CHAPITRE III LE DETERMINANT A. GENERALITES Le determinant est un mot qui varie en genre et en nombre, genre et nombre qu'il recoit, par le phénoměne de l'accord (§ 212), du nom auquel il se rapporte. (Le determinant possessif varie en outre en personne.) — Le determinant se joint á un nom pour le concrétiser, pour lui permettre de se réaliser dans une phrase, notamment comme sujet. / Voici venir les temps oú vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir. (Baudelaire.) Certains determinants peuvent accompagner un pronom (§ 124, e) ; ils n'ontpas alors la function qui est indiquée ci-dessus. Le determinant transforme n'importe quel mot, n'importe quel element (syntagme, phoneme, lettre, etc.) en nom. / On a compté les peut-étre de Renan. Vos g ressemblent a des tétards. Trols que dans une petite phrase, c'est trop. Le determinant permet de distinguer le genre et le nombre des noms qui ne varient pas en genre et en nombre : Un élěve, une élěve. Un cours, des cours. — Ce role est trěs important dans la langue parlée, ou le genre et surtout le nombre des noms souvent ne s'entendent pas. On appelle aussi les determinants adjectifs déterminatifs. Avec les adjectifs, les determinants ont en commun de s'accorder avec le nom. Mais la fonction est autre : le determinant ne peut etre attribut (sauf quel et les numéraux, qui cessent alors d'etre des determinants), et il est necessaire pour que la phrase soit reguliere (saufcas particu-liers : § 210). Soit la phrase : Lespetits cadeaux entretiennent ľamitié ; je puis dire : Les cadeaux entretiennent ľamitié, mais non : *Petits cadeaux entretiennent amitié. Espěces de determinants. Le determinant minimal est ľarticle. Les autres determinants ajoutent une autre indication : une localisation (démonstratif), un rapport avec LE DETERMINANT 173 un étre ou une chose (possessif), un nombre (numeral), une quantité imprecise, etc. (indéfini), le fait que ľon pose une question portant sur le nom (interrogatifi) ou qu'on manifeste un sentiment vif á propos de la realite designee par le nom (exclamatif) ou que le nom a déjá été mentionné dans la phrase (relatif). Les classes des determinants sont les merries que celieš des pronoms, á ľexception de ľarticle, qui n'est que determinant, et du pronom personnel. Certains mots appar-tiennent aux deux categories. II y a ďautres parentés étymologiques. On n'emploie pas simultanément deux determinants appartenant á la catégorie de ľarticle, du possessif, du démonstratif, de l'interrogatif, de l'exclamatif et du relatif. (Toutefois, le relatif contient ľarticle soude.) Les numéraux et les indéfims quelques, divers, différents peuvent s'employer sans autre determinant, mais ils peuvent aussi étre accom-pagnés d'un article défini, d'un possessif, d'un démonstratif. Les deux femmes. Ces quelques erreurs. Mes trois amis. Cas analogue : Tous mes amis. Tous ces enfants. Ces syntagmes restent corrects si ľon supprime l'un ou ľautre des deux determinants (sauf avec tout). Chacun des deux suffit done á conerétiser les noms. Mais on a besoin á la fois des indications particuliěres á chacune des deux categories. On pourrait appe-ler prédéterminant le premier des deux determinants. Place du determinant. Le determinant est place avant le nom, et avant ľépithéte, s'il y en a une devant le nom. Trois enfants. Trois jeunes enfants. (Exception : Feu la reine [§119, Rem.]. En outre, chere Madame [possessif agglutiné].) Lorsqu'un determinant numeral ou indéfini est accompagné d'un article, d'un possessif ou d'un démonstratif (§ 208), le numeral ou ľindé-fini sont places immédiatement devant le nom, á ľexception de tous. I Mes trois sceurs. Ces quelques volumes. | (Mais : Tous les enfants, toute la maison.) Les surnoms traditionnels suivent le nom, ľarticle se mettant entre le nom et ľadjec-tif: Charles le Chauve. Alexandre le Grand. — Certains noms de villes sont cons-truits de la meme facon (mais avec traits dunion) : Mantes-la-Jolie. Absence de determinant. a) Avec les noms communs. 1° Ordinairement, devant le nom appose (qui vient aprěs son support) ou attribut exprimant simplement une qualité (comme le fait l'adjectif). I Louis XIV, rol de France. Je suis pharmacien. LES PARTIES DU DISCOURS On met ľ article si le nom appose ou attribut exprime une identification nettement soulignée : Chio, Vile des vinš. (Hugo.)—Étes-vous lepharmacien (= un pharmacien bien determine) ? 2° Souvent, devant le nom mis en apostrophe. I Ami, je ťaime pour ton caractěre sérieux. (Vigny.) Le possessif est normal aussi : U f aut partir, mes amis. — II est agglutiné dans madame, etc. (§ 228, Rem. 1). L'article défíni se trouve surtout dans le style familier : II f aut partir, les amis ! (Acad.) 3° Ordinairement, devant le complement déterminatif servant á carac-tériser, comme le ferait un adjectif. I Un poete de génie. Une chaíne ďor. 4° Généralement, devant les noms dejours, de mois, ainsi que devant midi, minuit I Venez mardi. Décembre est passé. Midi est sonné. On met l'article quand ces noms sont accompagnés ďéléments subordonnés : Le riant avril Le premier lundi du mois. — On met aussi l'article devant les noms dejours quand il s'agit d'un fait qui se répěte : Venez le mardi. Páques, désignant la fete chrétienne, rejette l'article : cť § 160. — Pour Noěl, on a souvent le choix : A Noel, á la Noel. 5° Dans un grand nombre ďexpressions plus' ou moins figées, surtout des syntagmes verbaux ou des syntagmes prépositionnels : Avoir peur, faire peur, prendre peur, rendre justice, imposer silence, prendre patience ; — avoir á coeur, aller á cheval; — avec soin, sans gene, par hasard, sous clef, etc. On notera, en particulier, que la preposition en se construit souvent sans determinant, notamment sans article : comp, en hiver et au printemps. L'article reparait généralement quand le nom est accompagné ďéléments subordonnés : Imposer un silence absolu. 6° Souvent, dans le style proverbial (proverbes, comparaisons et autres expressions traditionnelles et sentencieuses). / Noblesse oblige. Pierre qui mule n'amasse pas mousse. Blanc comme neige. II y a anguille sous roche. T° Assez souvent, dans les enumerations. I Hommes, femmes, enfants, tout le monde dut sortir La langue littéraire supprime meme parfois les determinants lorsqu'il n'y a que deux elements coordonnés : On vendit done maison et champs. (CI. Simon.) LE DETERMINANT .175 8° Devant les mots ou n'importe quel element linguistique considérés pour eux-mémes, ainsi que devant les notes de musique et les nombres. /est une voyelle antérieure. Nbubliez pas l'accent de bát Le carré de quatre est seize. La premiere note de la gamme est do. Mais si ľon designe une realisation particuliěre, le determinant devient necessaire. /Mettre les points sur les I. II y a deux a en frangais. Ce quatre est mal dessiné. J'ai perdu le do de ma clarinette. REMARQUE Les spécialistes emploient sans determinant les designations scientifiques des plantes, des animaux, etc. : Rhinoestrus purpureus est un parasite du cheval et du mulet. (Grand Larousse encyclopédique.) 9° Dans les titres, les inscriptions, les adresses. /Precis ďarithmétique Maison ä vendre. 20, rue du Commerce. b) Avec les noms propres. Avec les noms propres, qui sont dermis par eux-mémes (cf. § 154), le determinant manque souvent. 1° Les noms propres de personnes s'emploient sans determinant. I Dupont est venu me voir. Anne est malade. Le determinant apparait s'il s'agit de distinguer une ou des personnes parmi celles qui portent ce nom ou de distinguer un aspect d'une seule personne : Ily a deux Dupont dans ma classe. —Je ne reconnais pas dans ce livre le Mauriac que j'aime. Les parlera populaires, notamment á la Campagne, emploient ľarticle devant les noms de personnes : Tout est sur la table, dit ľAdélaide. (M. Aymé.) — Tu as vu le Boromé ? (Giono.) Sur le modele de ľitalien, on met ľarticle devant certains noms de families italiens, devant le nom de certaines cantatrices : Le Tasse, la Callas, la Castafiore. — Cela s'est fait aussi avec des noms ďactrices francaises : La Champmeslé. Ľarticle peut aussi avoir une valeur stylistique, méprisante : La nullité de la Noailles (Étiemble) ; — ou emphatique (article au pluriel : § 175, b). Le determinant s'introduit quand le nom propre est employe comme nom commun : C'est un Don Quichotte. Cf. aussi § 183, a, Rem. 1. Inversement, certains noms propres ont garde ľarticle qu'ils avaient comme noms communs : Leběgue, Leduc. Les noms ďhabitants, etc., qui sont des noms en rapport avec des noms propres (§ 154, Rem. 1), suivent ľusage des noms communs : Le Parisien est volontiers moqueur. 