je suis taché de mon amour comme on est taché de sang mon amour mon amour fait mes murs á perpétuité un goůt ďannées ďhumus aborde á mes levres je suis malheureux plein ma carrure, je saccage la rage que je suis, ľamertume que je suis avec ce boeuf de douleurs qui souffle dans mes côtes c'est moi maintenant mes yeux gris dans la braise c'est mon cceur obus dans les champs de tourmente c'est ma langue dans les étages des nuits de ruche c'est moi cet homme au galop d'äme et de poitrine je vais mourir comme je n'ai pas voulu finir mourir seul comme les eaux mortes au loin dans les tétes flambées de ma tete, ä la bouche les mots corbeaux de poěmes qui croassent je vais mourir vivant dans notre empois de mort (L 'Homme rapaiílé) COMPAGNON DES AMÉRIQUES (extrait de la Batěche) Compagnon des Amériques Mon Québec ma terre aměre ma terre amande ma patrie ďhaleine dans la touffe des vents j'ai de toi la difficile et poignante presence avec une large blessure d'espace au front au-delá d'une vivante agónie de roseaux au visage je parle avec les mots noueux de nos endurances nous avons soif de toutes les eaux du monde nous avons faim de toutes les terres du monde dans la liberté criée de débris d'embäcle nos feux de position s'allument vers le large l'ai'eule priěre de nos doigts défaillante la pauvreté luisant comme des fers á nos chevilles 298 mais cargue-moi en toi pays, cargue-moi et marche au rompt le coeur de tes écorces tend res marche á ľaréte de tes dures plaies d'érosion marche á tes pas reveilles des sommeils d'orniéres et marche á ta force épissure des bras á ton sol mais chante plus haut ľarhour en moi, chante je me ferai passion de ta face je me ferai porteur des germes de ton espérance veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avěnement un homme de ton réquisitoire un homme de ta patience raboteuse et varlopeuse un homme de ta commiseration infinie ľhomme artériel de tes gigues dans le poitrail effervescent des poudreries dans la grande artillerie de tes couleurs d'automne dans tes hanches de montagnes dans l'accord coměte de tes plaines dans ľartésienne vigueur de tes villes devant toutes les litanies de chats-huants qui huent dans la lune devant toutes les compromissions en peaux de vison devant les héros de la bonne conscience les émancipés malingres les insectes des belles maniěres devant touš les commandeurs de ton exploitation de ta chair á pavé de ta sueur á gages mais donne la main á toutes les rencontres, pays ô toi qui apparais par tous les chemins défoncés de ton histoire aux hommes debout dans ľhorizon de la justice quite saluent salut á toi territoire de ma poésie salut les hommes des pěres de ľaventure (VHomme rapaillé) MICHEL VAN SCHENDEL Né en 1929 de parents beiges, ä Asniěres en banlieue de Paris, Michel van Schendelfait des etudes de droit avant de venir s 'installer au Québec en 1952. H s 'implique rapidement dans les débats socio-politiques et littéraires etpublie Poěmes de l'Amérique étrangěre en 1958, puis Variations sur la pierre en 1964, ä l'Hexagone. Cette premiére partie de son oeuvre est typique des preoccupations de l 'époque: redécou-verte de I 'espace nord-américain, revolte, désir de ré-inventer I 'homme en retournant ä ľélémentaire. Dans les années soixante, van Schen-del exercera diverses activite's .joumaliste, critique, traducteur, auteur de textes pour le cinema, directeur de la revue Socialisme. Devenu professeur á I 'UQAM, il observe un long silence poétique qu 'il rompt en 1978 avec Veiller ne plus veiller, écrit en marge d 'une grěve ä l 'universitě. Depuis, l'oeuvre de Michel van Sehende!paratt prendre un : nouveau depart. Sa retrospective, De l'oeil et de ľécoute (1980) com-porte une large part ďinédits. AMÉRIQUE ÉTRANGĚRE Amérique Amérique í Terre carnivore aux brěches du désir - - • Amérique Éponge humide des brasiers de ton sang Lande d'yeux qui brülent au fond de tes poubelles j Amérique Amérique de soufre ' Amérique ďécorce hoquet des hurleries et saxo noir des fous Amérique tendue aux quatre clous des vents j Chiffonniere des nuages des cornes de fumée roulent ; ä la jetée du ciel cent taureaux tremblent á perte d'envie dans tes loques de cris Amérique d'angine peau de räpe coeur de givre toi ma gercure Amérique concave enfant vieillot manne vaine dont la mort n'est jamais blanche et dont la vie n'est jamais rose Amérique plaqueuse de goudron sur les barreaux de ton bonheur Amérique abattue abattoir de tes rouilles Ivrogne du matin léchant des horizons de pluie Terre de futur vague et de rencontre Amérique 335 Je ne te possěde pas Je m'exaspere je ne te crains pas Je me surměne et je te veux Malgré moi contre moi contre mon sang Contre mes sens ďhomme aiguisé Contre ma rage de tourbe et le sel de mon sang qui coule des marais de mes Flandres Contre mes déroutes menant ďaube á aube et sans pays trois fois Je te veux ton alliance á mon doigt Que je te mate et te cravache revéche Et te plante sous mes plafonds bas (Mes pays ont des cieux taillés á coups de couteau de migraine et d'humeur de cailloux Mes pays oú saumurent les vents ô mon pays sous les mares) Je suis un homme de mes terres Amérique Je les porte pesantes pavées de glaise grisou d'exil Je les porte je me sépare je me cogne á ta poutre Amérique Je devrai me ruer contre tous les salpétres et tous les bois ternis de mon sang Je devrai me jeter flěche sur les cris de mon passé et sur mes reniements Et je briserai les arbres tenant encore á la rengaine de ce cceur Et je lancerai la hache sur moi-méme et je me retrouverai Ä nouveau créé pour la troisiéme fois de ma vie Et je serai le soc et la main qui le plante ,, Et moi-méme ľépaule et ľépaulement Je rongerai le tremble de mes landes charnelles Je mangerai ľécorce et la racine de ce vieux mal de terre et je déterrerai les paroles du feu Je flotterai fleuve de liege flamme d'algue j'évoluerai dans le vertige Je serai ciel des épaisseurs mouvantes et roc primaire sous les pierres du vent 336 Je serai l'os de la rouille et je naitrai forme et substance de craie au pays de la craie de la craie des visages sans air de la craie des neiges oubliées des bouches gelées des peaux froides et du feu sous la peau de la cendre explosée de la craie des ruelles amorties d'odeurs fauves de la craie des gratte-ciel gris sur froid bleu sur fer de la craie des arbres plantés droit douilles perdues qui n'ont pas percuté de la craie d'Amérique Amérique á peau double ma lutte terne et mauve amérique serpent de poivre de glace ma violence Amérique ä peau neuve mon cancer et mon double Et ma drogue qui creuse la main du dernier cri (Poémes de ľ Amérique étrangére) Ä fatigue á gorgée de nuit le contrarieux Le chien de garde á colěre aux lambris ďune breche Ouverte bientôt comblée encore á creuser De la patte et du nez contrairement Á qui voit ľinamovible face plane ventre plein Rien n'importe peu aprés ľétonnement La violence est nantie je le constate A petits pas tout petits ä reculons de papier ficelle á tout petits paquets De sucre au bout d'une corde tôt levée relevée sur la saisie Offerte aux dents Ä jeu de patience á la tráme ä semelle trouée Au jeu de ľéquilibre entre la pierre et le puits le recul est de plus de deux pas de plus que ľavance d'un seul 