■ I Chapitre I LA PREPOSITION ET LE GROUPE PRÉPOSITIONNEL : QUESTIONS DE SYNTAXE La preposition est-elle un objet syntaxique ? Voilä la question ä laquelle sera consacré ce chapitre. La tradition répond de maniere positive en propo-sant une definition qui sera rappelée au § 1. Ľexamen systématique des pro-priétés attribuées ä la preposition en vertu de cette definition montre qu'elle ne permet pas de rendre compte d'un certain nombre d'observations (§ 2. et 3.) et qu'il convient done de reconsidérer la categorisation syntaxique et de proposer des pistes qui měnent ä une vue ďensemble plus diversifiée (§ 4.). 1. Definition classique et propriétés typiques de la preposition La tradition grammaticale s'accorde ä caractériser la preposition comme un mot de relation ; ainsi le dictionnaire de linguistique écrit-il: «la preposition est un mot invariable qui a pour role de relier un constituant de la phrase [ = le complement de la preposition] ä un autre constituant ou ä la phrase tout entiěre » (Dubois etal. 1994, s.v.). Dans la suite du méme article, les auteurs précisent les rapports entre les trois termes, qui semblent occuper le méme rang. La preposition et son complement forment«une unite dont les elements entretiennent des rapports plus étroits qu'avec le reste de la phrase », e'est-a-dire un groupe prépositionneljCe dernier entretient avec la 9 La preposition enfrangais phrase ou un de ses constituants une relation de dépendance (Denis & San-cier-Chateau 1994, s.v.) ou ďintégration (Riegel et al. 1994 : 369). Cette definition s'applique sans aucun doute ä la majorite des emplois des prepositions. Les propriétés principales se retrouvent dans des exemples représentatifs et banals comme : (1) Dominique depose la statuette sur/ dans /contre I'armoire. (2) Je ľai vu(e) avant quatre heures. (3) La porte de la maison doit ětre repeinte. Un examen quelque peu plus attentif de ces cas permet de dégager des propriétés plus précises que ľon attribue également communément ä la preposition. Un premier ensemble de propriétés concerne la relation de celle-ci avec son complement: A. Le complement de la preposition est un groupe nominal. B. Ce complement est obligatoire, unique et postposé. C. II est sélectionné par la preposition qui en determine certaines propriétés syntaxiques et qui exerce des contraintes sémantiques. Ainsi la preposition avant admet-elle un complement infinitif, alors que dans, sur et contre ne le font point; celles-ci imposent comme complement un groupe nominal determine, tandis que en admet un nom nu {dans la mile / en ville). Cette raeme preposition se combine d'ailleurs avec certains noms et non avec d'autres, méme si ces derniers en sont proches par le sens. Leeman (1998 : 106 ss) signále l'opposition entre en colěre, en adoration et * en énervement, * en veneration ; pour pouvoir étre admis le nom semble devoir évoquer un état non naturel et manifeste. D. La preposition assure la coherence du groupe et fonctionne comme une barriěre protégeant le complement de certaines operations syntaxiques. Les contraintes sur la relativisation d'une composante du complement illustrent ce phénoměne : (4) La fenétre sur le bord de laquelle dort le chat est celie du salon. * Lajenétre de laquelle dort le chat sur le bord est cette du salon. E. La preposition fonctionne comme téte du groupe qu'elle forme avec son complement et peut děs lors recevoir un spécificateur de degré : (5) Je ľai vue juste / un peu avant quatre heures. 10 La preposition et le groupe prépositionnel Ces propriétés peuvent étre captées dans la representation syntaxique suivante, dans laquelle P représente la preposition, GN son complement, Spec, le spécificateur de degré et GP le groupe prépositionnel: Spec GN La preposition possěde ainsi les mémes propriétés fondamentales que les autres classes de mots, lexicales ou grammaticales et eile est le centre ďun groupe prépositionnel. Un second ensemble de propriétés concerne la relation du groupe prépositionnel avec les autres constituants de la phrase et plus en particulier avec ľélément dont il depend et qui sera appelée téte externe : F. La téte externe sélectionné la preposition et, par son intermédiaire, l'ensemble du groupe. Le verbe déposer, par exemple, sélectionné une preposition locative sélectionnant ä son tour un complement approprié. G. La preposition et le groupe prépositionnel apparaissent nécessaire-ment dans la dépendance d'une téte externe ; celle-ci peut se situer au niveau de la phrase ou étre un constituant phrastique. Dans ľexemple (1), les groupes introduits par dans, sur et contre dependent du verbe, alors qu'avant dans ľexemple (2) est ä rattacher ä la phrase ou, plus exactement peut-étre, ä une des propriétés phrasti-ques, le temps. Ľexemple (3) enfin contient une preposition qui depend d'un nom. La propriété implique également qu'un groupe prépositionnel ne peut apparaítre comme non dependant. H. La preposition assure děs lors ľintégration du groupe et est indispensable ä la bonne formation de l'ensemble. A ces propriétés, il convient ďajouter une derniěre propriété, relative non aux rapports syntagmatiques que la preposition entretient avec le reste de la phrase, mais aux rapports paradigmatiques •. n La preposition en.francais I. En tant que téte du groupe prépositionnel, la preposition determine la catégorie du groupe dans ses rapports paradigmatiques. Cette propriété, qui doit étre distinguée de la propriété E. relative aux rapports internes dans le groupe prépositionnel, peut étre comprise de deux maniéres, non équivalentes. La premiere est negative : le groupe prépositionnel n'est pas un groupe nominal, malgré la nature du complement. La deuxiěme référe ä ľéquivalence ou ä la proportionnalité du groupe avec une forme type. Dans les exemples (1) et (2), le groupe prépositionnel sera ca-ractérisé comme un equivalent d'adverbe, comme il ressort de la commutation avec ou ? ou quand ?; dans ľexemple (3) ou dans une couronne de rot, une equivalence avec un adjectif est généralement admise : eile se fonde sur des alternances comme sa porte et une couronne royale. La definition classique, présentée plus haut et les propriétés qui la con-crétisent semblent avoir le statut ďévidences. Un examen attentif s'impose toutefois, et ce pour trois raisons : En premier lieu, il s'agit de verifier leur adequation empirique et de mieux situer les emplois deviants ou atypiques. En second lieu, il convient de trancher, ä partir d'un dossier plus étoffé, entre deux interpretations concurrentes de la definition : la preposition est-elle un instrument grammatical qui garantit ľintégration de son complement dans la structure phrastique, auquel cas la preposition est une catégorie auxiliaire ou mineure, ou est-elle une catégorie lexicale majeure et occupe-t-elle děs lors dans le systéme grammatical une place analogue au verbe, au nom et ä ľ adjectif ? En dernier lieu, il importe de verifier si les propriétés avancées sont dis-tinctives, c'est-a-dire si elles permettent de différencier la preposition des autres classes de mots et en particulier de l'adverbe et de la conjunction. La discussion empirique se fera en deux étapes : nous considérerons d'abord la preposition et son complement (§ 2.) et ensuite le groupe prépositionnel et la phrase (§ 3-), avant de proposer des elements de réponse aux questions soulevées ci-dessus (§ 4.). 2. La preposition et son complement Les propriétés qui permettent de caractériser le rapport de la preposition et de son complement semblent robustes ; elles valent pour la grande majorite des groupes prépositionnels, mais elles ne se vérifient pas dans touš les 12 La preposition et le groupe prépositionnel cas, ce qui oblige le grammairien ä proposer une vue plus nuancée de la catégorie. 