2° Les noms de villes et certains noms ďiles (les noms des petites iles d'Europe et les noms masculins d'iles lointaines) s'emploient sans determinant. I J'ai visité Parts. Elle séjourne a Madagascar. 176 LES PARTIES DU DISCOURS Le determinant apparait s'il s'agit de distinguer un aspect d'une ville : Le vieux Paris. le Paris de la rive gauche. Certains noms de villes (ou de villages) contiennent un determinant parce qu'ils vien-nent de noms communs : Le Havre, Trois-Riviěres. Les noms de pays (sauf Israel), de regions, de montagnes, de mers, de cours d'eau et beaucoup de noms d'iles demandent ľarticle défini : J'ai visitě le Portugal. Je regarde les Alpes. // va pecker dans le Saint-Laurent (Mais : J'ai visitě Israel.) 3Q Repetition du determinant. a) D'ordinaire, le determinant se repete devant chacun des noms coor-donnés. I Void des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches. (Verlaine.) En vertu de quel principe, de quelle autorite et de quels raisonnements ? (Mau passant.) b) Mais le determinant ne se repete pas 1° Quand les noms désignent un seul étre ou objet: C e collěgue et ami. J'ai rencontre deux collěgues et amis. Mon seigneur et maľtre (= mon mari, par plaisanterie). 2° Quand le second nom est ľexplication du premier : | L'onagre ou Äne sauvage. 3° Quand les noms forment un tout etroitement uni, surtout dans des expressions traditionnelles : Les officiers, sous-officiers et soldats. Leurs amis et connaissances. Les arts et metiers. Les us et coutumes. Plusieurs allées et venues. Un aller et retour. La repetition est obligatoire si remuneration ne contient aucune conjonction de coordination : *J'ai desfrěres, sceurs. — On dit, dans une langue peu distinguée, °Mes-sieurs, dames pour Messieurs, Mesdames ou, plus galamment, Mesdames, Messieurs. REMARQUE La coordination peut porter sur des adjectifs. Si ľ on a affaire á un seul nom accompa- gné de plusieurs qualifications, le determinant ne se repete pas. C es belles et bonnes personnes (elles sont ä la fois belles et bonnes). Ces murs épais et hauts. (S'il n'y a pas de conjonction de coordination, on repete ordinairement le determinant : Cette grande, cette belle ville de Paris.) Mais, s'il y a plusieurs realties distinctes, dont chacune a sa propre qualification (le nom n'étant pas répété, par économie), le determinant se repete. Mon deuxiěme et mon troisiěme cheval. (Ou, sans repetition, mais avec le determinant et le nom au pluriel: Mes deuxiěme et troisiěme chevaux.) LES ARTICLES Lorsque les adjectifš suivent le nom, on répěte souvent le nom et son determinant : Mon costume bleu et mon costume brun. Mais on peut avoir aussi : Mon costume bleu et mon brun. Avec les épithětes de relation (§118, b. Rem. 1), une construction comme la littérature latine et la grecque est assez littéraire ; on préfěre : les littératu-res latine et grecque (§ 202, a, Rem. 3), — ou merne, malgré son ambiguité, la littérature latine et grecque. Accord du determinant. Le determinant s'accorde en genre et en nombre avec le nom qu'il determine. a sceur. Mes frěres. (Sur Mon amie, cf. §228.) Quelles belles Heurs! Trěs souvent, les determinants pluriels (articles, possessifs, démonstratifs, numéraux, plusieurs, quelques, etc.) ont la meme forme pour les deux genres. II est assez rare (cf. § 211) qu'un seul determinant s'emploie pour plusieurs noms. Dans ce cas, il se met d'ordinaire au pluriel ; pour le genre, dans la mesure oů il se marque, il suit les mémes regies que ľadjectif (§ 204). es pere et měře. Décliner ses nom,r prénoms et qualités. Tous les us et coutumes. Lorsque les noms désignent un seul etre ou objet, le determinant s'accorde avec le premier nom : Un collěgue et ami. La renoncule acre, ou bouton ďor. On a aussi ľaccord avec le nom le plus rapproché dans quelques locutions tradition-nelles, ou souvent les noms sont synonymes : En mon äme et conscience. — Au lieu et place de ce sous-lieutenant. (H. Bazin.) Lorsque remuneration contient la conjonction ou, on a souvent ľaccord avec le premier nom : Tout parent, allié ou ami. (Code civil.) B. LES ARTICLES Comme nous I'avons dit au § 208, I'article est le determinant minimal, le mot qui permet á un nom de se réaliser dans une phrase, si le sens ne rend pas nécessaire un autre determinant. On distingue trois classes : I'article défini, I'article indéfini et I'article partitif; mais les deux derniěres peuvent étrejointes. LES PARTIES DU DISCOURS 1. L'ARTICLE DEFINI L'article défini s'emploie devant le nom qui designe un étre ou une chose connus du locuteur et de ľinterlocuteur. Le soleil I u it pour tout le monde (realite faisant partie de ľexpérience commune). reconnut la maison qu'on lui avait Indiquée. (Balzac.) ' Lejeune ouvrier [Le personnage a été présenté plus haut: Unjeune homme Age d'environ seize ans, et dont la mise annongait ce que la phraséologie moderně appelle si insolemment un prolétaire, s'arréta sur une petite place...] J'ai pris | la route qui conduit ä Lille [ (le complement du nom, ici une relative, permet d'identifier la realite). Dans le second exemple, l'article défini est assez proche du démonstratif. De merne quand on designe une réalité présenté : Oh ! le beau papülon ! — ou un moment proche de celui ou ľ on parle : Nous par tons á ľinstant. Sur le choix entre l'article défini et le possessif, cť § 229. Sur l'article défini comme marque du superlatif relatif, cť § 205, b. L'article défini singulier peut aussi concerner une espěce, une catégo-rie, et non seulement un individu. | Le moineau est trěs sociable. Formes de l'article défini. a) Formes simples. • Le, avec un nom masculin singulier : Le pere. • La, avec un nom feminin singulier : La mere. •Les [le], en liaison [lez], avec un nom pluriel : Les parents. Les měres. Les_enfants. (Parfois avec plusieurs noms singuliers [§212] : Les pere et mere.) Au singulier, l'article s'élide devant un mot commencant phonétique-ment par une voyelle. I L'or. L'heure. L'humble fleur. Lorsqu'il y a disjonction (§ 26), l'article a sa forme pleine. | Le hangar. La hemic Le huit. Ľ e muet peut disparaitre aussi dans la prononciation devant consonne (§11): Apr es le depart [ApRe 1 depA:R]. LES ARTICLES 179 b) Formes contractées. Lorsqu'ils sont precedes des prepositions á et de, les articles le et les se contractent en au (= ä le), aux (= ä les) ; du (= de le), des (= de les). /Appeler au secours. Parier aux_enfants, aux voisines. Le repas du soir. Le sommet des_arbres. Les toits des maisons. Au pluriel, la liaison est en [z]. Du et des articles définis contracted doivent étre distingués de du article partitif et de des article indéfini et partitif (§§ 217 et 219). II reste quelques traces de l'ancien article contracté ěs (=en + les) : Docteur ěs [es] lettres. 2. ĽARTICLE INDÉFINI Ľarticle indéflni s'emploie devant un nom désignant un étre ou une chose (ou des étres et des choses) dont il n'a pas encore été question, qui ne sont pas présentés comme connus, comme identifies. Une personne demande á vous voir. Des gens demandent á vous voir. Elle est ďune bétise incroyable. (Dans : Elle est ďune bétise I I'adjectif est laissé implicite.) II peut avoir aussi une valeur generale : Un triangle equilateral a les trois côtés égaux (= n'importe quel triangle equilateral). Un est aussi numeral (§ 221). Quand il est article, on n'insiste pas sur le nombre (par opposition á deux, etc.), mais sur le fait que la realite est imprecise. Le pluriel des est assez proche des determinants indéfŕnis quelques, certains. Formes de ľarticle indéflni. • Un [oej, en liaison [cen], devant un nom masculin singulier : Un mur. unjtomme. • Une, devant un nom feminin singulier : Une/erarae. •Des [de], en liaison [dez], devant un nom pluriel : Des hommes. des femmes, des_enfants. Des a une variante : de; voir les conditions d'emploi au § 219, Rem. 1 et 2. Des est aussi article partitif: pour des choses non comptables (§ 219). A distinguer de des article défrni contracté (§215, b). REMARQUE Lorsqu'il est coordonné á ľautre, un est remplacé par ľun : Sur ľune et ľautre rive. (M. Arland.) —Dans ľune ou ľautre maison (Mauriac.) —Ni ľon ni ľautre esca-dron n'arriva. (Michelet.) LES PARTIES DU DISCOURS 3. ĽARTICLE PARTITIF L'article partitif s'emploie devant un nom désignant une chose non comptable, pour indiquer qu'il s'agit d'une quantité indéfinie de cette chose (eventuellement non concrete). I Boire du vin. Avoir du courage. REMARQUE L'article partitif combine de et l'article défini. De n'est pas ici la preposition dans son emploi ordinaire de liaison, mais un mot introducteur (§ 409, a) qui se joint, non