Apocalypses : entre Marie-Claire Blais, Éric Dupont et Nicolas Dickner Petr Kyloušek, Université Masaryk de Brno ÒConflictualités nationalistes médiatisées ÒAntoine Gérin-Lajoie: Le Jeune Latour (1844) ÒPierre-Georges Prévost Boucher de Boucherville: Une de perdue, deux de trouvées (1849-1851; 1864-1865, 1874) ÒPhilippe-Joseph Aubert de Gaspé père: Les Anciens Canadiens (1863) ÒJacques Ferron: Les Grand Soleils (1958) Ò(Elizabeth Smith: Je suis pas anglaise) ÒFrançois Barcelo: Les Plaines à l’envers (1989) ÒMichel BIRON, Olivier PARENTEAU: La guerre dans la littérature québécoise (Voix et Images, 111, 2012) Ò« Ces guerres ont beau avoir lieu sur d’autres continents, elles fascinent l’écrivain canadien-français malgré la distance ou, plus exactement, elles le fascinent par la distance même qui le séparent de l’événement. » ÒOuvrages analysés ÒBlais, Marie-Claire. Soifs Montréal : Boréal, 1997. ÒBlais, Marie-Claire. Dans la foudre et la lumière, Montréal : Boréal, 2001. ÒBlais, Marie-Claire. Augustino et le chœur de la destruction, Montréal : Boréal, 2005. ÒBlais, Marie-Claire. Naissance de Rebecca à l’ère des tourments, Montréal : Boréal, 2008. ÒBlais, Marie-Claire. Mai au bal des prédateurs, Montréal : Boréal, 2010. ÒDickner, Nicolas. Tarmac. Montréal : Alto, 2011. ÒDupont, Éric. La fiancée américaine. Paris : Éditions du Toucan, 2014. Òelle voyait [« la vierge aux sacs », une prophétesse] le supplice du feu dont brûlait déjà la terre, dans la flambée des bombes, [...] assise sur le trottoir, propre comme si elle eût été lavée par les pluies dans sa jupe plissée, elle attendait la condamnation des hommes autant que celle de Dieu, espérant que cette colère de Dieu saurait engloutir avec elle la ville de New York ..... les bras en croix ..... par ce paroxysme de la fin du monde .... l’eau diluvienne débordant de tous les éviers, de toutes les cuvettes murales, se propageant partout, finirait par épurer la terre et recréerait la vie .... d’autres ressentaient dans leur chair l’éruption d’une planète [...] croyaient voir exploser sous leurs yeux la grappe de leurs entrailles et de leurs organes gangrenés (MCB: Dans la foudre et lumière, pp. 64-65) Òils étaient [soldats] comme ces Allégories du peintre Beckmann, leurs têtes, leurs corps sadiquement tenaillés, ou avais-je le pouvoir de lire dans leurs yeux caves ce qu’ils ramenaient d’eux-mêmes de la ligne des tranchées, eux qui se sentaient coupés, décapités, bien qu’ils fussent encore imprimés là comme sur le canevas du peintre, vivant, respirant encore, telle une marche de fantômes (MCB: Augustino, p 60) Ò Ò ÒJe veux savoir, c’est tout, peut-être ai-je envie que chacun constate que ces moments de la fin d’une vie n’appartiennent qu’à lui seul, pourtant c’est dans une danse collective que nous mourons, que voit-on, que ressent-on pour la dernière fois? Est-ce cynique de vouloir l’accomplissement d’une danse entre tous ces êtres séparés qu’une même crainte unit? Je veux une levée d’âmes triomphantes, déterminées, nous formons alors un cercle, une arche, il n’y a pas que cette union du sexe et de la mort, son image euphorique, il y a aussi que la mort est vitale, qu’elle est pour tous un recommencement, nous pouvons tous convertir notre mortalité en une matinée de survie, et cela varie pour chacun, pour chacune; (MCB: Dans la foudre et lumière, p. 102) Ò Òje crois comme vous au retour des âmes, comment expliquer autrement la confusion du monde, ai-je écrit cela, le retour des âmes? dit Daniel, mais oui, souvenez-vous, dit Rodrigo, vous avez écrit, ces âmes rejetées par les crimes de leurs parents qui habitaient des corps innocents