2.1. Le complement de la preposition est-il nominal ? La réponse ä cette question semble, ä premiere vue, étre negative. Il suf-fit de considérer les données suivantes qui illustrent la diversité des complements admis par la preposition pour -. (6) // ľa fait pour toi /Jean / la tante de Julie. (7) Cest clairpour qui sait lire. (8) II ľa fait pour te faire plaisir. (9) II ľa fait pour que tu ne soispas inquiet. (10) II ľ a pris pour guide. (11) Pour basse, la Loire, eile Vest, (exemple de Cadiot 1991 : 113) (12) // nous a quittépour toujours. Est-ce pour ici ? (13) La piece sera repeinte pour quand tu reviendras. (14) Ce sera fait pour dans trois jours. Le complement de la preposition pour peut apparemment étre un groupe nominal, dont le noyau est un pronom, un nom propre ou un nom commun (6), une relative comportant un pronom relatif sans antecedent (7), un infinitif (8), une sous-phrase introduite par que (9), un nom nu (10), un adjectif (11), un adverbe (12), une sous-phrase de type adverbial (13) ou un groupe prépositionnel (14). La diversité des cas observes couvre presque tout le spectre des categories, avec comme exception la plus notable les phrases non introduites par un subordonnant. Face ä ces constatations, les grammaires adoptent deux attitudes. La premiere consiste ä enregistrer la varieté de complements ; eile est illustrée par Le Goffic (1993) ou Grevisse-Goosse (1993). La seconde maintient la pri-mauté des complements nominaux et traite les autres cas comme des equivalents du groupe nominal (Riegel et al. 1994 : 370). Elles refletent deux options quant au role de la preposition : dans le premier cas, la preposition est vue, ä l'instar des verbes et des adjectifs, comme un terme constructeur qui determine entre autres la catégorie de son complement, tandis que la preposition est considérée, dans le second cas, comme une catégorie auxiliaire du nom, autorisant son emploi dans des contextes oú un groupe nominal direct est exclu. Il s'agit děs lors de verifier si la seconde option, plus restrictive, peut étre maintenue. Pour bon nombre des exemples allégués ci-dessus afin de montrer qu'une preposition n'est pas nécessairement suivie d'un nom, il n'est pas trěs 13 La preposition enfrangais difficile de prouver qu'il s'agit ďéquivalents d'un groupe nominal. II en va ainsi des exemples (7) ä (9). Il est en effet legitime de considérer qui en (7) comme le pronom téte de la sous-phrase relative et comme ľélément qui lui confere le statut d'un equivalent analytique d'un nom. Il est de méme habi-tuel de traiter les infinitifs complements d'une preposition comme des equivalents de groupes nominaux (voir 8) ; le raisonnement s'appuie d'une part sur l'hypothese generale relative ä la nature hybride, verbo-nominale, de l'infinitif et d'autre part sur ľéquivalence globale entre une structure ä nom deverbal et une structure ä infinitif, comme dans les paires suivantes. (15) Aprěs la lecture de cette lettre, il apris contact avec son avocat. (16) Aprěs avoir lu cette lettre, il a pris contact avec son avocat. (17) II lui a soumis le texte pour correction. (18) II lui a soumis le texte pour le corriger. L'existence d'une troisiěme formulation, comportant une sous-phrase en que, (19) Aprěs qu'il a lu cette lettre, il apris contact avec son avocat. (20) // lui a soumis le texte pour qu 'il le corrige. mene ä considérer que les conjonctions de la forme preposition + que doi-vent recevoir un méme traitement (voir 9)- Un argument supplémentaire en ce sens peut étre trouvé dans le caractěre nominalisateur de que comme dans Je le souhaite, que tu participes ä ce projet. Ceci a pour consequence que les locutions subordonnantes ayant la structure 'preposition' + que ne sont pas considérées comme des unites lexicales, mais comme des unites construites. L'assimilation des infinitifs et des sous-phrases en que complements d'une preposition ä un groupe nominal rencontre toutefois deux types de difficultés. Il existe, en premier lieu, un certain nombre de locutions préposi-tionnelles qui se font suivre d'un infinitif, mais qui excluent un nom, comme quitte ä et sauf ä : (21) J'obtiendrai ce terrain, quitte ä payer le prix fort. (22) // n 'en est pas un qui ne désire ma condamnation, sauf ä pleurer comme un sot quand on me měnera ä la mort. (Stendhal). II faut, en second lieu, tenir compte des lacunes dans la distribution. Les prepositions depuis, děs, pendant, sehn et suivant peuvent ainsi étre suivies d'un groupe nominal et d'une sous-phrase en que, mais non d'un infinitif, tandis que par en combinaison avec commencer peut étre complete par un nom ou un infinitif, mais non par une sous-phrase, méme si parce que existe : u La preposition et le groupe prépositionnel (23) Depuis /pendant la lecture de cette lettre, il est nerveux. Depuis qu Hl a lu cette lettre, il est nerveux. Pendant qu 'il lit cette lettre, il est nerveux. (24) // a commence par la lecture de ce dossier / par lire ce dossier. En plus, ľéquivalence du groupe nominal et de l'infinitif aprěs par est li-mitée ä ce contexte et ne s'observe pas dans la majorite des cas oú par est suivi d'un groupe nominal: (25) L 'élěve peut améliorer ses performances en lecture par ľexercice * par s'exercer. Méme si ľon traite les infinitifs et les sous-phrases en que comme des equivalents de noms, il sera done nécessaire de specifier quelles prepositions peuvent se combiner avec chaque catégorie et, plus en detail, dans quel type d'emploi les diverses possibilités sont attestées. Malgré la presence d'un nom, l'exemple (10) soulěve également des pro-blěmes : le nom nu, non determine, est-il bien ľéquivalent d'un groupe nominal ? Dans ce cas particulier, la réponse semble devoir étre positive, vu l'alternance entre prendre quelqu 'un pour guide /pour le voisin, mais une telle alternance n'est pas garantie dans d'autres cas : il a fait la route ä pied. En plus, certaines prepositions admettent comme complements des suites 'nom + adjectif qui ne fonctionnent jamais comme groupe nominal : (26) On y mange des moules par barriques entiěres. Des observations analogues peuvent étre faites ä propos des cas oů ap-parait un adjectif. Si la these de ľéquivalence avec un nom peut étre main-tenue dans des cas comme traiter quelqu'un de nul, minable,... oú n'apparaissent que des adjectifs pouvant s'utiliser comme des noms et oü les adjectifs alternent avec des noms non determines - traiter quelqu 'un de parasite, traitre... ou dans des structures telies que peindre en jaune, vert..., vu la frequence de la construction sans determinant dans le cas de en et l'appa-rition d'un determinant en cas ďélaboration du complement: peindre le mur en un jaune plus vif d'autres exemples, dont (11), ne peuvent recevoir le méme traitement parce que toute alternance avec un nom ou un groupe nominal est exclue : (27) De reserve, il est devenu franchement taciturne. (28) Elle n'arienlu de remarquable. II n'y plus qu 'une chaise de libre. La these de la nature nominale du complement prépositionnel se heurte également ä la presence comme complements ďadverbes temporeis ou lo-catifs (voir 12) ou de subordonnées introduites par quand, si ou oü (voir 13) : 15 La preposition enfrangais (29) D 'oü vient-il ? II vient de lä. II est passé par ici. (30) D'oü il était, il ne voyait Hen. Quand on est passé par oúje suis passet e). (31) Ce sera fait pour demain /quand vous reviendrez de vacances. Ä bientôt! Cela suffira pour aujourďhui / maintenant. Le fait que certains adverbes temporeis peuvent étre employes nomina-lement (aujourďhui, demain, hier, maintenant) est un argument en faveur de ľhypothese que les adverbes sont, au moins dans certaines circonstances, des equivalents ďun groupe nominal. Est-il süffisant ? On peut en douter vu qu'il existe ďautres adverbes sans emplois nominaux, mais qui peuvent se combiner avec certaines prepositions : bientôt, plus tard (pour plus tard), toujours (pour toujours), ici, lä. En plus, les adverbes de temps et de lieu partagent bien avec les noms certaines propriétés referentielles, mais s'en distinguent clairement sur le plan syntaxique, puisqu'ils ne manifestent aucune catégorie morpho-syn-taxique typique des noms ou des groupes nominaux - nombre, genre, per-sonne - et qu'ils n'entrent pas dans les mémes paradigmes. II semble done prudent d'admettre que certaines prepositions acceptent des complements adverbiaux non assimilables aux noms. L'on peut rapprocher des adverbes, les complements qui ont la forme d'un groupe prépositionnel remplacable par un adverbe de lieu ou de temps (cf. ex. 14) : (32) // vient de derriěre la maison. (33) Il est passé par devant la mairie. (34) Cette aile date d'avant la transformation du prieuré enferme. Les deux prepositions ne forment pas une expression complexe inanaly-sable, comme d'apres(ci. chapitre III. § 1.5.), mais le groupe dont la seconde preposition est la téte sert de complement ä la premiere. Or, ce complement ne peut pas étre traité comme un groupe nominal, ä moins d'admettre que la preposition n'affecte pas le statut catégoriel du groupe, qu'elle n'est done pas la téte de celui-ci. L'examen des exemples (6) ä (14) nous conduit ä adopter une position réservée quant ä la nature nominale des complements de la preposition. Méme si une equivalence avec un groupe nominal peut étre admise dans de nombreux cas, d'autres sont réfractaires ä une telle assimilation. La conclusion prudente ä laquelle nous sommes parvenu peut étre renforcée par deux considerations, montrant que le complement d une preposition peut avoir certaines propriétés phrastiques. 