seulement á l'article défini, comme dans le cas envisage ici, mais á d'autres determinants et á des pronoms. Le syntagme ainsi construit peut etre sujet, sujet reel, complement d'objet. D e nos camarades viennent en voisins. (P. Morand.) De quel vin prenez-vous ? Je prendrai de celui-lä. Y mettre du sien. Formes de l'article partitif. • Avec un nom masculin singulier, du devant consonne, de V devant voyelle (cf. § 215, a) : Boire du vin, de Yalcool, de Yhydromel. • Avec un nom feminin singulier, de la devant consonne, de V devant voyelle (cf. § 215, a) : Boire de la biěre, de l'eau. • Avec un nom pluriel, des [de], [dez] en liaison : Manger des_épi-nards. Consulter des_archives (nom sans singulier). On pourrait dire qu'au pluriel on a un seul article indéfmi, qu'il s'agisse de choses comptables (despommes) ou non (des épinards). — A ne pas confondre avec des article défini contracté (§ 215, b), dans lequel on a á la fois un article défini et une preposition introduisant un complement déterminatif, un complement indirect du verbe, etc. : La cueülette des fruits. La distinction vaut aussi pour du, de la, de /'. REMARQUES 1. Devant des noms precedes d'un adjectif, des (partitif ou indéfmi) est remplacé par de dans la langue soignée. I J'avais de grands espoirs. La langue familiěre emploie des dans ce cas. Inversement, la langue littéraire recher -chée emploie encore de pour du, de la, de V: Pour entendre de bonne musique. (Sartre.) La reduction de des á de ne se fait pas quand ľadjectif forme avec le nom un mot compose, qu'il y ait un trait d'union ou non : Des grands-pěres. Des jeunes gens. Des petits pois. 2. Lorsqu'on passe de l'affirmative á la negative, on remplace par de les articles indéfmis ou partitifs accompagnant un complement d'objet direct ou un sujet reel. Ill boit du vin -> II ne boit pas de vin (ou : ...jamais de vin). II y a un enfant -> II n'y a pas ďenfant. Elle a des amis -> Elle n'a guěre d'amis (ou : ... pas d'amis). LES DETERMINANTS NUMÉRAUX 181 Les articles indéfmis ou partitifs se maintiennent • Si la phrase a un sens affírmatif : 11 n'a que du vin. (= II a seulement du vin.) — N'avez-vous pas des amis pour vous défendre ? (= Vos amis devraient vous défendre.) • Si la negation ne porte pas réellement sur le nom : Je n 'ai pas de ľargentpour le gaspiller (= J'ai de ľargent, mais non pour le gaspiller). • Si le syntagme nié s'oppose á un autre syntagme de merne fonction : Je n'aipas demandé du vin, mais de la biěre. 3. La preposition de ne peut etre suivie des articles du, de la, de 1' des. Ceux-ci doi-vent s'effacer. Du sable couvre le sol -> Le sol est couvert de sable. Rencontrer des amis est agréable -> La rencontre d'amis est agréable. Tu ťintéresses ä des bétises -» Tu (occupes de bétises. 4. Les adverbes de quantité jouant le role de determinants indéfmis (§ 239, b) sont suivis de de seul. | Peu de gens, beaucoup d'enfants, trop de personnes. Bien fait exception : Sien des gens l'ont dit avant moi. —Je vous souhaite bien du bonheur, bien de la chance C. LES DETERMINANTS NUMÉRAUX Le determinant numeral exprime ďune facon precise le nombre des étres ou des choses désignés par le nom. II y a trois maisons dans cette rue. On ľappelle cardinal pour le distinguer de Xodjecůf ordinal, qui indique le rang (§ 224). Nous verrons au § 223 que le cardinal fait souvent concurrence á ľordinal. Les numéraux cardinaux suffisent á determiner le nom (comme dans ľexemple ci-dessus), mais ils peuvent aussi étre precedes d'un autre determinant (article défini, possessif, démonstratif) [cf §208]. I Les quatre points cardinaux. Mes deux enfants. Ces trois maisons. Les determinants numéraux sont aussi employes comme pronoms : Trois seulement sont venus (§ 258) ; lis sont trois (comp. : Us sont quelques-uns) ; — comme noms (sans determinant : § 210, a, 8°), surtout dans le langage mathématique : Deux et deux font quatre. — Ils peuvent aussi etre des noms avec determinants, mais invariables (§ 186) : Dessiner deux quatre (c'est le chiffre). Par ellipse d'un nom : Les Quarante (= les quarante membres de ľAcadémie francaise). Autres exemples au § 223. Sur la representation des numéraux cardinaux par des symboles, les chiffres arabes et les chiffres romains, cť § 44. 182 LES PARTIES DU DISCOURS REMARQUES 1. Les numéraux perdent quelquefois leur valeur precise et marquent un nombre approximatif, indéterminé : J'ai deux mots á vous dire. — On vous ľa dit cent fois — Voir trente-six chandelles. 2. Aux numéraux cardinaux, on peut rattacher certains determinants qu'on range pármi les indéfinis (§ 240) : aucun quelques, plusieurs, etc. ; etparmi les interrogatifs et exclamatifš (§ 238, Rem.) : combien de, que de. La langue ordinaire emprunte parfois le terme mathématique zero pour marquer l'ab-sence : Zero faute. Zero franc, zero centime. (Cf nul, aucun au § 240, a.) EBl Formes simples. Un (feminin : une), deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize ; — vingt, trente, quarante, cinquante, soixante [swAsa:t] ; — cent, mille (parfois mil: §223, Rem. 1). II faut y ajouter : septante [septa:t] (= 70), huilante ou octante (80), nonante (90). — Septante et nonante sont officiels en Belgique et en Suisse ; huitante, en Suisse seule-ment, ou on dit aussi octante. Septante et nonante sont en outre usuels dans le sud et ľest de la France : Un metre nonante-huit. (Giono.) — Septante s'emploie encore dans des formules inspirees de la Bible : 77 leur ordonne de pardonner non pas sept fois, mais septante fois septfois. (Fr. Mauriac.) [En outre : les Septante, pour designer les auteurs ďune traduction de la Bible.] REMARQUES 1. A ľ exception de un, qui varie en genre, les numéraux ne s'accordent pas avec le nom auquel ils se rapportent, et ils n'ont qu'une forme dans ľécrit (mis á part le cas ou vingt et cent sont multiplies : § 222, b, — et celui de mil: § 223, Rem. 1). 2. Les numéraux terminés par une consonne dans ľécrit ont une prononciation diffé-rente, selon qu'ils sont pris isolément (c'est-á-dire non determinants : J'en ai six, la page six, etc.), — ou, comme determinants, selon qu'ils sont devant une consonne ou devant une voyelle du point de vue phonétique (liaison ; cf § 22). • Sept n'a qu'une prononciation : [set]. • Un [03], deux [dß], trois [tRwA], cent [sä] ont une forme speciale comme determinants devant voyelle : [cen], [d0z], [tRwAz], [sät] : Deux_hommes. Neuf'[ncef] prend la forme [ncev] seulement devant ans, heures, hommes. • Vingt [vc] a la forme [vít] comme determinant devant voyelle et dans les numéraux complexes : VingtJiommes, vingt-six [vetsis]. (Mais on dit [ve] quand vingt est multi-plié : quatre-vingt-six, etc.) • Cinq [sek] et huit [yit] perdent ordinairement leur consonne quand ils sont employes comme determinants devant consonne ou lorsqu'il y a disjonction (§ 26) : Cinq [sc] maisons, huit [yi] Hollandais. • Six [sis] et dix [dis] ont deux autres formes : [si] et [di] comme determinants devant consonne (ou lorsqu'il y a disjonction) : Sixfemmes ; — [siz] et [diz] comme determinants devant voyelle : Six_hommes (en outre : dix-neuf[ái7ncď\). LES DETERMINANTS NUMERAUX 3. Au-delá de müle, il n'existe plus de determinants simples. Million, milliard (ainsi que, moins usités, billion, trillion, quadrillion ou quatritlion, etc.) sont des noms : ils ont besoin d'un determinant, et le nom qu'ils accompagnent est introduit par la preposition de : Un million de francs. Ils n'empechent pas la variation de vingt et de cent (§ 222, b) : Deux cent» millions. Quatre-vingts milliards. Lorsque million, milliard, etc. sont suivis d'un determinant numeral, le nom sur lequel porte ľindication numérique s'introduit sans preposition : Un million deux cent mille habitants. Formes complexes. Les formes complexes sont composées, soit par addition : Vingt-deux ; — soit par multiplication de cent et de mille (Deux mille. Trois cents), ainsi que de vingt dans quatre-vingts ; — soit par multiplication et addition á la fois : Deux mille trente. a) Lorsqu'il y a addition, 1° On met un trait d'union entre les elements qui sont ľun et ľautre moindres que cent, sauf s'ils sont joints par et. (Voir la Remarque.) I Vingt-huit. Soixante-dix. (Mais : Vingt er un.) Les unites ajoutees aux dizaines vont de un á neuf, sauf avec soixonie et quatre-vingts, ou les unites vont de un á dix-neuf (excepté dans les regions ou on emploie šeptanie et nonante) : Soixante-treize, quatre-vingt-dix-neuf. 2° On met et uniquement pourjoindre un aux dizaines (sauf quatre-vingt-un) et dans soixante et onze. (Mais : quatre-vingt-onze. ) On dira done : cent un, cent deux..., mille un, mille deux, etc. — Toutefois on dit mille et un (parfois cent et un) pour dormer ľidée d'un grand nombre approximatif: II ne s'agitpas ici des mille et une demarches de ľhumble vie quotidienne. (Duhamel.) — En outre, Les mille et une nuits, titre d'un recueil de contes arabes. 