 12. Role de l'image: types d'images (illustrations dessinees pour la methode ou documents authentiques), rapport texte/image (aide ä la comprehension, commen-taire, point de depart d'exercices, illustration en complement ä tin texte, etc.), element de civilisation. 13. Contenu socioculturel: centres d'intetet traditionnels ou documents authentiques, classes sociales, Paris, la province, une region particuliere, les pays francophones, problemes sociocconomiques, etc. 3.3.3. Elements pour creer sa propre grille d'analyse Pour aussi interessantes qu'elles soient, les grilles d'analyse se revelent quelquefois inadequates pour saisir le discours didactique des methodes ou leur valeur intrin-seque. Tl faut en consequence creer ses propres outils d'analyse et les adapter a la methodologie ou aux theories vehiculecs par la medaode soumise a l'cxamen. Tous les outils d'observation refletent les preoccupations de 1'epoque de leur conception: il est done legitime que certaines rubriques soient plus developpees que d'autres. Analyser un materiel qui se reclame de la methodologie SGAV, par exemple, sans le questionner selon certaines options constitutives de ce courant comme la prise en compte du francais fundamental, le role de l'image ou la progression linguistique serait une aberration; de meme, ncgliger l'etude des conseils pedagogiques vehicules dans le livre du maitte constituerait un oubli qui fausserait l'analyse des assises de la methode. Inversement, utiliser cette mcme grille d'analyse pour les methodes se reclamant de l'approclie communicative ou de l'approche actionnelle ne pcrmettrait pas une analyse fine des caracteristiques inherentes et organisattices de cellcs-ci. C'est pourquoi de nombreuses grilles d'analyse ont vu lc jour dans tous les gtands centres de formations de formateuts en France, pour apprehender le materiel didactique de ces dernieres decennies. Les gra ndes orientations a privilegier pour constituer un questionnaire pour l'analyse de methodes recentes pourraient etre les suivantes: - fiche signaletique et presentation generale; - choix du public et identification de ses besoins: presence ou absence d'objectifs explicites; - declarations methodologiques et/ou theories de reference; - place donnee ä la competence linguistique (lexique, phonetique, grammaire); - place donnee ä la competence de communication (actes de parole); - prise en compte des composantes de la situation de communication (aspects sociologiques et aspects psychol i nguistiques); - organisation generale et composition d'une unite pedagogique; - place accordee: • ä l'oral • a 1 cent 291 COURS DE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ET SECONDE • a la mediation • a. la lecture • a la civilisation • aux tests d'evaluation uu a Fautoevaluation; - role de l'image; - typologie des textes et des discours; - progression; - inventaire des types d'exercices, activit.es et riches et definition des competences visees: comprehension, production, intetaction. Tous ces parametres posent les jalons pour conduire une analyse de methode, mais celle-ci ne peut etre complete que si elle envisage les relations entre les differentes rubriques. D'autres criteres d'appreciation comme le role de la traduction, de I'erreur, les types de langue privilegies, etc., peuvent etre introduits pour reperer les ouvrages les mieux adaptes aux besoins du public. Toute grille est reductrice, toute analyse est theorique, mais ces deux regards sont precieux pour la reflexion et indispensables pour une evaluation objective du materiel pedagogique, veritable mediateur entre la theorie et la pratique. L'analyse ne peut etre vraiment efficace que si elle est accompagnee d'une part par F experimentation, c'est-a-dirc par l'uti-lisation en situation reelle du materiel observe et, d'autre part, par revaluation de l'apprentissage par l'apprcnant lui-meme. 3.4. Le materiel complementaire Une plelhore d'ouvrages a ete publiee en France comme a l'etranger pour enseigner lc francais langue ettangere. Le recensement des manuels constitue une preoccupation importante pour les didacticiens specialistes de l'histoire des methodologies de Fenseignement des langues. Un inventaire des methodes et des supports peda-gogiques petmet de mesurer Fimpact des theories dans la transposition didactique, d'eclaiter les pratiques d'enseignement et de raffermir l'analyse methodologique par les donnees que leur etude transmet. Par exemple, le recensement des methodes et du materiel peripherique que nous avions realise jusqu'en 200549 a permis de discerner les points forts de l'histoire des methodologies jusqu'a l'approche communicative, et de reveler a lui tout seul des informations particulierement explicites sur les caracteristiques des differents courants methodologiques. En effet, le tableau detaille des methodes et de Fensemble du materiel complemenraire montre de maniere frappante non settlement les revolutions qui se sont succede en didactique des langues vivantes au cours d'un demi-siecle, mais aussi les evolutions a f interieur meme des differentes families methodologiques, comme: - Finteret accorde par la methodologie SGAV pour le niveau 1; 49. C£ edition de 2005 du Cours de didactique du FT.FS, p. 281-340 et 375-379. METHODOLOGIES ET METHODES - l'apparition de Fenseignement «precoce» du francais qui correspond aux reformes apporrees dans les systemes scolaires; - le foisonnement de materiaux peripheriques elabores sous l'approche communicative pour rcpondrc aux besoins particuliers des apprenants; - le deploicment du F'OS au cours de la decennie 1980; - Fimportance accordee a Foral par le courant communicatif; - le retour a un apprentissage systematique de la grammaire dans les annees 1990; - la stabilite de Fecrit depuis 1985, les dernieres publications montrant une nette otientation vers les problemes d'ecriture plutot que d'ecrit et tentant