16 La preposition et le groupe prépositionnel La gamme des complements possibles n'est en effet pas limitée ä des constituants simples, comme ceux qu'illustrent (6) ä (14), mais eile s'étend aux structures predicatives a-verbales, comme dans (35) : (35) Us ont visité lesfouilles avec le directeur comme expert. Avec mafille malade / ä ľhôpital, je nepourraipas assister ä la reunion. Le complement d'avec est une structure de type phrastique comportant un support nominal (le directeur, mafille) et un prédicat prépositionnel ou adjectif (comme expert, malade, ä ľhôpital). En plus, le complement peut étre accompagné d'adverbes extra-prédicatifs qui referent ä divers aspects de la modalite phrastique, comme dans (36) : (36) Des mesures de compression des frais ont été propnsées, avec notamment la suspension des enseignements facultatifs. De tels complements ne peuvent toutefois apparaitre dans un groupe nominal. Un exemple comme (36) soulěve děs lors deux questions que nous ne ferons qu'évoquer : la premiere concerne le statut du complement, qui n'est ni un groupe nominal, ni une phrase ou sous-phrase canonique ; la seconde concerne l'identification des propriétés qui légitiment l'insertion des adverbes extra-prédicatifs. En conclusion, il ressort clairement des données rassemblées ci-dessus que la preposition n'entretient pas de lien exclusif avec le groupe nominal, méme si cette association est privilégiée. La seule contrainte generale est negative : le complement d'une preposition ne peut étre une structure phrastique ä forme verbale finie qui n'est pas nominalisée. Les données montrent également que toutes les prepositions n'ont pas les mémes latitudes combi-natoires, ce qui soulěve la question du pouvoir de construction ou valence des prepositions individuelles. 2.2. La valence des prepositions A l'instar des verbes, des adjectifs et des noms, les diverses prepositions n'ont done pas la méme capacité combinatoire. Il suffit d'opposer ä la large gamme de complements qu'admet pour (cf. ex. 6 ä 14) la combinatoire de chez, restreinte aux groupes nominaux dans leurs trois variantes : determinant et nom commun, nom propre et pronom. En plus, il ne suffit pas d'enregistrer les combinaisons de categories ob-servées pour une preposition. Il faudra préciser le mode de construction. Ainsi, il s'agira de determiner pour les prepositions qui admettent comme complement une sous-phrase quelle est la distribution de ce que (ä ce que, de ce que, en ce que, parce que, sur ce que) et de que (aprěs que, avant que, depuis que, děs que, malgré que, pendant que, pour que, pourvu que, sans 17 La preposition enfrangais que, selon que, suivant que) ou de signaler I'apparition de de devant ľinfinitif complement savant et l'exclusion de cet element dans les autres cas. II en va de meine pour les noms ; il convient en particulier de détailler la distribution des noms nus, dépourvus de determinant, en contraste avec celle des groupes nominaux determines, comme il ressort des exemples suivants : (37) Elle a retrouvé le texte par hasard par un hasard extraordinaire par le hasard le plus étonnant. (38) Äs livrent les ordinateurs par camions entiers. Les exemples montrent en plus que la combinatoire ne peut étre établie ni pour la classe des prepositions, ni pour chaque preposition particuliěre, mais qu'elle doit étre décrite séparément pour les divers emplois. Sur ce point, les prepositions se component done comme les membres d'autres classes de mots majeures, car pour les verbes, prototypes des lexemes cons-tructeurs, la valence ne se determine ni au niveau de la classe, ni au niveau des lexemes, mais en relation avec les emplois (cf. notamment Riegel et al. 1994 : 216-217). Deux considerations additionnelles doivent étre introduites ä ce point. Il importe en premier lieu de souligner que dans le couple forme de la preposition et du complement, e'est bien la preposition qui sélectionne, et en second lieu ďattirer l'attention sur certains items lexicaux, habituellement considérés comme des prepositions, mais dépourvus de ce pouvoir de construction. Que ce soit bien la preposition qui sélectionne, sur le plan syntaxique, son complement et non inversement ressort évidemment des irrégularités d'ordre distributionnel mises en evidence dans les développements qui precedent et plus encore du fait que certains complements ont une forme qui ne leur permet pas de fonctionner dans d'autres contextes ; ceci est le cas de la structure 'nom + adjoint' dans U fautprévoir troisplantespar metre carré. Un troisiěme argument en faveur du role determinant de la preposition est la constatation que la forme du complement est dans de nombreux cas déter-minée par la place que la preposition occupe dans la structure phrastique, par sa fonction ; un bon exemple est fourni par l'exemple (10), vu que pour admet un nom nu dans les contextes ou la preposition introduit un prédicat second, mais non ailleurs. II existe par ailleurs des unites lexicales étiquetées 'preposition' qui ne manifestent pas, ou pas toujours, le pouvoir de selection et que l'on doit done considérer comme des prepositions a-sélectives. Ceci est le cas de sauf, á'excepté et de quelques autres termes analogues, comme il ressort des exemples suivants : (39) // n 'a vu personne sauf/ excepts Jean. 18 4 La preposition et le groupe prépositionnel (40) Elle a parle de tout le monde sauf/ excepté de Monique. (41) La police a cherché dans toute la maison /'partout, sauf/ excepté dans le garage. La structure du complement depend non de sauf ou á'excepté, mais d'autres elements dans la phrase : le verbe dans les deux premiers cas, le complement locatif dans le troisiěme. Dans ľemploi exceptif, saufest done a-sélectif, alors qu'il determine la construction des complements dans d'autres cas comme sauferreurde ma part / sauf exception ou dans la combinai-son sauf ä suivie d'un infinitif. Si la detection des prepositions a-sélectives nous montre que la classe traditionnelle est moins homogene qu'il n'y paraít ä premiére vue, la nécessi-té de décrire en detail la combinatoire des prepositions individuelles apporte de nouveaux arguments en faveur de ľhypothése que la preposition est la téte du groupe au sens plein du terme. 2.3- Le complement de la preposition est-il nécessaire ? Une preposition seit, en principe, ä introduire un complement dans la phrase ; les grammaires signalent toutefois que de nombreuses prepositions peuvent apparaítre, dans certaines circonstances, sans leur complement. Du point de vue des conditions d'absence du complement, il y a lieu de distinguer trois types de cas, selon que le complement peut étre reconstitué ä partir du contexte, ä partir des informations générales que la preposition livre quant ä ses complements potentiels ou ä partir des informations lexicales que fournissent la preposition et les termes dont eile depend. Le complement peut en premier lieu étre récupérable dans le contexte, qu'il s'agisse du co-texte antérieur immédiat ou, le cas échéant, de la situation. La preposition introduit en quelque sorte une anaphore ou un déictique zero : (42) Es-tu en faveur de cette proposition ou contre ? (43) La balle roule et il court aprěs. (44) Lance-la juste aprěs ! (45) Montez devant et descendez derriěre. (panneau dans un bus) Le complement absent peut également recevoir une valeur generale ; tout terme qui pourrait convenir peut étre envisage, comme dans la formule Cest selon. Ce type d'emploi est rare, vu que les prepositions ne fournissent qu'exceptionnellement des indications suffisamment precises quant ä la classe des complements. 19 La preposition enfrangais En troisiěme lieu, I'absence de complement peut étre le signe d'une interpretation spécifique. Dans (46), qui appartient au francais regional du Nord et de la Belgique, (46) II a laissé la porte contre. ľabsence de complement laisse entendre que la porte n'est ni close, ni ouverte, mais qu'elle touche le chambranle. Ľinterprétation est conditionnée par la presence du verbe et du nom porte. La combinaison du verbe et de la preposition s'observe également dans (47), qui occupe une position intermediate entre (42-43) et (46) : (47) // lui court aprěs. La preposition aprěs est le signe d'une interpretation spécifique du verbe, ä connotation agressive ou sexuelle. Le pronom lui évoque le tout af-fecté par le verbe comme dans les structures ä complement prépositionnel du type suivant: (48) // lui passe un mouchoir sur le visage. La merae relation méronymique s'observe, implicitement, en (47) et jus-tifie le rapprochement avec (42-43), qui sont toutefois distincts parce que le pronom, contrairement ä l'opinion de nombreux grammairiens, n'est pas, ä proprement parier, le complement de la preposition : une telle cliticisation du complement serait ďailleurs contraire au caractěre d'ile que possěde le groupe prépositionnel (propriété D et § 2.5.). La typologie des cas d'absence est parallele ä celie que ľon peut établir pour les complements des verbes. On opposera ainsi, I'anaphore zéro {Ilse verse un cognac et boit ä petites gorgées.), le déictique ( (tendant un verre) Bois, cela te rétablira.'), ľabsence ä effet de generalisation {IIf aut boire aprěs le repas et non avant.) et ľabsence ä effet spécifique (// parait que Jules boit.). Le parallélisme avec les verbes s'étend ä un autre point: tout comme tous les verbes transitifs n'admettent pas un emploi absolu, ä complement direct non exprimé, certaines prepositions