Université T. G. Masaryk (Brno) *** Faculté de Philosophie Histoire de Belgique et du grand-duché du Luxembourg Cours présenté par Aurélie Hanot Lectrice de la Communauté Française de Belgique Année académique 2006-2007 Semestre d’automne Introduction A. Présentation de la matiere La Belgique L’histoire de Belgique au sens strict du terme ne commence qu’en 1830, avec la création de l’État belge. Parler de Belgique avant cette date pourrait donc constituer comme un anachronisme. Cependant c’est le devoir de l’historien que de rechercher dans les siecles antérieurs `a la création de l’État belge les origines de la culture belge contemporaine. Dans ce cours, nous allons donc de suivre l’évolution de ces régions `a partir de la préhistoire. Il faut noter que si la Belgique n’existe en tant qu’état que depuis 1830, le nom de Belge existe depuis bien plus longtemps. Il apparaît au Ier siecle AC sous la plume de César dans le premier livre de son De Bello Gallico paru en 58 AC. Il tombera en désuétude apres l’époque romaine avant de ressurgir `a la Renaissance et de s’imposer au XVIIIeme siecle. Dans ce cours, nous nous efforcerons de tracer le destin des différentes communautés qui ont vécu dans l’espace géographique correspondant `a l’actuelle Belgique. Si la démarche semble artificielle, elle permet cependant de mettre en évidence les éléments de continuité et les ruptures qui ont marqué l’histoire de ces régions. Le territoire de Belgique, dépourvu de frontieres naturelles (grands fleuves ou chaînes de montagnes), fut et est encore une terre de contacts et de transition, sensible aux influences culturelles et propice aux échanges commerciaux. Mais il y a un revers `a la médaille : ce manque de protections naturelles rendit les contrées vulnérables aux invasions et dominations. Elle devint le champ de bataille de l’Occident, the cockpit of Europe (« l’arene de combats de coqs de l’Europe »). Passant de main en main, elle connut une histoire chaotique et s’adapta `a tous les changements de régimes imposés par des étrangers. Le Grand-Duché du Luxembourg L’histoire du Grand-Duché du Luxembourg pris en tant qu’état `a part entiere est encore plus récente puisqu’il devient indépendant en 1867. Mais depuis le Moyen Âge – `a l’exception de deux annexions `a la France (1681-1697 et 1795-1814) et de l’incorporation dans l’Allemagne nazie (1940 et 1944) –, le Luxembourg existe en tant que principauté (comté, duché, grand-duché) en droit et en fait. Quelle continuité… Nous allons voir de front l’histoire de ces deux pays, qui connaîtront souvent un destin similaire. B. Présentation de la Belgique physique § Superficie : 30.517 km^2 (ce qui en fait un État assez petit dans l’Union Européenne) § Population : 10,4 millions d’habitants (dont 4,2 sont actifs dans les secteurs industriels et tertiaires[1]) § Densité : 350 habitants/km^2 § Ressources naturelles : bois, ardoises, pierres, quelques minerais (assez vite épuisés) `a l’exception du charbon du sillon Sambre-et-Meuse et de la Campine dont l’exploitation fut un élément majeur dans le formidable essor de l’industrie belge de la Belgique au XIXeme s. § Trois grandes zones de reliefs qui s’étagent du nord-ouest vers le sud-est, orientées est-ouest et sud-ouest : les plaines, les bas plateaux et les hauts plateaux. Les sommets de ces hauts plateaux constituent une ligne de cretes dont le point culminant, le Signal de Botrange, atteint 964 m. § Environ 65 km de côte (Mer du Nord) sur 1450 km de frontiere § Pays frontaliers : Pays-Bas (nord), Allemagne (est), Luxembourg (sud-est), France (sud) § Capitale : Bruxelles (950.000 habitants dans les 19 communes) § Structure : Etat fédéral (3 régions, 3 communautés) § Régime : monarchie constitutionnelle § Chef de l’Etat (Roi des Belges) : Albert II (09/08/1993) § Chef du gouvernement : Guy Verhofstadt (23/06/1999) § Année d’indépendance : 1830 § PNB par habitant : 26.705 $ (1997) La Belgique est donc un tout petit pays, tres peuplé: elle compte un peu plus de 10 millions d'habitants pour environ 30 000 km^2. Il y a en moyenne 350 habitants par km^2. La France voisine qui est 18 fois plus grande est seulement 5 fois plus peuplée! Par contre les Pays-Bas au nord comptent un peu plus d'habitants pour une surface semblable. En ce qui concerne les langues, en Belgique, on parle beaucoup de langues différentes en Belgique. Il y a trois langues officielles: le français, le néerlandais et l'allemand. A ces langues, s'ajoutent les nombreuses langues pratiquées par la communauté étrangere et par les eurocrates (ceci concernant particulierement Bruxelles). On parle le français en Wallonie, le flamand en Flandre. Tout `a l'est de la Wallonie, `a la frontiere avec l'Allemagne, se trouvent les cantons de l'est, ou l'on parle l'allemand. La région de Bruxelles-Capitale est bilingue. Tout y est affiché dans les deux langues. Pour ceux qui veulent voir plus loin… Quelques sites internet de référence : § www.fgov.be: portail d’acces du gouvernement fédéral belge. § www.cfwb.be: portail d’acces de la Communauté française de Belgique § www.wallonie.org: portail d’acces de la Région wallonne. § www.bruxelles.irisnet.be: portail d’acces de la Région de Bruxelles-Capitale. § www.vlaanderen.be: portail d’acces de la Communauté flamande § www.monde-diplomatique.fr/index/pays/Belgique : une compilation d’articles du mensuel français. Niveau de langue tres élevé. § www.lesoir.com: site du plus grand quotidien belge en français. § www.lalibre.be: site du deuxieme grand quotidien belge en français. C. Présentation du Grand-Duché § Superficie : 2.600 km2 § Population : 440.000 habitants § Capitale : Luxembourg (113.000 habitants) § Structure : Etat unitaire § Régime : Monarchie constitutionnelle § Chef de l’Etat (Grand Duc) : Henri de Luxembourg (07/10/2000) § Chef du gouvernement : Jean-Claude Juncker (20/01/1995) § Année d’indépendance : 1867 § Economie : secteur I : 2,5%, secteur II : 29,9%, secteur III : 67,6% § PNB : 41.210 $ (1995) § Pays frontaliers : Belgique (nord, ouest), Allemagne (est), France (sud) La situation linguistique au Luxembourg se caractérise par la pratique et la reconnaissance de trois langues officielles : le luxembourgeois, le français et l’allemand. Le plurilinguisme du Luxembourg est issu de la coexistence de deux groupes ethniques, l’un roman et l’autre germanique. Il faut cependant noter que le luxembourgeois (« Lëtzebuergesch »), un dialecte francique-mosellan, a longtemps revetu une position subalterne. Son enseignement n’a été introduit `a l’école primaire qu’`a partir 1912. Le français reste la langue privilégiée de la législation et de l’administration, ce qui est du `a l’application du code civil napoléonien. Pour ceux qui veulent voir plus loin… Quelques sites internet de référence : § www.gouvernement.lu: portail d’acces du gouvernement luxembourgeois § www.etat.lu/CE : le site du Conseil d’Etat § www.lavoix.lu: le site du quotidien La Voix du Luxembourg § www.eluxembourg.lu: deux portails d’acces généraux I. La Préhistoire Pendant des millions d’années, l’homme n’a pas exprimé de pensées par écrits : c’est la préhistoire (pré-histoire). L’ensemble des découvertes archéologiques permet d’affirmer que le territoire de la Belgique actuelle a été occupé pendant les grandes périodes de la préhistoire (qui se différencient essentiellement au niveau de l’outillage) : q le Paléolithique ou âge de la pierre taillée q Le Néolithique ou âge de la pierre polie q L’âge des métaux Cfr carte de la Belgique préhistorique (Le Soir) 1.1. Le Paléolithique : de 800 000 `a 5000 AC[2] Au début du paléolithique, la mer du Nord recouvrait des vastes étendues dans la partie septentrionale[3] du territoire actuel de la Belgique. Alors qu’`a cette époque, les périodes de froid alternaient avec des périodes de chaleur, les glaciers se sont avancés jusque dans le Nord du pays. Aux alentours de 400 00 AC, l’homme fait son apparition dans la région de la Meuse. Il utilise des silex[4] arrondis avec un seul tranchant[5] et possede la maîtrise du feu. Vers 250 000 AC, les Néandertaliens apparaissent principalement dans les provinces de Liege (Engis, Fonds-de-Foret) et de Namur (Spy) ou des fouilles ont livré des vestiges de l’époque. A l’instar de l’homme de Néandertal[6] (Homo Sapiens), les hommes qui peuplaient nos contrées `a cette époque différaient de l’homme moderne par quelques caractéristiques : plus petits, leurs os sont plus massifs, ils ont des arcades sourcilieres prononcées et un volume crânien important, le front était effacé et le menton absent. Mais ils savaient faire du feu. Ils vivaient de la cueillette, de la peche et de la chasse. Les Néandertaliens semblent avoir été les premiers hommes `a avoir enterré leurs morts : ils le faisaient selon des rites funéraires assez précis qui démontrent une croyance en une vie apres la mort[7]. Ils se protegent des variations de température et de la faune hostile en vivant `a l’entrée de grottes pareilles `a Spy. Vers 35 000 AC, les Néandertaliens disparaissent progressivement au profit des hommes de Cro-Magnon (Homo sapiens sapiens ou homme moderne) qui étaient arrivés probablement des bords de la Méditerranée. Le travail de la pierre se précise et les premiers bifaces (silex `a deux tranchants) apparaissent. L’aspect physique de ces hommes de Cro-Magnon est assez différent de celui des Néandertaliens : ils sont de haute taille, leur front est plus grand et le menton est déj`a saillant. Ils continuent `a assurer leur subsistance par la cueillette, la peche et la chasse. Ils jouissaient d’une civilisation raffinée comme en attestent de nombreux objets de parure mais aussi des objets sculptés possédant une réelle valeur artistique. Probablement décoraient-ils les parois des grottes de la Meuse et de la Lesse de peintures rupestres comme ils le firent dans le sud de l’Europe mais l’humidité et des crues importantes en effacerent toute trace. Ils pratiquaient le culte des morts mais les longues périodes de grand froid empechent l’inhumation des morts, qui sont alors recouverts de cailloux et accompagnés d’offrandes. Aux environs de 10 000 AC, l’ere glaciaire toucha `a sa fin. Le climat change et devient tempéré. En Belgique, les forets se multiplient et la faune s’adapte. Un nombre croissant de petits animaux (cerfs, chevreuils >< mammouths) apparaît modifiant les conditions de la chasse et de l’alimentation. L'arc marque un grand progres. L'outillage se perfectionne, la hache et le burin apparaissent. Désormais le silex est taillé avec le souci de la miniaturisation. Pour la premiere fois dans l'histoire, l'homme est capable d'exercer une action sur son environnement. Des vestiges prouvent clairement que dans nos régions, `a partir de 7.000 avant J.-C., des bois sont systématiquement défrichés : ceux-ci sont utilisés `a la construction d’abris en branchage. 