337 JEAN-GUY PILON Né ä Saint-Polycarpe (Soulanges) en 1930, associé aux editions de I 'Hexagone děs leur origine, directeur-fondateur de Liberie en 1959, Jean-Guy Pilon a été le secretaire general de la Rencontre québécoise internationale des écrivains et est president de ľ Academie canadienne-francaise. H a dirigé pendant plusieurs années le Service des emissions culturelles de Radio-Canada. Preface par René Char, les CIoí-tres de ľ été lefait connaitre děs 1954. Son oeuvre toute de limpidité, conjuguant le bonheur d'etre et le bonheur ďexpression, a été ras-semblée dans Comme eau retenue (1968). LES CONSTRUCTEURS Racines tordues á vaincre le feu Ä cracher au visage des étoiles La fertilitě de la terre Acre et noire Sans dimanche et sans pardon Et par-dessus Ľamoncellement de ľacier Ä ľangle des poutres Ľhomme Comme une image Et les cheveux de ľespérance Étendus dans le vent Cest ici que respirent et grandissent Les constructeurs Les frontiěres accumulées Se dissolvent á ľescale Dans la nuit nouvelle Qui recompose le monde 354 Mon pays porte le nom douloureux de mon amour Ma ville est celie qui se donne Aux parfums inégaux Aux filles de môme famille Feux rouges feux verts Ici partout ailleurs Et des visages de fausse promesse Parfois un corps ďallégresse Détendu Comme un noyé qui remonte les étages de la mer Une pierre une borne un amer Une pagée de plus le long de la route Était-ce ä Montreal ä Paris ä Amsterdam Ä Copenhague á Florence peut-étre Que de mensonges derriěre nous Comme des globules inseparables Le lever du jour la femelle le printemps Que vienne la pluie sur mon espoir Pour que les mains tendues au-dessus de la vague Se rejoignent enfin Dans le silence qui suit la parole RECOURS AU PAYS I horizons, ni la pluie, ni la nuit, ni rien. Parier pour vivre, pour ouvrir les yeux et aimer. Pour retrouver le village de sa naissance, enfoui quelque part sous la neige sans memoire. 355 19 �06357 Lancer des dards ďabeilles La brülure de son soleil La force n'a plus de secret Son monde plus rien de laid Depuis ce temps oú je tenais Les ponts dans une cuiller Dans mes mains un univers D'acier de metal et de fer (Les Armes ä f aim) Je te convie au spectacle de la fatigue. La fatigue de trois heures qui sěche les éclaboussements de bruit, tait les grincements d'acier. Plusieurs copains sont morts á trois heures. lis ont plongé dans la mer épaisse de travail, sans remonter á la surface. Souvent je me rends au lieu oú ils disparaissent. Un engrenage qui tourne encore dessine le remous par oú descendent les hommes que j'aime. Le soleil reviendra demain les éveiller brusquement et leur apporter comme un colis précieux une autre piece de leur casse-těte de mort. (Le Cielfermé) GATIEN LAPOINTE (1931-1984)___________ Né ä Sainte-Justine (Dorchester), Gatien Lapointe a séjourné en Europe avant de rentrer au Québec en 1962. L'Ode au Saint-Laurent, paru ľannée suivante, est ľun des classiques de la poésie du pays, un long chant d 'appartenance et de fondation. Par la suite, Lapointe f era car-riěre dans ľenseignement ä l'Université du Québec ä Trois-Riviěres, oú U dirige et anime les Écrits des Forges, devenue dans les années quatre-vingt la plus active des maisons ď edition de poésie ä l'exté-rieur de Montreal. Silencieux depuis 1967, Lapointe semblait amorcer une nouvelle etape de son oeuvre avec Arbre-radar, en 1980. Instaurée peu apres sa mort, une fondation décerne annuellement un Prix de poésie Gatien-Lapointe, attribué pour la premiére fois en 1985 á Michel Beaulieu. ODE AU SAINT-LAURENT (...) Ce paysage est sans mesure Cette figure est sans memoire J'écris sur la terre le nom de chaque jour J'écris chaque mot sur mon corps Phrase qui rampe meurt au pied des côtes Tai refait le geste qui sauve Et chaque fois ľéclair disparut Tu nais seul et solitaire ô pays * D'abord je te baptiserai dans l'eau du fleuve Et je te donne un nom ďarbre trěs clair Je te donne mes yeux mes mains Je te donne mon souffle et ma parole Tu réveras dans mes paumes ouvertes Tu chanteras dans mon corps fatigue 358 359 Et ľaube et midi et la nuit trěs tendre Seront un champ oü vivre est aimer et grandir J'assigne le temps d'aujourd'hui Je m'assure d'un espace precis Le ciel tremble des reflets de la terre Je m'élancerai du plus haut de l'horizon Et nu je connaítrai dans ma chair Je me cherche ä tätons dans la terre Je perce des galeries je creuse des puits J'écoute les oiseaux je regarde les bétes J'imagine un modele avec mes propres mains Le doute et ľespérance éclaboussent mes yeux La pluie et le soleil annulent ma memoire Je ne suis qu'un bloc de terre plein de racines J'apprendrai par tous les chemins Le temps me nommera J'apprivoise et je noue j'épelle et je couronne Je compare toutes les images du sang J'adapte ma face ä celieš des heures Je suis le chant du pain les verdures de givre Je suis un paysage d'ailes et de vagues Je me réve dans un arbre dans une pulpe Je touche de la main pour connaitre mon coeur Et ma voix est un jour et une nuit trěs proches Je suis un temps jumeau et solitaire Je suis un lieu de pollens et de cendres J'ai toute la confusion d'un fleuve qui s'éveille Quel arbre quelle bete m'indiquera mon chemin Je pose dans ľ instant les poutres de ľannée J'enferme dans un épi toute la prairie Je fais de chaque blessure un berceau 360 Je recrée en moi les sept jours du monde Je vais de souvenir en avenir Je vais du cri du sang aux yeux de la beauté J'essaie de voir et de parier avec mon corps Je ne puis qu'étreindre mon coeur en pleine nuit O que sourde le premier visage de ľhomme Et que j 'entende son premier récit Je méle ma langue aux racines enneigées Je méle mon souffle ä la chaleur du printemps Je m'impregne de chaque odeur J'invente des nombres j'invente des images Je me construis des lettres avec du limon Je plante des mots dans la haute plaine Et cela surgit soudain ä ras ďhorizon Comme un homme plein de barbe et plein de rosée Ľhomme nait d'un frisson du ciel et de la terre Je m'accomplirai dans les pas du temps Je vois dans une phrase 1'espace de ľhomme Ľhomme de mon pays sort ä peine de terre Et sa premiere lettre est un feuillage obscur Et son visage un songe informe et maladroit Cet homme fait ses premiers pas sur terre II s'initie au geste originel Et ses poignets saignent sur la pierre sauvage Et les mots écorchent sa bouche Et l'outil se brise dans ses mains malhabiles Et c'est toute sa jeunesse qui éclate en sanglots Tout commence ici au ras de la terre Ici tout s'improvise ä corps perdu Ma langue est celle d'un homme qui nait J'accepte la trěs brülante contradiction 361 Verte la nuit s'allonge en travers de mes yeux Et le matin trěs bleu se dresse dans ma main Je suis le temps je suis l'espace Je suis le signe et je suis la demeure Je contemple la rive opposée de mon áge Et tous mes souvenirs sont des presences Je parle de tout ce qui est terrestre Je fais alliance avec tout ce qui vit Le monde nait en moi Je suis la premiere enfance du monde Je crée mot ä mot le bonheur de ľhomme Et pas ä pas j'efface la souffrance Je suis une source en marche vers la mer Et la mer remonte en moi comme un fleuve Une tige étend son ombre d'oiseau sur ma poitrine Cinq grands lacs ouvrent leurs doigts en fleurs Mon