n'admettent pas ce type ďemploi comme děs, en, envers ou par ou ne le font que dans des circonstances ex-ceptionnelles, telies ä ou de pour lesquelles il n'existe que quelques exem-ples dont: (49) // n 'estpas un homme qui se complait, qui accepte, qui se morfond, pour qui la torpeursuccede au sommeil, ľamertume ä laferveur, qui reste dans. II est un homme qui vad.. (Vailland, cite Cervoni 1991). (50) Cest {'analogue de ľamour, une aspiration vers. (Barrěs, cite Grevisse-Goosse 1993 : §992). (51) Vbila que mon pere arrive ä un äge de, je suis force de le remplacer. (Damourette et Pichon, § 3040) 20 La preposition et le groupe prépositionnel (52) La plupart du temps la reference temporelle de la phrase est incluse (comme partie de) dans la reference temporelle de ľexpression temporelle. (J. Moeschler, cite Ilinski 2000). Le dernier exemple est ä distinguer des precedents dans la mesure oú la preposition et le nom dont eile depend ferment une unite dont la coherence va ä ľencontre de ľobservation generale que la preposition est, en francais du moins, bien plus liée ä son complement qu'ä sa tete externe, méme si dans ce cas un complement general est implicité. Ce dernier trait ressort clai-rement de ľexemple suivant dans lequel les parentheses verbalisent l'impli-cite et le trait d'union explicite le caractěre construit de la suite 'téte + preposition' : (53) Or, si I'apparence n'est ni apparence-de (d'un étre), ni apparence-pour (pour un etre), mais si eile est «pure - (comme dit Alain) ou ahsolue, n'étantplus délimitéepar des étres, eile est le Tout, et děs tors, •< tout change», panta rhei, ce qui est le mot d'Héraclite. (M. Conche, Le magazine littéraire Janvier 2001 : 21). Enfin, dans, hors, sous, sur disposent, au moins pour certains emplois, d'une variante morphologique en de- qui apparait en I'absence d'un complement explicite : (54) // a regardé dans Varmoire, mais ni dessous, ni dessus. (55) // lui est tombé dessus. (Il lui est tombé sur le räble.) Ces termes impliquent toutefois un complement zero, anaphorique dans le premier cas et spécifique dans le second. lis ne peuvent done ni étre trai-tés sans plus comme des adverbes, ni comme des formes pronominales, \ méme s'ils partagent certains traits avec ces deux categories, comme la commutation avec des adverbes de lieu (cf. § 3-5.) ou la possibilité de fonctionner comme nom locatif en combinaison avec un determinant. Ľabsence de complement est pourtant souvent interprétée comme un signe d'adverbialisation ; une telle interpretation ne s'impose pas. Il semble au contraire legitime de considérer qu'il y a toujours un complement, mais que sa realisation peut se faire sous la forme d'un element vide. La presence de ce complement non verbalise peut ďailleurs étre mise en evidence par la formulation d'une question ou par une recherche en memoire, comme dans le passage suivant de L. Malet que cite Ilinski (2000 : 276) : (55) f'ai peut-étre quelque chose pour toi, dit-elle. - En rapport avec ? - En rapport avec ? Que... Ah ! Oui, que je suis béte !Je ne comprenais pas. Oui, en rapport avec. L'examen des prepositions sans complement explicite, loin d'infirmer le caractěre relationnel de la classe, confirme done celui-ci de maniere 21 Wl La preposition enfrangais paradoxale et montre gue la combinatoire des prepositions seiend, pour certaines, ä ľélément zero. 2.4. Ľunicité du complement II est communément admis qu'une preposition ne construit qu'un complement, éventuellement complexe par coordination. Touš les exemples proposes ci-dessus illustrent cette propriété qui ne se vérifie toutefois pas systématiquement. H existe en effet une structure productive du type Na preposition Na, illustrée par coup sur coup, oeilpour oeil, page aprěs page ; la preposition y est accompagnée de deux complements situés de part et ďautre de la téte. On pourra děs lors parier ďune structure en interposition (Melis 2000a). Les groupes ä interposition peuvent apparaítre dans divers contextes syntaxiques, soulevant de délicats problěmes ďanaľyse. (56) // a recu coup sur coup deux appels de Paris. (57) i/ a glose le texte mot ä mot. (58) Le critique opposait citation ä citation. (59) II a rendu coup pour coup. (60) II a commis erreur sur erreur. (61) // a annoté / efface ligne aprěs ligne. Anticipant quelque peu sur le theme du § 3-, nous voudrions attirer l'at-tention sur certaines differences entre les trois groupes d'exemples. Dans le premier groupe (ex. 56 - 57), la preposition lie non seulement les deux noms, mais eile assure ľintégration de ľensemble dans la phrase, puisque le tout fonctionne comme un complement adverbial de maniere. Dans le second groupe d'exemples (ex. 58 - 59), ľunité du groupe est rompue au plan fonctionnel: le premier nom semble saturer la position de complement direct du verbe, alors que la preposition et le second nom occupent une position fonctionnelle de complement indirect, respectivement essentiel et non essentiel. Ľunité syntagmatique, mise en evidence par le test de déplace-ment, et ľintégration fonctionnelle suggěrent done des découpages diffé-rents. Ce paradoxe ne s'observe pas dans le troisiěme groupe (ex. 60 - 61), mais cette fois, ľensemble forme de la preposition et des deux noms fonctionne comme complement direct du verbe ; la preposition lie done les deux noms, un peu ä la maniere ďun coordonnant, mais eile n'en determine pas le fonetionnement phrastique. Quel que soit le mode ďintégration dans la phrase, la structure en interposition est, du point de vue syntagmatique, un seul constituant, comme il ressort des tests de déplacement: 22 ! La preposition et le groupe prépositionnel I (62) Cest mot ä mot qu 'U a glose le texte. * C est mot qu'il a glose ä mot. (63) Cest citation ä citation que le president du jury lui a oppose- * Cest citation que le president du jury lui a oppose ä citation. (64) Cest ligne aprěs ligne qu'il a efface. ' * Cest aprěs ligne qu 'il a efface ligne. * Cest ligne qu 'il a efface aprěs ligne. Il semble done que le découpage syntaxique effectué selon des eritěres paradigmatiques, fonctionnels et syntagmatiques ne coincide pas toujours. Outre les problěmes d'analyse et d'absence de correlation entre niveaux que révěle le fonetionnement de certaines prepositions comme interpositions, celui-ci mene done aussi ä réduire la distance qui sépare la preposition du coordonnant. Celle-ci est également battue en breche par des données comme (65) Le murmure des sources avec le hennissement des licornes se mélent ä leurs voix. (Flaubert) (66) Bertrand avec Raton, I'un Singe et Vautre Chat, Commensaux d'un logis, avaient un commun maitre. (la Fontaine) (67) La nuit et toutes ses horreurs va descendre en notre äme. (P. Borel, cite Brunot 1922 : 266) Avec semble s'y comporter comme un coordonnant, provoquant l'ac-cord au pluriel, alors que el pourrait bien devoir étre envisage ici, exception-nellement, comme une preposition, vu que la forme verbale est au singulier. Les emplois des prepositions en interposition et les emplois, plus margi-naux, comme (quasi-)coordonnants n'obligent pas seulement ä admettre qu'une 'preposition' peut avoir, parfois, deux complements ; ils constituent également une entorse ä un principe généralement observe, selon lequel le complement de la preposition suit cette derniěre, se conformant d'ailleurs sur ce point ä la caractéristique generale du francais d'etre une langue ä téte initiale. Ce premier ne souffre toutefois guěre d'exceptions si la preposition n'a qu'un complement. Des formules telies que des années durant témoignent moins de la possibilité ďantéposer le complement de la preposition que du figement ďune étape dans le glissement du participe ä la preposition, comme ľattestent les formules paralleles avec accord des participes excepté ou ci-inclus : cette copie tardive exceptée, voir Vattestation ci-incluse. On ne tiendra pas non plus compte des structures composées du type ci-aprěs ou lä-devant révélatrices des propriétés spécifiques de ci ou la, mais non des propriétés fundamentales des prepositions. Le seul fait ä noter est l'existence de la structure ä... pres : (68) ä quelques centimetres / francs pres 23 ía preposition en francais La preposition et le groupe prépositionnel (69) Le rapport tient compte de toutes les observations, ä cette remarque désobligeante pres. (70) Le rapport final est conforme au brouillon que vous avez vu, ä cette difference pres qu'il est tenu compte de deux de vos observations. Le complement, ou du moins son noyau, vient se placer entre les deux composantes de la locution, qui forme une sorte de «circum»-position, structure tout ä fait exceptionnelle en francais, mais bien attestée dans d'au-tres langues, comme le néerlandais (naarde menšen toe, vers les gens soit lit-téralement vers les gens jusqwa). 