1^ere séance (vendredi 24 février 2006) : Introduction ; Le moderne ; La modernité et le modernisme ; La modernité du point de vue de la conscience esthétique historique I. Introduction Au sortir de tant de débats sur la postmodernité et le postmodernisme, il est grand temps de reconnaître que nous vivons, ou, selon les dires de certains, que nous avons vécu l’époque postmoderne. Pour etre plus exact, nous sommes obligés de faire face `a ce qu’on appelle la société post-industrielle et la culture postmoderne. Il est bien possible que la notion ne nous convienne guere pour de nombreuses raisons : que ce soit le vague sémantique que provoque le préfixe ou bien le caractere problématique de la notion meme de modernité. Il est pourtant nécessaire, nous semble-t-il, de penser notre époque. Car afin de pouvoir réfléchir notre aujourd’hui, qui s’étend jusqu’`a la fin des années soixante, il nous faut des notions, des points de repere au moyen desquels se définir. Et ceci malgré une certaine propension `a expliquer l’époque contemporaine par une absence de définitions. D’ailleurs, dire ceci en vaut une, telle est au moins la leçon saussurienne : l’élément qui ne se présente pas est toujours un élément. Telles sont aussi les prémisses des auteurs, que ce soient des philosophes, critiques d’art et critiques littéraires, sociologues ou théoriciens de l’esthétique, préoccupés par la question de postmoderne. Il en va de meme avec le contexte littéraire du dernier quart du XX^e siecle. Il s’agit bien d’une littérature influencée et travaillée par ce que l’on nomme la « postmodernité ». Ainsi sont désignés certains auteurs qui surgissent et auxquels la critique sent le besoin d’attribuer une caractéristique, ne serait-ce qu’en raison d’un besoin certain de les ranger quelque part. Il est évident que l’écriture de certains auteurs se prete mieux que d’autres `a recevoir une « étiquette ». La désignation qui nous préoccupe ici, `a propos de Jean Echenoz, renvoie `a une étape[1] de la pensée, de la culture, dont le nom a tout d’abord servi `a l’architecture pour, plus tard, etre reprise par la philosophie et d’autres sciences humaines : le postmoderne avec ses variantes : la postmodernité et le postmodernisme. Quoique controversée et discutée par certains critiques, indignés par son étymologie aux interprétations contradictoires et ambiguës, cette notion se montre pourtant fondamentale, d’autant plus qu’elle incarne elle-meme un jeu de sens caractéristique du « postmoderne ».[2] En nous fournissant des outils interprétatifs, la notion de postmoderne ainsi que tout ce qu’elle implique nous servira de clé pour approcher la littérature contemporaine. Ainsi, avant de tenter de repérer des particularités de l’esthétique et de la poétique postmodernes, il s’avere primordial d’opérer ce que Paul Valéry appelait le « nettoyage sémantique ». De ce fait, la premiere partie de notre travail sera consacrée `a une étude du cheminement de la notion de postmoderne afin de pouvoir finalement extrapoler une définition valable et applicable au domaine qui nous préoccupe. Il faudra ensuite se poser la question de savoir en quoi consiste la singularité du postmoderne face `a la modernité et si une telle distinction notionnelle est opératoire pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans le roman français. Car au moment ou l’on commence `a évaluer les échos des grands romans modernistes, notamment ceux des années d’apres-guerre jusqu’aux années soixante-dix, la critique littéraire s’interroge sur la relation entre ce roman « d’apres le Nouveau Roman »[3] d’aujourd'hui et le modernisme scriptural qui a marqué pratiquement tout le XX^e siecle. La rupture n’apparaît pas aussi nette ou, du moins, n’est pas déclarée d’une maniere intransigeante. Apres l’expérience des avant-gardes, ce changement dans le comportement des nouvelles générations permet d’opter pour une nouvelle optique qui tentera de situer ce changement par rapport au discours de la postmodernité. Dans un premier temps, l'examen de