1.2. Le Néolithique : de 6000 AC `a 2200 AC Il y a 12 000 ans environ, au Proche-Orient (croissant fertile entre Tigre et Euphrate), l’homme va accomplir des progres `a ce point importants que les préhistoriens parlent de « révolution néolithique ». Le fait majeur de cette révolution est la sédentarisation[8] de l’homme rendue nécessaire par l’agriculture et l ‘élevage : il se met `a construire des huttes[9] faites d’argile, de torchis[10], de pierre et de bois et éleve des troupeaux domestiques. De ce fait l’alimentation devient plus réguliere qu’au temps de la seule chasse (celle-ci n’est pas completement abandonnée, de meme que la peche et la cueillette). Bientôt, ces huttes vont se regrouper en hameaux[11] et entourées de palissades[12]. Les villages s’entourent de champs. Aux environs de 6000 AC, cette révolution néolithique atteint nos régions. Les néolithiques vinrent par la vallée du Rhin et s’établirent dans le pays par trois vagues successives, la premiere se fixant sur les terres limoneuses de la Hesbaye, dans la région de l’Omal et dans le Limbourg ; mais aussi dans le Hainaut occidental (`a Blicquy notamment) en venant de la Méditerranée. L’exploitation de l’environnement naturel par l’homme est également caractéristique de cette époque. La preuve en est la découverte d’une mine de silex `a Spiennes (province du Hainaut), choisie en raison de la qualité de son silex. L’outillage se fabrique de plus en plus en pierre polie. Ils se consacrent `a la culture de l’épeautre et `a l’élevage des animaux domestiques : moutons, chevres, bœufs, porcs, etc. Au meme moment, l’homme tisse pour la premiere fois ses vetements (>< avant, peaux de betes). Il se met `a confectionner également des poteries qu’il utilise comme ustensiles pour la récolte et la conservation des aliments. Le culte funéraire ne cesse d’évoluer au sein de chaque tribu : il existe différents modes d’inhumation qui peut etre individuelle ou collective. Les monuments mégalithiques (pierres brutes de grande taille) ainsi que les tumuli (amoncellement de pierres et de terre) forment des tombes collectives. On retrouve des dolmens (grandes pierres plates) et des menhirs (pierres verticales) dans les provinces du Luxembourg (Wéris), du Hainaut (Brunehaut) et de Namur (Velaine-sur-Sambre). L’existence de tels monuments posent bien des questions : ou ont-ils trouvés de si grandes pierres ? quid du transport ? `a qui sont-ils réservés (aristocratie politique ou religieuse) ? En tout cas, ils sont la preuve d’une organisation religieuse bien réelle. 1.3. L’âge des métaux: de 2200 AC `a 1000 AC Les premiers objets en métal apparaissent aux environs de 2 200 AC en Belgique. Il s’agit principalement d’objets de prestige en cuivre et en or (dagues et haches plates) C’est probablement par le jeu des échanges commerciaux que la technique de fonte du bronze s’est implantée vers 1750 AC. Ce métal sert `a la fabrication de bijoux, fibules, d’aiguilles et d’armes. Le commerce s’organisant autour des objets confectionnés `a partir du bronze augmente les contacts entre population et donc les emprunts culturels. II. Les celtes : de 1000 AC `a 57 AC Vers l’an 1000 AC, les peuples celtes (Indo-Européens) se melent progressivement aux populations néolithiques. Ces peuplades, parmi lesquelles les Belgae, occupent certains territoires situés entre le Rhin, la Seine et la Marne. On admet en général que le peuplement des Celtes s’étend, au milieu du premier millénaire AC, de la Baltique `a la Méditerranée et de la mer Noire `a l’océan Atlantique ; ils atteignent meme l’Asie Mineure. Leur force réside dans une bonne métallurgie du fer. Ils ont dompté les chevaux et connaissent le char de guerre `a deux roues. Les Celtes ont dominé sans les éliminer les populations vaincues. Ils n’ont jamais constitué une nation ni fondé un état uni qui aurait pu résister `a la conquete romaine ou meme germanique. Leur régime était fondé sur la tribu et sur la fédération de tribus. 2.1. La culture d’Hallstatt : du VIIIeme s. AC `a 500 AC En Europe occidentale, le travail du fer apparaît au VIIIeme s. AC. Cette technologie est importée par des guerriers de l’Autriche actuelle dans nos régions. Cette culture, caractérisée par une réelle séparation des différentes classes sociales, est appelée « culture d’Hallstatt ». L’ornementation des objets issus de cette culture est principalement composée de motifs géométriques. 2.2.La culture de Tene : de 500 AC `a 57 AC La « culture de Tene » remplace deux siecles plus tard celle d’Hallstatt. Les représentations stylisées de tetes d’animaux et d’hommes font leur apparition dans le domaine artistique. L’art de cette culture s’épanouit dans l’orfevrerie, la céramique, l’armurerie, l’émaillerie, la cordonnerie, le tissage. Durant cette période, la Belgique actuelle est habitée par des Celtes : les Gaulois. Mais vers 500 C, ils sont vaincus par d’autres Celtes venus de la vallée du Rhin et en partie germanisés, les Belges. Les Belges répartis en tribus se répartissent le territoire compris entre la Seine, le Rhin et la mer du Nord. Ils établissent des liens commerciaux avec le monde méditerranéen et surtout avec les Étrusques. On voit apparaître de véritables centres urbains protégés par des remparts (oppidum). Petit `a petit, grâce `a un mode de vie défensif, les richesses s’accumulent. Et vers 150 AC, les premieres pieces de monnaie sont frappées en Belgique. Cette monnaie, qui acquiert vite une identité propre, témoigne de l’important rôle économique joué par les peuples celtes durant l’Antiquité. La société celtique a des chefs `a sa tete appelés rix (indo-européen : cfr latin rex, sanskrit raja). Mais ces rois abondent (un roi par tribu). Un conseil de nobles est chargé de le choisir dans la lignée royale apres consultation des dieux. Quand les Romains pénétrerent en Gaule, la royauté subissait une crise aiguë dans de nombreuses