III.4. Les Canadiens-Français et les États-Uniens (Eva Voldřichová Beránková) III.4.1. Le Québec et les États-Unis d’Amérique En dehors des deux puissances coloniales « mères », à savoir la France et la Grande Bretagne, la littérature canadienne-française (et, par la suite, la littérature québécoise) a puisé son inspiration également dans la culture du seul voisin puissant du Canada. Etant donné la situation géographique ainsi que l’évolution politique et économique du pays dans les deux derniers siècles, il n’est guère surprenant que ce soit justement par rapport aux États-Uniens et au mode de vie américain que les Québécois cherchaient à se définir. Une admiration enthousiaste alternait – notamment dans le discours des élites – avec un rejet non moins véhément de tout ce qui provenait des États-Unis, de sorte que l’ambivalence générale caractéristique des rapports avec le voisin du Sud est progressivement devenue une partie importante de l’identité nationale. L’histoire de cette étrange « fascination américaine » a commencé en 1774 sur le champ de bataille. Désireux d’élargir leur zone d’influence au Nord et de s’assurer un allié dans leur lutte contre la Couronne britannique, les États-Unis en train de se constituer ont attaqué le Québec. Sur le plan militaire, l’invasion a vite échoué, car un hiver rude, un manque cruel de finances et des troupes britanniques renforcées ont progressivement chassé les Américains du territoire canadien. Or, un bon nombre d’idées révolutionnaires diffusées par les républicains enthousiastes ont trouvé un certain retentissement au Québec. Certes, la majorité de la population locale ne s’est pas officiellement rangée « sous l’étendard de la liberté générale » où Samuel Adams et George Washington l’invitaient et, sur le conseil de l’Église catholique, elle manifestait envers les Américains une « neutralité bienveillante».^^[1] Mais dans des cercles étroits d’intellectuels, les idéaux du républicanisme, de la tolérance et de la laïcité commençaient à faire leur chemin. Le rôle crucial dans ce processus a été joué par Fleury Mesplet (1735-1794), imprimeur français venu à Philadelphie sur l’invitation de Benjamin Franklin. Par la suite, grâce à une aide financière accordée par le Congrès des États-Unis, il s’est établi à Montréal où sa tâche consistait à publier des journaux pro-américains destinés à influencer l’opinion publique canadienne en faveur de l’invasion. Ce plan originel a échoué, car les troupes américaines perdantes ont dû quitter la ville et laisser l’imprimeur à son sort. Néanmoins, l’entreprenant Mesplet est resté à Montréal. Il y a fondé le premier journal intitulé Gazette du Commerce et Littérature et par la suite une bilingue Gazette de Montréal/Montreal Gazette, exploit par lequel ils s’est définitivement inscrit dans l’histoire de la littérature canadienne. Le second contact direct des Canadiens avec leur voisin du Sud date d’une autre occupation américaine, survenue pendant la guerre anglo-américaine (parfois appelée « seconde guerre d’indépendance ») qui a eu lieu de juin 1812 à février 1814. Ce dernier conflit armé qui a touché le territoire canadien n’a pas apporté de changement particulier quant à la réception ou la pénétration des idées américaines. Une partie des élites locales continuaient à rêver d’une collaboration plus étroite avec « le pays de la liberté » et d’une lutte éventuelle contre l’ennemi colonial commun, mais la majeure partie de la population restait loyale envers la Couronne britannique. Les sujets de Sa Majesté ont d’ailleurs confirmé cette fidélité lors de la bataille de Châteauguay (le 26 octobre 1813) dans laquelle les troupes canadiennes soutenues par des Indiens ont vaincu les Américains, supérieurs en nombre, et les ont chassés du pays. Dans la période séparant les deux invasions américaines, il est pratiquement impossible de suivre l’intérêt pour les États-Unis dans la littérature officiellement publiée, car la production de livres n’était pas encore suffisamment développée. Les seules sources écrites dont nous disposons aujourd’hui sont les articles de la presse de l’époque. La presse véhicule une image très négative voire caricaturale de l’Américain qui est présenté comme un citadin n’ayant aucun sens de la nature, un libertin préparant la « ruine de la religion et de la morale»,^^[2] un républicain « infecté du poison de l’égalité ».^^[3] Aux manigances omniprésentes de ce démon états-unien, les journalistes opposent en général l’image bucolique du paysan canadien, certes analphabète, mais d’autant plus honnête car protégé par sa vie pleine de labeur de toute frivolité et corruption de la ville: Quant aux mœurs, les Canadiens en ont beaucoup plus que nos voisins. Le libertinage est très rare ici parmi les jeunes gens de la campagne ; là il est devenu une habitude : il n’y a pas de frein à cet égard. Ici on se prête souvent de l’argent sur simple parole. Il y a des personnes qui se trouvent offensées de ce qu’on leur offre un écrit. Ainsi on peut donc avoir de la probité, sans savoir ni lire ni écrire... (Le Canadien, 20 janvier 1810)^^[4] La francité ethnique, qui a par la suite revêtu une signification ouvertement messianique, n’est pas encore explicitement évoquée dans la presse, de sorte que toute argumentation élevant les Canadiens au-dessus de leurs voisins du Sud reste au niveau politique, (pseudo)sociologique et moral. Autrement dit, le caractère diabolique des Américains est donné uniquement par leur sympathie pour le régime républicain et une vie citadine, éventuellement par les dangereuses expérimentations libertines entreprises par eux et débouchant sur leur soumission absolue aux tentations de Mammon, et non pas par une caractéristique spécifiquement nationale. La presse officielle ne lutte pas contre les immigrés américains par pur nationalisme, mais parce qu’elle est convaincue que ces derniers pourraient, par une propagande active ou en donnant un mauvais exemple, infecter et corrompre les Canadiens, jusqu’ici vierges des maladies modernes. La rhétorique utilisée est exagérée et recourt souvent au vocabulaire religieux ou médical: l’Américain doit être exorcisé comme le diable, ou bien des mesures prophylactiques doivent être prises à son égard comme en cas d’épidémie. Cette argumentation noire et blanche, bien comique du point de vue actuel, se renverse complètement dans les années 1820 et 1830, période où les représentants du Parti patriote commencent à chercher dans les États-Unis un allié potentiel contre le régime colonial britannique voire un modèle d’Etat démocratique susceptible d’inspirer l’avenir canadien. C’est avant tout Louis-Joseph Papineau (1786-1871), chef du Parti canadien (devenu Parti patriote en 1826) qui voit dans l’expérience américaine une bonne école pour les futurs hommes politiques du Bas Canada, car les représentants des États-Unis ont su résister à la pression