2.5. La cohesion du groupe En francais, la cohesion de la preposition et de son complement est forte. II n'existe par exemple pas de phénoměne comparable au phénoměne que la grammaire de ľ anglais appelle preposition stranding ou échouement de la preposition : (71) the book he is looking for is lost Littéralement LE LLVKE IL EST CHERCHANT POUR EST PERDU Le livre qu'il cherche est perdu. En general, la cohesion du groupe est telle qu'aucun element extérieur ne peut ětre mis en relation avec le complement par-dessus la barriěre que constitue la preposition, qui donne au groupe le statut ďune íle. Ainsi, les pronoms dont et en ne peuvent étre rattachés aux complements des prepositions de et ä dans les phrases inacceptables en francais contrôlé : (72) * cet hommeje m'en souviens de la couleur des cheveux (73) * ta chambre dontj'ai donne un coup defer aux rideaux. íl existe toutefois quelques cas oú cette cohesion semble étre brisée. II faut en premier lieu signaler un exemple isolé avancé par Damourette et Pi-chon (§ 3028) : (74) Combien comptez-vous sur de personnes ? exemple toutefois peu probant, car il est généralement considéré comme inacceptable et ľantéposition étonnante de combien semble liée au position-nement de ľinterrogatif ä ľinitiale absolue. En plus, le francais moins soute-nu admet certaines structures oü dont est mis en rapport avec le complement d'une preposition ; les jugements varient ainsi ä propose de (75), qui est en tout cas interprétable : (75) ? le livre dont je me souviens de la couleur En second lieu, il convient de mentionner des structures coordonnées qui contiennent en plus un adjoint unique, mais qui est ä relier au complement de chaque preposition : 24 (76) // est étrange qu 'il ait vote pour la loi Colard et contre la proposition Baude, comportant toutes deux des mesures en faveur des immigrés. (77) On a trouvé des traces sous les armoires et dans les placards du salon. (78) // a parlé ä l'enseignant et ä ľéléve qui se sont disputes hier. La mise en commun de complements ou d'adjoints qui occupent la position droite dans des structures coordonnées est courante : (79) Cette firme achěte et vend du café non torréfié. (80) On vient de rééditer les nouvelles et les poemes de Nerval. Ce qui caractérise toutefois les exemples avec preposition, c'est que le constituant commun ne se rapporte pas aux prepositions coordonnées, mais au nom téte du groupe nominal et qu'il doit děs lors ětre mis en rapport avec ce nom ä travers la barriěre prépositionnelle. Pour résoudre la difficulté et régulariser la structure, on pourrait émettre 1'hypothěse suivante : le coor-donnant hérite des deux prepositions coordonnées le trait de classe confé-rant ainsi ä l'ensemble le statut de groupe prépositionnel, alors que les autres traits, différenciateurs, restent affectés ä chaque preposition. L'adjoint ne sort, dans cette hypothěse, pas de l'ile définie par le groupe prépositionnel. Le coüt de cette hypothěse est l'introduction d'une nouvelle distinction en niveaux, qui vient s'ajouter ä la distinction entre propriétés syntagmatiques et propriétés fonctionnelles, caractérisant certains emplois des prepositions en interposition. Le troisiěme type de cas qui pourrait soulever des problěmes a été mis en evidence par Kayne (1977) ; il s'agit d'adjoints lies au complement de la preposition 'dative' ä -. (81) ? Ces femmes ä qui j'ai parlé ä toutes. (82) ? Lmpatiente, ilfaut tout immédiatement ä Gertrude. Dans ces deux exemples, un adjoint {ä toutes, impatienté) est ä relier au complement de la preposition. On notera toutefois le caractěre marginal de ces exemples et la difficulté ä les faire reproduire par des informateurs non prévenus. lis témoignent peut-étre plus du caractěre second des complements prépositionnels datifs par rapport aux formes pronominales clitiques, qui admettent bien plus facilement de telies associations (cf. chapitre II. §3.3.1.): (83) Je leur aiparlé ä toutes. t (84) lmpatiente, il luifaut tout immédiatement, ä Gertrude. 25 La preposition en francais 2.6. La preposition comme téte du groupe prépositionnel Ľexamen des propriétés qui caractérisent le rapport entre la preposition et son complement a permis de nuancer le tableau des propriétés habituelle-ment attribuées ä la preposition. II en ressort que la preposition sélectionne bel et bien un complement, dont eile determine la construction et avec le-quel eile forme un groupe ä cohesion forte. II se confirme done que la preposition est bien la téte du groupe prépositionnel. Cette conclusion provisoire peut venir s'appuyer sur un dernier argument: la preposition peut recevoir un spécificateur de degré, qui comme tous les marqueurs de degré vient s'insérer ä gauche : (85) II pénetre presque / loin / ä peine dans la maison. (86) Elle est arrivée juste avant/ aprěs mot. Le complement n'est toutefois pas nécessairement un groupe nominal ou un equivalent de groupe nominal; toute catégorie majeure, ä l'exception des structures dont la téte est un verbe fini, peut servir de complement ä la preposition, ä condition que la valence de celle-ci ľadmette. Une telle variation ne doit pas étonner, car eile s'observe également pour la complementation du nom, du verbe et de la phrase. En plus, ce complement connait une realisation zero sous des conditions qui sont paralleles ä celieš que ľon observe dans le cas du verbe. Enfin, certaines prepositions connaissent d'autres usages. Un usage a-sé-lectif de certaines prepositions a, d'une part, pu étre mis en evidence et, d'autre part, un emploi ä double complement a été défini, que la preposition fonctionne en interposition ou comme ligateur coordonnant. 3. Le groupe prépositionnel intégré La definition classique, rappelée au § 1, permet d'attribuer ä la preposition quatre propriétés qui referent ä son integration dans des structures en-globantes : la phrase, le groupe verbal, le groupe adjectif ou le groupe nominal. La premiere (F) signále que la téte externe sélectionne la preposition et que son complement n'est pas soumis ä une selection directe, mais tout au plus ä une selection indirecte, par ľintermédiaire de la téte préposi-tionnelle. La propriété G stipule en plus qu'une preposition introduit tou-jours un groupe qui depend ďune téte externe. Ainsi, la preposition assure ľintégration du groupe dans cette structure (H). Ceci implique que la preposition est indispensable ä la bonne formation de la structure. Enfin, la preposition est tenue pour le facteur determinant dans le processus de categorisation paradigmatique du groupe (I). 26 La preposition et le groupe prépositionnel Avant de verifier la validitě de ces diverses propriétés, il importe de pré-ciser certains mécanismes qui assurent la mise en rapport de la preposition et de la téte externe ä laquelle eile se rattache, en particulier le mécanisme de selection. 3.1. Les trois modes de selection de la preposition Si la preposition est la téte du groupe prépositionnel, c'est eile qui est sé-lectionnée lors de ľintégration du groupe dans la structure globale. Cette sé- [ lection peut se faire selon trois modes distinets illustres par les exemples ■: suivants : (87) Selon la météo, des averses violentesperturberont la circulation pendant plusieurs jours dans la region de Toulouse. (88) Pierre compte sur ses amies. (89) Ľéglise de Quévilly a été classée monument historique. Dans ľexemple (87), les trois prepositions mises en evidence semblent s'intégrer dans la phrase en vertu de leurs propriétés sémantiques et syntaxi-ques intrinséques et des facteurs situés au niveau de la structure matrice. Ces facteurs témoignent ďun processus de selection sur des bases syntactico-sé-mantiques. L'exemple (88) illustre un processus different: la selection de sur depend de la presence du verbe compter; on pourra parier d'un mode de selection lexical. En (89) enfin, la selection de la preposition de semble liée ä des contraintes d'ordre structurel: un complement du nom doit, sous certaines conditions, étre introduit par de. \ Il convient d'examiner ces trois modes et leurs eventuelles interactions de plus pres afin de mieux saisir la maniere dont une preposition et son complement viennent s'intégrer dans une structure plus complexe. 3-1.1. La selection syntactico-sémantique Le mode de selection syntactico-sémantique est généralement associé aux emplois libres des prepositions, e'est-a-dire aux emplois comme téte d'un complement accessoire, dit circonstanciel, ou d'un adjoint du nom. Le facteur sélectionnant est, dans le cas des groupes prépositionnels qui viennent s'intégrer ä la phrase, une caractéristique generale de son architecture comme l'aspect, le temps ou la modalite. L'exemple (87) permet d'illustrer les mécanismes en jeu. Ainsi l'exclusion de selon la météo dans certaines su-bordonnées montre-t-elle que ľintégration de ce constituant est soumise ä des contraintes : la structure matrice doit étre marquee pour des propriétés énonciatives, absentes de la sous-phrase completive d'un verbe comme craindre. 