r •9 PS 1565 r NOTRE PERSPECTIVE • presentation .................................... 2 de la revolte ä la revolution ........ 5 pierre maheu du duplessisme au F.L.Q........... 18 jean-marc pioťťe ven une revolution totale ............ 31 yvon dionne POĚMES poému de ľantérévolution ............ 37 paul chamberland un enfant du pays ........................ 41 andre brochu blancheur de moi-méme .............. 47 andre major CHRONIQUES salutations d'usage........................ 50 pierre vadeboncoeur chronique d'une revolution ........ 52 andre major chronique du R.I.N..................... 55 robert maheu les divertissements ...................... 56 denys arcand paul morin .................................... 58 Jacques ierron pour riches seulement .................. 60 Jacques godbout chronique de ľ education ............ 61 camille limoges vulgarités ........................................ 63 revue politique el lit« parait cheque mol» »ur 64 pass» • comite de redaction: A Brochu, Paul Chamber! Pierre M.hou, André M Jean-Marc Plottt. • comite* d'administratlon: Yvon Dionne, Laurent rouard, Pierre Maheu, Re Maheu, Gerald McKei Lise Théberge. • editeur: La Revue PARTI PRIS, Inc 790-B rue Champagneur, Montreal (8) Québec. • diitributeur: Agence de Distribution Populaire, 1130 est rue Lagauchetier Montreal. Tel. LA 3-1182 • I Let menuscrirs non rati iont rendu» a leur» aut dan» un délal d'un rr »'tis sont accompagnés ď enveloppe de retour äff chie. • Le ministere des Postal Ottawa, a autorisé ľa« chissement en numeraire I'envoi comme objet deuxiěme ctasse de la i sente publication. • Reproduction interdite. • Prix 50 cent» 12 numero»! »5.00 presentation I Prendre parti, essentiellement, rest assumer une situation telle qu'on la m Jest découvrir en Vinoentant le sens de cette situation, et 1'organiser en mction des buts et des obstacles qu'on y définit. Ainsi les intellectuals de la ^ération qui nous precede, en prenant le parti de Vobjectívité", jouaient le ne du spectateur impartial; Jils se situaient en face de, done hors de la lěaltté, condamnant du méme coup a ne plus pouvoir la changer, substituant ä la Í nee des relations et des luttes concretes entre les hommes ľabstraite jutiltté ialogue et de la discussion. Lew universalisme était un moyen de s"absen-í noire situation particuUere. Nous avons, au contraire, pris le parti de nous situer hors de cette forme aite du dialogue, en refusant le eritěre de la Vérité éternelle qu'il impli-La parole, pour nous, a une fonction démystificatrice; eile nous servira a une vérité qui atteigne et transforme ä la fois la realite de notre societě dire que pour nous, Vanalyse, la reflexion et la parole ne sont qu"un des ents de faction: nous ne visons á dire notre société que pour la transfor-Notre vérité, nous la créerons en créara celle d'un pays et d'un peuple re incertains. Cette difference d'attitude entre nos deux generations révěle déjä la vérité : situation canadienne-francaise. Si nos pěres en sont venus ä appeler dialo-un échange de radotages, e'est que le peuple québecois est dans une situa-qui Valiěne; si nous refusons dans la colěre d'accepter cette demission, e'est les conditions de la transformation de cette situation sont aujourd'hui ras-dées. Cest ä partir de ces deux themes centraux (alienation et possibihté ob ve de son dépassement) que nous pouvons le mieux définir notre parti pris, qu'ils sont au centre de Vanalyse de la situation sur laquelle il se fonde, ce sera, au cours des mois qui viennent, le travail de nos collaborateurs que ďexposer les résultats de cette analyse; nous n'en donnons ici que le squelette: I ~-Ľ alienation doni nous souffrons, et qui existe á tous les niveaux, vient de ce que nous sommes colonises et exploités: — au niveau politique, nous _n'avons qu'un gouvernement provincial, dépourvu des pouvoirs et des sources de revenus essentieb, qui ne peut qu'avoir au mieux