tribus. Mais au sein des tribus belges, le roi, assisté par l’assemblée des hommes libres ainsi que par un conseil restreint, a toujours été craint et respecté par ses sujets. La majorité de la population se compose de paysans, qui sont au service des propriétaires terriens. En bas de l'échelle sociale se trouvent les esclaves, qui sont le plus souvent des prisonniers de guerre. A la fin de l'âge de fer, les techniques agricoles s'améliorent. La terre est labourée avec une charrue `a roues, dotée d'un soc[13] et tirée par des bœufs. Cette charrue permet de retourner les terres argileuses et lourdes. Grâce `a ces nouvelles techniques, la vie des Gaulois du premier siecle avant Jésus-Christ s'avere moins précaire. Le véritable ciment entre les tribus belges et les autres peuples de la Gaule est constitué par la religion druidique (druidisme). Le druidisme est un culte dédié aux forces naturelles (vent, soleil) et aux divinités locales, auxquelles sont consacrées des cérémonies présidées par une caste de religieux appelés druides. Ceux-ci remplissent divers rôles dans la société : `a la fois pretres, juges, médecins et sorciers, ils assurent la pérennité de la croyance selon laquelle l’âme ne meurt pas et qu’apres la mort, elle passe d’un corps `a l’autre (ce que les Grecs appelaient la métempsycose[14]). L'âge de fer en Belgique prend fin lorsque Jules César conquiert la Gaule. III. Romanisation de la Belgique 3.1. César en Gaule En 58 AC, Jules César, général romain, passe les Alpes pour repousser les Helvetes (habitants de l’actuelle Suisse) qui menacent la Provence. Ensuite, les Éduens (habitants de l’actuelle Bourgogne) l’ayant appelé pour chasser des tribus germanqiues (Sueves), il en profite pour s’installer en Gaule « chevelue[15]». En 57 AC, César entame la conquete de la Gaule, peuplée de Celtes, dont il nomme les habitants de la partie septentrionale, les Belgae (Belges). C’est de ce terme que vient le nom de Belgique. César faisait la distinction entre les Celtes (ou Gaulois), les Aquitains et les Belges, car il croyait que les peuples belges étaient issus des Germains1. Il a meme fait une énumération de ces différentes tribus belges qui, sous le nom de Germani («qui uno nomine Germani appellantur»), sont appelées Suessiones (Suessions), Nervii (Nerviens), Atrébates (Abrates), Ambiani (Ambiens), Morini (Morins), Menapii (Ménapiens), Caletes (Caletes), Veliocasses (Véliocasses), Viromandui (Viromanduens), Aduatici (Aduatiques), Condrusi, (Condrusiens), Ebuones (Éburons), Caeroeses (Cérosiens) et Paemanes (Pémaniens). Gallia est omnis divisa in partes tres, quarum unam incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae, nostra Galli appellantur. Hi omnes lingua, institutis, legibus inter se differunt. Gallos ab Aquitanis Garumna flumen, a Belgis Matrona et Sequana dividit. Horum omnium fortissimi sunt Belgae, propterea quod a cultu et humanitate provinciae longe absunt, minimeque ad eos mercatores saepe commeant atque ea quae ad effeminandos animos pertinent important, proximique sunt Germanis, qui trans Rhenum incolunt, quibuscum continenter bellum gerunt. L’ensemble de la Gaule est divisé en trois parties, l'une habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisieme par le peuple qui, dans sa langue, se nomme Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples different entre eux par le langage, les coutumes et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, et des Belges par la Marne et la Seine. Les plus braves de tous sont les Belges[16], parce qu'ils sont les plus éloignés de la province romaine et des raffinements de sa civilisation, parce que les marchands vont tres rarement chez eux et, par conséquent, n'y introduisent pas ce qui est propre `a amollir les cœurs, enfin parce qu'ils sont les plus voisins des Germains, qui habitent au-del`a du Rhin, et avec qui ils sont continuellement en guerre. César, De Bello gallico, I Les Belges résistent vigoureusement et refusent de se soumettre. César connaîtra en effet `a cause d’eux sa plus sanglante défaite : en 54 AC, Ambiorix, chef des Éburons[17], se révolte contre l’envahisseur. Surpris, les Romains ne pourront éviter l’élimination de deux légions entieres (6000 soldats). Arrivé trop tard en renfort avec le reste de son armée pour éviter le massacre de ses légions, César poursuivit Ambiorix qui se réfugia dans la foret ardennaise ou il ne parviendra jamais `a le surprendre. La résistance pousse les Romains au génocide de certaines tribus comme les Éburons et les Aduatiques. D'autres tribus, d'origine germanique, vinrent alors repeupler les territoires disponibles, avec l'assentiment des Romains. En 53 AC, ensuite, Vercingétorix, le chef des Arvernes, prend conscience du danger que représente César et réunit en secret une coalition de tous les peuples de la Gaule. César apprenant cela accourt de Rome, prend en chasse Vercingétorix et son armée jusqu’en Auvergne. Repoussés par des Germains alliés des Romains, Vercingétorix et ses troupes se réfugient `a Alésia, oppidum de Bourgogne. En 52 AC, les Romains remportent la victoire de la bataille d’Alésia. La Gaule tombe sous la domination romaine. A partir de 51 AC, la Belgique va connaître quatre siecles de pax romana[18]. 