27 M La preposition enfrangais (90) * Les organisateurs de ľépreuve craignent que de violentes aversesperturbent, selon la météo, la circulation. Ľintégration du complement aspectuel pendantplusieurs jours est, eile aussi, soumise ä des conditions precises au niveau de la matrice ; celles-ci af-fectent avant tout le lexeme verbal et sa construction et accessoirement ľas-pect verbal et la presence ou ľabsence de la negation. Le locatif enfin est également contraint par des propriétés phrastiques puisqu'il s'interprete en fonction du temps verbal, alors que le locatif dans la phrase (91) // a touché son adversaire au bras droit. ne fait pas reference aux propriétés phrastiques, mais uniquement aux com-posantes du groupe verbal, au sens étroit du terme : le verbe et son complement. Les contraintes ont done une double nature : elles font reference ä la structure de la matrice et ä ses propriétés sémantiques, dont ľinteraction avec le sens de la preposition sera examinee dans le chapitre II (§ 2.1.2. et 2.2. - 2.3.). Pour que la preposition puisse integrer le groupe dont eile est la téte dans la matrice, il faut qu'elle soit compatible avec les contraintes. Or, cette compatibilité se calcule non par reference ä la preposition isolée, mais par reference ä la valeur du groupe prépositionnel, obtenu de maniere composi-tionnelle ä partir de la preposition et de son complement. Le cas dependant permet de mettre aisément en evidence cet aspect. La preposition évoque systématiquement ľidée de durée ; celle-ci sera toutefois spécifiée grace aux propriétés véhiculées par le complement. Si le complement combine une expression quantitative et un nom temporel (plusieurs jours, quatre mois), il définit une quantité de temps et le groupe prépositionnel dans son ensemble prend une valeur aspectuelle. Si par contre le complement référe ä un intervals (pendant la matinee, ces quatre mois), la combinaison avec pendant définit un intervalle sur faxe du temps. Les conditions ďintégration en se-ront fondamentalement modifiées, puisque les conditions relatives aux complements temporeis se déterminent au niveau du temps, tandis que les conditions propres aux complements aspectuels se situent principalement dans le groupe verbal. 3.1.2. Le mode de selection lexical Le mode de selection lexical est associé au phénoměne des prepositions fixes accompagnant certains verbes, noms et adjectifs ou certaines combinaisons d'un verbe support et d'une sequence non verbale. Le choix de la preposition est spécifique : (92) compter sur, consister en, opter pour, parier de, penser ä ; apte á ; 28 La preposition et le groupe prépositionnel (93) attitude envers, haine pour, modification par ; (94) avoir confiance en, faire confiance ä. Le choix de la preposition n'est certes pas indépendant de son séman-tisme et de celui du terme recteur (cf. chapitre II), mais la fixation de la preposition rend la composante sémantique moins saillante. Celle-ci n'est toutefois pas totalement absente, puisque certaines tétes lexicales admettent plus d'une preposition et que cette variation est significative. Trois cas de figure peuvent en effet se presenter : _ les prepositions admises sont des contraires - voter pour ou contre - avec de fréquentes neutralisations : un remede pour/contre le rhume des Joins ; - les prepositions introduisent une différenciation mineure ; ainsi mélanger se combine de preference avec ä en cas de combinaison asymétrique (mélanger le sel äla farine), tandis que mélanger avec s'utilise principalement en cas d'équivalence fonctionnelle : mélanger le beurre avec le sucre pour en faire un ruban ; - les prepositions sont différenciées en fonction du sens global de la combinaison : croire ä/ en ; compter sur /avec - sans. L'association trěs étroite de la preposition fixe ou quasi fixe et du terme recteur fait que les liens entre la preposition et son complement semblent se distendre sur le plan de la selection, car e'est bien l'association comme ensemble et non la preposition seule qui sélectionne le complement. Ainsi la suite sur ta bienveillance est-elle en isolation une combinaison pour le moins inattendue, sur ne sélectionnant habituellement pas un nom abstrait de ce type, mais eile est naturelle dans (95) // compte sur ta bienveillance. Il apparaít děs lors une tension entre les propriétés de selection et les propriétés formelles de la preposition. Dans les combinaisons remedepour/ contre, la selection du complement est ainsi, au moins en partie, fonction du nom téte, mais les propriétés formelles du complement dependent de la preposition : seul pour autorise un infinitif. En plus, la preposition et son complement forment toujours une unite forte sur le plan syntagmatique, alors que le terme recteur et la preposition peuvent sans problěmes étre dissociés dans la chaíne. De ce point de vue, le francais diffěre profondément de lan-gues comme l'anglais clans lesquelles existe le phénoměne des verbes ä par-ticules : stand up, look for, etc. Le processus de selection est done fonciěrement different de celui qui s'observe dans le cas de la selection syntactico-sémantique : dans ce cas la combinaison de la preposition et de son complement aboutit ä une entite dotée de propriétés spécifiques ; celle-ci peut ensuite venir s'intégrer dans ľarchitecture de la phrase. Dans le mode lexical au contraire la téte externe 29 La preposition enfrangais la preposition et le groupe prépositionnel et la preposition se combinent d'abord pour sélectionner ensuite le complement. Les deux modes de selection ne sont cependant pas mutuellement ex-clusifs. II existe en effet au moins une catégorie de verbes qui sélectionne un groupe prépositionnel comme complement, mais oil intervient le mode de selection syntactico-sémantique. Il s'agit des verbes de déplacement oriente ou verbes directionnels (venir, aller, entrer, sortir, conduire, envoyer,...), ainsi que de leurs contraires (étre, rester, se trouver,...). Ces verbes requiěrent un complement qui peut prendre la forme d'un groupe prépositionnel, d'un ad-verbe ou, au moins dans certains cas, d'un groupe infinitif, mais ils n'impo-sent pas de preposition spécifique, merne s'ils déterminent certaines orientations. Ainsi aller, conduire, entrer et envoyer n'admettent-ils qu'une orientation prospective : la preposition de est děs lors exclue, mais tout autre groupe ä valeur locative est acceptable, pour peu qu'il puisse designer un lieu stable et done un point d'aboutissement: (96) II va ä ľécole, dans ľécole, vers ľécole, sur le toit, sous I'auvent,.... Il en va de raéme des verbes statiques, qui en vertu de leur sémantisme, excluent vers, mais admettent les autres prepositions qui peuvent se combiner avec aller. Venir et sortir imposent moins de restrictions encore, puisque l'orientation du déplacement n'est pas déterminée ; on aura done tant venir ä que venirde. Si le verbe intervient done, dans une certaine mesure, dans la selection de la preposition, celle-ci conserve, par rapport ä son complement, toute son autonomie et eile fonctionne, de ce point de vue, exactement de la merne maniere que les prepositions dans les complements accessoires. Il n'est děs lors pas étonnant que la tradition de l'analyse grammaticale en fonctions a eu bien des difficultés ä situer ces complements, qui sont souvent ranges ä tort pármi les complements circonstanciels et qui ne peuvent pas non plus étre assimilés aux complements dits d'objet indirect ou complements prépositionnels, impliquant précisément la selection lexicale de la preposition. Il est en outre ä noter qu'il existe des cas intermédiaires entre la selection lexicale au sens plein du terme et la selection sur des bases syntactico-sé-mantiques et done entre les cas oü la preposition est attirée par le verbe rec-teur et ceux oü eile forme, de tous points de vue, bloc avec son complement. Des verbes comme (s') accrocher, s 'adresser ä ou annexer ä permettent ďil-lustrer cette transition. Le premier n'autorise que quelques prepositions, principalement ä, mais également apres et contre ; il admet en plus des ad-verbes locatifs, comme les verbes de mouvement. Pour le second, le choix de ä est contraint, ä ľinstar des verbes qui sélectionnent la preposition selon le mode lexical; mais le complement commute avec un adverbe locatif, par exemple ľinterrogatif oü ? et, en plus, la preposition et son complement nservent jeur vaieur propre. Un verbe tel o^annexer ä occupe une position encore plus proche du pole lexical, puisque la commutation avec un ad-verbe locatif n'est plus possible. Le cas n'est toutefois pas tout ä fait assimilable ä celui de verbes du type penser ä, vu que le groupe prépositionnel conserve une plus grande autonomie sémantique. j, 1.3. La selection structurelle Le troisiěme mode de selection, la selection structurelle, a surtout été mis en evidence dans le domaine de la complementation nominale. Divers lin-guistes avancent l'hypothese qu'un nom ne peut recevoir de complement que par ľintermédiaire d'une