pays chante dans toutes les langues Je vois le monde entier dans un visage Je pese dans un mot le poids du monde (...) VIE ET MORT Coeur apatride et seul, Braise vive dans mon poing. Ô violent voyage d'un mot! Je n'ai rien appris, Je n'ai rien compris que cet arbre Qui s'agrippe á la terre (Ode au Saint-Laurent) Et qui dit NON. (Le Premier Mot) 362 á travers le frisson écoutant naitre For et l'orange dans le verre grumeaux d'ours de quartz de muscat — brutes matiěres de langage — penetrant dans ľénigme qui tinte et nous denude, repérant par éclats les sigles du pers — originaire alphabet — tätant, questionnant, fievreux nous accomplissant de renaitre dans chaque mot dans chaque instant trouant des sens — et ľautre homme et ľautre femme avec le réve de leurs mains liant sur l'os du monde les pulpes et les veines — et ce mufle qui rejette toujours au Nord notre enfance — palpant sur les murs du caveau la trěs noble courbe, déchiffrant ľecriture de ľhirondelle la gerbe ďétincelles sous le sabot du bison, demandant dans le trěs jeune vent — anneau qui nous séquestre Ô du creuset de ľespace — sculptant des signes, modelant une parole dans un caillot de feu (A rbre-radar) Í 363 JACQUES BRAULT______________________ Né ä Montreal en 1933, Jacques Brault a étudié la philosophic et ensei-gne la littérature ä l 'Universite de Montreal. Avec Memoire, paru en 1965 et réédité en France en 1968, Brault s 'impose d 'emble'e comme un poete de tout premier plan, élégiaque et vigoureux, nommant et questionnant avec chaleur les etres et les choses. Sa « Suite fraternelle» est un classique de la poesie québécoise. Auteur de recueils portages entre la quotidienneté et une obscure tourmente, Brault est aussi l 'un des trěs rares poétes du Québec ä avoir élevé la traduction poétique au niveau de la creation, avec Poěmes des quatre côtés (1975). L 'essayiste de Chemin faisant (1975) parle d'autres poétes avec autant de rigueur que ďamitié: Grandbois, Saint-Denys Garneau, Miron, Juan Garda. Co-auteur de I 'edition critique des oeuvres de Saint-Denys Garneau, dont il apparait l'un des héritiers, participant ä de nombreuses emissions radiophoniques, Jacques Brault élargit son activité littéraire en 1984 avec un important récit: Agónie. ANONYME Ľeau dans la rue se plaint ďune vieille plainte Oú se cassent des mouettes ďeau Je ne sais ton nom je ne sais plus Tant de formes humaines á peine coulent encore dans les caniveaux Doigts á ľongle embué de paupieres Sourires au creux de ľaine Visages disjoints de vieilles fenétres Tant de morts sans collier ni banniěre Fondent en la douceur de ľeau Avril sur les tombes met une ombre de lumiěre Ľeau raccorde les petits espoirs Agile et muette et sans buUes ni remous Une volée de rires qui s'abattent dans la rue Ô folie de ľeau La plainte de ľeau tout bas ä contre-courant de ľheure Cest un murmure de lěvres blanches un froissis de vieilles peaux Tous ceux-lá qui s'en vont se défont Et toi éparse cá et lá Toi que je cherche pármi les cheveux qui s'allongent vers ľégout Mais ľeau mene bien son ouvroir et sa facon Brodeuse fine des morts aux dessins compliqués Ľeau coud et recoud fait une belie étoffe longue Et coule (Memoire) ENTRE MARS ET VÉNUS Ľhaleine du futur sur le dos de la main comme une plus claire visitation Doutance du corps au temps confié ô remuement de ľarbre passager Toute chose connait sa chair á ľapproche de ľappeau et de la glu Toute chose ainsi qu'une petite bete mouillée qui sécrěte son souffle Toute chose retiree en la coquille de son refus Voici ľheure oú le mineral cherche sa respiration la pierre bouge dans sa peau Ô le cri de ľétre arraché de son agónie Chacun est pauvre d'une voix que le temps violente Le temps coule sa pate en chaque fissure Le temps ramene la nuit au giron du jour Et les morts sans cesse au bras du souvenir renaissent La terre se retourne sur les peuples qui la composent la terre oú j'éprouve du pied ma place Vieille berceuse oú dorment les millénaires vieille rassembleuse 366 367 PATRICK STRARAM LE BISON RAVI Né ä Paris en 1934, Patrick Straram arrive ä Montreal en 1959. Vite intégréau milieu littéraire, U écrit des textes pour Radio-Canada mais se fait surtout connaitre par ses articles sur le cinéma publiés dans de nombreuxpériodiques, dont Parti pris, Chroniques et Hobo-Québec. Ce n 'est qu 'aprěs 1970 qu 'il commence ä publier des livres, qui tien-nent ä la fois du journal, de l 'essai et du lyrisme le plus libre. Tou-jours excessive et éclatée, ľécriture du «Bison ravi» utilise touš les moyens (collages de citations, photos, references musicales et ciné-matographiques, fragments d 'autobiographie) pour accuser le monde tel qu'il est et appeler la «vraie vie». Irish coffees au No Name Bar & vin rouge Valley of the Moon (1972), long journal poétique d'un séjour en Californie, reste le livre le plus typique de la «poesie» de Straram, bien qu 'un court extrait ne puisse rendre justice ä une écri-ture volontiers proliférante qui s 'exprime en textes-fleuves, jusque dans la série des Blues clair. CULTURE FUTURE AMOUR Ä JOUR II y aura une fois.... one + one (les Rolling Stones) Dianne + moi (les Rolling Stones) une premiere nuit-acide sur le ranch Mar-Jon la cabane un charnier décombres le mal que cela fait le bien que cela fait le premier long cri dans l'amour á l'aube aprěs tant d'heures cirque crucifixion culminations le cri d'un neuf risque au lieu ou tant est mort mais c'est dingue! c'est dingue! pour continuité la plus belle pour lien qui transmette vie Francois de la Panam de touš ses voyages le premier d'acide toutes ces chaines! quelle souffrance! des deforcements font enfin y voir clair quelle premiere fois! retour en stop étonnés «stoned» confirmation consecration «One + One» (les Rolling Stones) aprěs un Festival du Film 13 la vie quotidienne plus d'écran mais quel cinema! mais c'est dingue! c'est dingue! let it bleed 380 je ľai connue hôtesse ä la salle de presse au Festival je la connais un soir qu'ivre trop (moi) dans les bras de Thierry le mal que cela fait le bien que cela fait ďen parier comprendre s'éteindre aimer je la connais dans le doute ľangoisse de démentielles idées qu'avec ďautres... il y aura une fois... aprěs une nuit Grateful Dead magistrále et bouleversante avec Tom et Zaid et David et l'amour brülant léger tendre dans la chambre Renaissance-Océanie de la rue Scott un dimanche avant noěl eile coudra de merveilleuses écharpes baroques pour Martinique Labro Tom Zaid Thierry des amis á Vati eile donnera une toile d'elle de chevaux comme un réve Jefferson Airplane je la regarderai je la regarderai ô comme je la regarderai comme jamais peut-étre ému si pres d'en eile ä jamais me dissoudre m'accomplir me noyer planer et je lirai déchiré ébloui Les Souterrains réplique l'autre possible c'est dingue! Kerouac le Canuck et moi Québec libre histoires de měme passion et mémes chiměres et délires mémement á San Francisco souper de riz de salade et de lait sur K.M.P.X. pres d'une heure les Rolling Stones ô comment dire le vertige d'une telle entente désormais cette confiance? tout est résolu au coeur d'un accord que scelle le seul plaisir d'etre si parfaitement ensemble eile coudra je la regarderai et je lirai ľunique électrisante cantate Traffic de Kerouac sans cesse de brusques attirances dingues nous enlacant ľun á l'autre si longues á calmer 381 r il n'y aura peut-étre pas merne fin ou il y aura pour Mardou et Percepied et pour Dianne et le Bison ravi quoiqu'il arrive le moment d'un tel accouplement sans plus ďombres ni peur fait en vie. Écrire ce texte. 