3.2.Domination romaine Apres la soumission des Nerviens (de 57 `a 46), la Gaule belge finit par devenir officiellement une «province romaine» en l’an 16. Cette partie de l’Empire était importante pour les Romains, en raison de la frontiere rhénane avec les territoires germaniques. Dans ce qui était devenu la Belgica, qui s’étendait du Nord de la France aux Pays-Bas et `a une partie de la Suisse, les Romains créerent trois provinces: la Germanica Secunda au Nord-Est, la Belgica Secunda au Nord-Ouest et la Belgica Prima au sud. La province appelée Belgica Prima avait Treves comme capitale et n’occupait qu’une partie du Luxembourg actuel. Par contre, la Belgica Secunda était beaucoup plus grande et occupait tout le Nord-Ouest de la Belgique actuelle avec Reims (actuellement en France) comme capitale. La Germanica Secunda était située au Nord-Est dans ce qui est aujourd’hui une partie de la Flandre et des Pays-Bas, avec comme capitale Maastricht. Ces provinces étaient encore subdivisées en civitates ou régions, qui correspondaient avec les frontieres des tribus. Dans ce cadre administratif romanisé, se produit une romanisation profonde mais pacifique. La pénétration de la langue latine, introduite par les soldats, les marchands, les fonctionnaires…, est facilitée par l’ouverture des premieres écoles. Le latin s’impose rapidement dans les villes tandis que les campagnes, plus conservatrices, gardent le celte, probablement jusqu’au christianisme. La civilisation gauloise devient peu `a peu civilisation gallo-romaine. Tout en laissant subsister les mœurs et les religions indigenes, Rome apporte ses divinités, sa mythologie, ses coutumes et sert de relais aux cultes orientaux, puis au IVeme s., au christianisme. Cependant les conquérants suppriment la caste[19] des druides essentiellement `a cause de leur attitude conservatrice qui déplaît au pouvoir. Les Romains construisent un réseau routier remarquable et des ports. Ces constructions ont surtout un but militaire : envoyer le plus vite possible des troupes vers le Rhin et se défendre contre les dangers venant de la mer du Nord. Elles ont contribué `a l'essor du commerce qui ne fléchira jamais entre 70 et 395 PC[20]. La pax romana est tres favorable `a l'économie. Les marchandises sont transportées par la route, la mer et les rivieres. De petits centres commerciaux s'établissent le long des voies romaines. Ils s'appuient principalement sur les activités artisanales locales. Il y a peu de villes dignes de ce nom, mais on peut quand meme citer Tongres (Aduatuca), Arlon (Orolaunum) et Tournai (Tornacum). Des avant l'arrivée des Romains, la métallurgie et la manufacture du fer et du bronze étaient déj`a bien développées dans la région de l'entre-Sambre-et-Meuse et des Ardennes, de meme que la céramique. A l'époque romaine, les verriers du sud de la Belgique font concurrence `a leurs collegues du Nord de l'Italie. Les produits de l'industrie gauloise sont donc bien présents sur le marché. Le pays exporte aussi des produits agricoles vers l'Italie. Des spécialités comme le jambon, les huîtres et le foie gras y sont tres recherchées. Le blé est vendu aux légions du Rhin. Les territoires belges sont surtout ruraux. Les Romains importent de nouvelles techniques mais les populations celtes leur apprennent l'utilisation de la moissonneuse. Les réformes agricoles romaines améliorent les récoltes. Les surfaces cultivées se répartissent en villae, ou domaines. La villa est une exploitation agricole, qui suffit par son étendue et la variété de ses ressources aux besoins d’une communauté locale. On pourrait la comparer `a un village disposant de champs et de forets, mais dont les travailleurs, libres ou esclaves, sont sous la dépendance d’un meme maître. La villa urbana, habitation du maître, est une demeure imposante et luxueuse depuis laquelle est administré le domaine. La villa rustica est l’ensemble des maisons des serviteurs qui travaillent pour le compte du maître, mais elle comprend aussi les écuries, étables, ateliers des artisans. Chaque domaine dispose de son moulin, sa forge, sa poterie, son four… Réparties dans le domaine se trouvent de plus petites villas exploitées soit par des esclaves, soit par des colons travaillant pour leur compte, mais qui payent alors un fermage (sorte de loyer). Le modele de la villa survivra sans grande modification jusqu’`a l’époque carolingienne. IV. Les Francs 4.1.Les Francs saliens Des le IIIeme s. PC, commence la période de décadence de l’Empire romain qui est frappé par des querelles intestines, une importante crise économique… A partir du IVeme s. (Bas-Empire), vont commencer les infiltrations germaniques. Les Germains se sont répandus `a travers l’Allemagne au cours des IVeme et IIIeme s. AC. Leur nom de ‘Germains’ leur vient des Romains : ils n’avaient pas de nom collectif pour se désigner entre eux. Des le IVeme s., des tribus germaniques, les Francs Saliens, s’infiltrent lentement et pacifiquement au-del`a du Rhin. Ils s’établissent en Toxandrie (Campine actuelle). Ils sont meme enrôlés dans les légions qui surveillent les frontieres et forment le gros de l’armée romaine de cette époque. Peu `a peu ils se transforment en soldats-paysans : ils jouissent d’une terre donnée par Rome et qu’ils exploitent mais sont susceptibles `a tout moment de prendre les armes pour aller combattre. Toutefois, les Germains qui sont restés au-del`a du Rhin sont, eux, de plus en plus attirés par les richesses de l’empire. Au début du Veme s., les Vandales, les Sueves et les Alenes, trois tribus germaniques, envahissent une partie de la Belgique. Ils ne se fixent pas dans le pays. Mais les Francs Saliens profiterent du désordre que ces Germains (qui ne firent que passer et se dirigerent ensuite vers la Méditerranée) avaient créé pour, `a leur tour, envahir le territoire. En 430, Clodion, le roi des Saliens, s’empare de Tournai et s’infiltre vers le sud de la Gaule. Son fils Mérovée fait de Tournai sa capitale. La civilisation mérovingienne succede `a la domination romaine. 