3° Dans les autres cas, il n'y a aucune marque. (Voir la Remarque.) I Trente mille six cent soixante. b) Lorsqu'ii y a muitipiication, 1° On met un trait d'union dans quatre-vingt(s). (Voir Remarque.) 2° Vingt et cent prennent un s quand ils terminent le numeral. /Quatre-vingts francs. Nous étions cinq cents. (Mais : Quatre-vingt-deux francs. Nous étions six cent trente.) Vingt et cent employes comme ordinaux (§ 223) ne varient pas : Page quatre-vingt. Ľan huit cent Pour quatre-vingts millions, huit cents milliards, cf § 221, Rem. 3. 184 LES PARTIES DU DISCOURS 3° Mille ne varie pas1 . I Deux mille francs. Trois dizaines de mille. Million, milliard, etc., qui sont des noms, varient comme des noms : Trois milliards huit cent mille. REMARQUE Le Conseil superieur de la langue francaise (cf p. 7) propose de mettre un trait d'union entre touš les numéraux : Deux-cent-vingt-et-un (Million, étant un nom, n'est, dans ce cas, ni précédé ni suivi, d'un trait d'union.) II est assez frequent que le numeral cardinal soit employe pour indi-quer ľordre, le rang, au lieu du numeral ordinal (§ 224). /Louisquatorze. Lequatreaout. Chapitracinq,pagedix. En ľan trois cent quarante. Ä trois heures (cf. § 225, a). Avec suppression du nom : En mil neuf cent vingt — J'iroi vous voir le trois. — A la une des quotidiens (= premiere page). On dit toujours premier et non un avec les noms des souverains (Frangois premier) et pour le quantieme du mois (le premier Janvier). — On peut dire chapitre premier ou chapitre un (de merne pour un acte ou une scene dans une piece de theatre, pour le tome d'un ouvrage). — En parlant d'une page, d'une note, d'une remarque, on dit d'ordinaire, en laissant un invariable : page un. REMARQUES 1. Dans ľindication des années, on écrit mil au lieu de mille quand le numeral n'est pas multiplié : En mil neuf cent quarante (mais : En deux mille). II y a de ľhésitation pour Ľan mil (ou Van mille). — On exige aussi mille pour les dates antérieures ou étrangěres á 1'ěre chrétienne (Ľan mille cinq cent avant Jésus-Christ) : mais cela n'a pas de fondement. 2. On écrit : Ľan huit cent Cf § 222, b, 2°. Ľadjectif ordinal Ľadjectif ordinal, qui indique ľordre, le rang, n'est pas un determinant, mais il a des relations privilégiées avec le determinant cardinal. Celui-ci s'emploie souvent á la place de ľordinal (§ 223). a) Ľordinal est généralement forme par ľaddition du suffixe -iěme aux cardinaux correspondants (ainsi qu'a million et á milliard). Deux deux iěme; trois • troisiěme; vingt • vingtiěme; vingt et un • vingt et uniěme. Du point de vue graphique (outre la chute des e muets fmaux des cardinaux), on notera ľaddition d'un u dans cinquiěme (cf § 30, a) ; le remplacement de f par v, comme dans la prononciation, pour neuviěme. 1. Mille, mesure itineraire, est un nom qui varie : Soixante-dix milles aprěs avoir double le cap Gregory. (J. Verne.) LES DETERMINANTS NUMERAUX 185 Pour ľemploi de et et du trait d'union, on a les memes regies que pour les cardinaux ; cf § 222 et la Rem. Du point de vue phonétique, on constate la réapparition de la consonne latente qui termine le cardinal ; eile apparait d'ailleurs au feminin pour un, dans les liaisons pour d'autres (cf. § 221, Rem. 2). b) Deux ordinaux ne viennent pas de cardinaux. Premier s'emploie ordinairement, uniěme ne servant que dans des ordinaux complexes : Vingt et uniěme. Second s'emploie dans la langue soignee, mais deuxieme peut toujours lui faire concurrence. En outre, deuxieme est seul á former les ordinaux complexes. La deuxieme partie de ľannée [ä propos de juillet]. (Claudel.) Tous les seconds'purs du mois. (Acad.) Vingt-deuxiěme. REMARQUES 1. Sur ľ utilisation des chiffres romains et des chiffŕes arabes, cť § 44 et la Remarque. 2. On supprime parfois les noms : Voyager en seconde [classe]. J'habite au troisiěme [étage]. Elle redouble sa troisiěme [année]. 3. Lorsque deux ordinaux en -iěme sont coordonnés, on supprime souvent le suffixe du premier : Le sept ou huitiěme. (Littré.) 4. On trouve quelques traces ďanciens ordinaux : Une tierce personne f= troisiěme). Le quart monde (= quatriěme). Charles Quint (= cinquiěme). Dans une enumeration, l'un ou un est parfois mis pour lepremier, et l'autre pour le deuxieme : On construisit troispavilions : unpour le corps de Wiiman ; l'autre pour faire le barbacue [sie] (...) ; le troisiěme pour les boissons. (Apollinaire.) Signaions aussi les ordinaux indéfinis empruntés aux mathématiques, éniěme (ou enniěme ou nieme), xieme .Pour la éniěmefois. (Michel Droit.) °Combientiěme n'est pas correct. On dit familiěrement : Le combien es-tu ? — Quan-tiěme ne s'emploie plus en France que pour le jour du mois : Indiquez sur leprocěs-verbal le quantieme du mois. (Diet, du franc, contemporain.) 5. Pour les fractions, en dehors de ľadjectif specialise demi (cf § 201, a) et du nom moitié, on emploie nominalement des ordinaux : les anciens ordinaux tiers et quart et les ordinaux vivants cinquiěme, sixiěme, etc. Ile quart, le cinquiěme de la bouteille. Un quart, un cinquiěme de bouteille. (Mais : Une demi-bouteille. La moitié de la bouteille.) L'indication de I'heure 20 Dans l'usage courant, a) On répartit les vingt-quatre heures ďunejournée en deux series de douze heures, que l'on numerate de une heure á onze heures (avec s. 186 LES PARTIES DU DISCOURS quoiqu'il s'agisse d'un rang et non d'un nombre), en achevant la premiere série par midi, la seconde par minuit. I De onze heures ä midi. Entre minuit et une heure. Lorsqu'il est utile de distinguer, on ajoute, pour la premiere série, du matin ; — pour la seconde, selon la partie de la journée, de ľapres-midi ou du soir. a trois heures du matin. Ä trois heures de l'apres-midi. A4 A six heures du soir. Dans la langue administrative ou juridique et parfois dans la langue littéraire, on emploie de relevée pour de Vaprěs-midi : A deux heures de relevée. (J. Dutourd.) b) On indique les divisions de ľheure, soit par addition soit par sous-traction, en donnant le nombre des minutes (le mot minutes est généra-lement supprimé) ou une fraction de ľheure (demi, quart). Six heures dix. Cinq heures cinquante ou six heures moins dix. Six heures et demie. [Sur midi et demi(e), minuit et deml(e), cf. § 201, a] Six heures et quart ou six heures un quart (... ef un quart est vieilli.) Six heures moins le quart (ordinairement) ou six heures moins un quart. Six heures trois quarts. Dans des expressions comme : La grande pendule sonne la demie de sept heures (M. Butor) et Le quart de six heures avail sonne (Fr. Mauriac), il faut comprendre : « sept heures et demie » et « six heures et quart». REMARQUE Dans les horaires des transports internationaux et, á la suite de cela, souvent dans la langue administrative, parfois dans ľusage ordinaire, on numerate les heures ďune journée ďune facon continue de zero á vingt-quatre, minuit étant designe par zero heure ou par vingt-quatre heures, selon qu'il s'agit du debut ou de la fin de la journée. On indique les subdivisions par addition, en donnant le nombre des minutes. On utilise d'habitude les chiffŕes arabes, on représente heures par son symbole h (sans point) et on supprime le nom minutes. 1 Le train qui part de Bale a Oh 27 arrive a Bruxelles ä 8 h 18. D. LES DETERMINANTS POSSESSIFS Le determinant possessif indique que les choses ou les étres désignés par le nom ont une relation avec unepersonne grammaticale : celui qui parle, celui á qui l'on parle, celui ou ce dont on parle. Cette relation peut étre celie de la possession ou de l'appartenance, mais aussi n'importe quel type de rapport qu'exprime le complement LES DETERMINANTS POSSESSIFS 187 déterminatif du nom ; le possessif peut aussi marquer l'affection, le mépris, etc. Prenez vos cahiers. On s'élanga a sa poursuite. Son ennemi. Je prends mon metro vers midi. (Ph. Hériat.) Fermez votre porte. Oui, mon capitaine. Mon chéri. Mon eher Monsieur. Je vous y prends, mon gaillard I Tu penses, Gringoire, si notre chěvre était heureuse i (A. Daudet.) [Cest la chěvre de M. Seguin et non celie de ľauteur I] 22 Le determinant possessif varie a) En personne, par reference á la situation (lre et 2e personne) ou au contexte (3e personne). 