la notion meme de moderne et postmoderne se montre indispensable. Apres une breve récapitulation historique s’impose la nécessité de voir comment les différents auteurs, philosophes et théoriciens, traitent la notion et de quelle étendue ils la dotent. L’acception de la notion dans le domaine de l’art et de la littérature, notamment dans le domaine français[4], sera abordée ultérieurement. Comme il s’ensuit de l’étymologie meme du mot, la part du « moderne » - de la modernité et du modernisme - jouera aussi un rôle constitutif lors de nos observations. En conséquence, le contenu des notions de modernité et de modernisme représentera également une partie du développement concernant le postmoderne. D’ailleurs, la modernité joue également un rôle primordial dans la vision lyotardienne que nous adoptons pour l’essentiel non seulement puisqu’il s’agit d’un point de vue relevant du milieu culturel dont est issu notre romancier, mais, avant tout, parce qu’il a la propriété d’envisager la problématique de maniere générale tout en considérant parallelement ses manifestations concretes. De ce fait, il s’avere intéressant et utile de penser la littérature des deux dernieres décennies en termes qui ont marqué cette époque. Ces notions - car il y a, `a notre avis, une vraie bataille entre le moderne et le postmoderne dans la littérature du dernier quart du XX^e siecle - sont opératives des le moment ou elle sont considérées comme produits de l’époque. Le concept postmoderne a été développé par notre époque afin de permettre de la concevoir avec une certaine rigueur. Il s’avere donc nécessaire de penser l’une des parties constitutives - la littérature et notamment son représentant essentiel, le roman, - en prenant en considération de telles notions. II. La modernité et le modernisme Les questions de terminologie liées au postmoderne ramenent en effet au probleme de la modernité. Nous allons essayer de relever les points caractérisant la modernité et le modernisme, ce qui permettra de mettre en rapport ces deux notions avec celle de postmoderne. A la maniere du postmoderne qui se définit par ce qu’il n’est pas, la modernité et modernisme semblent se preter aussi `a une définition par le biais des oppositions. Néanmoins, les notions de modernité et de modernisme exigent une mise en perspective diachronique, vu que le concept de postmoderne est envisagé, dans les œuvres de ses commentateurs, `a chaque fois en reflétant des aspects différents de la chose : les uns le définissent par rapport `a la modernité, d’autres le mettent en relation avec le modernisme. Si la question postmoderne se situe face `a la modernité,[5] il faudra en considérer les différents aspects, ce qui releve de l’impossible, étant donné le nombre de ses définitions. Nous serons donc obligés de ne relever que les points généraux qui rendent compte de ce vaste phénomene. II.B. La modernité du point de vue de la conscience esthétique historique. Breve histoire de la notion de moderne La naissance de la notion date de l’Antiquité et touche au sens de l’adjectif « moderne ». C’est au cours de son évolution qu’il s’est clivé, au fil de l’usage. Les deux sens qu’il a pris ne sont pourtant pas sans point commun, ne serait-ce que pour la raison que l’un découle de l’autre. C’est-`a-dire qu’elle fonde la relation des auteurs postérieurs `a une époque précise, au départ celle de l’Antiquité. La constitution de la notion de moderne se fait premierement par une volonté de se distinguer des auteurs antiques, les « classiques ». Ainsi, les intellectuels qui se mettaient du côté des grands auteurs antiques ont été dénommés « anciens » et ceux qui prenaient le parti des grands auteurs contemporains se concevaient comme « modernes ». Les uns, antiques, étaient anciens pour les autres, les modernes, qui étaient contemporains. Cette série de disputes entre les admirateurs des « classiques » et leurs contestateurs, débouchant sur la « Querelle des Anciens et des Modernes » qui éclate `a la fin des années 1680 ont toutes pour le