une action limitée, et au pire une politique de roi negre, et qui de toutes facons est dependant du VRAl gouvernement dont le contrôle nous / échappe nécessairement; — au niveau économique, la presque totalite de nos richesses naturelles et de notre industrie est dans les mains ďétrangers — Canadians ou américains; méme nos possědants autoentones sont soumis au capital Stranger, la récente grěve á la Solbec nous le rappeile; — au niveau culturel, la dégénérescence de notre langue et ľabd-tardissement de notre peuple témoignent de notre alienation; "ľelite" intellectuelle clérico-bourgeoise soutient de ľinté-rieur le pouvoir de ceux qui nous colonisent et nous exploi-tent en entretenant les mythes humanistes ou religieux qui perpétuent et justtfient notre soumission. 2— Nous nous libérerons bientôt de cette alienation parce que la société québécoise est entree dans une perióde révolutionnaire; — les masses exploitées prouvent quotidiennement leur mécon-tentement; elles se revoltent contre leur infériorité économique, et méme ľautorité des "elites" n'a plus ďinfluence sur elles; le vote créditiste en est une preuve süffisante; — la jeunesse toute entiére exige qu'on lui rende le contrôle politique de son destin; eile ne peut plus étre satisfaite par des demi-mesures; eile est préte ä prendre tous les moyens pour rendre á la politique sa dignitě, sans méme exelure la violence. Ceci n'est pas un voeu mats une constatation; — ľhumanisme abstrait des bourgeois et des clercs est déjä dé-passé, il devient croulant et larmoyant; la pensée révolutionnaire des jeunes intellectuels qui soutiennent ľeffort de liberation nationale et économique du Québec est en train de prendre le dessus. La creation de PARTI-PRIS n'en est qu'un exemple. A la lumiére de ces données notre position est claire. Nous luttons pour ľindépendance politique du Québec porce qu'elle est une condition indispensable de notre liberation; nous croyons que ľindépendance politique ne serait qu'un leurre si le Québec n'acquérait pas en méme temps son independence économique; nous croyons enfin que le contrôle de Veconomic et des moyens de production ne peut étre veritable que si ce contrôle passe dans Us mains de tous les québécois, a la faveur d'une transformation totale de notre systéme économique, L'essentiel pour nous est de nous Ubérer de ceux qui, á ľintérieur comme ä ľcxtérieur du Québec, nous domtnent économiquement et idéologi* quement, et qui profitent de notre alienation, Ľindépendance n'est que tun des aspects de la liberation des québécois far la revolution. Nous luttons pour un Etat libre, laíque et socialiste. Au sein de la revolution qui seule pourra nous y conduire, la function de PARTI PRIS est double. D'abord, pmr rapport aux structures alienantes qu'il s"agit de détruire, cette revue est une entreprise de démystification; nous tenterons de démonter les mythes et les ideologies qui cachent la violence qu'on nous fait, et de reveler les structures, tes moyens et les auteurs de cette violence. ITautre part, par rapport á la revolution qu'il s'agit de réaliser, PARTI PRIS aura un role critique et réflcxif; notre revue exprimera, nous Tespérons, la revolution prenant conscience ďelle-méme á mesure qu'elle sc fera. Dans la phase présente de la revolution, qui est celle de la prise de conscience, cela vcut dire travaüler á réaliser ľ unite des différents groupes révolutionnaires; montrer comment ľindépendance est impossible sans le socialisme et inverse-ment; et cela veut dire surtout que nous entendons faire de PARTI PRIS une entreprise collective. Nous voulons que nos lecteurs s'engagent avec nous ä la liberation des québécois. Nous ferons notre part en organisant des colloques, rencontres, etc. Nous accueillerons avec plaisir les critiques et les commentaires de nos lecteurs, et les articles qu'ils voutdront nous soumettre (dans quelque domaine que ce soit, littérature, politique, recherche