1° La premiere personne du singulier renvoie au locuteur : J'ai enlevé mon veston. La premiere personne du pluriel renvoie ďhabitude á un ensemble (surtout de personnes) dont le locuteur fait partie : Anne et moi, nous avons apporté nos livres. Elle peut aussi renvoyer á un ensemble de locuteurs (par exemple dans les priěres ou les chants en commun) : Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour (Pater) ; — ou au locuteur seul (pluriels dits de majesté ou de modestie) : Tel est notre bonplaisir (disait le roi). —La premiere partie de notre livre... (écrit un auteur dans son avant-propos). 2° La deuxieme personne du singulier renvoie á ľinterlocuteur : Tu as enlevé ton veston. La deuxieme personne du pluriel renvoie, soit á un ensemble (surtout de personnes), soit á un interlocuteur que l'on vouvoie : Anne et Francoise, prenez vos cahiers. Anne, prenez votre cahier. 3° La troisiěme personne renvoie á une personne ou á une chose (3e personne du singulier), á des personnes ou á des choses (3e personne du pluriel) dont on parle : // a enlevé son veston. La France et son armée (titre d'un livre de Ch. de Gaulle). Anne et Francoise ont pris leurs cahiers. Par cette variation en personne, le determinant possessif2 est apparenté au pronom personnel : comme celui-ci, il se référe á la situation (pour la 1™ et la 2'personne) ou au contexte (pour la 3e personne), c'est-á-dire que, dans ce dernier cas, il a, comme le pronom, une espěce ďantécédent On constate en outre que, lá ou le determinant possessif n'est pas admis, on recourt au pronom personnel construit comme complement déterminatif du nom : Un ami á moi. (Une autre possibilité est l'adjectif possessif: Un mien ami. Cf. § 228, Rem. 2.) 2. On pourrait ľappeler determinant personnel, mais on supprimerait ainsi le parallélisme, qui est evident, avec le pronom possessif, lequel doit etre distingue du pronom personnel. 188 LES PARTIES DU DISCOURS REMARQUE II arrive que ľon se serve de la troisiěme personne pour parier de soi ou pour s'adresser á quelqu'un : cf § 295, c. Cest notamment le cas dans les formules que ľon emploie sur une carte de visíte. On veillera á éviter ľambiguité : °Pzerre Dupont envoie á Monsieur Jean Dubois ms felicitations chaleureuses pour sa nomination. En regle generale, on évitera aussi ď employer dans la merne phrase des possessifs de la troisiěme personne qui renvoient á des antecedents différents : °Pierre a dii ä Paul que son frěre connaissait bien sa sur. b) En genre et en nombre, par accord avec le nom (cf. § 212). I Son veston etsa cravate. Ses vétements. Le genre se marque seulement : 1° avec un nom au singulier ; — 2° aux trois person-nes du singulier. ^g Formes des determinants possessifs. Nom singulier Nom pi uriel nom masculin nom feminin 1re pers. du sing. mon ma m es 2* pers. du sing. ton ta tes 3* pers. du sing. •on sa ses 1™ pers. du plur. not re nos 2e pers. du plur. votre vos 3* pers. du plur. leur leurs Les formes mon, ton, son ne s'emploient pas seulement avec un nom masculin, mais aussi avec un nom feminin lorsque le mot qui suit le determinant commence par une voyelle du point de vue phonétique — sauf s'il y a disjonction (cf. § 26). on erreur, son aimable sceur. (Mais : Ma hernie, sa huitiěme victoire.) REMARQUES 1. Le possessif agglutiné dans monsieur, madame, mademoiselle, monseigneur varie au pluriel : cf § 184, a — Ľépithete eventuelle precede : Chěre Madame. 2. Dans la langue écrite, on emploie les adjectifs possessifs mien, tieň, sien comme épithětes ou attributs, nôire, vôtre, leur comme attributs : On Vavail fiancee sur le tard á un sien cousin. (M. Yourcenar.) — Jefais volontiers mienne ľémotion du musicien que/interprete. (A. Gide.) — Les chěres mains quifurent miennes. (Verlaine.) — Levant celie richesse qui était leur. (J. Dutourd.) La langue ordinaire dirait,' si le possessif est épithěte ou attribut du sujet : ... á un cousin ä eile ; ... quifurent á moi. LES DETERMINANTS POSSESSIFS 189 ^ En general, on remplace le determinant possessif par I'article défini quand le rapport de possession est assez nettement marqué par le con-texte, notamment devant les noms désignant les parties du corps, les facultas intellectuelles. £ile ferma les yeux. J'ai mal a la těte. II a le pled dans rétrier. Elle perd la memoire. Mais on met le possessif quand il faut éviter ľéquivoque, quand on parle d'une chose habituelle, ou quand le nom est accompagné d'un complement ou d'une épithěte. Donnez-moi votre bras (dít le médecin). Elle a sa migraine. Un Saxon étendu, sa téte blonde hors de ľeau (A. Daudet.) Dans d'autres cas, le rapport de possession doit étre indiqué, mais il est plus élégant de le marquer par un pronom personnel complement du verbe que par un possessif attache au nom. Essuyez-vous les pieds. Elle me prit la main. (Dans une langue plus familiěre : Essuyez vos pieds. Elle prit ma main. Plus familier encore : Elle me prit ma main. Elle me tira par ma manche.) ^ Surtout dans la langue écrite, le determinant possessif de la 3e personne dont ľantécédent ne designe pas une personne est souvent remplace par I'article, et ľantécédent est représenté par le pronom en. J'aime beaucoup Paris etj'en admire les monuments. (Acad.) (On peut dire aussi : ... et(j'admire ses monuments; mais non : ° etj'en admire ses monuments.) Si ľantécédent designe une personne, la construction avec en est moins fréquente, sans étre exclue : Cette ětrangěre, j'étais en train d'en regarder la Photographie par Saint-Loup. (Proust.) Cet usage de en n'est pas admis et le possessif est obligatoire • Quand le possessif attache á un complement a pour antecedent le sujet du verbe : La Meuse a sa source pres de Langres. • Quand le possessif est attache á un syntagme prépositionnel : Je revoyais (...) ľanti-que chateau (...), la riviere qui baignait le pied de ses murailles. (B. Constant.) • Quand le possessif est attache au sujet d'un verbe ayant un complement d'objet direct : Le soleil se leva; ses rayons caresserent la cime de la montagne. SB Quand chacun explicite un pronom personnel de la P ou de la 2° personne du pluriel, c'est le pronom personnel qui sert ďantécédent au possessif, et celui-ci se met á la ľe ou á la 2e personne du pluriel. | Nous suivions chacun notre chemin. (Lamartine.) Quand chacun explicite un pluriel de la 3e personne (pronom personnel, autre pronom, nom), on peut donner comme antecedent au possessif, soit chacun, qui implique le possessif de la 3e personne du singu- LES PARTIES DU DISCOURS Her ; — pluriel. soit ce pluriel, qui implique le possessif de la 3e personne du Quand ils reprirent chacun sa route... (Barrés.) lis gagněrent chacun leurplace. (Hugo.) Lorsqu'un nom designe une réalité dont plusieurs possesseurs posse-dent J chacun un exemplaire, ce nom et le possessif qui le determine peuvent se mettre au singulier ou au pluriel (selon que l'on considěre l'exemplaire de chacun des possesseurs ou l'ensemble des objets). I Les alouettes font leur nid ou leurs nids dans les blés. Le choix n'existe pas quand il s'agit de noms n'ayant pas de singulier ou pas de pluriel, — quand il y a un seul objet pour l'ensemble des possesseurs, ou plusieurs objets pour chaque possesseur, — ou encore quand le contexte impose ľidée de pluriel. I / ous préparez votre avenir. Elles ont cassé leurs lunettes. I / Les Parisiens regagnent leur ville a la fin d'aoüt. 1/ Les poules étaient suivies de leurs poussins. U Nous avons échangé nos cartes. E. LES DETERMINANTS DEMONSTRATES Le determinant démonstratif determine le nom en indiquant la situation dans ľespace (avec un geste éventuellement) de ľétre ou de la chose désignés, ou parfois en les situant dans le temps ou dans le contexte. IDonnez-moi ce livre. Les moissons sont belles cette année. II posa cette simple question : - Le connaissez-vous, le voleur ? » (Maupassant.) Ľidée demonstrative est fort atténuée dans certains cas : J'ai une de ces faims ! (Troyat.) [= une faim trěs grande.] Formes du determinant démonstratif. • Avec un nom masculin singulier, ce : Ce gargon. La forme cet [set] s'emploie devant un mot commencant phonétiquement par une voyelle (sauf s'il y a disjunction : § 26) : Cet arbre, cet honneur. (Mais : Ce héros, c e our stí tí.) • Avec un nom feminin singulier, cette : Cette maison. • Avec un nom pluriel, ces : Ces enfants, ces tables. 