22 décembre 69 (2 + 2 = 4), San Francisco (Irish coffees au No Name Bar & vin rouge Valley of the Moon) 382 * A SUZANNE PARADIS_____________________ ■ Née ä Québec en 1936, Suzanne Paradis se consacre entiérement ä I / 'écriture depuis de nombreuses années, aprés une courte experience I d 'enseignement. Auteur de plusieurs romans et d 'un essai remarqué, I Femme fictive, femme reelle (1966), eile collabore au Soleil comme I critique littéraire et a été membre du collectif de la revue Estuaire. I Son oeuvre poétique qui comprend plusieurs titres, s 'inscrit dans la I tradition du lyrisme Interieur. Ce langage trouve un renouvellement I depuis les Chevaux de verre (1979). Eh bien á la prochaine inclination de la balloune Ha Ha Ha Ha Oh avant de te quitter ARTAUD je dois te dire Oui ANTONIN eile m'a quitté Évidemment Mais ca me fait du bien de savoir que tu sais On se comprend si bien Cest ca au 21 entre SCORPION et SAGITTAIRE AUREVOIR (Osmonde) La lune-nuit á ľhomme-pignon á ľhomme-clos La femme aux étagěres tricotant ses troupeaux Je suis muet au songe croissant de ľéchange Les globes épousent les menhirs lis lessivent ensemble des itinéraires exotiques sous les planches aux commissures impeccables Loin, trěs loin ľécale ďaube ľamour carié Pend aux falaises de ľintérieur Ô grand murmure des miens tes bras font les helices Tout vent qui vent qui vient avance vers la mort Tombe dans ľoubli abusif que secrete le sort silence et ses vestiges friables Tant et tant dans la banque des conifěres Mes doigts s'éteignent en remous froids La hache brise la téte pivotante sachet renversé se vidant dans le miroir (Objets de la nuit) POIDS D'ANGOISSE La terre s'ouvre sous mon poids d'angoisse eile tremble sous moi eile a montré son ventre rugissant et sa nuit noire et je vois s'enliser les peupliers Je ne puis supporter que la lumiěre s'éteigne et m'abandonne á mourir qu'elle ne lacěre plus le chemin qu'elle ne distingue plus la maison oü j'avais des fleurs oil j'avais des chambres des cerceaux d'enfahts suspendus partout des seaux qui grincaient remplis ďeaux de pluie J'écoute battre en moi un cceur étrange qui me frappe au cceur mille fois trop fort toute chair chancelle et ľäme elle-měme } est ce ravin fou qui gronde et qui roule dans le sein des fleuves désespérés Vous aviez un nom, méme votre songe tracait des anneaux des dessins parfaits des cris familiers jaillissaient du monde et vous habitiez le temps des mourons La terre sous moi se creuse une tombe — ses effrois géants brisent le silence — vous chasse á long cris, cede sous vos pas eile vous reprend au fond de son ventre vous bérce et vous tord, vous arrache ä ľherbe aux hortensias aux pluies et aux femmes au sommeil léger des veilles ľautomne 384 385 "r quand on craint pour soi les voleurs de pommes La terre trahit les noms et les formes vous changez de chair et tournerez cendres sans m'avoir laissé le temps d'oublier la face inconnue qu'elle et vous trompiez. (Pour les enfants des morts) le temps en petites coupures la terre par bandes ďéternité la silhouette de ľhomme ä son fil ďétoile une lame entre les dents ses bras trop grands ferment l'horizon une humeur de tendresse lui ferme les yeux son vétement se perd dans la brou des armoires le temps lui ressemble il a des cils sur les larmes et de la rosée sous les ongles c'est lui qui siffle au-dessus des os oú il se perche il dort moins souvent que jadis le temps en petites coupures le prix de la nuit il étreint des soleils ronds et mous des essaims de planětes fraiches sortent de ses paupiěres il crée il meugle aux couleurs dont sa bouche ruisselle lui dont la silhouette ressemble ä celie ďun pendu la gorge tranchée par le cri il crée et l'objet traverse son corps nu comme une aile de foudre qui le tache de sang (Les Chevaux de verre) GUY GERVAIS Ne' á Montreal en 1937, Guy Gervais a étudié aux Beaux-Arts et a poursuivi des etudes de philosophie avec Raymond Abellio, avant d 'entrer au Ministěre des Affaires étrangěres á Ottawa. Auteur de nom-breuses emissions sur la poesie, la philosophie et les religions pour Radio-Canada, il a e'crit plusieurs recueils qui ont été rassemblés en 1969 dans Poesie I. Guy Gervais est un poete touffu, chez qui la nature et le corps interagissent dans une sorte de derive angoissée. Onglée aprěs onglée parmí les déchirures toujours cette faim des doléances , braisées sur les cils blancs marins toujours ľinaltérable verdeur de cendre croissant un calme saumätre brüle en des risiěres ďespoir suri il ne saurait germer que la ronce des abandons percant ľair bleu de la peau rongeant ľodeur d'os frais des sourires les frissons inaudibles brisant la fleur vénérée des silences ľoeil attardé des soirs plus glaciaux sur toutes les ambroisies sur les deux chairs uniques, sur la floraison de soi, sur la tiěde récolte Car le desert des veines porte le goüt musqué de ces marais choisis au cceur embaumé des nuits et que le sang ne s'assouplit que dans la chute. (Thermidor) LE VERBE SILENCE Plus rien, de sang de chair, que des images vagues soulevées d'une mer sans limite de temps Parfois l'affolement traverse des nuages gris mais rien de plus, den de moins, l'uniforme vie Je plante au sol le réve pour que grandisse un arbre de flammes qui dira un jour l'appel de son essence secrete. 386 387 J'aime une femme immobile face ä mes voyages de sens et de sons les égarements glissent sans égarer son sourire ultime. Pourtant je recherche ľimmobilité mais le désir s'immole sur ses lěvres sexuées son corps éperdument échappe entre mes doigts de terre et de tendresse le jour se redresse dans la nuit au milieu de l'astre froid femme du noir secret empörte mon soleil sur ton hymen brillant recouvre-moi de tes bras, déchire le voile noir de la contemplation pour apparaitre enfin avec moi ä la lumiěre du nouveau monde traversant les eaux arrondies sur ľovule du verbe silence je voudrais te connaitre dans l'ampleur intense de ľ intensitě de ton ampleur (Gravité) MICHELE LALONDE Née á Montreal en 1937, Michěle Lalonde devient, děs 1958, avec Songe de la fiancee détruite, ľune des figures les plus présentes de sa generation sur la scéne poétique et intellectuelle. Ses positions sur la question nationale et la langue québécoise imprégnent aussi bien ses essais et articles, que ses textes poétiques, dont Speak white, ľun des plus connus de la poesie québécoise contemporaine, et qui a connu une large diffusion sur film et comme poěme-ajfiche. L'essentiel de ses écrits engages a étépublic á Paris eh 1979 sous le titre: Defense et illustration de la langue québécoise. Auteur de textes radiophoni-ques, de scenarios et de pieces de theatre, Michěle Lalonde a ensei-gné ä l 'École nationale de theatre. En 1984, eile devient presidente de l'Union des écrivains québécois. SPEAK WHITE Speak white il est si beau de vous entendre parier de Paradise Lost ou du profil gracieux et anonyme qui tremble