anglaise, poursuivre leur effort de décolonisation et libérer ainsi le pays du modèle monarchique européen. Parmi les élites, la conscience d’une spécificité américaine se forme lentement. Alors que dans les pays européens (notamment en France et en Grande Bretagne) c’est l’aristocratie qui règne, la répartition des richesses y est très inégale et les systèmes politiques et juridiques aussi compliqués qu’injustes, le Nouveau Monde, lui, n’est pas obligé de répéter les erreurs de ses propres colonisateurs: Le continent de l’Amérique diffère essentiellement de l’Ancien continent sous presque tous les rapports. Le climat, la nature du sol, les productions naturelles, les végétaux, les animaux, tout y diffère. Les hommes y sont différemment modifiés, et vouloir leur faire trouver bon en Amérique, ce qu’ils trouvent bon en Europe, est une absurdité complète. De sorte que malgré tous les efforts du despotisme, tant civil que religieux, pour maintenir les institutions Européennes dans l’Amérique du sud, rien n’a réussi, et il va s’établir là un système de gouvernement bien différent de ceux de l’Ancien continent. [...] Croit-on que lorsque l’opinion publique dans tout le vaste Continent de l’Amérique est en faveur des gouvernements représentatifs, il soit bien facile d’établir et de maintenir en Canada une noblesse dégénérée. L’idée en est vraiment des plus ridicules. Telle est la tournure de l’esprit humain qu’il faille de la Noblesse, ou des classes d’hommes privilégiés, dans l’Ancien Monde, et qu’il faille tout le contraire dans le Nouveau Monde. En Amérique il suffit de travailler pour être heureux.^^[5] Dans le milieu politique, les déclarations enthousiastes et américanophiles se multiplient: Il faut qu’il y ait nécessairement un roi en Europe où il est entouré de monarchies [...] Il n’en est pas de même ici, nous n’avons, nous ne pouvons avoir d’aristocratie : nous n’avons pas besoin de ces magnifiques attributs. Nous avons besoin d’un gouvernement simple, tel que celui des États-Unis.^^[6] Vous dites : ‘Canadiens ! Regardez la France !’ et moi je dis, pour contrebalancer vos paroles : ‘Canadiens ! regardez plus près de vous, regardez les États-Unis !’ ^^[7] Bref, le modèle américain de démocratie est de plus en plus souvent considéré par les Canadiens comme un régime simple, efficace, idéalement juste, égalitariste qui offre à ses citoyens tous les droits et libertés modernes. Les voix contraires, qui mettent en garde contre les risques possibles résultant d’une coopération trop étroite avec les États-Unis, voire d’une tentative directe de se libérer de la tutelle coloniale britannique (immigration massive des Américains au Canada, éventuelle riposte militaire de la part de la Grande Bretagne, perte de la langue française au profit de l’anglais, victoire du protestantisme sur le catholicisme traditionnel), restent minoritaires dans le milieu patriotique et leurs avertissements ne parviennent pas à entamer l’enthousiasme général. À l’exception notable d’Étienne Parent (1802-1874), juriste, homme politique et journaliste canadien, qui refuse radicalement toute forme de détachement de la monarchie britannique. Selon lui, l’attrait du modèle américain se trouve infirmé par l’exemple dangereux de la Louisiane, vendue en 1803 par Napoléon Bonaparte aux États-Unis, et dont la population a rapidement adopté le mode de vie américain, y compris une nouvelle langue et religion.^^[8] D’ailleurs, une bonne partie des Patriotes a bientôt eu l’occasion de vérifier comment on vit aux États-Unis. Suite à la répression sanglante de leur insurrection armée en 1837, la plupart des hommes politiques et des journalistes anti-colonialistes ont pris le chemin du Sud pour fuir les persécutions britanniques. Les États-Unis – tout comme les Canadiens-Français lors des invasions américaines – ont gardé une distance diplomatique: sans aller jusqu’à envoyer une aide militaire ou une autre forme de soutien aux insurgés, ils ont généreusement ouvert leurs frontières à tous les fugitifs. Cette première vague d’émigration politique a d’ailleurs été suivie, à partir des années 1840, par d’autres départs plus ou moins réguliers d’ouvriers canadiens-français qui cherchaient du travail dans des usines américaines. Les Canadiens moyens ont ainsi imité, mais pour des raisons économiques, leurs propres élites. La dernière poussée de l’enthousiasme politique pour les États-Unis date d’octobre 1849 et consiste dans un manifeste réclamant l’annexion du Canada aux Etats-Unis signé par des libéraux francophones et par les membres de l’Institut canadien. L’un des signataires, le neveu de Papineau Louis-Antoine Dessaules (1819-1895) a par la suite prononcé six conférences publiques consacrées à la nécessité d’une telle annexion. Dans ses textes, il a refusé la comparaison avec la Louisiane, utilisée par Parent, insistant au contraire sur les avantages selon lui incontestables que le mariage de raison américano-canadien apporterait tant à l’administration publique (passage non-sanglant à la république, évincement des bureaucrates britanniques, réduction des dépenses publiques, amélioration de la situation économique) qu’aux citoyens (pratique plus libérale des droits de l’homme, niveau plus élevé de l’éduction nationale, laïcité sans les excès anti-cléricaux).^^[9] En dehors de la politique, ces tendances pro-états-uniennes se répercutent très rapidement sur le domaine qui nous intéresse le plus, à savoir la fiction et la théorie littéraire. Dès les années 1830, François-Xavier Garneau (1809-1866), poète et historien libéral, présente sa vision d’une littérature canadienne-française: Quelle source de poésie que les courses et les découvertes de ces braves chasseurs, qui, s’enfonçant dans les solitudes du Nouveau-Monde, bravaient les tribus barbares qui erraient dans les forêts et les savanes, sur les fleuves et les lacs de ce continent encore sans cité et sans civilisation. Un jour, sans doute, l’imagination des Français marchant sur les traces de Chateaubriand dans son beau poème d’Atala, s’emparera de ce nouveau champ, comme a déjà commencé à le faire le romancier américain Cooper avec tant de succès. Ce champ nous appartient bien plus légitimement qu’à nos voisins.^^[10] Le concept de Garneau est intéressant comme une sorte de compromis identitaire qui marie l’américanité thématique (explorer les mêmes motifs que Cooper) avec une francité stylistique (écrire comme Chateaubriand). Or, les générations ultérieures d’écrivains canadiens-français, elles, délaisseront rapidement le génie de Saint-Malo au profit de son rival états-unien. James Fenimore Cooper (1789-1851), qu’on appelle à l’époque « le Walter Scott américain », devient immensément populaire au Canada, où ses livres sont couramment reproduits en feuilleton. Son culte auprès des lecteurs est tel qu’à partir des années 1850, la critique littéraire prend l’habitude de juger la production locale en fonction de ses ouvrages. Ainsi, dans une critique littéraire du roman Le jeune Latour d’Antoine Gérin-Lajoie nous pouvons lire les considérations suivantes: Son oeuvre révèle un assez beau talent; mais il aurait dû s’inspirer de Fenimore Cooper plutôt que de Chateaubriand, dont les romans ne peuvent pas être lus sans dégoût par celui qui connaît tant soit peu l’histoire d’Amérique.