QvteV í\\ d'Xňane me mene Au long des dédales sourds? Ľécho des pas s'y mange á mesure. (En quel songe Cette enfant fut-elle liée par la cheville Pareille ä une esclave fascinée?) L'auteur du songe Presse le fil, Et viennent les pas nus Un á un Comme les premieres gouttes de pluie Au fond du puits. Déjá ľodeur bouge en des orages gonflés Suinte sous le pas des portes Aux chambres secretes et rondes, Lá ou sont dressés les lits clos. L'immobile désir des gisants me tire. Je regarde avec étonnement Ä merne les noirs ossements Luire les pierres bleues incrustées. Quelques tragedies patiemment travaillées, Sur la poitrine des rois, couchées, En guise de bijoux Me sont offertes Sans larmes ni regrets. Sur une seule ligne ranges: La fumée ďencens, le gäteau de riz séché Et ma chair qui tremble: Offrande rituelle et soumise. Le masque d'or sur ma face absente Des fleurs violettes en guise de prunelles, L'ombre de l'amour me maquille á petits traits precis; Et cet oiseau que j'ai Respire Et se plaint étrangement. Un frisson long Semblable au vent qui prend, d'arbre en arbre, Agite sept grands pharaons ďéběne En leurs étuis solenneis et pares. . . Ce n'est que la profondeur de la mort qui persiste, Simulant le dernier tourment Cherchant son apaisement Et son eternite En un cliquetis léger de bracelets Cercles vains jeux d'ailleurs Autour de la chair sacrifice. Avides de la source fraternelle du mal en moi lis me couchent et me boivcnt; Sept fois, je connais ľétau des os Et la main sěche qui cherche le coeur pour le rompre. Livide et repue de songe horrible Les membres dénoués Et les morts hors de moi, assassinés, "v . Quel reflet d'aube s'égare ici? D'oü vient done que cet oiseau frémit Et tourne vers le matin Ses prunelles crevées? (Le Tombeau des rois) JE SUIS LA TERRE ET L'EAU Je suis la terre et ľeau, tu ne me passeras pas á gué, mon ami, mon ami Je suis le puits et la soif, tu ne me traverseras pas sans peril, mon ami, mon ami Midi est fait pour crever sur la mer, soleil étale, parole fondue, tu étais si clair, mon ami, mon ami 234 Tu ne me quitteras pas essuyant ľombre sur ta face comme un vent fugace, mon ami, mon ami Le malheur et ľespérance sous mon toit brülent, durement noués, apprends ces vieilles noces étranges, mon ami, mon ami Tu fuis les presages et presses le chiffre pur ä méme tes mains ouvertes, mon ami, mon ami Tu paries á haute et intelligible voix, je ne sais quel echo sourd traine derriěre toi, entends, entends mes veines noires qui chantent dans la nuit, mon ami, mon ami Je suis sans nom ni visage certain; lieu d'accueil et chambre d'ombre, piste de songe et lieu d'origine, mon ami, mon ami Ah quelle saison ďäcres feuilles rousses m'a donnée Dieu pour ťy coucher, mon ami, mon ami Un grand cheval noir court sur les grěves, j'entends son pas sous la terre, son sabot frappe la source de mon sang á la fine jointure de la mort Ah quel automne! Qui done m'a prise parmi des chemi- nements de fougěres souterraines, confondue á ľodeur du bois mouillé, mon ami, mon ami Parmi les äges brouillés, naissances et morts, toutes mé- moires, couleurs rompues, recois le cceur obscur de la terre, toute la nuit entre tes mains livrée et donnée, mon ami, mon ami II a suffi d'un seul matin pour que mon visage fleurisse, reconnais ta propre grande téněbre visitée, tout le mystěre lié entre tes mains claires, mon amour. (Mystěre de la parole) NEIGE La neige nous met en réve sur de vastes plaines, sans traces ni couleur Veille mon coeur, la neige nous met en seile sur des coursiers ďécume 236 Sonne ľenfance couronnée, la neige nous sacre en haute mer, plein songe, toutes voiles dehors La neige nous met en magie, blancheur étale, plumes gonflées oú perce ľoeil rouge de cet oiseau Mon cceur; trait de feu sous des palmes de gel file le sang qui s'émerveille. (Mystěre de la parole) LA SAGESSE M'A ROMPU LES BRAS La sagesse m'a rompu les bras, brisé les