3. Posséder doit étre pris dans un sens large : cf § 226. LES DETERMINANTS INTERROGATES ET EXCLAMATIFS REMARQUE Le démonstratif est souvent renforcé au moyeii des adverbes d et lá, qui se placent aprěs le nom, auquel ils sont joints par un trait ďunion. | Ce livre-ci (démonstratif prochain) ; ce livre-la (démonstratif lointain). Sur l'emploi de ci et de lä, voir des indications plus precises au § 265. F. LES DETERMINANTS RELATIFS Le determinant relatif determine le nom en indiquant que l'on met en relation avec ce méme nom déjá exprimé ou suggéré dans la phrase la proposition qui suit. II n'appartient qu'á la langue écrite, surtoutjuridi-que et parfois littéraire. I... dans le délai de trois jours, a partir de la notification qui lui aura été falte de sa nomination, lequel délai sera augmente ďunjour... (Code civil.) On vous donnera le n° de son domicile de la rue de Seine, lequel n" faioublié. (G. Sand.) Le syiitagme forme par le determinant relatif et le nom équivaut ä un pronom relatif, mais on renonce ä celui-ci pour des raisons de clarté (notamment lorsque le nom antecedent est assez éloigné) ou ďinsistance. On pourrait aussi remplacer le determinant relatif par un démonstratif et commencer une nouvelle phrase. On notera ä ce propos que la formule, assez courante, auquel cas est parfois précédée ďun point et done n'est plus alors considérée vraiment comme contenant un relatif: L'auteur (...) ne s'interdit měme pas de chercher la ressemblance au-dela dufameux mur de la vieprivée. Auquel cas e'est un pamphlétaire. (É. Henriot) Formes du determinant relatif. Les formes sont celieš de ľinterrogatif quel precede de ľarticle défini agglutiné, article qui se contracte avec les prepositions ä et de au mas-culin singulier et au pluriel. • Avec un nom masculin singulier : lequel, auquel, auquel; • Avec un nom feminin singulier : laquelle (ä laquelle, de laquelle) ; • Avec un nom masculin pluriel : lesquels, auxquels, desquels; • Avec un nom feminin pluriel : lesquelles, auxquelles, desquelles. LES DETERMINANTS INTERROGATES ET EXCLAMATIFS a) Le determinant interrogatif s'emploie quand on pose une question á propos du nom qu'il determine. I Quelle heure est-il ? Quels livres avez-vous choisis ? LES PARTIES DU DISCOURS L'interrogatif quel s'emploie aussi comme attribut. II n'a pas alors le role de determinant, á moins que l'on ne considěre qu'il se rapporte á un nom sous-entendu. I Quels sont les invites ? (= Quels [invites]...) Quel est cet oiseau ? b) Le determinant exclamatif s'emploie quand on exprime un sentiment vif (admiration, étonnement, indignation, etc.) á propos de la realite designee par le nom que determine F exclamatif. / Quelles bétises eile a faites I Dans des phrases non verbales : Quelle belle ville! Comme l'interrogatif (cf. a), ľexclamatif s'emploie aussi comme attribut. I Quelle ne fut pas ma surprise quand il m'annonga son manage I Formes. Les formes du determinant interrogatif et du determinant exclamatif sont identiques ; c'est quel, qui varie en genre et en nombre : quelle avec un nom feminin singulier, quels avec un nom masculin pluriel, quelles avec un nom feminin pluriel. REMARQUE On peut ranger aussi pármi les determinants interrogatifs et exclamatifs combien de, qui, forme d'un adverbe, ne connait pas de variation. /Combien de truites avez-vous pěchées ? Ä combien de tentations n'est-il pas exposé I (Acad.) Que de, qui est forme de la merne facon, est uniquement exclamatif. | Que de fois je suis posse par lä I H. LES DETERMINANTS INDEFINIS On range sous la denomination de determinants indéfinis des mots varies indiquant, soit une quantité non chiffrée (§ 240), soit une identification imprecise ou méme un refus d'identification (§ 241). a) Determinants proprement dits. 1° Aucun, chaque, maint, nul, plusieurs, tel s'emploient á l'exclusion de tout autre determinant. I Elle n'a eu aucune peine a le convaincre. LES DETERMINANTS INDEFINIS 193 REMARQUES 1. Tel et nul sont adjectifs dans certains de leurs emplois ; § 243, c. 2. Aucun, au contraire des autres determinants, peut se placer aprěs le nom, dans la langue echte, sans changer de valeur. Cela se produit uniquement quand le syntagme est introduit par la preposition sans : Qu 'allaient-ils devenir, sans ressources aucu-nes ? (Zola.) 2° Quelques, divers, différents peuvent, comme les determinants numéraux, étre precedes d'un article défini, d'un démonstratif ou d'un possessif. I // avail quelques livres. Les quelques livres qu'il avail laissés. Divers et différents sont adjectifs dans certains de leurs emplois : cf. § 243, c. 3° Certain peut étre precede ou non d'un article indéfini sans que le sens change. Au singulier, la construction sans article appartient á la langue littéraire. Par contre, au pluriel, c'est le tour avec l'article de qui est littéraire. J'ai ouí dire ä certain homme, ä un certain homme. (Acad.) Ä de certains momenls. (Pompidou.) Ä certains momenls. Certain peut aussi etre adjectif: cf § 243, c. 4" Tout a des constructions différentes selon les cas. Lorsqu'il est (distributor (§ 240, b), il suffit comme determinant. I Tout homme raisonnable sail cela. Lorsqu'il exprime la totalite (§ 240, e), il est ordinairement suivi d'un article, d'un démonstratif ou d'un possessif. I Elle a mange tout un gáteau, tout le gáteau, tous ces gateaux. Cette construction particuliěre le distingue des adjectifs (á ľ exception de feu : § 119. Rem.). — Dans certaines locutions, tout marquant la totalite se construit sans autre determinant: donner toute satisfaction, á toute vitesse, en toutes lettres, toutes^ro-portions gardées, toutes sortes de, etc. b) Determinants occasionnels. 1° Des locutions formées d'un adverbe de quantité (peu, beaucoup, tant, trop, plus, etc.) suivi de la preposition de : J'y ai trouvé beaucoup de satisfaction. En outre, bien accompagné de l'article partitif (cf § 219, Rem. 4) : Je vous souhaite bien du bonheur. 2" Quantité de et nombre de (ainsi que bon nombre de), locutions formées d'un nom sans article suivi de la preposition de : Elle a quantité ďamis, 3° Force construit sans article et sans preposition (littéraire) : II abu force bouteilles. 4° La plupart de + determinant, locution nominale, dans laquelle le nom a cessé d'etre senti comme tel : // a neigé la plupart du temps. 5° Plein de (et toutplein de), locution contenant un adjectif invariable (style fami- lier) : II y a plein de gens. 194 LES PARTIES DU DISCOURS 6° Pas un, qui contient le numeral un : cf § 240, a 7° Des locutions á noyau verbal (n 'importe, je ne sais, on ne sail, Dieu sail, etc.) con-tenant les interrogatifs quel (qui s'accorde avec le nom) et combien de : Je ne sais quelle mouche ľa pique. 8° Les symboles mathématiques x et n, le premier ušité aussi dans la langue commune : Aprěs x années. REMARQUES 1. Autre, merne, quelconque ont certains traits communs avec les determinants indéfi-nis. Mais ils ne suffisent pas á determiner le nom puisqu'ils ne s'emploient pas sans determinant. Nous les considérons comme des adjectifs indéfmis. Cf § 246. 2. Certains syntagmes nominaux suivis de la preposition de se rapprochent aussi des determinants indéfmis, le nom se vidant plus ou moins de sa signification propre : Un tas de, une masse de, unefoule de, uneflopée de (trés familier) ; une espěce de (ne pas dire : °un espěce de, si le nom qui suit est masculin), une sorte de. B Indéfinis exprimant la quantité. On les regroupe parfois avec les numéraux sous le nom de quantifiants. — Rappe-lons que certains cardinaux peuvent avoir une valeur imprecise analogue á celie des determinants indéfmis (cť § 220, Rem. 1) : Je te ľai dit trente-six/ozs. a) Quantité nulle (cf. zéro au § 220, Rem. 2). Aucun, nul (surtout ušité dans la langue écrite) et pas un (qui s'appli-que seulement aux choses comptables) accompagnent d'ordinaire la negation ne. Je n'ai aucune envie ďy aller. Je n'ai nulle envie d'y aller. Pas une feuille ne bouge. lis ont parfois un sens négatif sans étre accompagné de ne. II avait toutes les vulgarités et aucune vertu. (Barrés.) Nul chute qu'ils en riraient. (Bernanos.) Et rien de vivant nulle part ;pas une bete, pas un oiseau, pas un Insecte. (Lotl.) Sur le sens positif de aucun et parfois de nul, cť ci-dessous, b). b) Unité. 1° Aucun s'emploie dans la langue littéraire sans la valeur negative signalée dans le a). /Comme si la raison pouvait mépríser aucun lait ďexpérience ! (Barrés.) [Comp. : ... un seul fait...) Nul ne s'emploie de cette facon qu'avec sans: Sans nul doute. (Comp. : Sans le moindre doute.) Pour quelque, certain, cf. §241. LES DETERMINANTS INDEFINIS 2° Tout et chaque s'emploient comme distributifs, c'est-a-dire que ľon considěre en particulier les divers elements d'un ensemble. I Ä chaque jour suffit sa peine. Toute médaille a son revers. Du point de vue du sens, chaque et tout equivalent á des pluriels : Chaque jour = tous les jours. c) Pluralite. »Plusieurs signifie « plus ďun » ou « plus de deux » ; quelques indi-que un nombre imprécis, mais peu élevé (cf. aussi § 244) ; certains envisage un nombre limite ďobjets ou ďétres ayant des caractéristi-ques particuliéres (cf. aussi § 241, aj ; divers et différents ajoutent une nuance de varieté. 