^^[11] Encore en 1867, le poète patriotique Octave Crémazie se lamente avec nostalgie de l’échec du fameux « projet Cooper » dont il espérait tant: [...] le Canada aurait pu conquérir sa place au milieu des littératures du vieux monde, si parmi ses enfants, il s’était trouvé un écrivain capable d’initier, avant Fenimore Cooper, l’Europe à la grandiose nature de nos forêts, aux exploits légendaires de nos trappeurs et de nos voyageurs. Aujourd’hui quand bien même un talent aussi puissant que celui de l’auteur du Dernier des Mohicans se révélerait parmi nous, ses œuvres ne produiraient aucune sensation en Europe, car il aurait l’irréparable tort d’arriver le second, c’est-à-dire trop tard.^^[12] Dans la deuxième moitié du 19^e siècle, la scène politique et culturelle se polarise de plus en plus entre deux visions de l’avenir. D’une part, les libéraux comme Henry-Émile Chevalier (1828-1879) ou Hector Fabre (1834-1910) continuent à rêver d’une coopération renforcée avec les États-Unis, ainsi que d’une littérature nationale canadienne-française nourrie par l’exotisme de la nature locale, le sort tragique des Amérindiens ou les aventures des pionniers courageux, tout ceci rédigé dans une langue correspondant au Canada français. À la même époque, l’écrivain et le journaliste Arthur Buies (1840-1901) va jusqu’à affirmer, non sans quelque provocation, qu’il vaut mieux être un riche Américain qu’un pauvre sujet de la reine d’Angleterre.^^[13] D’autre part, les conservateurs représentés par exemple par François-Edmé Rameau de Saint-Père (1820-1899) refusent énergiquement tout ce qui provient du voisin du Sud. Le peuple du Bas-Canada, francophone et catholique, est selon eux investi d’une mission providentielle qui consiste à repousser les influences états-uniennes, mercantiles et bassement pragmatiques, avant de se lancer dans une intellectualisation et une spiritualisation définitives de l’Amérique: Tandis qu’aux États-Unis les esprits s’absorbent avec une préoccupation épuisante dans le commerce, dans l’industrie, dans l’adoration du veau d’or, il appartient au Canada de s’approprier avec désintéressement et une noble fierté le côté intellectuel, scientifique et artistique du mouvement américain, en s’adonnant avec préférence au culte du sentiment, de la pensée et du beau.^^[14] Nous trouvons une rhétorique semblable chez l’abbé Henri-Raymond Casgrain, défenseur d’un projet de littérature nationale s’appuyant sur l’idée de la francité et de la latinité, notions qui riment à ses yeux non seulement avec la langue française, le catholicisme et le mode de vie rural, mais également avec le sort messianique du peuple canadien: Quelle action la Providence nous réserve-t-elle en Amérique ? Quel rôle nous appelle-t-elle à y exercer? Représentant de la race latine, en face de l’élément anglo-saxon, dont l’expansion excessive, l’influence anormale doivent être balancées [...] notre mission [...] est d’y mettre un contrepoids en réunissant nos forces, d’opposer au positivisme anglo-américain, à ses instincts matérialistes, à son égoïsme grossier, les tendances plus élevées, qui sont l’apanage des races latines, une supériorité incontestée dans l’ordre moral et dans le domaine de la pensée.^^[15] Pour Casgrain, qui pendant des années dictait à sa façon la politique éditoriale de toute la partie francophone du pays, la littérature devrait donc être nationale parce que suprêmement religieuse, parce que plus « latine » que celle des « Latins » de l’Europe contemporaine. Ces deux aspects assureront (enfin) sa spécificité, après de longs tâtonnements et des imitations plus ou moins réussies d’auteurs étrangers tels que Chateaubriand, Walter Scott ou Fenimore Cooper. Les idées de Casgrain reflètent la conviction conservatrice de l’époque, à savoir que les Canadiens-Français devraient réussir là où les Français eux mêmes ont failli (voir III.3. Le Québec et la France pp. XXX/20-21). Tandis que l’Hexagone a trahi les valeurs traditionnelles de l’Ancien Régime en rejetant la monarchie et la foi catholique au profit des idéaux de la Révolution française, la Canada français avec sa culture, sa morale et son mode de vie devrait rester une sorte de paradis des bons vieux temps résistant au monde moderne, désordonné et menacé de dépravation. C’est avant tout la littérature ainsi que les valeurs et les normes véhiculées par elle qui étaient censées contribuer à la conservation définitive de la « France originelle ». La profonde allergie aux États-Unis qu’on constate chez Casgrain était sans doute causée également par son idéal d’une culture traditionnelle française, pure, soumise à des règles politiques, morales et esthétiques claires, par rapport à laquelle le melting pot américain, composé de différentes nations et mentalités, semblait bien fragile, peu fiable voire chaotique. En fait, un écart de plus en plus marqué se creuse progressivement entre, d’une part, les discours officiels de l’élite, souvent ultraconservateurs, nostalgiques et radicalement anti-états-uniens, et, d’autre part, la réalité quotidienne d’un pays qui non seulement a depuis longtemps cédé au charme des cirques et des parcs d’amusements états-uniens (par la suite également à la cinématographie et aux radios privées), et dont les classes aisées commencent à rouler dans de confortables voitures américaines à travers les villes canadiennes qui rappellent de plus en plus celle de New-York. Pendant de longues décennies, les gardiens de la « culture nationale » refusent d’admettre que le citadin québécois moyen ne vit plus dans une sorte de France idéalisée des siècles précédents, mais que sa façon de vivre ne diffère guère de celle de la plupart des Etats-Uniens. C’est seulement après que l’urbanisation et l’industrialisation progressives du pays aient définitivement ruiné les espérances d’une mission civilisatrice du peuple élu et ont mis le Canada français « sous la coupe du matérialisme moderne »^^[16] dicté par les États-Unis que la tactique de dissuasion a dû changer. Dans leur sainte lutte contre ce « confort à l’américaine », les conservateurs modifient quelque peu leur ancienne argumentation fondée sur la dichotomie entre les États-Uniens rusés et immoraux et les Canadiens illettrés mais honnêtes au profit d’une nouvelle image simplificatrice: désormais ce sont les Américains qu’on taxe de riches et incultes, tandis que les Candiens-Français sont présentés comme une nation pauvre mais intelligente et spirituelle. Le célèbre essayiste Edmond de Nevers (1862-1906) soupire ainsi avec un bonne dose de pathos: Si, pour chaque millionnaire que nous offriraient nos voisins, nous pouvions leur offrir, proportionnellement à notre population, un homme distingué dans les sciences, les arts ou les lettres.