os C'était une trěs vieille femme envieuse Pleine ďonction, de fiel et ďeau verte Elle m'a jeté ses douceurs á la face Désirant effacer mes traits comme une image mouillée Lissant ma colére comme une chevelure noyée Et moi j'ai crié sous ľinsulte fade Et j'ai reclame le fer et le feu de mon heritage. Voulait y faire passer son äme bénie comme une vigne Elle avait taillé sa place entre mes côtes. Longtemps son parfum m'empoisonna des pieds á la tete Mais ľorage můrissait sous mes aisselles, Muse et feuilles brulées, J'ai arraché la sagesse de ma poitrine, Je ľai mangée par les racines, Trouvée aměre et crachée comme un noyau pourri J'ai rappelé ľami le plus cruel, la ville ľayant chassé, les mains pleines de pierres. Je me suis mise avec lui pour mourir sur des grěves müres Ô mon amour, fourbiš ľéclair de ton coeur, nous nous battrons jusqu'ä ľaube La violence nous dresse en de trěs hautes futaies 237 Nos richesses sont profondes et noires pareilles au contenu des mines que ľéclair foudroie. En route, voici le jour, fiěvre en plein coeur scellée Des chants de coqs trouent la nuit comme des lueurs Le soleil appareille á peine, déjá sür de son plein midi, Tout feu, toutes flěches, tout désir au plus vif de la lumiěre, Envers, endroit, amour et haine, toute la vie en un seul honneur. Des chemins durs s'ouvrent á perte de vue sans ombrage Et la ville blanche derriěre nous lave son seuil oú coucha la nuit. (My stére de la parole) EVE Reine et maitresse certaine crucifiée aux portes de la ville la plus lointaine Effraie rousse aux ailes clouées, toute jointure disjointe, toute envergure fixée Chair acide des pommes vertes, beau verger juteux, te voici dévastée claquant dans le vent comme un drapeau crevé Fin nez de rapace, bee de corne, nous nous en ferons des amulettes aux jours de peste Contre la mort, contre la rage, nous te porterons scapulaires de plumes et ďos broyés Femme couchée, grande fourmiliěre sous le mélěze, terre antique eriblée d'amants Nous t'invoquons, ventre premier, fin visage d'aube passant entre les côtes de ľhomme la dure barriěre du jour Vois tes fils et tes époux pourrissent péle-méle entre tes cuisses, sous une seule malediction Mere du Christ souviens-toi des filles derniěres-nées, de celles qui sont sans nom ni histoire, tout de suite fracassées entre deux trěs grandes pierres 238 Source des larmes et du cri, de quelles parures vives nous léguas-tu la charge et ľhonneur. Ľangoisse et ľamour, le deuil et la joie se célěbrent á fétes égales, en pleine face gravées, comme des paysages profonds Mere aveugle, explique-nous la naissance et la mort et tout le voyage hardi entre deux barbares téněbres, pôles du monde, axes du jour Dis-nous le maléfice et ľenvoutement de ľarbre, raconte- nous le jardin, Dieu clair et nu et le péché farouchement désiré comme ľombre en plein midi Dis-nous ľamour sans défaut et le premier homme défait entre tes bras Souviens-toi du coeur initial sous le sacre du matin, et renouvelle notre visage comme un destin pacifié La guerre déploie ses chemins ďépouvante, l'horreur et la mort se tiennent la main, liés par des secrets identiques, les quatre elements bardés ďorage se lěvent pareils á des dieux sauvages offenses >,, La douceur sous le fer est brulée jusqu'á ľos, son cri trans- perce l'innocent et le coupable sur une seule lame embrochés Vois-nous, reconnais-nous, fixe sur nous ton regard sans prunelle, considěre ľaventure de nos mains filant le mystěre á la veillée comme une laine rude Ľenfant á notre sein roucoule, ľhomme sent le pain brulé, et le milieu du jour se referme sur nous comme une eau sans couture Ěve, Eve, nous ťappelons du fond de cette paix soudaine comme si nous nous tenions sans peine sur l'appui de notre cceur justifié Que ta memoire se brise au soleil, et, au risque de réveiller le crime endormi, retrouve ľombre de la grace sur ta face comme un rayon noir. (Mystěre de la