preposition, en particulier de. Cette preposition n'est pas spécifique, ä ľopposée de par ou de pour avec les noms d'ae-tion ou de sentiment; eile n'est pas non plus significative au sens fort du terme, contrairement aux complements prépositionnels locatifs dans ľéglise ä Quévilly. Sa seule raison d'etre est apparemment ďordre structural; il s'agit de combler un vide syntaxique et ďindiquer, dans les termes les plus géné-raux possibles, qu'il existe une relation qui va du complement ä la tete nominale, de telle sorte que le complement spécifie ou particularise la tete (Bartning 1993). Une telle analyse ne convient certes pas ä ľensemble des complements du nom, méme pas si ľon se limite aux complements intro-duits par de; ainsi la preposition semble conserver son sens spatial dans (97): (97) La vue de lafenětre est magnifique. Elle peut néanmoins convenir au cas des complements qui commutent avec le determinant possessif et aux sequences N de N, proches de noms composes comme mal de mer, chien de berger ou salle de bains. Le cas de ces complements du nom n'est pas le seul pour lequel une selection structurelle semble devoir étre envisagée. Dans trois autres cas, cette hypothěse peut étre défendue : les complements des verbes réflexifs, la construction/flire infinitif et le datif. Certains verbes transitifs, tels apercevoir et attendre possědent en effet une construction reflexive autonome et, dans ce cas, le complement est introduit par une preposition : s'apercevoir de et s'attendre ä. Son apparition semble dietée par le fait que la position du complement direct est inaccessible, étant donne que ľindice de reflexivitě se ľoc-cupe ; le contraste entre de et ä montre que le sens de la preposition est toujours pertinent. Le second cas s'observe dans la construction dite factitive ; la preposition s'impose en effet dans (98) // a fait dessiner le paysage ä /par ses éleves. pour des raisons structurelles : le verbe complexe faire dessinerne dispose que d'une place de complement direct (Il a fait dessiner le paysage / il a fait 30 31 La preposition enfrangais La preposition et le groupeprépositionnel dessiner ses élěves) et si deux candidats se présentent, la preposition s'im-pose. L'exemple (98) montre en outre que la selection d'une preposition due ä des conditions structurelles n'est pas incompatible avec l'attribution d'un sens ä la preposition. En effet, le choix de ä ou de par peut étre significatif : la selection de ä signále que 'les élěves' sont associés comme partenaires et bénéficiaires au proces, alors que le choix de par leur attribue plutôt un role ďexécutant. Le contraste apparaít nettement quand on integre (98) dans un contexte plus large : (99) Leprofesseur a fait dessiner cepaysage ä ses élěves afin de les rendre sensibles ä la luminosité. (100) En accord avec la pratique habituelles des ateliers du XVLIe, cepeintrefaisait peindre les paysages par ses élěves, se réservant les parties nobles, tels les visages. L'exploitation du contraste entre ä et par est toutefois soumis ä des con-traintes formelles. Il existe en effet des contextes dans lesquels seule une des deux prepositions est admise. La presence d'un complement indirect intro-duit par ä ou de forme pronominale impose le recours ä par (101) et la non-disponibilité du passif le recours ä la preposition ä (102) : (101) Elle a fait écrire une lettre de protestation ä son percepteur par un avocat specialise. (102) Cet instituteur brouillon a fait perdre le Nord aux enfants. Le mode de selection structurel soulěve un double probléme théorique important: en premier lieu, celui de determiner si la preposition est bien un element autonome ou un marqueur de cas affectant le groupe nominal et, en second lieu, celui de savoir si la preposition est, dans ce cas, vide, dé-pourvue de caractéristiques sémantiques. Sur ce dernier point, les premieres indications sont negatives ; en cas de contraste, le sens des prepositions semble toujours pertinent (cf. aussi chapitre II. § 3-3.). Pour le premier point, il semble acquis que, dans certains cas, la preposition est devenue un marqueur qui affecte le groupe nominal, mais qui ne le transforme pas en groupe prépositionnel au sens plein du terme. Le cas le plus evident est four-ni par les groupes introduits par ä et alternant avec les pronoms lui ou leur que l'on qualifie de pronoms datifs (cf. aussi § 3-5. et chapitre II. § 3-3-1-)-L'argument le plus convaincant est fourni par leur integration dans le para-digme de pronoms, au sens fort du terme, c'est-ä-dire ďunités pourvues de traits nominaux comme la personne, le nombre et le genre. On notera en plus que les groupes prépositionnels doivent étre considérés comme des realisations secondaires du datif; ils sont non seulement beaucoup moins frequents que les realisations pronominales, mais leur distribution est égale-ment plus restreinte, comme il ressort de ľopposition entre (103) et (104) •. (103) Il lui a ouvert laporte. Il lui a glissé un billet dans la poche. -•..;.■■.•,. la téte lui tourne. Il lui a coupé les ongles. Je lui trouve mauvaise mine. ,•?,./ Je ne lui connais aucun ennemi. Il lui est difficile de venir. . . (104) ? II a ouvert laporte ä Marie. * II a glissé un billet ä Marie dans la poche. * la tete tourne ä Marie. ? II a coupé les ongles ä Marie. ''.Je trouve mauvaise mine ä Marie. ?Je ne connais aucun ennemi ä Marie. ? // est difficile ä Jean de venir. 3.2. La selection des prepositions a-sélectives Lors de la discussion du rapport entre la preposition et son complement, il est apparu qu'il existe des prepositions a-sélectives (voir § 2.2.), telies que sauf. Dans (105) // apensé ä tout, sauf ä prendre la clef de la maison de Campagne. (106) Elle n'a parle de personne, sauf de toi. la structure du complement ne depend pas de la preposition, mais d'un element extérieur au groupe prépositionnel. La preposition échappe aux relations de selection qui rattachent ä tout et ä prendre la clef (...) au verbe penser, tout comme de personne et de toi z parier. Son integration est assurée par une autre dépendance, liant saufet son complement ä ľexpression d'un tout; celui-ci peut prendre la forme d'un pronom, positif ou négatif, ou d'un groupe nominal : (107) Les étudiants ont lu le livre, sauf quelques paragraphes trop techniques. D'autres exemples ne contiennent toutefois aucune expression explicite de ce type : (108) Marie ne boitpas de café, sauf (parfois) le matin. (109) // ne lefera pas, sauf si c'est toi qui le lui demandes. L'on peut avancer ľidée que sauf 'fait allusion, dans le premier exemple ä tous les moments temporeis que permet la forme du present et, dans le second, ä toutes les conditions sous lesquelles la phrase matrice peut étre as-sertée. Ainsi se dessine un double réseau qui assure ľintégration de saufet de son 'pseudo'-complément: ce dernier est sélectionné indépendamment et conjointement ä une expression generale de méme type, explicite ou 32 33 La preposition en frangais implicite, tandis que sauf établit un rapport entre le tout et la partie, qui ne relěve pas nécessairement de la dépendance. 3.3. La preposition a-t-elle toujours une téte externe ? Si saufet les autres termes exceptifs posent un double probléme - y a-t-il selection et comment opere-t-elle ? - , d'autres prepositions connaissent des usages oú ľon ne peut détecter de téte externe. Deux cas peuvent étre distin-gués selon que la 'preposition' figure devant un constituant qui fonctionne comme sujet ou comme complement direct ou qu'elle fait partie du determinant nominal. Le premier cas a déjä été illustre lors de la presentation des interpositions ; il suffit de rappeler ici ľexemple (110) // a commis erreur sur erreur. Il s'observe également dans des exemples comme (111) // a examine jusqu'ä la moindre note de frais. (112) Tous les habitants du village ont été consultés; jusqu 'aux enfants de ľécole primaire ontpu donner leur opinion. fusqu 'ä, habituellement traité comme une preposition, y fonctionne de maniere assez semblable ä sauf; ce terme n'introduit évidemment pas une exception, mais plutôt un cas extréme et done inattendu. Deux differences sont ä souligner. Le constituant dans lequel ce terme figure remplit une function essentielle dans la phrase et le domaine dans lequel le cas extréme doit étre situé n'est pas present dans la phrase. Il peut apparaítre dans le contexte antérieur, comme dans le dernier exemple propose plus haut, ou il peut étre reconstruit par inference, comme dans le premier exemple. Son integration dans la phrase mérae sous forme ďénumération est plus exceptionnelle ; dans ce cas, jusqu 'ä relie plutôt les termes de ľénumération qu'il n'introduit un rapport de dépendance : (113) La cathédrale d'Evreux a vu se dérouler hier un service depriěre inattendu, ľévéque, unpasteur, un archimandrite, un rabbin, jusqu'ä un moliah y ont prie pour la paix. Dans aueun cas, jusqu'ä n'est sélectionné par le verbe dont depend le groupe nominal qui le suit; il ne sélectionné ďailleurs pas non plus ce groupe et fonctionne done comme un marqueur argumentatif, mais non comme une preposition. Les cas évoqués ci-dessus ne sont pas trěs communs ; l'emploi de la preposition dans un determinant de la quantité approximative ľest beaueoup plus : 34 La preposition et le groupe prepositionnel (114)- Les organisateurs attendent 500 ä 600personnes. de 500 ä 600personnes. pres de 600 personnes. entre 500 et 600 personnes. jusqu'ä 600personnes. dans les 600 personnes. Dans tous ces cas, la preposition, éventuellement employee en interposition ou en correlation (de... ä...), introduit un complement, le quantifica-teur, qu'elle modifie en une expression de la quantité approximative. Celle-ci sert de determinant au nom, mais n'est pas sélectionnée par le nom téte au méme titre que les groupes prépositionnels étudiés au § 3-1. 