^^[17] Certains auteurs adoptent un ton beaucoup plus pessimiste voire apocalyptique: New York est trop près de nous [...]. La mentalité américaine nous pénètre et nous déborde à notre insu, et la bohème, cette fleur de France, ne saurait s’acclimater sur nos rives. [...] Pensez que nous avons pour voisin un peuple de quatre-vingts millions d’hommes dont la civilisation ardemment positive, les conceptions toutes prosaïques et les préoccupations exclusivement matérielles sont la négation de l’idéal français, — un peuple d’une vie et d’une activité effrayantes, à cause de cela attirant comme un gouffre, et qui projette sur nous, jour et nuit, la monstrueuse fumée de ses usines ou l’ombre colossale de ses sky-scrapers.^^[18] D’autres décident de combattre le mal à coup de pamphlets caustiques: Regardons vers New York lorsqu’il s’agit de finances et vers Chicago lorsqu’il s’agit de cochons. Mais lorsqu’il y va de littérature, d’art, de science, de culture, rappelons-nous que les Dieux n’ont pas encore traversé l’Atlantique.^^[19] Seul Olivar Asselin (1874-1937), un nationaliste militant, parvient à parler – certes, avec une bonne dose de théâtralité mais ouvertement – du profond clivage qui divise la société canadienne: Pendant que nos docteurs pérorent devant quelques douzaines d’auditeurs et que nos jeunes aèdes accordent leur lyre dans le cercle étroit des cénacles, cinquante mille petits crevés de dix-huit à trente ans, sortis de tous les coins de la métropole, s’en vont par troupeaux au cinéma, leur unique passe-temps, faire admirer leurs têtes de belluaires et de coiffeurs pour dames, leurs belles têtes interchangeables fabriquées en séries chez Ford. Dans ces cerveaux vides, aucun rayon de vie française n’a jamais pénétré [...]. Mesdames et Messieurs, je vous le demande loyalement, sans la moindre intention d’ironie, est-ce l’Almanach de la langue française qui les éclairera ? C’est quand on voit l’abîme qui se creuse de plus en plus chez nous entre la masse — surtout celle des villes – et les rares flamines de l’Intelligence, c’est alors qu’emporté par une sainte folie, on est tenté de s’en aller comme le prophète par les rues de la ville en criant : la Cité va périr ! La Cité va périr!^^[20] Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’une des missions les plus importantes à remplir par les romans de la première moitié du 20^e siècle consiste précisément à protéger leurs lecteurs contre les dangers états-uniens. À la fin de Maria Chapdelaine (1914 en revue, 1916 sous forme de livre) de Louis Hémon, c’est « la voix du pays de Québec » qui finit par retenir la protagoniste de la tentation de suivre l’un de ses prétendants dans le monde attirant mais désespérément superficiel des grandes villes américaines (voir ci-après III.6. Étranger dans la littérature canadienne-française et québécoise, p. ???). Dans la nouvelle Robert Lozé (1903) d’Errol Bouchette, le frère du protagoniste, Jean Lozé, revient des États-Unis et lance un patriotique « emparons-nous de l’industrie »^^[21] (à comprendre: ne la cédons pas aux Américains, plus efficaces et plus performants jusqu’ici). Face au fort syndicalisme américain, l’abbé Arsène Goyette voit L’unique solution (1925) dans un syndicalisme non pas national mais confessionnel. Laurent Barré dénonce L’Emprise (1929-1930) du capital étranger sur les sources hydrauliques du Saguenay-Lac-Saint-Jean tandis que Joseph Lallier identifie le Spectre menaçant (1932) du travail le dimanche et du capitalisme américain qui changera à jamais le caractère et les coutumes populaires dans la même région. C’est seulement dans les années 1930 et 1940 que les premiers conservateurs commencent à se résigner à l’américanisation inévitable de leur pays: Il se trouve que nous avons un seul voisin, et que ce voisin est devenu l’une des très grandes puissances mondiales. C’est un malheur, j’en suis fermement convaincu [... mais] jusqu’au jour où il sera possible de faire pivoter les continents sur eux-mêmes de façon à situer le Canada entre le Brésil et l’Argentine, acceptons la géographie telle que Dieu et les lois naturelles l’ont fabriquée!^^[22] La littérature, elle, ne se rattrape qu’après la Seconde Guerre mondiale à travers toute une série de romans consacrés à la ville de Montréal qui est présentée comme une métropole américaine. Parmi les ouvrages les plus connus citons Le Poids du jour (1949) de Ringuet, Alexandre Chenevert (1954) de Gabrielle Roy, Les Inutiles (1956) d’Eugène Cloutier ou La Bagarre (1958) de Gérard Bessette. Rejetant l’idée traditionnelle de la francité, l’écrivain et l’éditeur Robert Charbonneau revendique pour la littérature québécoise le droit de choisir aussi bien « dans le vignoble californien de M. Steinbeck » que « dans le vignoble racinien ». Selon lui, il faut définitivement sortir de la zone d’influence de la France comme les États-Unis l’ont jadis fait avec l’Angleterre et les pays de l’Amérique du Sud avec l’Espagne ou le Portugal (voir III.3. Le Québec et la France, pp. ???). Bref, l’avenir passe par le continent américain: Si la littérature a une tendance à devenir universelle, il semble que ce soit actuellement par le truchement de la langue anglaise et par l’édition américaine qu’elle le deviendra. [...] Mais cette recherche d’autonomie signifie le refus du colonialisme, autant français qu’états-unien.^^[23] Et Jean Le Moyne renchérit: J’avoue ne plus croire que nous puissions jamais rendre compte de nous-mêmes en français à cause d’un fait primordial : l’invention et la forme de l’Amérique ne sont pas françaises.^^[24] Les années 1960 avec leur Révolution tranquille et la poussée du nationalisme séparatiste laissent un message ambigu. D’une part, l’Etat adopte des mesures radicales et très efficaces en faveur du français, de sorte que la littérature québécoise confirme son mariage avec la langue de Racine (à moins qu’elle ne veuille explorer le joual montréalais) et les hommes politiques de gauche ne manquent pas une occasion pour dénoncer « l’impérialisme américain », la guerre du Viêtnam, etc. D’autre part, de plus en plus nombreux sont les écrivains (Jacques Poulin, Jacques Godbout, Victor-Lévy Beaulieu) et les critiques littéraires (Benoît Melançon, Jean Morency, Pierre Nepveu) qui se lancent dans la représentation et l’exploration systématique de l’américanité, cette partie intégrante de la culture québécoise. En superposant les littératures états-unienne et québécoise et en comparant les caractéristiques communes ainsi obtenues à d’autres traditions littéraires d’Amérique Centrale et d’Amérique Latine, les spécialistes ont fini par dégager un certain nombre de composantes générales du « mythe