Le mouvement perpétuel (1920-1924) UN AIR EMBAUMÉ Les fruits `a la saveur de sable Les oiseaux qui n´ont pas de nom Les chevaux peints comme un pennon Et l´Amour nu mais incassable Soumis `a l´unique canon De cet esprit changeant qui sable Aux quinquets d´un temps haissable Le champagne clair du canon Chantent deux mots Panégyrique Du beau ravisseur de secrets Que répete l´écho lyrique Sur la tombe Mille regrets Ou dort dans un tuf mercenaire Mon sade Orphée Apollinaire SAMEDIS Valeur `a lot orage. Au bord de l´eau les usines et les sentiments. Noce dans l´herbe, dents de lion pauvres rires des fins de journée, pierres `a ricochets châteaux en Espagne: encore une toilette perdue `a cause du vert des arbres. Un regard ou la caresse du vent en redingote, escarpins du printemps, farandole des calembours at des charades; puis sous la poussiere cycliste les tapissieres au retour comme des folles `a grelots dans la crépuscule, parmi les nuages avenir et pardon, sans l´ombre d´une éclaircie vers les régions lunaires et les fraîches prairies des soupirs. PERSIENNES Persienne Persienne Persienne Persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne Persienne Persienne Persienne Persienne? SUICIDE A b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z AIR DU TEMPS Nuage Un cheval blanc s´éleve et c´est l´auberge `a l´aube ou s´éveillera le premier venu Vas-tu traîner toute la vie au milieu du monde A demi-mort A demi-endormi Est-ce que tu n´as pas assez des lieux communs Les gens te regardent sans rire Ils ont des yeux de verre Tu passes Tu perds ton temps Tu passes Tu comptes jusqu´`a cent et tu triches pour tuer dix secondes encore Tu étends le bras brusquement pour mourir N´aie pas peur Un jour ou l´autre Il n´y aura plus qu´un jour et puis un jour Et puis ça y est Plus besoin de voir les hommes ni ces betes `a bon Dieu qu´ils caressent de temps en temps Plus besoin de parler tout seul la nuit pour ne pas entendre la plainte de la cheminée Plus besoin de soulever mes paupieres Ni de lancer mon sang comme un disque ni de respirer malgré moi Pourtant je ne désire pas mourir La cloche de mon coeur chante `a voix basse un espoir tres ancien Cette musique Je sais bien Mais les paroles Que disaient au juste les paroles Imbécile CHANSON DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE L'arbre amoureux d´une servante Chantait au passant ce refrain Lierres calmez l´épouvante De celle que voil`a Mes bras d´écorce mes bras d´oiseaux Étreignez l´air qu´elle respire Ses deux jambes sont des ciseaux Le vent s´y coupe Dans 1a cuisine un navire Entre le soir Et c´est le soleil qui chavire Sur sa peau Les mains rouges les mains saignantes Les mains de qui Mains du soleil mains fainéantes S´envoleront Une force pousse vers l´eau Les arbres Elle a cueilli le mélilot Jusqu´`a mon ombre LA PHILOSOPHIE SANS LE SAVOIR Sacrifions les boeufs sur les arbres Les corps des femmes dans les champs Sont de jolis pommiers touchants Blanc blanc blanc Sang et neige par ma queue et par ma barbe Sacrifions les taureaux sur les arbres II Sacré casseur de pierres Sacré casseur de pierres Sacré casseur de pierres En choeur Sacré casseur de piai-AI-res Sacré casseurs de coeurs Solo Sur ton chemin j´ai mis le pied LA ROUTE DE LA RÉVOLTE `a André Breton Ni les couteaux ni la saliere Ni les couchants ni le matin Ni la famille familiere Ni j´accepte soldat ni Dieu Ni le soleil attendre ou vivre Les larmes danseues du rire N-I ni tout est fini Mais Si qui ressemble au désir Son frere le regard le vin Mais le cristal des roches d'aube Mais MOI le ciel le diamant Mais le baiser la nuit ou sombre Mais sous ses robes de scrupule M-É mé tout est aimé ARRIERE PENSÉE Arriere Pensée Feu de joie (1919) ACROBATE Bras en sang Gai comme les sainfoins L´hyperbole retombe Les mains Les oiseaux sont des nombres L´algebre est dans les arbres C´est Rousseau qui peignit sur la portée du ciel cette musique `a vocalises Cent A Cent pour la vie Qui tatoue Je fais la roue sur les remparts VIE DE JEAN-BAPTISTE A[*] *[* ] Une ombre au milieu du soleil dort soleil d'or Jean-Bart dans l'avenue awe catalpas Mais patience En ce temps je n´étais pas né La train repart ROSA la rose et ce gout d'encre ô mon enfance Calculez Cos.α en fonction de α tg - 2 Ma jeunesse Apéro qu´`a peine ont aperçu les glaces d´un cafe lasses de tant de mouches Jeunesse et je n´ai pas baisé toutes les bouches Le premier arrive au fond du corridor 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 MORT Une ombre au milieu du solei! dort c´est l´oeil Les destinées de la poésie (1925-1926) LE CONTREFACTEUR `a Matthew Josephson Étrange travail pour l´étranger Il lie `a des thermometres De petits segments de mandarine Des perles de bois et des haricots secs Puis par le truchement d´une ficelle rouge Il fait descendre sur le tout Une pluie de recommandations Pendant ce temps le magasin cerné par la police S´illumine avec une curieuse périodicité Aux couleurs de tous les vices inconnus Des désirs inavouables Des mensonges impardonnables Des crimes les plus bas et les plus décriés On lit `a peu pres sur la porte Les lettres blanches retounées NOGARA SIUOL Écritures automatiques (1919-1920) L´INSTITUTRICE On cherche vainement `a se souvenir des visages nus des enfants de l´école, ils ont passé comme les calendriers d´auberge ou les faneuses ont des gestes éternels et plus incompréhensibles que les ondulations stupides des dentelles du vide-poche On apprend plus volontiers l´algebre noire des plumiers qui regardent avec une méchanceté contenue les jambes rouges des filles et les cheveux embroussaillés des gamins plus tendres que les bancs ou les lunettes de la femme Je veux parler de cette machine `a battre le blé qui frappe dans ses mains suivant les attitudes de l´horloge pensive et muette et qui distribue au dessus des tetes les instants dorés de la paresse échappés par miracle `a la grande roue des punitions Juillet 1919, Café La Source, boulevard Saint-Germain.