Châteaux de Loire Le long du coteau courbe et des nobles vallées Les châteaux sont semés comme des reposoirs, Et dans la majesté des matins et des soies La Loire et ses vassaux s'en vont par ces allées. Cent vingt châteaux lui font une suite courtoise, Plus nombreux, plus nerveux, plus fins que des palais. Ils ont nom Valençay, Saint-Aignan et Langeais, Chenonceaux et Chambord, Azay, le Lude, Amboise. Et moi j'en connais un dans les châteaux de Loire Qui s'éleve plus haut que le château de Blois, Plus haut que la terrasse ou les derniers Valois Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire. La moulure est plus fine et l'arceau plus léger. La dentelle de pierre est plus dure et plus grave. La décence et l'honneur et la mort qui s'y grave Ont inscrit leur histoire au cœur de ce verger. Et c'est le souvenir qu'a laissé sur ces bords Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve. Son âme était récente et sa cotte était neuve. Innocente elle allait vers le plus grand des sorts. Car celle qui venait du pays tourangeau, C'était la meme enfant qui quelques jours plus tard, Gouvernant d'un seul mot le rustre et le soudard, Descendait devers Meung ou montait vers Jargeau. (Librairie Gallimard, éditeur). La Tapisserie de Sainte Genevieve... Comme elle avait gardé les moutons `a Nanterre, On la mit `a garder un bien autre troupeau, La plus énorme horde ou le loup et l'agneau Aient jamais confondu leur commune misere. Et comme elle veillait tous les soirs solitaire Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l'eau, Du pied du meme saule et du meme bouleau Elle veille aujourd'hui sur ce monstre de pierre. Et quand le soir viendra qui fermera le jour, C'est elle la caduque et l'antique bergere, Qui ramassant Paris et tout son alentour Conduira d'un pas ferme et d'une main légere Pour la derniere fois dans la derniere cour Le troupeau le plus vaste `a la droite du pere. * Comme elle avait gardé les moutons `a Nanterre Et qu'on était content de son exactitude, On mit sous sa houlette et son inquiétude Le plus mouvant troupeau, mais le plus volontaire. Et comme elle veillait devant le presbytere, Dans les soirs et les soirs d'une longue habitude, Elle veille aujourd'hui sur cette ingratitude, Sur cette auberge énorme et sur ce phalanstere. Et quand le soir viendra de toute plénitude, C'est elle la savante et l'antique bergere, Qui ramassant Paris dans sa sollicitude Conduira d'un pas ferme et d'une main légere Dans la cour de justice et de béatitude Le troupeau le plus sage `a la droite du pere. * Elle avait jusqu'au fond du plus secret hameau La réputation dans toute Seine et Oise Que jamais ni le loup ni le chercheur de noise N'avaient pu lui ravir le plus chétif agneau. Tout le monde savait de Limours `a Pontoise Et les vieux bateliers contaient au fil de l'eau Qu'assise au pied du saule et du meme bouleau Nul n'avait pu jouer cette humble villageoise. Sainte qui rameniez tous les soirs au bercail Le troupeau tout entier, diligente bergere, Quand le monde et Paris viendront `a fin de bail Puissiez-vous d'un pas ferme et d'une main légere Dans la derniere cour par le dernier portail Ramener par la voute et le double vantail Le troupeau tout entier `a la droite du pere. La Tapisserie de Sainte Genevieve et de Jeanne d'Arc (Gallimard). Présentation de Notre-Dame `a Paris Étoile de la mer voici la lourde nef Ou nous ramons tout nuds sous vos commandements ; Voici notre détresse et nos désarmements; Voici le quai du Louvre, et l'écluse, et le bief. Voici notre appareil et voici notre chef. C'est un gars de chez nous qui siffle par moments. Il n'a pas son pareil pour les gouvernements. Il a la tete dure et le geste un peu bref. Reine qui vous levez sur tous les océans, Vous penserez `a nous quand nous serons au large. Aujourd'hui c'est le jour d'embarquer notre charge. Voici l'énorme grue et les longs meuglements. S'il fallait le charger de nos pauvres vertus, Ce vaisseau s'en irait vers votre auguste seuil Plus creux que la noisette apres que l'écureuil L'a laissé retomber de ses ongles pointus. Nuls ballots n'entreraient par les panneaux béants, Et nous arriverions dans la mer de sargasse Traînant cette inutile et grotesque carcasse Et les Anglais diraient : Ils n'ont rien mis dedans. Mais nous saurons l'emplir et nous vous le jurons. Il sera le plus beau dans cet illustre port. La cargaison ira jusque sur le plat-bord. Et quand il sera plein nous le couronnerons. Nous n'y chargerons pas notre pauvre mais, Mais de l'or et du blé que nous emporterons. Et il tiendra la mer : car nous le chargerons Du poids de nos péchés payés par votre fils. La Tapisserie de Notre Dame (Gallimard).