dans les sonnets de Shakespeare nous sommes un peuple inculte et běgue mais ne sommes pas sourds au génie d'une langue parlez avec ľaccent de Milton et Byron et Shelley et Keats speak white et pardonnez-nous de n'avoir pour réponse que les chants rauques de nos ancětres et le chagrin de Nelligan speak white parlez de choses et ďautres parlez-nous de la Grande Charte ou du monument á Lincoln du charme gris de la Tamise de l'eau rose du Potomac parlez-nous de vos traditions nous sommes un peuple peu brillant mais fort capable d'apprecier 388 toute ľimportance des crumpets ou du Boston Tea Party mais quand vous really speak white quand vous get down to brass tacks pour parier du gracious living et parier du standard de vie et de la Grande Société un peu plus fort alors speak white haussez vos voix de contremaitres nous sommes un peu durs d'oreille nous vivons trop pres des machines et n'entendons que notre souffle au-dessus des outils speak white and loud qu'on vous entende de Saint-Henri á Saint-Domingue oui quelle admirable langue pour embaucher donner des ordres fixer l'heure de la mort á l'ouvrage et de la pause qui rafraichit et ravigote le dollar speak white tell us that God is a great big shot and that we're paid to trust him speak white parlez-nous production profits et pourcentages speak white c'est une langue riche pour acheter mais pour se vendre mais pour se vendre á perte ďäme mais pour se vendre ah! speak white big deal mais pour vous dire ľéternité d'un jour de grěve pour raconter une vie de peuple-concierge mais pour rentrer chez nous le soir ä l'heure oů le soleil s'en vient crever au-dessus des ruelles mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui chaque jour de nos vies á ľest de vos empires rien ne vaut une langue á jurons notre parlure pas trěs propre tachée de cambouis et ďhuile speak white soyez á l'aise dans vos mots nous sommes un peuple rancunier mais ne reprochons á personne d'avoir le monopole de la correction de langage dans la langue douce de Shakespeare avec l'accent de Longfellow parlez un francais pur et atrocement blanc comme au Viet-Nam au Congo parlez un allemand impeccable une étoile jaune entre les dents parlez russe parlez rappel á l'ordre parlez repression speak white c'est une langue universelle nous sommes nes pour la comprendre avec ses mots lacrymogěnes avec ses mots matraques speak white tell us again about Freedom and Democracy nous savons que liberté est un mot noir comme la misěre est negre et comme le sang se méle á la poussiere des rues d'Alger ou de Little Rock speak white de Westminster á Washington relayez-vous speak white comme á Wall Street 390 1 391 white comme ä Watts be civilized et comprenez notre parier de circonstance quand vous nous demandez poliment how do you do et nous entendez vous répondre we're doing all right we're doing fine we are not alone nous savons que nous ne sommes pas seuls. (Speak white) SERGE LEGAGNEUR Trěs tát impliqué dans la vie culturelle de son pays d 'origine, Haiti, oú il est né en 1937, Serge Legagneur arrive au Québec en 1965. Ľ année suivante, il publie ä l'Estérel ses Textes interdits, dont les amples coulees lyriques sont ä la fois une dénonciation de I 'oppression et un chant defoi en I 'homme. Diplome en psychopédagogie, Serge Legagneur a enseigné durant plusieurs années tout en étant lecteur dans une maison d'edition. Depuis 1980, son oeuvre a pris un nou-veau depart, notamment avec Inalterable (1983). CHIFFRES roulette en mal de mer nous n'avons pas peur du vertige tous les feux sont passes avec les vers du chenal nos fanfares nos phalanges et nous changeons d'ordure les sens gardent intact leur goüt de cendre et la desolation porte le dais de ľinsecte atrophia raison fut á ľinstinct tout le prix du doute contre la tige tout le poids du clou contre l'espace les membres dissipés de trop ďéclairs les faces remuées de trop de salive roulette en mal de lait le sable a perdu son goüt de flamme sur le sexe sur le verbe fallut-il nier ľétoile la vertu malgré ces dés géants á face d'homme malgré la joie la promesse les nombrils postiches le rire franc contre la monnaie avant nous aprěs nous qui le sait il y a d'autres jours les nuages sont passes dévorés de paupiěres les veuves nous reviennent dans leurs muscles pardonnés des suicides quotidiens il était une fois le temps les contes il ne faut pas pleurer Petit Poucet perdant tes cailloux blancs 392 393 GERALD GODIN Né ä Trois-Riviéres en 1938, nationaliste de longue date, il remporte wie victoire historique sur le premier ministře Robert Bourassa, comme candidat du Parti québécois en 1976. Auparavant, il avait étéjourna-liste et notamment directeur de Quebec-Presse. Collaborateur ä la revue Parti pris, ilfiu directeur de la maison ď edition du merne nom. La poésie des Poémes et cantos (1962), des célěbres Cantouques (1967) et de Libertés surveillées (1975) se caractérise surtoutpar ses racines populaires, son parier québécois composite, mělant l 'archaisme et le néologisme, la chanson et I 'invective, la tendresse et la revendication. CANTOUQUE D'AMOUR c'est sans bagages sans armes qu'on partira mon steamer á seins ô migrations ô voyages ne resteront á mes épouses que les ripes de mon coeur par mes amours gösse je viendrai chez vous un soir tu ne m'attendras pas je serai dressé dans la porte comme une armure haletant je soulěverai tes jupes pour te voir avec mes mains tu pleureras comme jamais ton coeur retontira sur la table on passera comme des icebergs dans le vin de gadelle et de müre pour aller mourir á jamais paquetés dans des affaires ketchup de cceur et de foin quand la mort viendra entre deux brasses de cceur á ľheure du contrôle on trichera comme des sourds ta derniěre carte sera la reine de pique que tu me donneras comme un baiser dans le cou et c'est tire par mille spanes de sacres que je partirai retrouver mes pěres et měres á ľéternelle chasse aux snelles 405 quand je prendrai la quille de ľair un soir d'automne ou d'ailleurs j'aurai laissé dans ton cou á ľheure du carcan un plein casso de baisers blancs moutons quand je caillerai comme du vieux lait á gauche du poéle á bois á ľheure oú la messe a vidé la maison allant ďvenant dans ma bercante en merisier c'est pour toi seule ma petite noire que ma bercante criera encore comme un cceur quand de longtemps j'aurai rejoint mes pěres et měres á ľéternelle chasse aux snelles mon casso de moutons te roulera dans le cou comme une gamme touš les soirs aprěs souper á ľheure oú ďordinaire chez vous j'ai ressoud comme un jaloux chnaille chnaille que la mort me dira une derniěre fois j'aurai vu ta vie comme un oiseau enfermé mes yeux courant fous du cygne au poéle voyageur presse par la fin je te ramasserai partout ä pleines poignées et c'est tiré par mille spanes de sacres que je partirai trop tôt crevé trop tard venu mais heureux comme le bleu de ma vareuse les soirs de soleil c'est entre les pages de mon seaman's handbook que tu me reverras fleur noire et séchée qu'on soupera encore ensemble au vin de gadelle et de múre entre deux cassos de baisers fins comme ton chäle les soirs de bonne veillée (Les Cantouques) r I CANTOUQUE MENTEUR I les Louis Riel du dimanche I les décapités de salon I les pendus