4.2.La frontiere linguistique Des cette période, le particularisme entre le nord et le sud du territoire belge se dessine : la masse des Francs se sont installés au nord du pays encore faiblement habité jusque l`a et ont pu imposer leur langue germanique : ce sont les ancetres des Flamands. Au sud et au sud-est, ces memes Francs s’integrent dans l’élément gallo-romain, numériquement plus important, et donnent naissance `a la Wallonie. Depuis cette époque, la frontiere linguistique entre les deux communautés, qui suit une ligne est-ouest reliant Visé `a Mouscron en passant par le sud de Bruxelles, n’a que tres peu varié, sauf dans la France septentrionale, ou elle continue longtemps `a migrer vers le nord. Par ailleurs, des Saxons et des Frisons vinrent également habiter sur les côtes flamandes; encore de nos jours, on peut trouver certains éléments saxons et frisons dans les dialectes parlés dans le nord de la France, en Flandre et aux Pays-Bas. Les Francs auraient alors donné le nom de Wallons (de walha, nom francique d’une tribu celtique de la Gaule narbonnaise, les Volcae) aux habitants de cette région du sud de la Belgique. Par la suite, les populations flamandes leur auraient attribué le meme nom (Waal). Lentement, les Wallons donnerent naissance `a ce qui deviendra beaucoup plus tard la Wallonie. Ainsi, Flamands et Wallons de Belgique auraient les memes ancetres et proviendraient en partie des memes peuples. 4.3.Les Mérovingiens En 481, Clovis succede `a son pere Childéric et devient roi des Francs. Son royaume, qui se situe autour de Tournai, est encore assez modeste `a son avenement. Il va tenter de l’étendre. Depuis 500, la Gaule est partagée entre trois grands peuples germaniques : les Francs au nord et `a l’ouest, les Wisigoths au sud et les Burgondes `a l’est. En 507, Clovis s’empare du territoire des Wisigoths. Clovis abandonne Tournai et installe sa capitale `a Paris. A une date mal connue (498 ?), Clovis se fit baptiser `a Reims. En 511, Clovis meurt : durant deux siecles, ses descendants vont assurer le pouvoir de la dynastie mérovingienne. La période de la christianisation de nos territoires correspond `a la période franque. Elle commence timidement vers le IVeme s. par la création du diocese[21] de Tongres. Servais est le premier éveque belge. Mais c’est au VIeme s. que le christianisme s’implante vraiment. Apres le bapteme de Clovis, les missionnaires évangélisent nos régions avec la protection des rois mérovingiens. La conversion est cependant lente et pénible. Le nombre d’abbayes et de monasteres se multiplient et deviennent des centres économiques et artistiques. La plupart suivent la regle de Saint-Benoît. Les derniers rois mérovingiens (appelés ‘les rois fainéants’) font preuve d’incapacité pour régner. C’est ainsi que l’autorité va passer progressivement aux mains des maires du palais. D’intendants des biens royaux, ceux-ci deviennent chefs militaires et sont les véritables dirigeants du royaume. En 751, Pépin III, dit le Bref, dépose le dernier roi mérovingien, Childéric III, et se fait élire roi des Francs. Il fait accompagner cette élection d’un sacre : il devient ainsi le premier empereur de la dynastie des Carolingiens. 4.4. Les Francs carolingiens Charlemagne (Carolus Magnus) succede `a Pépin, son pere. Il prouve sa force en intervenant en Italie pour défendre la papauté contre les Lombards. Par ses différentes conquetes, il transforme la carte de l’Europe et étend son royaume. En 800, Charlemagne est couronné empereur d’Occident par le pape Léon III. Ce titre en fait l’héritier des empereurs romains de l’Antiquité en Occident. Il devient l’égal de l’empereur de Byzance. L’empire n ‘a pas officiellement de capitale mais Aix-la-Chapelle (Aachen) devient le séjour favori de Charlemagne. L’empire de Charlemagne est essentiellement continental et son centre n’est plus la Méditerranée mais le territoire entre le Rhin et la Meuse. Il opere une réforme administrative de son empire : il le divise en comtés et en marches régis par des comtes ou des marquis, choisis dans les riches familles de propriétaires terriens. Cependant, en morcelant son empire en comtés dirigés par des seigneurs aux pouvoirs militaires et administratifs relativement étendus, Charlemagne le fragilise et prépare `a terme le morcellement féodal. L’administration est contrôlée par le pouvoir central, des envoyés de l’empereur étant annuellement dépechés en inspection dans tout l’empire. Ces missi dominici (envoyés du seigneur) en général envoyés par deux, un ecclésiastique et un laic, veillent `a l’application des décisions de l’empereur par les comtes. La condition des personnes varie selon leur possession terrienne. Il y a des hommes libres, parmi lesquels des grands propriétaires qui peuvent accéder `a des fonctions et dignités, des colons écartés des affaires publiques et dont le seul rôle est de gérer le domaine du seigneur. Par ailleurs, il y a les non-libres, occupés comme artisans ou cultivateurs et qui sont vendus et achetés avec les terres. C’est le servage qui succede `a l’esclavage antique. Les Carolingiens veulent maîtriser l'économie. Battre monnaie redevient un privilege d'Etat. Les régions belges connaissent `a cette époque une expansion économique. Sous l'impulsion des abbayes, le défrichement s'étend, surtout en Flandre, et les paroisses se multiplient. La production agricole augmente grâce `a une amélioration de l'outillage, elle-meme induite par les progres de la métallurgie. La