dénominateur commun la meme question : est-il toujours nécessaire de prendre l’Antiquité pour modele et comment interpréter son imitation ? Les replis récurrents sur la question, ne sont-ils pas, en effet, le fondement de la conscience actuelle de la modernité, dans la mesure ou celle-ci « resterait prisonniere de la meme démarche cyclique imposée par une loi de succession que nous n’aurions pas su ou pas voulu reconnaître ? »[6] Ce n’est qu’au cours des siecles `a venir que cette premiere distinction acquerra une autre dimension, celle qui ira dans la voie de ce que nous comprenons aujourd'hui par le terme de moderne. C'est-`a-dire nouveau ou novateur. Il sera ainsi possible de repérer les deux dimensions du terme de moderne au moyen de ses oppositions : premierement le moderne est l'opposé de l’« ancien, antique ou classique » et, en second lieu, il s’oppose au « vieux, traditionnel, ou encore obsolete ».[7] Une distinction entre deux conceptions de la « modernité », en tant que caractere de ce qui est moderne[8] sera donc `a envisager. D’ailleurs, Hans Robert Jauss parle de deux conceptions du moderne : « chrétienne » et « antique ».[9] Tandis que la premiere, instituée au cours du Moyen Age et dont l’apogée serait la célebre « Querelle », considere l’Antiquité comme modele `a suivre pour les temps `a venir, et se bâtit sur l’opposition entre le traditionalisme et le refus par les « modernes », la seconde, appelée antique, renoue avec la façon grecque et romaine d’envisager l’évolution naturelle comme alternance des périodes « hautes » et « basses ». C’est-`a-dire que du point de vue de cette approche, le nouveau, incarné par les neōterici (l’adjectif « moderne » n’existant pas encore), succédait `a l’ancien, représenté par les antīqui, qui eux-memes ont été, `a une certaine époque, neōterici - ces nouveaux devenant, avec le temps, antīqui.[10] Il importe d’en souligner, cependant, l’aspect militant. L’aspect d’une révolte périodique des jeunes, qui jouera un rôle particulier lors de la constitution du concept de la modernité telle qu’elle est comprise aujourd’hui - en particulier au moment de la naissance de la conscience postmoderne. La plus importante différence entre les deux conceptions de la modernité décrites ci-dessus pourrait etre résumée de maniere suivante : selon le premier principe, la modernité s’oppose `a l’imitation et `a la tradition, selon le second la modernité, considérée comme horizon de l’actuel, s’oppose `a ce qui est institué précédemment. Au fur et `a mesure que le temps progressait, il devenait de moins en moins pertinent de tenir compte du moderne opposé `a l’Antique, car ces modeles se sont éloignés de la sensibilité de l’homme moderne. C’est d’ailleurs au sein du classicisme meme qu’apparaît le doute quant `a la possibilité de comparer l’art antique et l’art moderne. L’issue du Parallele des Anciens et des Modernes en ce qui regarde les Arts et les Sciences de Charles Perrault témoigne des premiers signes de cette tendance `a cesser de se définir, en tant que moderne, par rapport `a l’Antiquité. Ses modeles n’auront désormais que la valeur de référence historique.[11] Y contribue notamment l’idée, selon laquelle il n’est plus envisageable de juger les œuvres antiques selon les criteres contemporains, en raison de l’existence de deux sortes du beau : une beauté intemporelle incarnant le classique et une beauté propre `a chaque époque, relative, qui, seule, entre dans la conscience de ce qui est moderne. Grâce `a ce regard nouveau, relativiste, sur l’Antiquité, la raison se libere des préjugés et s’ouvre sur une nouvelle époque, celle des Lumieres. L’importance de celle-ci dans l’histoire de la constitution du sens du moderne consiste notamment dans l’orientation du regard tourné vers l’avenir. Les Lumieres s’efforceront de se regarder elles-memes `a travers les yeux critiques d’une humanité plus avancée. C’est notamment en ce sens qu’il faut penser leur modernité qui s’éloigne considérablement de celle de l’âge humaniste, devenu ancien. La