américain »: ^^[25] · histoires de découverte, de fondation et de colonisation du nouveau continent, souvent liées à un fort messianisme et aux différents projets civilisateurs plus ou moins utopiques · références permanentes aux espaces gigantesques de l’Amérique qui influent sur les mentalités des différentes nations ainsi que sur leurs poétiques respectives · attention particulière accordée à la nature et au climat · renvois fréquents à l’émancipation nationale par rapport à l’ancien colonisateur, conscience d’une dualité culturelle fondamentale: appartenance à la fois à la sphère européenne et à celle du Nouveau Monde en voie de « s’inventer » · foi inébranlable dans le succès et dans le bonheur (le fameux mythe américain) ou bien, au contraire, caricatures féroces d’un tel optimisme · opposition dynamique entre la stabilité et l’aventure, le cultivateur et l’éternel nomade, la civilisation et la sauvagerie, le silence et la parole, « l’attachement et l’arrachement ». La liste des différentes composantes n’est pas exhaustive, bien sûr, mais elle permet quand même une orientation de base dans les thèmes communs à toutes les littératures du nouveau continent. Les cultures canadienne-française et américaine cessent ici d’être perçues comme deux traditions contradictoires voire ennemies. Bien au contraire, elles représentent soudain deux parties intégrantes d’un tout plus général. Cette américanisation (adoption progressive d’une mentalité typique des États-Unis) que les élites craignaient tant cède la place à un concept beaucoup plus acceptable voire porteur d’espoir, à savoir celui de l’américanité (conscience d’appartenir à l’ensemble des pays formant les Amériques du Nord, Centrale et Latine). En ce qui concerne les réactions des écrivains québécois contemporains face au rapprochement économique et culturel de leur pays avec les États-Unis, qui va s’accélérant, elles sont tout aussi riches et variées que toute l’histoire de la fascination des Canadiens pour leur voisin du Sud. Il y a ceux qui, plus d’un siècle après l’abbé Casgrain, répètent les arguments de ce dernier sur l’esprit latin et la platitude de la culture états-unienne, désespérément matérialiste et dépourvue de toute intériorité: Et si Paris a cessé d’être la capitale du monde, c’est la culture elle-même qui a perdu son crédit dans le monde. Rien n’a succédé au Quartier latin.^^[26] D’autres vont au contraire jusqu’à nier toute différence fondamentale entre les cultures française et américaine: Si vivre en français signifie traverser le siècle avec des valeurs autres que vivre en américain, il serait à peu près temps qu’on nous en donne la liste.^^[27] Pour Jacques Languirand, le Canada français serait, « dans une certaine mesure, anti-américain au plan du conscient et pro-américain au plan de l’inconscient »,^^[28] tandis que pour Jean Le Moyne le Québec pourrait devenir « intéressant pour lui-même et le monde en devenant un carrefour des cultures où se renouvelleraient la parenté de l’Europe et de l’Amérique et leur fécondité ».^^[29] Une autre vision intéressante de l’avenir est présentée dans un essai signé de Noël Audet et intitulé Écrire de la fiction au Québec.^^[30] L’écrivain y clame la nécessité de trouver enfin une forme adéquate pour exprimer l’américanité canadienne. S’insurgeant avec violence contre les éditeurs parisiens d’auteurs québécois qui interviennent dans les textes et remplacent sans scrupules les « soupers » par les « dîners », les « orignaux » par les « élans d’Amérique » ou les « bleuets » par les « myrtilles », il invite ses compatriotes à écrire, certes, dans le français standard (pour ne pas se couper des lecteurs francophones du monde entier), mais à ne pas hésiter à enrichir cette base par des apports lexicaux typiquement québécois. Quant aux sujets des romans, ils devraient renvoyer à la réalité américaine. Globalement, nous pouvons dire que Noël Audet refuse l’excès de l’américanisation (en proposant de désangliciser le vocabulaire), mais en même temps il revendique fièrement son appartenance au nouveau continent. C’est même en rompant avec Paris et en assumant et approfondissant leur sensibilité américaine que les écrivains québécois intéresseraient davantage la communauté francophone internationale. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître à première vue, selon Noël Audet, l’avenir de la francophonie québécoise passera par l’américanité. III.4.2. Les États-Unis dans le roman québécois contemporain Etant donné l’ampleur de la production actuelle, nous nous limiterons à une brève analyse comparée de dix romans publiés entre 1981 et 2001. Elle nous permettra de dresser par la suite une typologie plus générale de personnages, intrigues et images des États-Unis, typiques de la littérature québécoise contemporaine. Nous examinerons les oeuvres suivantes, classées dans l’ordre chronologique: Le voyageur distrait (Gilles Archambault, 1981), Petites violences (Madeleine Monette, 1982), Volkswagen blues (Jacques Poulin, 1984), Une histoire américaine (Jacques Godbout, 1986), Copies conformes (Monique LaRue, 1989), La pêche blanche (Lise Tremblay, 1994), Petit Homme Tornade (Roch Carrier, 1996), Fou-bar (Alain Beaulieu, 1997) et Chercher le vent (Gilles Vigneault, 2001). En général, les héros canadiens font une expérience directe des États-Unis et de leurs habitants au cours de longs voyages qui représentent dans la plupart des cas la principale intrigue de l’oeuvre. Tandis que les romans traditionnels opposaient à la sédentarité des paysans québécois le nomadisme des « coureurs de bois » ou les fréquents voyages que les ouvriers locaux entreprenaient à la recherche du travail, dans la production actuelle le prototype du voyageur est un intellectuel d’âge moyen. Il s’agit le plus souvent d’un professeur invité ou d’un artiste quittant provisoirement ou définitivement son pays pour essayer de se comprendre lui-même. C’est pourquoi certains critiques littéraires contemporains parlent à ce propos de « voyages identitaires ».