VI. Jacqueline Harpman (1939) 6.1. Biographie[1] Jacqueline Harpman naît `a Etterbeek, le 5 juillet 1929, d’un pere commerçant d’origine juive, Andries Harpman, et d’une mere d’origine paysanne, Jeanne Honorez. Le couple vit `a Bruxelles dans divers appartements. Lors des fréquents voyages d’affaires, une tante s’occupe de Jacqueline et de sa sœur aînée. La petite fille demeure dans un quartier bourgeois que l’on retrouvera plus tard dans ses romans. Son enfance semble avoir été heureuse. Avec ses parents, les relations sont « quelconques », dit-elle : ni bonnes ni mauvaises. Sa sœur, qui a neuf ans de plus, jouera un grand rôle dans son initiation littéraire. En 1940, quinze jours avant l’invasion de la Belgique par les Allemands, la famille Harpman part pour le Maroc : elle va y rester cinq ans. Les études secondaires de Jacqueline Harpman se déroulent `a Casablanca. Dans son college, elle a, comme professeur de français, Jacqueline Barthes qui va lui transmettre la passion de la langue et de la littérature françaises. Ses études se terminent `a Bruxelles et sont des études modernes, comme on disait `a cette époque en Belgique, c’est-`a-dire sans étude des langues anciennes[2]. Décidée `a 11 ans `a devenir écrivain, et `a 14, en lisant Freud, `a pratiquer la psychanalyse, elle entame d'abord des études de médecine. Des ennuis de santé la contraignent `a les interrompre au bout de deux ans et `a séjourner dans un sanatorium `a Eupen ou elle ébauche un premier roman qui reste dans ses tiroirs. Des 1967, elle entreprend des études de psychologie. Devenue psychothérapeute, elle publie des romans profondément marqué par son expérience dans ce domaine. Elle y décrit des femmes en recherche de leur identité avec leur besoin de se dire, de s’affirmer et d’affronter les autres (mere, milieu…). En 1958, elle publie un recueil de nouvelles : L’Amour et l’acacia auquel succede deux romans, Breve Arcadie (Prix Rossel, 1959) et L’Apparition des esprits (1969). Elle épouse Pierre Puttemans, architecte, urbaniste et poete, membre du groupe Phantomas. Dans Orlanda (Prix Médicis, 1996), l’héroine abandonne son corps de femme de trente cinq ans pour celui d’un homme vigoureux et séduisant, enveloppe plus appropriée pour la part masculine de sa personnalité, l’esprit. 6.2. Extrait du début d’Orlanda (1996) Vocabulaire Chrome : métal gris, brillant, tres dur Moleskine : toile de coton revetue d'un enduit mat ou verni imitant le cuir Neurasthénie : état durable d'abattement accompagné de tristesse morbide Gorgée : quantité de liquide qu'on avale en un seul mouvement de déglutition Orangerie : comme son nom l’indique, le musée de l’Orangerie est installé dans une ancienne orangerie, édifiée en 1852 par l’architecte Firmin Bourgeois et achevée par son successeur, Ludovico Visconti pour y abriter les orangers du jardin des Tuileries. Sur la pénétrante proposition de Georges Clémenceau, Claude Monet choisit d’y installer le grand ensemble mural des Nymphéas, auquel il travaille depuis 1914 et dont il a amorcé des 1918 le don `a la France. Librairie Smith : librairie de livres anglais situé `a la rue de Rivoli `a Paris. Captiver : passionner, plaire `a l’exteme Crucial : d’une importance capitale Sous-jacent : qui est caché. Sinuer : décrire, suivre une ligne sinueuse; etre sinueux; faire des détours Méandre : sinuosité d'un fleuve, d'une riviere ; par métaphore, démarche compliquée. Intermittent : qui est discontinu, s'arrete et reprend par intervalles, avec des interruptions. Hirsute : décoiffé Furtif : discret, rapide Opiniâtre : qui ne cede pas, que rien n'arrete. Terne : qui n'attire ni ne retient l'intéret (syn. : morose, morne, sombre) Virevolter : tourner rapidement sur soi. 6.3. Lecture du début de La Fille démantelée (1990) ------------------------------- [1] Cfr Michaux G., Romancieres de Belgique (Textyles, 9), Bruxelles, 1992, pp. 260-272 ; Joiret M., Bernard M.-A., Littérature belge de langue française, Bruxelles, 1999, p. 310. [2] En fait, Jacqueline Harpman avait été contrainte de suivre la filiere moderne car il semble qu’`a Casablanca, les lycées ou étaient ouvertes des filieres classiques refusaient l’inscription aux jeunes juives ; ils paraissaient donc infréquentables `a sa mere.