modernité des Lumieres s’inscrit dans une recherche incessante de la perfection par dépassement vers l’avenir et s’oppose ainsi `a la « modernité ancienne » qui cherchait justement sa différence (le moderne) face `a une image du passé révolu, en particulier antique. Ce changement représente la clôture de la question de l’Antiquité, considérée comme époque historique et qui se place désormais `a côté des « Temps Modernes » sur la meme échelle. Ne seront donc plus considérés comme « anciens » tous les auteurs antiques, ne serait-ce que pour le fait qu’il y a des modernes parmi les antiques. Ce dont témoigne d’ailleurs l’apparition du terme « antique » qui porte une valeur différente de celle d’ancien. Cette nouvelle expérience de l’histoire conçoit toutes les époques comme aussi porteuses de perfection, entraînant la disparition de la possibilité de les comparer.[12] Des lors surgit, avec une nouvelle opposition, une nouvelle conception du moderne relevant du « gout ». Ce qui n’est pas moderne, ce n’est pas ancien, mais de mauvais gout : telle l’architecture gothique. En ce sens, comme frappante paraît, au XVIII^e siecle, la volonté de définir la modernité par le biais du passé national, avant tout le Moyen Age, donc surtout l’Age gothique. Ce point de vue va se trouver, une vingtaine d’années plus tard, chez Chateaubriand : c’est dans le « gout gothique » que le romantisme cherchera sa modernité.[13] Or `a l’instar de la notion de moderne, la notion de classique évolue également. A partir de la deuxieme moitié du XVIII^e siecle n’est plus appelé classique ce qui s’inspire des valeurs et modeles de beauté antiques. Ayant cessé de représenter les valeurs esthétiques et spirituelles antiques, le classique change de fondement et renvoie désormais `a l’intemporel, la « beauté éternelle ».[14] En d’autres termes, le classique commence `a se présenter tel qu’il sera compris par Baudelaire au milieu du XIX^e siecle. A l’aube d’une nouvelle époque, caractérisée par le romantisme, la discussion autour du moderne se déplace vers le passé chrétien, mais dans le sens inverse : ce n’est plus pour se définir par rapport `a ce passé, mais pour se définir par l’admiration pour ce denier, dans la mesure ou il représentera un modele esthétique pour la génération romantique qui s’efforcera d’établir une continuité « exemplaire d’une évolution nationale ».[15] La modernité de l’époque romantique se fonde justement sur cette découverte du passé occidental et chrétien rejeté par les générations précédentes comme indigne d’etre inclus dans des catégories esthétiques. Comme une sorte de pendant des dénominations subissant une évolution importante, finalement fixées comme terme désignant une époque, le terme de « romantique » a, lui aussi, parcouru une évolution animée. Ce terme contient également une part obscure et il a souvent été critiqué comme non pertinent. Désignant `a l’origine le monde aboli des vieux romans (notion déj`a problématique du fait qu’elle s’applique `a un récit d’un genre nouveau, défini simplement par le fait qu’il est écrit non en latin, mais en une langue vulgaire, « romane », et qu’il n’obéit `a une regle d’ordre générique), elle a, au cours du XVII^e siecle, acquis le sens d’étrange, de fantaisiste, de faux, de fictif - « comme dans les vieux romans » - par opposition `a la fiction du réel[16] -, pour devenir, une centaine d’années plus tard un terme glorifiant le pittoresque du paysage (au sens que Rousseau lui a preté dans sa Reverie d’un promeneur solitaire) ou « qui tient de quelque maniere aux traditions chevaleresques ».[17] L’adjectif a été vite opposé, d’abord par Goethe ensuite par Hugo,[18] `a « classique ». Dans le sens de Goethe, le classique est devenu qualificatif, c’est-`a-dire non plus relatif `a la culture antique, mais qui est « sain » par opposition au romantique, censé etre « malade ».