^^[31] Dans cet ordre d’idées, il est intéressant de remarquer que le même type d’expériences charnières est caractéristique également de la vie des intellectuelles, car l’opposition entre l’homme nomade et la femme sédentaire, un des piliers thématiques de la littérature québécoise jusqu’aux années 1960, n’existe plus. Non seulement les héroïnes actuelles manifestent la même volonté de se déplacer que leurs collègues masculins, mais elles sont même beaucoup plus nombreuses à rester définitivement à l’étranger, tandis que leurs partenaires ont plutôt tendance à considérer le voyage aux États-Unis comme une parenthèse, après laquelle ils rentrent chez eux et renouent avec leurs anciennes habitudes. Globalement, il y a deux types de motivations qui amènent les héros des romans québécois à se déplacer: les motivations manifestes et les motivations latentes qu’on ne découvre qu’au fur et à mesure de la lecture. Les premières relèvent en général du domaine professionnel ou d’un projet spécifique. Michel (le protagoniste du Voyageur distrait) se déplace aux États-Unis, car il s’apprête à rédiger un livre sur Jack Kerouac, Claire (l’héroïne des Copies conformes) déménage à San Francisco, parce que son mari a obtenu un poste à l’Université de Berkeley, Robert (dans Petit homme tornade) veut écrire « la fabuleuse légende de millions de Canadiens- Français émigrés aux États-Unis »,^^[32]^ etc. Seuls Jacques Godbout et Alain Beaulieu ajoutent à la motivation professionnelle de leurs héros une raison politique: les protagonistes d’Une histoire américaine et de Fou-bar quittent leur pays après l’échec du premier référendum sur la souveraineté (1980). Déçu par la victoire du non, Grégory Francoeur se met à clamer, non sans quelque provocation, que « l’avenir du Québec se situ[e] aux États-Unis ».^^[33] (Il s’agit en fait d’une variation ironique contemporaine sur les thèses défendues au 19^e siècle par l’Institut canadien, groupe de libres penseurs qui rêvaient à l’époque de l’annexion du Canada aux États-Unis pour échapper, d’une part, au contrôle exercé sur la population québécoise par l’Église catholique et, d’autre part, au puritanisme victorien britannique qui s’était imposé dans le pays depuis le Traité de Paris en 1763.) Or, derrière ces motivations manifestes, professionnelles ou politiques, le lecteur décèle au fur et à mesure tout un ensemble de facteurs psychologiques qui s’avèrent d’autant plus importants que les personnages ont tendance à les taire ou les refouler. Dans sept romans sur neuf, le voyage aux États-Unis est ainsi motivé par des problèmes de couple. Les protagonistes veulent échapper à un amant violent ou possessif (Martine dans Petites violences), assumer la fin douloureuse d’une relation ou se préparer intérieurement au divorce (Grégory dans Une histoire américaine, Robert dans Petit homme tornade, Jacques dans Chercher le vent) ou retrouver sa partenaire après une longue période de séparation (Michel dans Le Voyageur distrait, le protagoniste de Fou-bar). Même là où les départs du Canada ne sont pas liés aux concubinages ou mariages malheureux, le désir de s’expatrier résulte de conflits entre les proches. Soit la famille a éclaté (comme dans Volkswagen blues de Jacques Poulin où Jack Waterman part à la recherche de son frère perdu), soit elle a été au contraire trop conservatrice et oppressante (comme dans La pêche blanche où deux frères peinent, chacun à sa manière, pour se libérer enfin d’une tutelle paternelle omniprésente). Pour compléter cet éventail des motivations psychologiques poussant les héros à se rendre aux États-Unis, ajoutons la crise de la quarantaine (qui frappe le héros de Jacques Poulin) ou des tendances suicidaires (dont souffre le protagoniste de Chercher le vent). Dans tous les cas cités, le voyage est censé avoir des vertus thérapeutiques. C’est en se déplaçant temporairement ou définitivement que les personnages espèrent trouver une nouvelle vie, recommencer à zéro, faire un « gros nettoyage »... bref, y voir plus clair en eux-mêmes, dans leurs propres désirs et craintes. L’expatriation doit apporter une réponse aux questions traditionnelles « que dois-je faire? », « que puis-je espérer? » et surtout « qui suis-je? ». Nous pouvons citer à ce propos une définition donnée par Eric Landowski: [...] toute construction identitaire, toute ‘quête de soi’, passe par un procès de localisation du monde – du monde comme altérité et comme présence [...] par rapport à soi. Et inversement, toute exploration du monde, tout ‘voyage’, en tant qu’expérience du rapport à un ici-maintenant sans cesse à redéfinir, équivaut à un procès de construction du je.^^[34] À regarder de près la topographie romanesque, nous constatons que le premier lieu de destination des héros québécois contemporains est l’Ouest américain, plus particulièrement la Californie. Il s’agit paradoxalement de l’Etat américain le plus éloigné de la ville de Montréal ou de celle de Québec dont les héros sont originaires. Le but du voyage correspond le plus souvent à la ville de San Francisco ou à celle de Berkeley abritant la célèbre université. Ce grand éloignement du lieu de destination par rapport au point de départ est, bien sûr, calculé, car les auteurs obligent ainsi leurs personnages à traverser en diagonale les États-Unis dans une sorte de « road-movie » littéraire. Une autre raison évidente de ce choix consiste dans la possibilité de comparer ou d’opposer diamétralement (au sens propre comme au sens figuré) le Québec à la Californie, comme deux modes de vies différents et parfois difficilement compatibles. Sur un plan plus symbolique, nous pouvons aussi dire que certains des héros actuels suivent les pas de leurs ancêtres du 19^e siècle, car après l’écrasement de la rébellion des Patriotes en 1837, une bonne partie de la représentation politique du Canada francophone a émigré précisément aux États-Unis. Parmi les autres destinations, remarquons la ville de New York qui se trouve souvent comparée ou opposée à celle de Montréal. Curieusement, aucun personnage ne se dirige vers la côte Sud-Est des États-Unis qui correspond beaucoup mieux aux destinations réelles des voyageurs et touristes québécois. Selon les statistiques officielles, un peu plus de 10% des Québécois actuels passent toutes leurs vacances en Floride. À l’exception du héros de Gilles Vigneault qui, complètement absorbé dans ses problèmes personnels, ne semble pas se poser de questions politiques ou sociales, tous les autres protagonistes sont amenés à comparer sans cesse leur patrie avec les États-Unis. Les principales critiques qu’ils formulent à l’égard de leur voisin du Sud sont assez prévisibles et, somme toute, classables en deux catégories. La première recouvre toutes les formes de la violence. Celle-ci marque avant tout le passé du pays. Par exemple Jack Waterman de Volkswagen blues estime que toute l’Amérique a été construite sur les tombes des populations indiennes et Robert Martin s’interroge dans Petit homme Tornade sur un modus vivendi qui permette aux différentes races et cultures locales d’y cohabiter après tant de siècles de luttes sanglantes. Ce passé sombre du continent débouche parfois sur un présent non moins problématique. Dans les romans de Jacques Godbout et Alain Beaulieu, les États-Unis actuels sont ainsi décrits respectivement comme un pays où « la violence [...] est démente »,^^[35] la police omniprésente et la politique étrangère très agressive (Godbout) ou carrément comme un « État policier déguisé en démocratie »^^[36] (Beaulieu). La cruauté présente dans des rapports interpersonnels à New York et à San Francisco est stigmatisée également dans les romans écrits par des femmes: Madeleine Monette et Monique LaRue. Néanmoins, les jugements des deux auteures s’avèrent plus modérés, car elles soulignent aussitôt que la violence n’est pas un apanage exclusif des États-Unis. La deuxième catégorie de critiques porte sur tout ce que nous pourrions résumer par la notion globale de mensonge, de mystification. Claire Dubé, l’héroïne des Copies conformes, parle ainsi de l’univers « parfaitement absurde et irréel »^^[37] de San Francisco. Pendant son séjour aux États-Unis, elle est logée dans une curieuse copie d’une maison romane. De tels décors artificiels s’accordent parfaitement à la population locale, notamment aux femmes californiennes, ces « droguée[s] du scalpel »^^[38] qu’elle juge « trop riche[s], trop maigre[s] pour être réelle[s] »^^[39] et qui semblent réciter couramment des répliques tirées des célèbres films hollywoodiens. Madeleine Monette, elle, parle dans Petites violences de la ville de New York comme d’un univers « décadent et ultra-raffiné » qui a « le pouvoir à la fois dévastateur et vivifiant des rêves ».