de fin de semaine I les martyrs du café du coin I les révolutavernes I et les molsonnutionnaires I mes frěres mes pareils I hábleurs de fond de cour un jour 1 on en aura soupé I de faire dans nos culottes I debout sur les barricades I on tirera des tomates aux Anglais I des oeufs pourris des Lenine I avant d'avoir sur la gueule I la décharge de plombs du sergent Dubois I du royal Vanndouze I á ľangle des rues Peel et Saint'Cat I c'est une chanson de tristesse et d'aveu I fausse et menteuse comme une femme I et pleureuse itou avec un fond de vérité I je m'en confesse ä dieu tout puissant I mon pays mon Québec I la chanson n'est pas vraie I mais la colěre si I au nom du pays de la terre I et des seins de Pélagie I (Les Cantouques) APRĚS Aprěs le bison le renne á mesure qu'avril avance aprěs les hardes décimées entre le muskeg et ľétang gele le caribou met bas et je m'exile á mesure qu'avril aprěs le bison le renne 406 á ľétroit dans le cierge et ľogive notre feu se chätre et vend aux idoles sa mort interminable (Terre Québec) ENTRE NOUS LE PAYS I mieux que de la boue des printemps mieux que des feuilles mortes et du vent ras ce mau-vais marin de mes fiěvres de tes lěvres de tes lěvres á la fatigue du ciel rouge et tendre ostensoir béant á nouveau l'aurore de la riche saison de tes bras je m'éléve et je me bats par les muettes nuits de ľenfance défiée petit batailleur aux genoux en sang je m'entéte á re-bours par tous les sentiers hagards par les tranchées et les foréts vendues je sangle pas á pas les anciennes terreurs et les fougěres délivrées m'enserrent nuptial tu ne sauras jamais tu ne sauras jamais ce qui saisit le monde en ce matin ďoů je nais pour qu'il vienne ainsi trembler á tes cils y boire son secret et le secret de ma colěre heureuse de tes lěvres oh le sang chantant plus clair de la caresse des couteaux fusant tournoi dans la clairiěre de ton corps livré aux terribles fenaisons de la guerre j'entends gémir la nuit de ton ceil brun la plainte-měre au nid feuillu de la rosée et la béte illuminée qui enfante — ô profonde terre déchirée ďoú je m'érige droit pármi les herbes drues et les armes du jour non je n'aurai méme pas ce sanglot d'etre libre dans le dur éclat de ma force je marche déjä sur les blés amoureux et le monde accablé sous ma brusque tendresse béle et bave á mes talons á ma cuirasse 412 je crie ce jour de ma naissance au front tatoué de colěre du ciel enfin terrassé qui croule dans mes membres (Terre Québec) ENTRE NOUS LE PAYS II « Parce que je suis en danger de moi-méme ä toi et tous deux le sommes de nous-mémes aux autres. Gaston Miron les printemps étaient doux oui doux saumätres les printemps de mon pays un lent malaise de charbon passait entre nos deux corps oui je ťaimais je souffrais les soleils étaient en prison un lent malaise de charbon gächait l'aurore entre nos dents tu te souviens j'allais á tes lěvres comme on retourne á la source et toujours sur la piste muette s'abattait ľombre blessée á mort du seul paysage de notre amour ô toi et moi rives toujours désassemblées sur le deuil infini des docks et l'exil au long cri d'oiseau noyé dans la flaque du petit matin (Terre Québec) L'AFFICHELR HURLE j'écris á la circonstance de ma vie et de la tienne et de la vôtre ma femme mes camarades j'écris le poěme d'une circonstance mortelle ineluctable ne m'en veuillez pas de ce ton familier de ce langage parfois gagné par des marais de silence je ne sais plus parier je ne sais plus que dire 413 fAtvt rtcvib^ŕattýf f á ľétroit dans le cierge et ľogive notre feu se chätre et vend aux idoles sa mort interminable (Terre Québec) ENTRE NOUS LE PAYS I mieux que de la boue des printemps mieux que des feuilles mortes et du vent ras ce mau-vais marin de mes fiěvres de tes lěvres de tes lěvres ä la fatigue du ciel rouge et tendre ostensoir béant á nouveau l'aurore de la riche saison de tes bras je m'éleve et je me bats par les muettes nuits de ľenfance défiée petit batailleur aux genoux en sang je m'entéte á re-bours par tous les sentiers hagards par les tranchées et les foréts vendues je sangle pas á pas les anciennes terreurs et les fougěres délivrées m'enserrent nuptial tu ne sauras jamais tu ne sauras jamais ce qui saisit le monde en ce matin ďoú je nais pour qu'il vienne ainsi trembler á tes cils y boire son secret et le secret de ma colěre heureuse de tes lěvres oh le sang chantant plus clair de la caresse des couteaux fusant tournoi dans la clairiěre de ton corps livré aux terribles fenaisons de la guerre j'entends gémir la nuit de ton ceil brun la plainte-měre au nid feuillu de la rosée et la bete illuminée qui enfante — ô profonde terre déchirée ďoú je m'érige droit pármi les herbes drues et les armes du jour non je n'aurai merne pas ce sanglot d'etre libre dans le dur éclat de ma force je marche déjá sur les blés amoureux et le monde accablé sous ma brusque tendresse béle et bave á mes talons ä ma cuirasse je crie ce jour de ma naissance au front tatoué de colěre du ciel enfin terrassé qui croule dans mes membres (Terre Québec) ENTRE NOUS LE PAYS II « Parce que je suis en danger de , et lous deux le sommes de nous- Gaston Miron les printemps étaient doux oui doux saumätres les printemps de mon pays un lent malaise de charbon passait entre nos deux corps oui je ťaimais je souffrais les soleils étaient en prison un lent malaise de charbon gächait ľaurore entre nos dents tu te souviens j'allais á tes lěvres comme on retourne á la source et toujours sur la piste muette s'abattait ľombre blessée á mort du seul paysage de notre amour ô toi et moi rives toujours désassemblées sur le deuil infini des docks et ľexil au long cri d'oiseau noyé dans la flaque du petit matin (Terre Québec) ĽAFFICHEUR HURLE j'écris á la circonstance de ma vie et de la tienne et de la vôtre ma femme mes camarades j'écris le poéme d'une circonstance mortelle ineluctable ne m'en veuillez pas de ce ton familier de ce langage parfois gagné par des marais de silence je ne sais plus parier je ne sais plus que dire 412 413 alors le soufre naissant, qui s'était condense de l'humide radical terrestre jusqu'en la corolle, sera conjoint aux purs photons sidéraux, le fixe avec le volatile tu pourras enfin recevoir, au milieu de ta demeure, jusque-lä désolée par ľhumeur colérique du Dragon, l'Anima médiatrice la promesse ďassouvissement, le don accordé contre tout espoir ä ceux dont la confiance est inébranlable quand la Rose aura passé au noir total, tu la mangeras tout entiěre puis tu te lěveras et, sans aucune crainte, et méme avec ľallé-gresse audacieuse des enfants, tu poursuivras ta route pleine de dangers au plus dense de la nuit pourras-tu alors retenir le fixe feu secret en son lieu propre, lä on seul il favorise la croissance de ľ Enfant et sauras- tu le maintenir en une douce chaleur de nid de sorte que, surintense, pourtant il ne brúle pas mais au contraire con- duise graduellement ľoeuvre ä un súr achěvement? le don de cette rose ouvre le mystěre du Milieu-du-Monde (ĽEnfant doré) RAOUL DUGUAY Né á Val-d'Or (Abitibi) en 1939, Raoul Duguay se retrouve ä Montreal vers 1965, récitant ses poěmes au perchoir d 'Haiti avec Juan Garda, Nicole Brossard, Gilbert Langevin. II fonde avec Walter Boudreau ľinfonie, qui lefera