[19] Le passage du sentiment nouveau de la nature `a l’histoire nationale s’est révélé tellement problématique que les « romantiques » du début du XIX^e siecle y ont projeté la valeur meme de la modernité. Or l’attachement de la notion au texte épique médiéval, auquel elle doit son étymologie, commence `a se problématiser au moment ou il devient évident que ce type de texte, tout en continuant `a s’appeler roman, a considérablement changé d’apparence et qu’il n’est pas, par conséquent, pertinent d’appeler romantique ce qui s’apparente au roman. C’est le moment ou naît l’adjectif relatif « romanesque » pour se distinguer du romantique. Ce dernier peut désigner, outre la problématique du roman, également - par extension - les traits d’un paysage qui revet des ressemblances avec ce type de littérature, notamment avec le décor qui la caractérise. Or, pour distinguer le générique du relatif au décor du roman médiéval, l’adjectif « romanesque » semble s’imposer `a juste titre, au point que le « romantique » ne gardera désormais que son sens de « comme dans les romans d’antan ». La modernité du romantisme se veut autre, encore plus nouvelle que les modernités précédentes et ne cherche plus son adversaire dans le culte du classique. La disparition de cette vieille opposition se voit illustrée dans l’œuvre de Heinrich Heine et de la Jeune Allemagne pour qui la notion de modernité est en rupture avec le romantisme, puisque les Jeune Allemagne cherchent `a lutter contre l’univers périmé du romantisme. La relation entre le romantisme et la modernité représente, aux yeux des Jeune Allemagne, une relation d’opposition.[20] Elle va, dans sa quete, jusqu’`a se vouloir plus moderne que le romantisme meme : étant donné qu’`a force de ce processus de vieillissement perpétuel, le moderne - le « romantisme d’aujourd’hui » - ne sera bientôt plus moderne, voire, il pourra devenir classique, la modernité ne peut alors plus se définir qu’en s’opposant `a elle-meme, que par rapport `a elle-meme dans des phases successives de son évolution. D’ailleurs, Stendhal, un autre théoricien du « romanticisme »,[21] dans son célebre ouvrage de polémique entre l’académique (classiciste) et le romantique, considere comme une charniere les années 1780-1823 qui ont subi de si graves changements qu’il n’est plus possible de concevoir les choses comme auparavant, surtout dans le domaine littéraire. La coupure dans l’histoire des lettres est telle qu’il ne faut plus penser en termes du classicisme.[22] C’est un nouvel aspect de la modernité chez Stendhal : la volonté, `a la maniere des événement historiques bouleversants, d’abolir tout point qui relie `a la génération précédente et, par conséquent, de rejeter tout son dessein esthétique, toute sa doctrine. ------------------------------- [1] Car il n’est pas certain que l’on puisse penser encore `a l’heure actuelle, c’est-`a-dire au tout début du troisieme millénaire, en termes de postmodernité. Certains chercheurs s’interrogent déj`a sur les conséquences de son travail sur la pensée d’aujourd'hui. Cf. La Philosophie apres la postmodernité, Brno, Sborník prací FF MU, 2002. [2] Etant définie au départ par ce qu’elle désignait, cette notion semble de plus en plus ne plus pouvoir se définir de maniere positive, mais de maniere négative. Autrement dit par ce qu’elle n’est plus au moment présent. N’est-ce pas un exemple du travail de « différance » au sens derridien du terme ? Différance comme aspect dynamique de la production du sens qui ne peut que mettre en évidence des aspects et dimensions dans lesquels il faut envisager cette notion. Postmodernité comme quelque chose qui n’est ni un concept philosophique, ni un mouvement artistique, ni une époque ; juste une façon de penser. Façon de penser qui présuppose que l’on ne peut pas chercher le sens de la notion dans un au-del`a métaphysique de la connaissance, qu’il n’y a pas un seul sens stable. C’est-`a-dire un sens considéré dans les termes de son propre devenir dans le réseau (tissu, texte) de relations. De ce point de vue, il n’y a pas une seule postmodernité, mais une multitude infinie de celles-ci. Or ce constat nous met devant un probleme sérieux, `a savoir la