parole) 239 k á ľétroit dans le cierge et l'ogive notre feu se chátře et vend aux idoles sa mort interminable (Terre Québec) ENTRE NOUS LE PAYS I mieux que de la boue des printemps mieux que des feuilles mortes et du vent ras ce mau-vais marin de mes fiěvres de tes lěvres de tes lěvres ä la fatigue du ciel rouge et tendre ostensoir béant á nouveau ľaurore de la riche saison de tes bras je nťélěve et je me bats par les muettes nuits de ľenfance défiée petit batailleur aux genoux en sang je m'entéte á re-bours par tous les sentiers hagards par les tranchées et les foréts vendues je sangle pas á pas les anciennes terreurs et les fougěres délivrées m'enserrent nuptial tu ne sauras jamais tu ne sauras jamais ce qui saisit le monde en ce matin ďoú je nais pour qu'il vienne ainsi trembler á tes cils y boire son secret et le secret de ma colěre heureuse de tes lěvres oh le sang chantant plus clair de la caresse des couteaux fusant tournoi dans la clairiěre de ton corps livré aux terribles fenaisons de la guerre j'entends gémir la nuit de ton oeil brun la plainte-měre au nid feuillu de la rosée et la bete illuminée qui enfante — ô profonde terre déchirée ďoú je m'érige droit pármi les herbes drues et les armes du jour non je n'aurai méme pas ce sanglot d'etre libre dans le dur éclat de ma force je marche déjá sur les blés amoureux et le monde accablé sous ma brusque tendresse béle et bave á mes talons ä ma cuirasse i I je crie ce jour de ma naissance au front tatoué de colěre I du ciel enfin terrassé qui croule dans mes membres I (Terre Québec) ENTRE NOUS LE PAYS II « Parce que je suis en danger de moi-méme ä toi et tous deux le sommes de nous-mémes aux autres. Gaston Miron les printemps étaient doux oui doux saumätres les printemps de mon pays un lent malaise de charbon passait entre nos deux corps oui je ťaimais je souffrais les soleils étaient en prison un lent malaise de charbon gächait ľaurore entre nos dents tu te souviens j'allais á tes lěvres comme on retourne á la source et toujours sur la piste muette s'abattait ľombre blessée á mort du seul paysage de notre amour ô toi et moi rives toujours désassemblées sur le deuil infini des docks et ľexil au long cri d'oiseau noyé dans la flaque du petit matin (Terre Québec) L'AFFICHEUR HURLE j'écris á la circonstance de ma vie et de la tienne et de la vôtre ma femme mes camarades j'écris le poéme d'une circonstance mortelle ineluctable ne m'en veuillez pas de ce ton familier de ce langage parfois gagné par des marais de silence je ne sais plus parier je ne sais plus que dire 412 T r U la poésie n'existe plus I que dans des livres anciens tout enlumines belles voix ! ďorchidées aux antres d'origine parfums de dieux ■ naissants I moi je suis pauvre et de mon nom et de ma vie I je ne sais plus que faire sur la terre I comment saurais-je parier dans les formes avec les ■í intonations qu'il faut les rimes les grands rythmes B ensorceleurs de choses et de peuples P je ne veux rien dire que moi-méme I cette vérité sans poésie moi-méme I ce sort que je me fais cette mort que je me donne I parce que je ne veux pas vivre á moitié dans 1 ce demi-pays I dans ce monde á moitié balance dans le charnier I des mondes I (et ľimage oú je me serais brüle «dans la I corrida des étoiles» la belle image instauratrice I du poěme I je la rature parce qu'elle n'existe pas qu'elle I n'est pas á moi) I et tant pis si j'assassine la poésie I ce que vous appelleriez vous la poésie I et qui pour moi n'est qu'un hochet I car je renonce á tout mensonge I dans ce present sans poésie I pour cette vérité sans poésie I moi-méme I (...) I j'habite en une terre de crachats de matins häves et I de rousseurs malsaines les poětes s'y suicident et I . les femmes s'y anémient les paysages s'y lézardent et I la rancceur purulle aux lěvres de ses habitants I non non je n'invente pas je n'invente rien je sais I je cherche á nommer sans bavure