1/ n ou plusieurs registres. (Code civil.) Deux ou plusieurs personnes. (Code civil.) Certaines (ou quelques) personnes sont pessimistes. Ce colis pese quelques {'certains) kilos. II & renconiré différentes (ou diverses) personnes. • N'importe combien de, je ne sais combien de, on ne sait combien de, Dieu sait combien de marquent une pluralite vraiment indéterminée. I Je le lui ai dít je ne sais combien de fois. • Tant de s'emploie pour un nombre considéré comme variable, comme indifferent ;Ioux [iks] est parfois emprunté aux mathémati-ques avec cette valeur. Ce navire parcourt tant de milles ä I'heure. (Acad.) (Ne dites pas : °autant.) [Autre emploi : voir A Si 1940 avait été la reprise de 1914, (...) la Belgique, au bout de X années de guerre, eüt termine le conflit avec un gouvernement unanime derriěre un nouveau Roi Chevalier. (Rob. Aron.) n [en] n'est ušité qu'en mathématiques : Un polygone de n côtés. d) Petite ou grande quantité. 1 ° Pour exprimer ľidée de faible quantité, peu de et, ordinairement en relation avec la negation ne, guére de la présentent comme proche de la quantité nulle ; un peu de (qui concerne surtout des choses non comptables ; comparez quelques ci-dessus) comme opposée á la quantité nulle. I Elle a peu ďamies. Elle n'a guére ďamies. Elle a peu de patience. Elle n'a guére de patience. N'auriez-vous pas un peu de sel ? 2° La notion de grande quantité s'exprime par des termes varies, qui s'appliquent pour la plupart aussi bien á des réalités comptables qu'á des réalités non comptables. LES PARTIES DU DISCOURS • Maint, ušité seulement dans la langue écrite, a la particularité ďavoir le méme sens (pour des réalités comptables) au singulier et au pluriel. L eur application se heurte en pratique ä maints obstacles. (R.-L. Wagner.) On y trouve maint detail technique. (R.-L. Wagner.) • Cette notion est surtout exprimée par des determinants occasionnels : beaucoup de, énormément de, pas mal de, assez de (ces deux-ci con-cernent plutôt une quantité moyenne) ; blen du, de la ou des (cf. § 219, Rem. 4) ; pleln de et toutpleln de (familiers) ; force (littéraire) ; quantité de (langue ordinaire), nombre de et bon nombre de (langue soignee). 1/ ous laites beaucoup de bruit pour hen. Elle gagne énormément ďargent. Cette personne a pas mal de petits côtés. (Acad.). Cet ouvrage est fait avec assez de goüt. (Acad.) Dans cet emploi (á distinguer de la Süffisance : cf ß, on dit en Belgique : ° Cet ouvrage estfait avec assez bien de goüt. Je vous souhaite bien du plaisir Bien des gens vous le diront. IIy a avaitplein de gens dans l'antichambre. (Aragon.) IIy a toutplein de monde dans les rues. (Acad.) Nous nous séparämes á la porte de ľhôtel avec force poignées de main. (A. Daudet.) Depuis nombre ďannées, on signále des abus dans ce service. (Diet, du trang. contemp.) 3° La plupart de « la plus grande partie de ». I La plupart de ses collěgues et de ses inspecteurs étaient en vacances. (Simenon.) La plupart du temps, il rentre fort tard. e) Totalite. Tout au singulier concerne la totalite d'une réalité dont les parties ne sont pas considérées comme comptables, — et au pluriel la totalite d'une réalité dont les elements sont comptables. I Passer toute une journée dans son lit. La nuit, touš les chats sont gris. f)Cas divers. • Trop de marque 1'excěs ; assez de, suffisamment de la Süffisance. Vous laites trop de fautes. Vous avez bu assez de vin. II a suffisamment de bien pour vivre. (Acad.) • Autant de, plus de, davantage de, moins de marquent la comparaison. I Les hommes mettent dans leur voiture autant ďamour-propre que ďessence. I(Daninos.) J'avais davantage ďargent que maintenant. (Sartre.) • Tant de et tellement de (plus familier) impliquent une consequence, parfois non exprimée (surtout dans des phrases exclamatives). / Is ont tant de tableaux qu'on ne voit plus les murs. Nous avons tellement de dettes I (Troyat.) LES DETERMINANTS INDEFINIS 197 Autres indéfinis. Certains indéfinis présentent les réalités designees par les noms comme non identifiées. Au singulier, ils n'insistent pas sur 1'unité et se rappro-chent plus de un article indéfíni que de un numeral. a) Quelque, surtout dans la langue écrite. I Si cela était, quelque historien en aurait parle. (Acad.) Quand il s'agit d'une chose non comptable, quelque se rapproche de ľarticle partitif et de un peu de (§ 240, d, 1°) : J'ai quelque peine ä vous comprendre. b) Wimporte quel, je ne sais quel, on ne salt quel, Ľieu salt quel. I // choisit n'lmporte quel livre. Des brises chaudes montaient avecje ne sais quelles odeurs confuses. (Fromentin.) ) Certain (littéraire au singulier) et tel s'emploient surtout parce qu'on ne veut pas préciser de quoi il s'agit. Je I'avais oblige a sortir coiffé de certain chapeau de paille (...) qui ne lui plait pas. (Loti.) J'arriverai a telle époque, tel jour, a telle heure. (Acad.) II y a tel hotel a Mons ou, le samedi, les gens des petites villes voisines viennent expres diner pour faire un repas délicat. (Taine.) Au lieu de certain, la langue courante emploie un certain :... coiffé d'un certain chapeau de paille... — Inversement, la langue littéraire emploie de certains au pluriel : A de certains endroits (S. de Beauvoir.) Notons les formules coordonnées tel et tel, tel ou tel: Dans telle et telle circonstance, les abeilles se conduisent envers leur reine de telle ou tellefagon. (Maeterlinck.) L'un ou ľautre a aussi le sens de « tel ou tel » : La jeune fille était souvent appelée dans ľune ou ľautre maison de laparoisse. (Fr. Mauriac.) [Cet emploi est assez pro-che de différents, divers : § 240, c] Variabilite des determinants indéfinis. a) Determinants occasionnels. Les determinants occasionnels (§ 239, b) ne varient pas, sauf ceux qui contiennent un et quel (cf. ci-dessous). b) Determinants ne s'employant qu'au singulier. • Chaque ne varie pas en genre : Chaque année. • Plus d'un et pas un varient en genre : Plus d'une fois. • Aucun et nul, qui varient en genre, s'emploient généralement au singulier : Je ne connais aucune personne de ce nom. Cependant, ils admettent le pluriel devant des noms qui n'ont pas de singulier ou 198 LES PARTIES DU DISCOURS qui n'ont pas de singulier dans une de leurs significations (§ 176, Rem. 1) : ... n'or-donnerent aucunes représailles. (Dans le Monde.) La langue littéraire use parfois du pluriel en dehors de ce cas : Aucunes choses ne méňtent de détourner notre route. (A. Gide.) c) Determinants ne s'employant qu'au pluriel. • Plusieurs ne varie pas en genre : Plusieurs écoles. • Différents et divers varient en genre : Différentes solutions. d) Determinants s'employant au singulier et au pluriel. • Quelque ne varie pas en genre : Quelques amies. • Certain, maint et tout varient aussi en genre : Certaines personnes. Main tes fois. Toutes lesfemmes. • Dans n 'importe quel, on ne salt quel, etc., quel varie en genre et en nombre : N'importe quelles maisons. La plupart des determinants indéfinis s'emploient aussi avec d'autres valeurs. a) C'est evidemment le cas des determinants occasionnels (§ 239, b). b) Aucun, certain, nul, pas un, plus d'un, plusieurs, tel et tout s'emploient aussi comme pronoms indéfinis. Chaque et quelque ont comme pronom correspondant chacun (voir cependant § 285, a) et quelqu'un. La plupart des determinants occasionnels s'emploient aussi comme pronoms, mais souvent avec des modifications, comme la suppression de la preposition de, le rempla-cement de quel par lequel. c) Certain, different, divers, nul, tel et tout s'emploient aussi comme adjectifs. I 'en suis certain. Un résultat tout different. I Des preoccupations tort diverses. I Ce devoir est nul. Un match nul. y Son envie de réussir est telle qu'il fera n'importe quoi. Pour tout, cf § 245. REMARQUES 1. Tel est souvent employe, sans que, dans la langue littéraire, pour exprimer une comparaison. II s'accorde alors, parfois avec le terme que l'on compare, plus souvent avec le terme auquel on compare : // bandait ses muscles, tel une bete qui va sauter. (Saint Exupéry.) —La lune sur un paratonnerre, tel un clown. (J. Renard.) LES DETERMINANTS INDEFINIS 2. Tel que peut introduire une enumeration développant un terme qui precede ; tel s'accorde avec ce terme : Plusieurs langues, telies que le grec, le latin, Vallemand, etc. (Acad.) 3. Dans la locution adjective tel quel « sans changement », les deux mots s'accordent avec le nom : Laisse: les choses telies quelles. [Ne dites pas : °telles que.] d) Quelque et tout s'emploient aussi comme adverbes ; tout comme nom. Voir ci-dessous, car il nous a paru utile de donner une vue d'ensemble sur les diverses valeurs de ces mots. Les diverses valeurs de quelque. a) Quelque est determinant indéfini et variable en nombre quand il se rapporte á un nom (§§ 240, c; 241). I J'ai regu quelques amis. ii reste quelque espoir. II en est de méme dans quelque ... que introduisant une proposition de concession, si quelque precede un nom. I Quelques raisons que vous donniez, vous ne convaincrez personne. b) Quelque est un adverbe invariable 1° Quand, devant un numeral, il signifie « environ » (emploi de la lan-gue écrite). I ii y a quelque vingt ans. (Celine.) 