connaltre du grand public par des spectacles qui integrem poésie, chanson, jazz, Bach, rock, musique contemporaine. Mělé a plusieurs courants littéraires et contre-culturels, U donne entre 1966 et 1971 ľessentiel de sa poésie, évoluant de la musique synco-pée ä la vision cosmique. Aprés la dissolution de ľinfonie, ilpoursuit une carriěre en solo dans le spectacle. OR LE CYCLE DU SANG DURE DONC Or ľaimé ľaimant á la talia talla la bilabiodentale appelle ses lěvres melli fěres ses muqueuses qui sé crětent ce liquide lovelace appelle le miel ďune bouche haute ďune bouche basse prepare ses sangs au murmure comme source musicale et ca dence ses dents du dedans done danse déjä du pouls du souffle et du soupir trěs tôt son re gard ressemble á cette voix ďabeille qui tourne autour ďelle ďaile en aile et revient ďune voie de fleurs bientôt chaque pore de la peau devient un alveole oú alveole oú nicher ľalléluia de ľinstant si tant sueré (nous sommes les fleurs et les abeilles) or ľaimé ľaimant bouches belles et bonnes bouches en or bite de son corps la baise de toutes parts voici la loi de la langue et de la lěvre (qui ne portent plus ici la parole mais le geste du feu dans les fibres) done ľaimé ľaimant la léche lá od lá oú lá oú les lisses eaux se condensent sirupeuses d'arôme lá oú lá 420 421 oú plus tard muscles et nerfs en ce plus grand pore de son corps couronnent et pressent la tige carnée dure et droite qui traverse ľargile rose jusqu'á la fleur du cri (la joie du jeu) voici la lampée qui se love et se loge ä petits coups de lamelles ainsi ľaimé l'aimant la lave de toutes ses nuits ľaimé ľaimant s'avance en ses veines á la maniere ďune marée de soleils dans le midi de ses chairs (ô ultime ouvertuře) couvre d'une caresse serpentine la surface et la circonférence de son äme mobile (la main se pose palmée plate et pommée de ľéchine á la cheville la caresse s'étend par la paume et non par ľindex et le pouce) ľesprit vibre et chavire dans le délire mais s'emmuscle du désir d'éternité ľespace enfin se resume en ce rythme du rite et s'élague de ľintérieur dans ľim plosion des sěves (ne plus dormir dans les femmes de cire se fondent i'une dans 1'autre toutes choses vitales) á son osi! le reflux du feu sale le signe que le cycle du sang s'est accompli le cycle du sang dure done d'amour le cycle du sang dure done or ľaimée la belle trop pleine pleine de sang blanc le change en chair blanche [(le vin vif en pain) car il est dit que toute femme peut (avant que l'ange ne l'appelle) nourrir le christ le vrai celui qu'un homme seme avec sa verge avec son verbe et celui qui apprivoise la Colombe (mais ici les colombes sont rouges)] car le cycle du sang dure done done done (Or le cycle du sang dure done) (Manifeste de ľln/onie) 422 ARBRE GÉNÉALOGIQUE DE TOULMONDE r univers ordre un astérisme atome pain air liberté soleil champ planéte terre lumiěre jardin arbre joie jour maison table blé pays pierre temps orient plein amour sourire caresse toi bonheur printemps on main sein femme bonté coeur essence soif foi lumiěre feuille été jus montagne cheval sentiers ceuf éclosion santé maman musique étoile neige sapin couleur rythme papillon jeu danse vague océan rivage sel chant priěre parole livre sol dessin Iigne courbe volume pas fruit légume lait miel céréales enfant femme beauté paix: HOMMME ortie vipěre cellule désordre nébuleuse beurre feu eau esclave ville ruelle globe Iunaire ombre asphalte nuit pleur peur chambre province espace poussiěres Occident vide faim lui crainte travail eux muscles fer . pied sexe bras femme roche corps existence prison automne plastique beton vallée automobile ciment bombe explosion sang bobo cri sommeil crépuscule loi ver gris vitesse stop meute accident visage écume coulée machine radio television plan building argent électricité go hot dog hamburger steak patates HOMMME animal vegetal mineral mü (Lapokatipsô) MICHEL GARNEAU 424 Né ä Montreal en 1939, Michel Garneau travaille trés jeune comme animateur radiophonique et publie a partir de 1962 une série de pla-quettes intitulées Langage. Mais c 'est durant les années soixante-dix, ä la faveur de ses succěs comme dramaturge (dont une remarquable traduction de Macbeth) que le poete se fait connattre, en particulier avec Moments (1973) et les Petits Chevals amoureux (1977). La poesie de Garneau repose sur un langage qui allie le plus grand prosai'sme ä un lyrisme aux racines folkloriques, charnelles et populaires. afin de se glisser entre la fenétre d'hiver et la fenétre ďété un papillon de nuit doit s'insérer délicatement par une fente humide il crěve une eau qui fleurant ses pattes nerveuses plus fraichement qu'une rosée roule par le bois dans une rainure ramifiée par un enfant malade autrefois collé á la vitre il fixe la lampe comme un fou fixe une serrure ou une lampe et c'est de ľinconscience que de lui en vouloir (Langage) (...) loin derriěre la réalité sont les futailles et futaies les futés renards et les renardes de taille et les regards en retard accablés et les füts que ľon voudrait entailler soi-méme á grands coups de langue sur la broue de la biěre qui piaille á verser dans des verres taillés dans de ľancienne pierre de taille virée sable et plus loin encore derriěre la réalité touš les futés renardent dans des taillis et des haies oú viennent des filles pleines de fiancailles que ľon ment par la taille et que ľon détaille amoureusementement loin loin loin derriěre la réalité il reste des mots encore cri grondement grognement murmure ■ : 425 ANDRÉ BROCHU Né ä Saint-Eustache (Deux-Montagnes) en 1942, André Brochu a publié trois recueils, au toumant de la Revolution tranquille, avant de s 'orienter vers la critique et I 'enseignement de la littérature ä l 'Universitě de Montreal. Membre du groupe fondateur de la revue Parti pris, il publie par la suite de nombreux essais et un roman, Adéodat 1. La littérature et le reste (1980) est un dialogue par lettres avec Gilles Mar-cotte. La poesie de Brochu témoigne avec originalitě ďune époque decisive pour la littérature québécoise moderně. ĚTRE MORT Quel effort pour ne pas prendre la courbe des choses Pour ne pas épouser la forme de son ombre L'angoisse sue aux portes de la nuit Le vent charrie des oiseaux taciturnes Mélés de rires Et l'eau se bérce aux bras de ses noyés Quel effort pour ne pas Prendre la courbe du temps Quand ľastre dit minuit Et l'horloge est silence Et ľheure est prisonniěre De son déroulement Libre captée Visage d'agonie Visage spolié Quel effort pour ne pas étre mort. (Privileges de I'ombre) AA1 DENIS VANIER Né ä Longueuil en 1949, Denis Vanier a exercé divers metiers dans le domaine de l 'écriture, a été co-directeur d Hobo-Québec et critique ä Mainmise. Son premier recueil, Je, publié ä 16 ans, est preface par Claude Gauvreau. Un premier tome de ses Oeuvres poétiques completes paraít en 1981. Appartenant au couraní le plus provocateur de la contre-culture, Vanier a écrit une douzaine de recueils qui sont autant de constats violents, volontiers obscénes, dénoncant un monde en decomposition, ľassumant dans une quěte de sainteté. DÉAMBULE Les rues et les trottoirs tournoient aux yeux des passants affolés et nous nous aimions dans «China Town» aux murs et facades décrépis