tel que c'est I de mourir á petit feu tel que c'est de mourir poliment ■ dans l'abjection et dans ľindignité tel que c'est 414 de vivre ainsi tel que c'est de tourner retourner sans fin dans un novembre perpétuel dans un délire de poete fou de poete ďun peuple crétinisé décervelé vivre cela le dire et le hurler en un seul long cri de détresse qui déchire la terre du lit des fleuves á la cime des pins vivre á partir d'un cri d'oü seul vivre sera possible (...) avons-nous besoin de pratiquer ici le long raisonné dérěglement de touš les sens ne sommes-nous pas les sombres voyants de la vie absente dans la ruelle Saint-Christophe dans la ruelle vérité est-ce la vie qui fait claquer son grand pas d'ombre et de demente le dur petit soleil qui cogne contre les tôles des hangars des taudis a le visage crispé de mon aujourd'hui qu'il me regarde oui qu'il me toise et me transperce je rends le son brisant et sec des broussailles ďarriěre-saison je suis novembre courbé sous le talon de la bise dans la ruelle Saint-Christophe est-ce ma vie que je dispute aux poubelles au pavé la vie que je prends en chasse ai-je fait ďun haut-le-cceur ma vérité ma vérité celie qui ne refute aucun diplome pas méme le diplome doré du poěme ma vérité de cranes en friches et de latentes sauvageries ma vérité ďarriěre-grands-parents leur profonde et süperbe ignorance leurs fronts butés ľancestrale téněbre affleurant á l'orage folie de mes mots la vérité vous saisissez je n'y comprends rien pas un traitre mot et je m'en balance eile me fait mal comme le regard oblique et jaune du clochard le sombre soleil qui me tue sonne quelle heure au monde quelqu'un s'est tu est-ce ma vie est-ce mon sang quelqu'un s'est tu au fond de la ruelle est-ce la fin de ce mal gris qui est ma vie 415 (■■■) nous n'aurons méme pas ľépitaphe des décapités des morts de faim des massacres nous n'aurons été qu'une page blanche de l'histoire méme chanter notre malheur est faux ďoú lui tirer un nom une musique qui entendra nos pas étouffés dans 1'orniěre américaine oú nous precede et déjá nous efface la mort terrible et bariolée des peaux-rouges en la ruelle Saint-Christophe s'acheve un peuple jamais né une histoire á dormir debout un conte qui finit par le debut il était une fois... et nous n'aurons su dire que le balbutiement géne d'un malheureux qui ne sait nommer son mal et qui s'en va comme un mauvais plaisant honteux de sa souffrance comme d'un mensonge dans la ruelle Saint-Christophe dans la ruelle vérité est-ce la mort qui fait claquer son grand pas d'ombre et de demente (•■■) terre camarades si la courbure du monde sous nos paumes se dérobe toujours en ce milieu du vingtiěme siěcle et si le visage des choses s'allume loin de nous par-delá ľhorizon barré de nos vies si nos cceurs sont noirs et secrets comme les nosuds de nos chénes et si les bruits de ľunivers viennent réver dans nos corps salaries camarades ô bětes entétées le rire couve sous ľécorce et les grands craquements du feu natal tressautent dans la memoire á venir ô peuple intact sous la rature anglaise terre camarades ton nom Québec comme bondissement de coměte dans le sommeil de nos os comme razzia du vent dans la broussaille de nos actes voici que le cceur de la terre déjá bouleverse nos labours et nos rues et que notre cceur lui répond dans le saccage des habitudes Québec ton nom cadence inscrite en ľépaisseur du besoin unanime clameur franchis la forét de nos veines et dresse á la face du monde ľorée de notre jour le temps de notre humanite décembre 63 — décembre 64 (LAfficheur hurle) ...POINT DE FUITE sans cesse les mains au noir le regard-point fonce-lame vers ce qui fuit devant non pas ľhorizon mais couloir ou mieux tube toutes paroles se consument á ľinstant sur ľaire de leur occlusion, děs leur... ... point parfaites mais zébrées mais convulsives tu trouves intolerable le précipité-dispersion heurt des dis con ti nus 4I7í