2° Dans ľexpression quelque ... que, si quelque precede un adjectif ou un adverbe (le sens est « si ... que »). /Quelque bonnes que soient vos raisons, vous ne convaincrez personne. Quelque habilement que vous raisonniez, vous ne convaincrez personne. Si, dans cette expression, quelque precede un adjectif suivi d'un nom, quelque est adverbe et invariable quand le syntagme nominal est attribut (le verbe de la proposition est alors étre ou un verbe similaire : § 101). / Quelque bonnes nageuses qu'elles soient, elles risquent de se noyer a cet endroit. (=Si bonnes nageuses...) Sinon, quelque est determinant et variable. | Quelques bonnes raisons que vous donniez, vous ne le convaincrez pas. REMARQUE Quelque en un mot doit etre distingue de quel que (en deux mots), qui est suivi du verbe étre au subjonctif ou d'un verbe similaire (parfois precedes de devoir, pouvoir et/ou d'un pronom personnel) ; quel peut alors etre considéré comme un attribut déta-ché (cf § 272, Rem.) s'accordant avec le sujet du verbe. | Quels qu'en soient les dangers, I'eau me tente toujours. (H. Bosco.) LES PARTIES DU DISCOURS S'il y a plusieurs sujets, on applique les regies ďaccord de ľadjectif (cf § 204). Notons en particulier que, quand les sujets sont unis par ou, l'accord se fait, soit avec le sujet le plus proche, soit avec l'ensemble des sujets. Quelle que füt la circonstance ou la personne. (Jammes.) Quels que soient leur qualité ou leur měňte. (Montherlant.) Les diverses valeurs de tout. a) Tout [tu], [tut] en liaison, feminin toute [tut], est determinant indé-fini dans le sens de « chaque, n'importe quel » (§ 240, b) ; il s'emploie seulement au singulier. I Toute laute est pardonnable. On le considěre aussi comme determinant indéfrni (ou comme prédé-terminant: § 208) quand il exprime la totalite (§ 240, e ; généralement suivi dun autre determinant : § 239, a, 4°). Au singulier, tout [tu], [tut] en liaison, feminin toute [tut] ; au pluriel, tous [tu], [tuz] en liaison, feminin toutes [tut]. I Elle a passé toute son enfance au Québec. II a cueilli toutes les fleurs. b) II est souvent considéré comme adjectif quand il signifie « unique ». I Pour toute boisson, II prená de ľeau. La prononciation est la meme que dans le a). Dans ce sens, tout accompagne surtout des noms singuliers. Cependant, avec des noms n'ayant pas de singulier ou ayant un sens propre au pluriel, on trouve le pluriel : // n 'avaitpour toutes ressources au 'une maigre pension. II est aussi adjectif quand il est détaché avec le sens « entier » : Elle était toute en sueur. (M. Butor.) [On pourrait le laisser invariable comme adverbe : voir e.] C) Tout pronom indéfrni (§ 286, d). 1° Au singulier, tout [tu] comme nominal neutře signifie « toutes les choses ». I Tour est á recommencer. 2° Au pluriel, tous [tus], féminin toutes [tut] est, soit representant (pour des personnes ou des choses), soit nominal (« tous les hommes », ou « toutes les personnes ďune communauté »). £ He a vérifié les billets : tous étaient faux. Les billets étaient tous faux. Tous cherchent le bonheur. d) Tout est un nom quand, employe avec un determinant, il signifie « chose entiěre » ; tout [tu] fait alors touts [tu] au pluriel. L e tout est plus grand que la partie. Plusieurs touts distincts les uns des autres. (Acad.) LES DETERMINANTS INDEFINIS 201 Dans la locution tout ou partie, on peut se demander si tout est un nom. II parait con-sidéré comme tel dans cet exemple : ...prendre le commandemeni de tout ou partie des maquis du secteur. (De Gaulle.) e) Tout [tu], [tut] en liaison, est adverbe et invariable quand il signi-fie « entiěrement, tout á fait » ; il renforce alors un adjectif, une locution adjective, un participe, un adverbe. La ville tout entiěre. Les grands hommes ne meurent pas tout entiers. lis sont tout seuls. Elles sont tout en larmes, tout étonnées, tout hébétées. Allons tout doucement. Tout est encore adverbe dans la locution tout (+ attribut) que signifiant « quel que ... que », et aussi devant un gérondif. Tout hablles et tout vantés qu'lls solent, lis ne réusslront pas-Tout vlelllards qu'lls sont, lis marchent vite. Tout en parlant ainsi, eile se mit ä pleurer. Quoique adverbe, tout varie en genre et en nombre devant un mot feminin commencant phonétiquement par une consonne ou quand il y a disjonction (§ 26). I Elles sont toutes confuses, toutes honteuses. Toutes raisonnables qu'elles sont, elles ont fort maljugé. Toute femme quelle est, eile n'aime pas pouponner. REMARQUES 1. Tout peut servir á renforcer un nom. Dans eire iouiyeux, tout oreilles, et ětre tout feu, tout flamme, et dans les expressions commerciales tout laine, tout sole, etc., il est invariable comme adverbe (faisant partie d'une locution adjectivale). Dans les autres cas, on peut le considérer • Soit comme un adverbe signifiant « entiěrement » (le nom jouant le role d'une epi-thěte). | Un front tout innocence et des yeux tout azur. (Hugo.) • Soit comme un adjectif s'accordant avec le nom qui suit. | Cet homme était toute sagesse et toute prudence. (Montherlant.) 2. Tout suivi de autre est adjectif et variable s'il se rapporte au nom qui suit autre ; il peut alors etre rapproché immédiatement de ce nom. | Toute autre vue (= toute vue autre) eüt été mesquine. (J. Bainville.) II est adverbe et invariable s'il renforce autre ; il signifie alors « entiěrement », et on ne peut le séparer de autre. Les villes et les villages ont id une tout autre apparence. (Chateaubriand.) (= Une apparence entiěrement autre.) 3. II importe parfois de consulter le sens pour reconnaitre la valeur de tout. Elles exprimaient toute leurjoie (= leur joie entiěre). Elles exprimaient toutes leurjoie (= toutes exprimaient leurjoie). Demandez-moi toute autre chose (= toute autre chose que celle-lä). Vous demandez tout autre chose (= tout ä fait autre chose). 202 LES PARTIES DU DISCOURS Adjectifs indéfinis 22 Nous rangeons sous ce nom des mots qui ne servent pas de determinants, mais qui ont une valeur assez proche de celle des determinants indéfinis, avec lesquels on les classe souvent. a) Autre: Donnez-moi /'autre livre, mon autre livre, ces autres livres, deux autres livres, quelques autres livres. Jadis, autre servait de determinant á lui seul. II en reste quelques traces dans la langue commune : autre part d'autre part (comp. : d'un autre côté), autre chose (§ 287, b). — Les écrivains pratiquent parfois l'ancien usage: D'autre rang, d'autre milieu, d'autre race, il semblait se sentir étrangerparmi nous. (A. Gide.) b) Quelconque est synonyme de « n'importe quel », mais il suit ordinairement le nom, qui a son propre determinant : Sous un pretexte quelconque. c) Metne accompagne le nom, qui a son propre determinant. S'il precede le nom, il marque ľidentité ou la ressemblance ; s'il le suit, il a une valeur d'insistance. /Les mémes causes ne produisent pas toujours les mémes effets. Les Romains ne vainquirent les Grecs que par les Grecs mémes. (Acad.). Dieu est la sagesse méme. (Acad.) Merne, place aprěs un pronom personnel, s'y joint par un trait d'union : Nous-měmes, eux-memes. (Mais : Cela merne, ici merne, etc.) On écrit nous-měme, vous-meme (sans s), si les pronoms désignent une seule per-sonne : Pierre, faites-le vous-meme. Jadis, méme servait de determinant. Cela se trouve encore dans la langue écrite : Us étaient de merne taille maintenant. (R. Martin du Gard.) —En méme temps appar-tient á la langue commune. REMARQUE Méme est adverbe et invariable lorsqu'il signifie « aussi », avec une nuance de ren-chérissement : Lesfenétres, les toits merne, étaient charges de monde. (Michelet.) Aprěs un nom ou aprěs un pronom démonstratif, méme peut souvent ětre considéré comme un adjectif ou comme un adverbe selon le point de vue ou l'on se place : Ces murs memc(s) ont des oreilles (= ces murs eux-měmes..., ou bien : ces murs aussi...). — Ceux-lä meme(s) l'ont trahi.