d'articuler lecture et ecriture afin de depasser le niveau de la phrase ou du paragraphe; - l'accent mis sur la lecture a partir de la fin de la decennie 1970 pour mettre en place les criteres d'une lectute plus authentiquc; - la correspondance entre la reflexion didacriquc ct l'elaboration de materiaux pour une preparation aux nouvelles cettifications (DELE er DALF notamment) et un entrainement pour Fauroevaluation; - les debuts de Finregration du CD-ROM pour accompagner les methodes d'apprentissage; - le eparent pauvre» de la didactique du FLE: le lexique. II va de soi que le monde editorial accompagne et revele en meme temps les applications de la recherche et Fevolution des besoins societaux. Par ailleuts, une methode, aussi ideale soit-elle, ne peut prendre en charge lotis les besoins, ni correspondre a routes les cultures d'enseignement/apprentissage. D'oti la necessite de disposer d'outils plus specifiques, consacres aux diverses compo-santes inherentes a la competence a communiquer en langue ettangere. Depuis l'approche communicative qui a dcploye la notion de besoin mise en valeur par Un niveau-seuil, le materiel complementaire a connu une diversification et une extension telles qua l'heute actuclle, il se substitue souvent, des les premieres bases acquises, a Futilisation d'une methode, pour peu que Fenseignant ait une cerraine experience et, bien evidemment, la libcrte du choix. Mais que ce soit pour les methodes ou pour le materiel peripherique, la profusion actuelle est si importante qu'il faudrait toute une equipe de chetcheurs pour recenser le materiel pedagogique'0 et un ouvrage entierement dedie a cet inventaire et son analyse. L'iclatement du concept FLE en FLI (francais langue d'integration) ct FOU (francais sur objecrifs universitaires), Fevolution du FLSCO (francais langue de scolarisation), la diversification des domaines relevanr du FOS (francais sur objecrifs specifiques), sans oublier la decomposition des composantes de la competence a communiquer en 50. Nous rappelons que nous avions realise cette täctie pour les deux premieres editions du Cours de didactiqueduFLES, 2003 et2005 (cf. p. 281-340 et p. 375-379). A noter que le Centre de ressources du CIEP propose des inventaires qui couvrent notamment les methodes generalistes et de FOS de ces dernieres annees. 292 293 COURS DC DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ET SECONDE METHODOLOGIES ET MÉTH0DES kngue etrangere, témoignenr de revolution du champ qui, au niveau des transpositions didactiques, offre une panoplie de manuels et d'outils pédagogiques complémentaires. Aux versions traditionnelles du livre se greffe toute une gamme de sites numériques proposant des activités pédagogiques variées. Un rapide examen des catalogues des maisons ďédition spécialisées en FLE, acteurs essentiels pour la diffusion de I'enseignement/apprentissage, en France mais aussi afétranger, révěle le dynamisme dc notre époque. Classcr le materiel périphérique n est pas chose aisée. Certes, il est possible de catégoriser par domaine, puis par collection et/ou objectif particulier. Ce procédé, généralemcnt adopté, a f avantage d'off'rir une certaine clarté, mais a l'inconvenient de ne pas rendrc compte de la richesse de l'outil élaboré et ainsi classé. En effet, un outil concu, par exemple, pour prendre en charge foral, va bien évidemment ciblet et privilégier les activités favorisant cette competence, mais cela ne signifie pas qu'il fait f impasse de fécrit. De méme, un otivrage proposanr un entraiuement aux certifications peut rrěs bien étre détourné au profit ďactivités langagiěres comme base d'un cours. Encore un dernier exemple pour montrer la complexité inhérente á toute typologie et qui concerne le lexique: une collection peut lui étre dédiée, mais I'apprentissage du vocabulaire en contexte se trouve bien évidemment dans tous les manuels, qu'ils ciblent la gtammaite, l'oral, fécrit ou la civilisation. II ne faut done pas s'enfermer dans le cadre general qu'offrent, pour des raisons péda gogiqties évidentes, les maisons ďédition qui reproduisent les « découpagcs» établis par les instirurions éducarives et le corps enseignant, suite aux recherches conduites en didactique. Comme tout classement, f aléatoire peut cótoyer la rigueur, mais la rigueur n'empeche pas la souplesse et tout materiel publié peut étre adapté et doit étre adaprable. Pour terminer, on ne peut que constater I'extreme richesse de la producrion fran-caise en accord avec la diversité des recherches rhéoriques et ce dans un laps de temps relarivcmcnr court; on peut égalemem souligner la volonté de prendre en charge les nouveaux besoins qui se sont multiplies et extrémement diversifies afin de répondre a l'emcrgence de nouveaux publics, mis en valeur par 1'évolution de la société, et la volonté d'integrer les nouvelles technologies a fenseignement du FLE. Mais, qu'ils aient été élaborés pour completer le manuel de base, pour renforcer des competences, pour distribuer des connaissances dans un domaine particulier, ou encore pour individualiser I'apprentissage. et prendre en charge l'auronomie, les ourils complémentaires, mis en vogue par le courant communicatif, restent a l'honncur á l'heure actuelle et garden t toutes les faveurs du corps enseignant. Pour en savoir plus Beacco J.-C, L'approche par competences dans Fenseignement des langues, Didier, « Langue et didactique », 2007. Bérard E., L'Approche communicative. Théorie et pratiques, CLE International, «Didactique des langues étrangěres», 1991. 294 Besse H., Galisson R., Polémique en didactique. Du renouveau en question, CLE International, «Didactique des langues etrangeres», 1980. Besse FL, Méthodesetpratiquesdes manuels de langue, Didier-Crédif, «Essais», 1985. Conseii. de l'Europe, Cadre européen commun de reference pour les langues. 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