^^[40] Davantage centrés sur les aspects historique et politique du pays, les commentaires de Jacques Poulin, Jacques Godbout et Alain Beaulieu dénoncent, eux aussi, l’illusion du « rêve américain ». Or, si les romanciers québécois se montrent souvent impitoyables avec leur voisin du Sud, ils n’en sont pas moins fascinés par ce pays aux multiples facettes et contrastes étonnants. La plupart des romans célèbrent New York, San Francisco et les États-Unis en général comme de rares et très précieux espaces de liberté. Cette tendance est la plus marquée dans La pêche blanche de Lise Tremblay où l’un des protagonistes déclare sans la moindre ironie: « Les Américains croient qu’ils ont inventé la liberté et c’est vrai. »^^[41] Le départ immédiat pour le Sud correspond d’ailleurs dans le livre au seul remède efficace contre la dictature d’un père brutal et d’une mère aussi faible qu’ultra-conformiste, ces deux tristes caricatures de la famille traditionnelle québécoise. Nous pouvons même dire que tous les personnages des romans cités – quelles que soient les motivations et les résultats immédiats de leurs tentatives respectives – ont suffisamment confiance dans le « rêve américain » pour quitter leur pays et espérer une nouvelle vie, une nouvelle chance, un nouveau départ. Sur ce plan, même les plus sceptiques d’entre eux reprennent en quelque sorte à leur compte les anciennes utopies de l’Europe de la Renaissance qui, elle aussi, voyait dans le continent américain un el dorado à découvrir, un nouveau monde à construire, une table rase à couvrir d’écriture et de civilisation. Puisque tous les protagonistes des romans cités sont des Québécois, donc déjà des personnes originaires du Nouveau Continent, leur el dorado à découvrir se déplace plus au Sud, c’est aux États-Unis qu’ils cherchent désormais leur bonheur. Ainsi, nous pouvons dire que, malgré toutes les critiques et sarcasmes imaginables, le rêve américain continue bel et bien à régner sur le roman québécois contemporain. L’image ambiguë des États-Unis joue globalement en faveur de ce « pays de la liberté ». Il est perçu à la fois comme suffisamment « autre » pour faire naître tous les espoirs (les rejetons des familles conservatrices y cherchent une liberté personnelle inconnue jusqu’ici, les femmes traditionnellement soumises y trouvent une possibilité de s’émanciper, les romanciers en panne d’inspiration s’y remettent soudain à écrire, les timides maladifs y rencontrent un nouvel amour), tout en présentant suffisamment de similitudes avec le Québec pour que les différents personnages n’y soient pas complètement perdus. En effet, dans six romans sur neuf, les protagonistes finissent par assumer voire célébrer leur appartenance au continent nord-américain composé avant tout du Canada et des États-Unis. Cette constatation ne fait d’ailleurs que confirmer la tendance générale du roman québécois qui – à en croire les manuels de l’histoire littéraire – se caractérise depuis les années 1980 davantage par son américanité que par ses liens traditionnels avec la France. Dans cet ordre d’idées, il est intéressant de remarquer que cette nouvelle orientation ne se limite pas à la littérature. Les sociologues et politologues ne cessent de rappeler que, par exemple, le traité d’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain, en anglais North American Free Trade Agreement, abrégé en NAFTA) créant une zone de libre-échange entre les trois pays d’Amérique du Nord : le Mexique, les États-Unis et le Canada, a été signé en 1994 grâce au soutien actif des Québécois, tandis que la réaction des provinces canadiennes anglophones était, elle, beaucoup plus tiède.^^[42] Plus intéressant encore était le subit revirement du Parti québécois, profondément nationaliste qui, après plusieurs décennies de diabolisation systématique de la politique états-unienne, a soudain déclaré par la bouche de Jacques Parizeau que «[...] l’intégration ‘ nord-sud ’ entre le Québec et les États-Unis pourrait affaiblir l’intégration ‘est-ouest ’, et donc disloquer le Canada et faciliter l’accession à l’indépendance.»^^[43]^ Ainsi, les nationalistes ont appris à jouer la carte américaine contre le Canada anglophone en graciant provisoirement leur voisin du Sud. Dans la majorité écrasante des romans québécois contemporains le bilan du voyage aux États-Unis est considéré comme positif. Ceci est valable avant tout sur le plan professionnel. Le séjour à l’étranger permet aux héros du Voyageur distrait, des Petites violences et de Volkswagen blues de surmonter leur stérilité créatrice et de se remettre à travailler. Les protagonistes de La pêche blanche, de Petit Homme Tornade et de Chercher le vent trouvent, eux, dans le séjour américain une solution à leurs crises personnelles. Ils commencent effectivement une nouvelle vie et forment de nouveaux couples. Presque tous les personnages, quels que soient leurs succès ou pertes dans la vie privée, finissent par clamer une sorte de solidarité nord-américaine qui prime dans leur esprit sur les nombreuses différences constatées entre leur patrie et son voisin du Sud. Paradoxalement, même dans les rares romans où le voyage du protagoniste dégénère en une longue et douloureuse traversée du désert et où les États-Unis riment avec l’enfer, les personnages parviennent à fructifier leurs expériences frustrantes. Ainsi, après avoir rejeté l’hypocrisie californienne et abandonné une relation extra-conjugale plutôt décevante, l’héroïne des Copies conformes trouve le sens de sa vie dans le retour au Québec et dans la certitude nouvellement acquise d’être « la femme d’un seul homme, la mère d’un garçon de cinq ans ».