sociale, etc... (Pour réaliser une liberation globale, il nous faut élaborer une pensée globale, attaquer svr tous les fronts a la fois). Et enfin, nous croyons que méme simplement s'abon-ner ä PARTI PRIS, c'est déjä avoir une action efficace: e'est contribuer ä prou-ver, dans les faits, ľémergence ä la conscience de soi du groupe révolutionnatre, ťy integrer, et rapprocher le jour de la vtetoke de la revolution nationale et économique au Québec, PARTI PRIS de la revolte ä la revolution Les premiers jeudis du mois, jadis, ma mere me faisait faire — á haute voix — mon examen de conscience, en prevision du rituel du lendemain. Selon la gravité de mes péchés du mois, eile pleurait plus ou moins sur ma mauvaise nature, ce qui ne ľempéchait pas de profiler de mes aveux pour me surveiller mieux le mois suivant. Ľété dernier, les membres arrětés du F.L.Q. avaient vingt ans, et dura n t que de braves poliders leur faisaient faire leur confession, nos bonnes ámes — mi-nistres ou éditorialistes — gémissaient sur régarement d'une jeunesse qu'ils appelaient au "dialogue". T*A^X _----------1.--------^ pays Déddément, du Québec. Et la s faits n'est pas une structure reelle ďi prime ä la fois et dans la vie du F.L.Q. lilarité de ces deiíx nnddence. C'est la au niveau des individus politique. Les membres les premiei ' * : que politique une expérienc nous avons tous vécue ä ľécole et aans nos families. Ľautorité judidaire, les poliders "aguerris", les donjons et ľaile par plerre maheu psychiatriqne ont remplacé la courroie du préfet ou du papa; les jerémiades humanistes d'André Laurendeau, les lar-mes de la maman; mais c'est la méme structure qui se révěle, la méme gui-mauve, la méme veulerie qui nous englobe, et qm camoufle la^méme violence s íait depuis notre enfance. Notre enfance t lá que tout commence; ä tel point que pour ei bien parier, il faudrait parier de tout a la fois, puisque ľenfance fut notre prise de contact avec ľaliénation que nous im-posait une sodété aliénée. C'était la famílie qui incarnait pour nous cette sodété; la famílie, institution primordiale, le vrai fondement de notre sodété, premiére cellule de ľEglise, — premier lieu de ľemmerdement, pour nos parents et done pour nous. Le peuple canadien-francais, dépossédé de ses prindpales institutions politiques, avait effectué une sorte de repli culturel; et la famille, faute de míeux, était devenue la prind-pale institution sociale; ce repli avait eu lieu sous l'egide des cures qui eux aussi profitaient du vide politique et rempla- caient ľéthique sociale par une morale díla craintó. lis s'étaient ďallleurs ap-proprié la famílie, apprétée i une douce íauce de religiosité. Les jeur.es f; les que dans les convents on P^P»*' * Jeur "role de mere" étaient déjä des privilégiées: la plupart ne recevaientpas Le inltruction inutile ä la mere quel-I« allaient devenir: les "Enfants de Márie" les préparaient adéquatement futures "Dames de sainte Anne qu elles se devaient ďétre. Quant aux garcons lis avaient appris i considérer les filles ' comme d tčrent, ouvertement, le systéme dont ils se íidiaient, mais qui constituait une in-dis|>ensable facade. Exploueurs de de-roain, ils se préparent des "carriéres brillantes", font partie de la Socitété saint Jean Baptisté, dun Kiwanis club, et bientôt de l'Ordre Jacques Cartier: ils sont sauvés. D'auures, imbibes de Culture, s'éveillé-rent lentement á la vie intellectuelle. Ils -étaient les "bons éléves", prenaient charge des journaux collégiaux, des ciné-dubs, etc. Mais ils finissaient réguliére-ment par s'engager dans des senders pleins ďerabůcnes, lisaient des auteurs dangereux. finissaient par écrire dans ces journaux des articles révoltés, et affir-maient ime deplorable autonomie: la vie intellectuelle avait son dynamisme propre, qui n'était pas celui du Systéme, et les bom élěves devenaient malencontreu-sement des cas-problémes. Malgré