immolés trop tôt reviennent sur la terre, qu’ils ravagent de leurs frayeurs et parfois de leurs crimes [...] ces âmes en écueils rôdaient autour de nous dans le gluant brouillard des sévices ancestraux (MCB: Dans la foudre et lumière, p. 43) Ò Òceux qui marchaient dans la nuit sous les façades noires des immeubles de Zenica, ces enfants, leurs mères, ils étaient eux aussi de cette grande marche de la mort vers la vie, pendant que Franz dirigeait en Bosnie ces œuvres de Berlioz, la Grande Messe des morts, L’enfance du Christ, quand pour le lancinant malaise de chacun, pensait Renata, la guerre était photographiée et que sonnait le cor du massacre funèbre (MCB: Dans la foudre et lumière, p. 125) Ò ÒMesdemoiselles. J’ai pour vous une terrible nouvelle. Le Saint-Siège nous annonce une fin du monde imminente. La date est connue: cela aura lieu le jeudi 10 novembre en avant-midi. D’immenses blocs de glace enflammés tomberont du ciel pour châtier l’humanité. Seuls les purs de cœur et ceux qui craignent Dieu seront sauvés. (FA 163) Ò ÒLe ciel ennuyé de quelques nuages blancs à neuf heures connut un ennuagement graduel et, aux yeux des filles, prévisible au fur et à mesure que la matinée avançait. À dix heures quarante, une masse de nuages gris et sombres couvrait ; le ciel du Bas-Saint-Laurent, plongeant tous et toutes dans une lumière blafarde et blanchâtre, luminosité de novembre des pays du Nord. Par-delà le fleuve immense, les montagnes de Charlevoix disparurent derrière un brouillard apocalyptique. […] On attendit les onze heures comme Zachée attendit Jésus : avec de petits tremblements dans les membres inférieurs. (FA 168) Ò ÒLe 1er septembre 1939, un immense cul se leva sur l’horizon allemand. Tel un astre, il monta dans notre ciel, il se mit à merder, Kapriel, Chez vous, il neige. Eh bien ici, il merde. Des flocons bruns, collants et puants, se mirent à tomber paresseusement sur le sol, sur les gens, sur les voitures, sur le stade olympique… D’abord sur l’Allemagne, puis sur le reste de l’Europe. Au début, on arrivait à se débarrasser de la merde qui tombait, mais bientôt, on en eut aux genoux, puis à la hauteur de hanche. Il merda pendant six ans. Aujourd’hui encore, nous pelletons la merde qui commença à tomber ce jour-là. (FA 490) Ò Ò« Dieu ne joue pas aux dés » : c’est à l’aide des dés, par jeu, qu’elle décide de « trouver la date de la fin du monde au hasard » (T 66) Òla soupe japonaise ramen Captain Mofuku Ò« La nuit dernière j’ai rêvé de la bombe d’Hiroshima. » (T 12) Ò« Bunker », « produit d’une civilisation obsédée par son avenir » (T 46). ÒBob Marley: Come we go burn down Babylon (T 180) Ò «Je suis Shiva, le destructeur des mondes ! » (T 111) Ò « The End Is Near. » (146). Ò« Où peut-on trouver un bunker dans les parages ? » (Sumimasen, kono atari ni chika sherutaa wa ari masu ka ?) ou « Puis-je emprunter votre masque à gaz / votre habit antiradiation ? » (Gasumasuku / houshanou bougyo suutsu o kari temi ii desu ka ?) (T 169-170) Ò ÒCharles Smith–Kamajii ÒSpider-Man ÒSen to Chihiro no kamikakushi (Le voyage de Chihiro, 2001) de Hayao Miyazaki Ò« grandi dans un monde obsédé par l’apocalypse », Ò« les pluies acides, la couche d’ozone, les substances cancérigènes, le cholestérol, la désertification, la fluoration de l’eau courante et les astéroïdes – n’importe quoi, pourvu que ce soit imminent. » (La liste occupe un chapitre entier : T 234-236.) ÒJocelyne Saucier Héritiers de la mine (1999); Il pleuvait des oiseaux (2011) ÒLa fiancée américaine: Louis Lamontagne, Madeleine, Gabriel, Michel ÒMagdalena Berg Ò« Dans un monde où tut est mensonge, plus personne ne ment. » (FA 611)