^^[44] Jack Waterman, le héros de Volkswagen blues, aboutit lui aussi à un échec relatif lorsque, après une interminable traversée des États-Unis, il trouve son frère paralysé et amnésique. Mais lui aussi conclut de façon conciliante. Certes, les retrouvailles espérées entre frères n’ont pas eu lieu, mais le voyage en Californie n’en a pas été moins crucial dans sa vie, car il lui a révélé son identité québécoise, définie comme à la fois francophone et nord-américaine. La seule aventure aboutissant à une conclusion amère est donc Une histoire américaine de Jacques Godbout. Suite à une fausse accusation, Grégory Francoeur passe plusieurs mois en prison, avant d’être banni du pays et renvoyé de force au Québec. Or, même dans ce roman le héros parvient à métamorphoser son échec en une sorte d’avantage. Déjà en prison, il prend l’habitude de se défendre en rédigeant sa propre version des événements et en crachant tout son venin contre la société américaine. Ainsi, sa haine des États-Unis servira au moins à affiner sa plume, à faire éclater son humour dévastateur, à révéler son talent de polémiste. Bref, elle le consacrera écrivain. Le motif du voyage aux États-Unis joue un rôle capital dans le roman québécois contemporain. S’il n’aboutit que rarement à une expatriation durable (six personnages sur neuf préfèrent à la longueur regagner leur pays d’origine), il n’en représente pas moins un tournant crucial dans la quête identitaire des protagonistes. Toute exploration du monde étant selon Landowski un « procès de construction du je », il nous est possible de constater que, sur ce plan là, tous les personnages étudiés ont pleinement réussi leur entreprise. Pendant et à travers leurs séjours aux États-Unis, ils se sont trouvés eux-mêmes. Pour le meilleur et pour le pire. Bibliographie (Eva Voldřichová Beránková) Asselin, Olivar. « De nos besoins intellectuels ». In Pensée française. Montréal: Editions de l’action canadienne-française, 1937, pp. 114-141. Audet, Noël. Écrire de la fiction au Québec. Montréal : XYZ, 2005. Balthazar, L., Hero, A. O. Le Québec dans l’espace américain. Montréal: Québec/Amérique, 1999. 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Québec : Flavien Vallerand, 1824, p. 11. ^^[6] Papineau, Louis-Joseph. « Parlement provincial. M. L’Orateur Papineau ». La Minerve, 13 février 1832. ^^[7]^ Turcotte, Joseph-Edouard. « Le clergé canadien et la politique du jour ». La Minerve, 12 février 1835. ^^[8] Parent, Étienne. « Une communication de la Minerve ». Le Canadien, 22 février 1832, p. 10. ^^[9] Dessaules, Louis-Antoine. Six lectures sur l'annexion du Canada aux États-Unis, imprimé et publié par P. Gendron, 1851, copie intégrale de l'exemplaire de la New York Public Library numérisé le 9 janvier 2006, 199 p. (http://books.google.ca/books?id=U2qkDOJtWBIC&hl=fr) ^^[10] Garneau, François-Xavier. Voyage en Angleterre et en France dans les années 1831, 1832 et 1833, édition critique établie par Paul Wyczynski. Ottawa : Editions de l’Université d’Ottawa, 1968, p. 121. ^^[11] Bibaud, Maxmilien. Tableau historique des progrès matériels et intellectuels du Canada. Montréal : Cérat et Bourguignon, 1858, 50 p., in Lamonde, Yvan. Ni avec eux ni sans eux: le Québec et les États-Unis, p. 34. ^^[12] Crémazie, Octave. « Lettre à l’abbé H.R. Casgrain ». In Oeuvres complètes. Montréal : Beauchemin et Valois, 1882, pp. 40-41. ^^[13] Buies, Arthur. « À propos de nous-mêmes ». In Chroniques II, édition critique établie par Francis Parmentier. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 1993, pp. 89-95. ^^[14] Rameau de Saint-Père, François-Edmé. La France aux colonies. Paris : Jouby, 1859, p. 269. ^^[15] Casgrain, Henri-Raymond. « Le mouvement littéraire au Canada ». In Oeuvres complètes. Montréal : Beauchemin et fils, 1896, tome I, p. 370. ^^[16] Villeneuve, Joseph-Marie-Rodrigue. « Notre avenir politique et nos frères de la dispersion ». L’Action française, 8 juillet 1922, p. 11. ^^[17] Nevers, Edmond de. L’Avenir du peuple canadien-français. Montréal : Fides, 1964, p. 279. ^^[18] Fournier, Jules. « Réplique à Charles Ab der Halden ». In Mon encrier. Montréal : Madame Jules Fournier éditeur, 1922, tome II, p. 22. ^^[19] Barbeau, Victor. « La politique. La méthode américaine ». Cahiers de Turc, pp. 29-34. In Lamonde, Yvan. Ni avec eux ni sans eux: le Québec et les États-Unis, p. 59. ^^[20] Asselin, Olivar. « De nos besoins intellectuels ». In Pensée française. Montréal : Editions de l’action canadienne-française, 1937, pp. 135-136. ^^[21] Bouchette, Errol. Robert Lozé. Nouvelle. Montréal : A. P. Pigeon Imprimeur, 1903, p. 103. ^^[22] Laurendeau, André. « Connaissance des États-Unis ». L’Enseignement secondaire XXI, 3 décembre 1941, p. 205. In Lamonde, Yvan. Ni avec eux ni sans eux: le Québec et les États-Unis, p. 63. ^^[23] Charbonneau, Robert. La France et nous. Journal d’une querelle. Montréal : L’arbre, 1947, p. 23. ^^[24] Le Moyne, Jean. « Ringuet et le contexte canadien-français ». Revue dominicaine, février 1950, p. 27. In Lamonde, Yvan. Ni avec eux ni sans eux: le Québec et les États-Unis, p. 73. ^^[25] Petillon, Pierre-Yves. La grand-route. Espace et écriture en Amérique. Paris : Seuil 1979; Morisset, Jean. L’identité usurpée. L’Amérique écartée. Montréal : Editions Nouvelle Optique, 1985; Chassay, Jean-François. L’ambiguïté américaine : le roman québécois face aux États-Unis. Montréal : XYZ, 1995; Morency, Jean. Le mythe américain dans les fictions d’Amérique. Paris : Nuit blanche, 2000, etc. ^^[26] Vadeboncoeur, Pierre. Trois essais sur l’insignifiance. Montréal : L’Hexagone, 1983, p. 29. ^^[27] Bisonnette, Lise. « De notre agonie ». Le Devoir, 10 septembre 1982. In Lamonde, Yvan. Ni avec eux ni sans eux: le Québec et les États-Unis, p. 84. ^^[28] Languirand, Jacques. « Le Québec et l’américanité ». Etudes littéraires 8, 1, avril 1975, pp. 143-157. In Lamonde, Yvan. Ni avec eux ni sans eux: le Québec et les États-Unis, p. 82. ^^[29] Le Moyne, Jean. « L’identité canadienne ». In Le Canada au seuil de l’abondance. Montréal : HMH, 1969, p. 30. ^^[30] Audet, Noël. Écrire de la fiction au Québec. Montréal : XYZ, 2005. ^^[31] Morency, Jean, Toonder, Jeannette den, Lintvelt, Jaap. Romans de la route et voyages identitaires. Montréal : Nota bene, 2006. ^^[32] Carrier, Roch. Petit Homme Tornade. Montréal : Stanké, 1996, p. 20. ^^[33] Godbout, Jacques. Une histoire américaine. Paris : Seuil, 1986, p. 17. ^^[34]^ Landowski, Eric. Présences de l’autre. Essais de socio-sémiotique II. Paris : Presses universitaires de France, 1997, p. 91. ^^[35] Godbout, Jacques. Une histoire américaine. Paris : Seuil, 1986, p. 56. ^^[36] Beaulieu, Alain. Fou-bar. Montréal : Québec/Amérique, 1997, p. 140. ^^[37] LaRue, Monique. Copies conformes. Montréal : Boréal, 1998, p. 62. ^^[38] Ibid., p. 74. ^^[39] Ibid., p. 24. ^^[40] Monette, Madeleine. Petites violences. Montréal : Typo, 1994, p. 39. ^^[41] Tremblay, Lise. La pêche blanche. Montréal : Leméac, 1994, p. 15. ^^[42] Baudet, Pierre. « Le grand dilemme des nationalistes québécois ». Alternatives, 14 décembre 2005. (version électronique disponible sur: http://www.alternatives.ca/article2274.html) ^^[43]^ Ibid. ^^[44] LaRue, Monique. Copies conformes, p. 128.