tous les efforts des professeurs et directeurs spirí-tuels, ceux qui revenaient dans le droiť chemin étaient de plus en plus rares. Quelques-uns, cependant, tentaient de vivre intérieurement les idées admises, de se soumettre ä la Vérité qui justifie-rait leur existence: ils se découvrirent La Vocation. Je suis frappé, cependant, de voir le nombre de ceux qui, aprěs quelques années, reviennent á la vie civile en constatant ľéchec nécessaire1 de cette demarche: le Québec n'est plus & ľheure de la Vérité tranquille... Pour la plupart ďentre nous, cette tentative n'était méme pas possible. Au moment ou la vie intellectuelle se révé-lait comme hétérodoxe et condamnée, nous y étions déjä engages. Nous ve-j nions ďy découvrir le moyen de sortir; du cercle de la dépossession ou nous étions enfermés depuis notre enfance. Le simple fait de savoir qu'il y avait des systémes différents de celui qui nous écrasait. et que ľautorité de celui-ci était done relative, constituait done une liberation majeure; en plus, et comme natu-rellement, nous étions attirés surtout par les auteurs (Gide, Sartre, les surréalistes ou d'autres selon le cas) qui affirmaient Ie plus hautement la liberie. Nous at-tendions d'eux qu'ils nous rendent á nous-mémes, nous fassent retrouvet notre identite, et nous permettent, commc en une nouvelle naissance, de lui a reorder une valeur positive. Sonant des coins d'ombre et de remords oü eile avait été confinée, notre sin'gularité de-venait ľessentiel. Mais le systéme, relé--gué ä ľinessentiel, gardait tout de méme son importance: sa negation constituait ľenvers de notre demarche. Cest dire que cette découverte de la vie intellectuelle se faisait dans l'ambi-gmté. En effet, assumer notre singularitě et notre vrai visage, c'était aussi, im-plkitement, rejeter le masque qu'on nous avait impose. Les oeuvres que nous lisions étaient condamnées, la liberté in-• tellectuelle mal vue, nous le savions bien. Seulement, nous tentions, dans 1'incer-titude, de nous définir plutôt malgré le systéme que conlre lui. Le plus grand "danger" était li, et nos maitres le sa-vaient bien: nous risquions ďéchapper i kur emprise. Ils nous le firent bien voir: ils nous aceusérent de mauvais es-' prit et ďinfluence pernicieuse, allant souvent, pour ces raisons ou ďautres de _T méme acabit, jusqu'a nous renvoyer de leurs colleges. Ils confirmaient ainsi, du haut de leur autorité-qui-vient-de-Dieu, notre singularité, mais en en soulignant l'envers, la face negative. Nous étions des révoltés et des méchants; et comme notre demarche n'était pas encore assu-rée, comme nous ne savions pas bien oú nous voulions aller positivement, comme d'autre part cette nomination avait le poids du consensus social et de lau-'orité, nous ne půmes éviter de nous re-->nnaitre dans cette image déformée qu'on nous présentait de nous. Nous avions voulu nous assumer comme su-jets libres, et nous nous retrouvions VUS L et jugés en tant que tels; la société-tri-j*_i>unal avait Lransformé en essence notre f ébauche de projet, et cette essence nous ' -' ■ -Jllait ä la peau. í -Tous avions dés lors notre role: nous fumes "beatniks" et revokes, commc d'autres avec leur veste de cuir et leur moto étaient "jeunes délinquants". Nous prenions systématiquement, dans notre morale, notre pensée, et notre com-portement, le contrepied des normes so-cialement admises; nous nous opposions avec ferveur, nous étions agressivement scandaleux. La forme de cette revoke va-riait selon les individus, mais la demarche était fondamentalement la méme. Tout nous était matiére á opposition; c'était, pour reprendre l'expression d'un précurseur, un Refus Global. Mais notre acharnement était inutile: nous avions été possédés encore une fois. Ľessentiel, c'était redevenu le systéme, l'ordre de Valeurs contre lequel nous nous révoltions; car justement, notre re-volte était encore une facon de nous y référer; il était, füt