nécessité d’arreter cette différance pour l’espace de quelques secondes afin d’obtenir une forme figée, un stade du devenir de la signification observable et définissable, fut-il nécessairement provisoire, pour pouvoir enfin le mettre au service de nos observations et associations en relation avec les romans dits « postmodernes » de Jean Echenoz. [3] Cf. Dominique Viart, « Ecrire avec le soupçon », in Michel Braudeau, Lakis Proguidis, Jean-Pierre Salgas, Dominique Viart, Le roman français contemporain, Paris, ADPF, 2002. [4] Qui se montre au premier abord peu ouvert `a la notion, bien que celle-ci semble avoir été théorisée surtout par les Français. [5] C'est-`a-dire aussi face au modernisme. [6] Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, p. 160. [7] Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993, p. 1421. [8] Il importe de mentionner que le terme « modernité » n’apparaîtra qu’au milieu du XIX^e siecle grâce `a Charles Baudelaire et qu’il est ici employé, malgré l’anachronisme ainsi survenu, `a titre entierement auxiliaire. [9] Hans Robert Jauss, op. cit. [10] Cf. Cicéron qui parle dans ses Tusculanae disputationes de la « philosophie antique », autrement dit celle d’avant Socrate, celle qui appartient aux temps d’autrefois. Félix Gaffiot, Dictionnaire Latin-Français, Paris, Hachette, 1934. [11] Dans le quatrieme et dernier dialogue (entre l’abbé et le chevalier) du Parallele, l’abbé affirme « Sur quelque Art que vous jettiez les yeux vous trouverez que les Anciens estoient extremement inferieurs aux Modernes par cette raison generale , qu’il n’y a rien que le temps ne perfectionne. » Parallele des Anciens et des Modernes en ce qui regarde les Arts et les Sciences, par M. Perrault, de l’Académie française, fac-similé de l’édition originale en 4 volumes, Paris 1688-1697, introduite par Hans Robert Jauss, Munich, Eidos Verlag, 1964, IV, 284-284 (pagination de l’édition de 1964 : p. 443). Nous transcrivons le texte original sans transformations linguistiques. [12] Ibid., p. 182. [13] Ibid., p. 184. [14] Ibid., p. 162. [15] Ibid., p. 187. [16] Nous reprenons l’ancienne distinction entre fictif et réel dans le domaine de la fiction quitte `a preter `a une confusion fâcheuse due au fait dévoilé par la critique littéraire de la deuxieme moitié du XX^e siecle que ce qui releve de la littérature est toujours de la fiction, meme si celle-ci se donne pour objectif de reproduire de maniere relativement fidele et objective la réalité. [17] Assimilant la désignation de « romantique » au moderne, Madame de Staël, dans le chapitre XI de la II^e partie (« De la littérature et des arts »), fait la distinction entre la poésie classique, « celle des anciens » et romantique, celle qui tient de quelque maniere aux traditions chevaleresques. Cette division se rapporte également aux deux eres du monde : celle qui a précédé l’établissement du christianisme, et celle qui l’a suivi. » Madame de Staël, De l’Allemagne, 1810, nous nous référons `a l’une des éditions ultérieures : Paris, Librairie Garnier Freres, 1932, p. 153. [18] Victor Hugo cité par Hans Robert Jauss, op. cit., p. 192. [19] Dictionnaire des genres et notion littéraires. Encyclopaedia Universalis, Paris, Albin Michel, 1997, pp. 680-682. [20] Ibid., p. 195. [21] Terme repris de l’italien. Le romantisme devient, dans le sens de Stendhal, « l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires, qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible `a leurs arriere-grands-peres. » Stendhal, Racine et Shakespeare. Œuvres completes, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1970, p. 62. [22] « Que nos graves adversaires regardent autour d’eux : le sot de 1780 produisait des plaisanteries bete et sans sel ; il irait toujours ; le sot de 1823 produit des raisonnements philosophiques, vagues, rebattus, `a dormir debout, il a toujours la figure allongée ; voil`a une révolution notable. » Stendhal, Racine et Shakespeare. Œuvres completes, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1970, p. 45.