ľhumidité vous broyait les os des oiseaux ďéběne pondaient des oeufs couleur ďencens sur nos tétes ďenfants perdus que le brouillard dissiminait aux quatre coins de ľunivers nos větements étaient transis ďeau et de feu á ľaurée des cercueils multicolores nous fumions des tabacs apocalyptiques et buvions le poison des fleurs révions aux fourrures micasiques qui pourrissaient face aux arbres tordus en leur fourrure de veines les rues et les trottoirs tournoyaient aux yeux des passants affolés. Des rivages abandonnés oú gisent, errantes, des filles aux ombres de fleurs un souffle solitaire á la bise de ton corsage des nuits de sang... des nuits qui rälent un éternel poéme. Que s'ouvre ľétoile de ta pensée au silex de mon corps tant de songes en si peu ďannées m'ont fait échouer au sable chaud ďune gréve ďamour que les cieux se nouent et meurent en ďinnommables culbutes; trop souvent ils ont accroché nos regards... trop souvent ils ont broyé nos pensées J'ai vécu á ľombre de ta chair; si peu de jours m'étaient offerts pour naitre á la vie que j'en suis mort ďimpatience MORT! vous entendez, je ne ťai jamais vue, les rivages abandonnés n'ont jamais existé rien ne sera autant pour ľhomme que ce cri de joie de ne pas étre Je suis mort! mort! MORT! et mon corps se dissěque dans le cerveau d'une autre. LESBIENNES D'ACID Ceci est tout doucement une invitation á venir suspend re vos lévres dans une cloture d'enfant pour que la revolution soit un piěge de farine chaude une tente ďoxygěne pour les indiens étouffés sous les bisons nous nous mettrons tes cuisses de cuir á mon banc de plumes avec des paravents de moteur d'eau et l'extase de se fendre quand d'autres naissent sous la langue des animaux sera confite de belle paille de mer mon effrayante juive mauve mon poulet du Christ au cou tranche dois-je cueillir mon hashich ou laver mes betes quand tu coules violente comme une église sur les petites filles de la ruelle Desoto. le vin de tes jambes me chauffe comme de ľurine ďagneau tes ongles sont verts pour caresser les commandos la nuit saoule au kummel je voyage sur ton sexe de mescaline déjá rosée et écartée et éternellement fluide sous la main. Les chiens magiques de la communauté nous défendront contre le gluant couteau politique et pour celieš qui nous tendent leurs seins quand nous souffrons abbreviations circulatoires pour celles-lä un gros singe masse la laveuse de sirop ďérable et meurt avec nous dans son étui ä crayons TOUT Ä COUP GOUT D'AIR MÉTALLIQUE une femme qui me touche partout signe pour moi: ľascenseur rapetisse et vous change ľuretre en plastique la densité explose: bourses á pasteur, lobes androides, saints filtres, calculs révulsifs mon conduit nasal est une Campagne ďincinérateurs en collision. Les soeurs grises de l'hospice macrobiotique me brülent des bouts ďépine dorsale pour faire jouir leurs petits vieux et je m'écrase plogué en plein sanctuaire quand les Malades sauvages de ľordre établi m'assomment á coups de Molson (I.esbiennes ď acid) il lui tissait des machines lourdes teintes dans le sucre du désert et trempés dans ľacide fertile et le carnage des doigts frottaient le bouton mineral ses cheveux mélés ďarétes fines ne pouvaient recouvrir sa blancheur sous la fente gastrique merne avec un peu de cannelle pour au moins rougir les yeux il coupe silencieusement ľarôme de ses ongles roses et quand eile pleure il pense au sérum dans les cimetiěres vivants et le silence (Rejet de Prince) 526 NICOLE BROSSARD Née ä Montreal en 1943, Nicole Brossard fait des etudes en lettres et commence, avec Aube ä la Saison en 1965, une oeuvre poétique qui deviendra ľune des plus importantes de la perióde contemporaine. La merne année, eile fonde avec Roger Soubliěre la revue la Barre du jour, oú se regroupent les jeunes poětes et ä laquelle eile restera associée jusqu'en 1979. Apartirde 1968, Nicole Brossard participe ä de nom-breuses activités culturelles au Québec et ä l 'étranger. Avec la Rencontre des écrivains sur lafemme et l 'écriture en 1975, eile s 'implique davantage dans la lutte féministe, notamment comme co-fondatrice du journal les Tétes de pioche et comme co-auteur de la Nef des sorcie-res, présentée par le TNM. En 1977, on la retrouve au Bureau de l'Union des écrivains québécois. Elle participe entre-temps ä de nom-breux spectacles ou recitals de poésie. Rassemblée dans le Centre blane en 1978, son oeuvre poétique écrite jusqu'en 1975 se caractérise par un travail sur la signification et sur le fonetionnement de l 'imaginaire, notamment dans Suite logique (1970) et la Partie pour le tout (1975). Cette recherche a beaucoup influence la jeune poésie dite formaliste. La problématique féministe a ouvert á cette écriture réfléchie et con-trôlée des domaines plus sensuels, comme en témoigne Amantes (1980). Nicole Brossard, qui a fait des interventions dans de nombreux événe-ments culturels au Québec et ä l 'étranger, est aussi l 'auteur de romans et d 'essais sur l 'écriture. ĽÉCHO BOUGE BEAU rayonnant nord sud avec des ramifications digitales poin-tées est ouest je ranime ľhorizontale version de la terre rousse dessin vrai. Le souffle brüle ä force de giration: oú ďoú vient ce doux noir criniěre levante appelée en-tendue des horizons les plus lointains ces lieux marqués au couteau quand passe la debacle comme si le cceur en rond-point croyait au rendez-vous: voies ferrées bigar-rées aux alentours libres du filet od tourne le rond-point mythique. Cela pourrait-il servir encore d'etre atteinte écarlate au vif la hanche sillonnée ľombre enveloppante. Cela pourrait-il encore dans la nuit revétir le casque d'acier urbain croquis géant m le phosphore étre sonore authentique se měler au dessin dehors l'alternance du miroir á la vitríne y voir un visage presque visage (L 'Echo bouge beau) neutře ce qui fut dit neutře ce qui emprunte tant car de moi rien sinon ľobjet repeint hasardé fíctif ľemprunt par excellence rien ne se confirme c'est ce qui ruine ruine et merveille du pareil au méme ľéclosion se fait mal laissant croire qu'un jour eile se fera divine éclosion de rien pourtant (Suite logique) LA VERGE AU BEAU TARIF (lui ravir le sens ravin. De ľautre côté ľartifice dort dans le vert. L'ombre se succěde d'heure en heure creuse et sombre et qui me somme) .................................greife sur la phrase o longtemps lointain suspendre sur mon ventre d'obs-cures paralleles images et tatous age suggestif de I'ongle frôlant la cuisse la va/le'e s'en éprendre le corps doux d'audace drogue lui ravir son sens sa peau d'orange et d'olive sa texture de couple envahisseur (tu les soulignes d'un trait comme le lit sous leur poids leur plaisir) ..................et t'enfonces done corps á corps dans la touffe la ramifiante de vegetation jusqu'á eux les lieux du consentement et de ľaffirmation les cases magiques ............. ľépiderme une grammaire gratuite de silence toile d'impressions de representation feu: ľartifice un parcours le derme s'en détache les voyelles illustrem les éponges douces sur ľépi beau le rapport certain qui existe entre lui ravir le sens et cases magiques LA VERGE AU BEAU TARIF se soulěve (mais) puisque les greffes doucement les mots la longent sans histoire (Mécanique Jongleuse) 462 463