production d'objets en fer augmente. L'abondance crée des marchés locaux ou les agriculteurs écoulent leur surproduction et ou les marchands proposent leurs produits. Un commerce `a longue distance s'installe également. Les biens commercialisés sont : les céréales, le poisson, le vin, les produits orientaux, les draps, l'ambre et les armes. Les villes qui existent déj`a (Tournai, Namur, Dinant) prosperent et des villes sont créées, comme par exemple Gand. Lors de la période carolingienne, on constate une renaissance culturelle. Tout d’abord dans le domaine littéraire : on assiste `a une renaissance littéraire du latin. Les monasteres abritent une intense activité d’écriture (vies de saints). Il y a aussi des commentateurs d’auteurs antiques. Les scribes créerent une nouvelle écriture claire, simple et connue sous le nom de caroline minuscule. Les enlumineurs[22] carolingiens sont également fameux pour leurs œuvres raffinées. C’est au niveau des lettres romanes que nos régions se signalent. Ainsi, l’œuvre considérée comme la premiere œuvre de langue française, le Cantilene de Sainte-Eulalie (880), a été écrite dans nos régions (entre Tournai et Liege). A l’époque de Charlemagne, le nombre d’écoles augmente sensiblement. D’ou une croyance populaire qui fait de Charlemagne l’inventeur de l’école ! Au point de vue architectural, l’influence orientale est incontestable. En effet, Charlemagne fait appel `a des artistes byzantins pour la construction de ses palais et églises car ces derniers pouvaient construire des rotondes. Un bon exemple en est la Collégiale Sainte-Gertrude `a Nivelles (Brabant Wallon) : on peut voir dans l’édifice subsistant des vestiges remontant au IXeme s. A part cet exemple, il ne reste que tres peu de vestiges architecturaux de l’époque carolingienne. L’iconographie aussi subira l’influence de ces orientaux venus dans l’empire carolingien. En général, l’art religieux se développe. Apparaissent des objets de culte (sculptures, orfevrerie,…), des reliquaires et des châsses[23]… 4.5. La succession de Charlemagne A la mort de Charlemagne en 814, son fils unique, Louis le Pieux, lui succede. Il se fait sacrer et fait passer l’habitude de compléter le couronnement laic par un sacre religieux. En 817, Louis le Pieux établit un document qui regle de son vivant sa succession : seul son fils aîné pourra lui succéder. D’un premier mariage Louis le Pieux a trois fils : Lothaire, Pépin et Louis. Lothaire devient empereur « associé » déj`a du vivant de son pere. Pépin et Louis, l’un roi d’Aquitaine et l’autre de Baviere, sont sous l’autorité de leur pere et de leur frere. De son second mariage, Louis a un fils : Charles le Chauve. La mere de ce dernier réclame pour son fils la plus grande part des territoires en dépit du texte de 817. En 843, Charles le Chauve, Lothaire et Louis se partagent l’empire en trois (Pépin est mort) lors du traité de Verdun. Quelques 120 commissaires – 40 pour chaque frere – afin d’établir un inventaire des biens `a partager, plus d’un an de négociations, plusieurs réunions entre les trois protagonistes : le traité de Verdun est né d’un accouchement difficile… Finalement, Charles obtient la Francie occidentale (partie francophone), Louis le Germanique, la Francie orientale (partie germanophone), et Lothaire la Lotharingie (Francie médiane). Lothaire reçoit également le titre impérial. Apres sa mort, la Lotharingie s'affaiblit rapidement et ses freres esperent s'approprier son royaume. Apres une longue navette entre la Francie occidentale et la Francie orientale, une grande partie du territoire est rattachée en 925 au royaume oriental. La frontiere entre l'ouest et l'est est désormais marquée par l'Escaut. Les territoires occidentaux de la Belgique actuelle appartiennent donc `a la Francie occidentale, la future France, les régions orientales sont rattachées `a la Francie orientale, le futur "Saint empire romain germanique". Le roi de Francie orientale reçoit le titre d'Empereur. La frontiere de 843 subsistera en droit jusqu’au XVIeme siecle. Elle fait de nos régions un enjeu, une zone-frontiere ou la France et le Saint-Empire rivaliseront d’influence. Autre élément important : les deux parties de la Belgique actuelle, de part et d’autre de l’Escaut, sont toutes deux bilingues (la frontiere linguistique, en effet, court d’ouest en est), et excentrées par rapport au pouvoir dont elles dépendent. Ces caractéristiques communes déterminent un certain particularisme, qu’on retrouve chez les habitants "de l’Est" comme "de l’Ouest". Les dissensions internes mettent l'empire `a la merci des invasions. Parcourue de voies d’eau facilement navigables, la Belgique actuelle subit des cette époque les assauts des Vikings qui, avec leurs drakkars `a fond plat, remontent les cours d’eau en vue de ramener des objets de valeur. Ceux-ci se trouvent en général dans les monasteres qui sont la principale cible des pillages. Ils ne sont définitivement repoussés qu’en aout 891. Devant l'affaiblissement du pouvoir central, les seigneurs locaux prennent en mains la protection de la population. On construit forteresses, donjons et autres fortifications. En échange de leur protection, les nobles locaux prennent une partie des libertés de leurs protégés, renforcent leur propre pouvoir et s'émancipent ainsi vis-`a-vis de leur souverain : le monde féodal est né. 4.6. L’espace « luxembourgeois » Qu’en est-il de l’espace « luxembourgeois » ? Le territoire qui correspond aujourd’hui au Luxembourg fut d’abord occupé par les Gaulois et les Germains. Sous les Romains, il fit partie de la province de Belgica Prima. Il fut ensuite intégré au royaume franc d’Austrasie C’est probablement des le IIIeme siecle que les Francs sont présents dans l’espace « luxembourgeois » alors intégré `a la Belgica Prima. L’intensité de cette présence augmente cependant considérablement des le Veme siecle. Peu `a peu la présence romaine s’efface. Parallelement `a l’implantation franque, progresse la christianisation, surtout apres le bapteme de Clovis. Ce sont d’ailleurs les éveques qui assurent l’administration des ciuitates en attendant que des comtes les assistent ou completent leur action politique[24]. Les Francs vont d’installer dans les régions fertiles du Gutland et de la Moselle. A l’avenement de la dynastie carolingienne, l’espace « luxembourgeois » va etre intégré `a l’empire de Pépin puis de Charlemagne. Notons que l’abbaye d’Echternach, bien dotée par la royauté carolingienne et l’aristocratie régionale, connaît deux périodes fastes qui la font figurer parmi les grands centres spirituels et artistiques du haut Moyen Age. Une premiere au début du VIIIeme s. et la seconde au IXeme s. Son scriptorium réalise des enluminures célebres et fastueuses. Elle resta célebre pour sa production d’art livresque médiéval. Une autre abbaye tres importante pour l’époque est celle de Saint-Maximin de Treves. Les terres de cette derniere et du monastere d’Echternach constituent la base du futur comté de Luxembourg. Apres le traité de Verdun, le territoire du Luxembourg va se retrouver en Francie médiane, ou Lotharinigie. En 925, cette derniere passe en grande partie entre les mains du roi de Francie orientale. Cependant, comme nous venons de le dire, l’emprise croissante des grandes familles nobles constitue le facteur le plus important de recomposition du paysage politique. Peu `a peu les ducs, les comtes ou encore les abbés laiques[25] s’approprient des terres aux dépens du fisc ou des abbayes. Ainsi naît au XIeme s., en rupture avec les structures politico-administratives carolingiennes, le comté de Luxembourg. L’espace occupé des le XIeme s. le comté, puis le duché du Luxembourg équivaut plus ou moins `a la région située entre la Meuse et la Moselle. Située de part et d’autre de la frontiere linguistique, ce pays tres divers est en fait un foyer culturel et politique de grande importance : une grande activité commerciale s’y développe ; la région est riche de terres impériales ou les empereurs viennent chasser ou se reposer[26] et de domaines abbatiaux détenant de vastes domaines. ------------------------------- [1] Secteur tertiaire : secteur comprenant toutes les activités qui n'appartiennent pas aux secteurs primaire (agriculture, peche, exploitation des forets…) et secondaire (industries) ; secteur des services. [2] AC signifie ante Christum, avant Jésus-Christ [3] Septentrional = du nord [4] Sorte de pierre grâce `a laquelle on pouvait faire du feu. [5] Côté mince destiné `a couper d’un instrument destiné `a cet effet [6] L’homme de Néandertal apparaît vers 300 000 AC et occupe le Proche-Orient et l’Europe. [7] Cfr grotte de Spy ou plusieurs indices confortent l’idée d’une sépulture pour au moins un des squelettes. [8] Fait de vivre en un endroit fixe [9] Abri tres simple (fait de bois, de terre, de paille) servant parfois d’habitation [10] Boue mélangée `a de la paille coupée en tres petits morceaux [11] Agglomération de quelques maisons rurales situées `a l'écart d'un village, et ne formant pas une commune [12] Clôture [13] Lame métallique triangulaire qui tranche horizontalement la bande de terre [14] Réincarnation [15] Ainsi appelée car les hommes portaient des cheveux longs, parfois rougis `a l’eau de chaux et des moustaches tombantes. [16] On constate, en lisant la suite du texte, que la bravoure des Belges ne réside pas tant dans leurs qualités de combattants que dans leur courage d’habiter des régions vraiment peu civilisées ! A propos de cette phrase, voir Morelli, Les grands mythes, p.21-31 et particulierement, p. 31 : « Mythe fondateur de l’histoire de Belgique, l’affirmation de la bravoure des Belges n’apparaît-elle pas en derniere analyse comme une sorte de prix de consolations visant `a lever les angoisses d’un petit pays incapable de résister `a quiconque et dont le plus grand titre de gloire fut d’adapter avec constance la fragilité de son existence aux tribulations de l’histoire ? ». Voir également, Beaufils, Les Belges, p. 19-24. [17] Tribu située entre la Meuse et le Rhin [18] C’est-`a-dire paix romaine. Cfr Mourre, Dictionnaire, s. v. pax romana : « Expression par laquelle les contemporains exprimerent le sentiment de sécurité, d’ordre, de prospérité éprouvée par tous les peuples de monde méditerranéen `a l’ombre de l’autorité romaine, aux Ier et IIeme siecles de notre ere… ». [19] Groupe d'individus unis par la meme profession, les memes intérets [20] PC signifie post Christum, apres Jésus-Christ [21] Circonscription ecclésiastique placée sous la juridiction d'un éveque ou d'un archeveque. [22] Enlumineur = artiste qui illustre les manuscrits [23] Châsse et réceptacle = deux types d’objet destinés `a recevoir les reliques (restes) de saints. [24] Ce n’est qu’au VIeme s. que les prélats francs prennent définitivement la place des éveques pour cette fonction. [25] Les abbayes, tout comme les comtés étaient cédés en fiefs par les rois et les empereurs, qui se forgeaient ainsi une clientele. Ces abbés laiques laissaient le soin des affaires religieuses `a des prévôts religieux. [26] Notamment au palais impérial de Thionville, `a mi-distance de Metz et de la ville de Luxemboug