3.4. La preposition est-elle indispensable ä ľintégration de son complement ? Les deux paragraphes precedents ont attiré l'attention sur des faits qui montrent qu'une 'preposition' n'est pas toujours sélectionnée par une téte externe et qu'elle ne contribue dans ce cas pas ä la mise en place des relations syntaxiques dans la phrase. Mais, que la preposition soit, dans l'im-mense majorite des cas, indispensable ä la bonne formation de la phrase est evident; il suffit, pour s'en convaincre, ďéliminer les prepositions dans un bref alinéa. Il existe toutefois un certain nombre de cas dans lesquels la preposition semble facultative ; quel role y joue-t-elle děs lors ? De tels cas sont illustres dans (115)ä(119): (115) Le rendez-vous a été fixe au 12 octobre / le 14 septembre. (116) Ľétang estparticuliěrement beau au matin / le matin. (117) Le chasseur atteint (ä) sa proie. (118) Géraldine habite (ä) Paris / (dans) le Marais. (119) // téléphonera (děs) aprěs le repas. Dans ľexemple (115) le constituant non introduit par une preposition occupe une autre position structurelle que le groupe prepositionnel: au 12 octobre depend étroitement du verbe comme unite lexicale et remplit une fonction essentielle, tandis que le 14 septembre remplit une fonction acces-soire, celle de complement temporel situant. Que les deux groupes puissent apparaitre conjointement dans la phrase confirme la difference de statut. Une telle interpretation ne peut étre évoquée pour les exemples (116) et (117). lis illustrent par contre l'existence de differences de sens entre les constructions directes et prépositionnelles. Dans le premier, impliquant deux complements temporeis, le complement direct définit un intervalle 35 La preposition enfrangais pendant lequel la propriété se vérifie, alors que ä confere une valeur inchoative au complement. II en va de méme des oppositions au niveau de la complementation verbale qu'illustre (117). A atteindre on pourra d'ailleurs ajouter d'autres verbes comme applaudir, commander, consentir, réfléchir, regarder ou viser. Dans touš les cas, une opposition de sens, parfois nette, parfois plus subtile, mais toujours présente, se manifeste, témoignant du role crucial de la preposition. Loin ďinfirmer l'hypothese que la preposition est nécessaire, ces exemples la confirment. Les deux autres exemples soulěvent plus de problěmes pour l'hypothese du role incontournable de la preposition. Dans l'exemple (118), comportant le verbe habiter, la difference entre la construction avec preposition et la construction directe semble bien réduite, ä condition toutefois que le verbe conserve son sens de base. II suffit en effet de passer au sens figure pour que le contraste redevienne net: (120) L 'avenir habite en nous. Cette croyance les habite. La construction directe suggěre, comme dans le cas des verbes évoqués ci-dessus, que le complement est entiěrement impliqué, alors qu'il ne l'est pas de la méme maniere dans la construction prépositionnelle. Cette opposition transparait d'ailleurs dans certains emplois du verbe au sens locatif. Une phrase comme (121) Les tisserands habitaient ce quartier. laisse entendre que tous les tisserands y avaient leur demeure et qu'au-cun autre corps de metier n'y demeurait; il semble par ailleurs difficile d'in-troduire dans cette phrase un adverbe comme hahituellement ou parfois, dont ľ interpretation sporadique va ä l'encontre de l'implication que véhicule la construction verbale. Or, dans la construction ä preposition, de tels adver-bes ne posent aucun probléme : (122) Les Lombards habitaient quelquefois / souvent dans ce quartier. De maniere analogue, une phrase comme Le comte habite (toujours) le chateau, suggěre que le chateau seit, dans son ensemble, de demeure, tan-dis que dans le chateau laisse entendre que d'autres activités peuvent s'y si-tuer ou que d'autres personnes peuvent y habiter. Il convient cependant de noter que le contraste entre la presence et ľabsence de preposition n'est pas toujours stable. Il suffit de changer de nom pour qu'une autre repartition s'observe. La combinaison du verbe habiter avec des noms comme rue, place ou avenue permet de retrouver en partie l'opposition entre implication partielle et implication totale, puisque (123) est bon et (124) est étrange : (123) Les tisserands habitaient la rue aux Laines. (124) ? Julien habitait la rue aux Laines. 36 La preposition et le groupe prépositionnel Mais on notera que (125) avec la preposition dans suggěre que le sujet n'a pas son domicile dans la rue : (125) Julien habitait dans la rue aux Laines. Pour signaler le domicile d'un particulier, on recourt ä (126), qui contient le nom rue sans determinant, mais non une preposition ; rue est toutefois peut-étre en train de subir un processus de grammaticalisation qui le fait passer de la catégorie nominale ä la catégorie preposition (Barbéris 1997) : (126) Julien habitait rue awe Laines. Il apparait done que l'opposition de la construction directe et de la construction prépositionnelle pent étre neutralisée, mais qu'elle subsiste ou peut étre activée dans certains cas. Le role crucial de la preposition n'est done pas dementi, méme s'il est affaibli. Le cas du verbe habitern 'est pas isolé. Des alternances entre les constructions directe et prépositionnelle s'observent fréquemment dans le cadre du groupe nominal, comme le montre M. Noailly dans son travail sur Lesubs-tantif épithěte (1990) : ľassurance maladie / ľ assurance en cas de maladie ; la Campagne (de) Chirac ; k centre-ville / de la ville. Ces alternances ne té-moignent toutefois pas de [equivalence systématique des deux constructions. On notera, en premier lieu, que le choix n'est pas toujours disponible : moulin ä vent, verre de / ä vin, armée de terre / de l'air d'une part et ca-nape-lit ou ľélément feu (Jone un role important dans cette oeuvre) d'autre part le montrent. Ľinterprétition n'est, en second lieu, pas toujours iden-tique. Ainsi, un ensemble Cbanel est un type d'ensemble qui ne doit pas avoir été concu par la maisoa de ce nom, mais un ensemble de Chanel a été \ créé par cette maison ; de měme un chien de berger n'est-il nécessairement pas un chien berger. En troisiěme lieu, on notera, ä la suite de Noailly (1990), une difference syntaxique : en construction directe, le nom n'est jamais determine ; il perd děs lors de son autonomie, entre autres sur le plan référen-tiel, et il entre ainsi en relation de dépendance envers le premier nom, qui est determine. Si la construction prépositionnelle traduit eile aussi une relation de dépendance, eile est obtenue par des moyens syntaxiques. Ici encore, il semble done qu'il y ait moins equivalence que convergence partielle, méme si cette derniěre est plus massive que dans d'autres secteurs. L'exemple (119) soulčvc des questions plus épineuses. La preposition děs est facultative et eile semble fonctionner comme un modificateur de de-gré portant sur aprěs; la combinaison peut étre paraphrasée ä ľaide de la formule immédiatement apres et un effet argumentatíf peut se développer, comme le signále Ilinski (2O0O). Un phénoměne analogue s'observe dans la combinaison děs avant, ou la valeur argumentative est plus sensible ä cause du contraste entre les deux termes : (127) La presse a été avertie des decisions děs avant la reunion du conseil. La preposition enfrangais Si děs a un apport de sens, le terme n'est pas indispensable au méme titre que dans les cas évoqués ci-dessus. En plus, děs ne fonctionne pas comme téte par rapport ä aprěs ou avant; les propriétés examinees au para-graphe 2 ne se vérifient pas et c'est au contraire la seconde preposition qui sélectionne děs. Ce terme ne fonctionne done pas comme preposition. Děs n'est pas le seul terme qui fait preuve d'un double fonctionnement, comme preposition et comme 'marqueuť de degré, etiquette descriptive dans l'attente de la discussion sur la systématique des parties du discours au paragraphe 4. Le méme double comportement s'observe en effet dans le cas de jusque/jusqu'ä : (128) II est venu jusque dans la maison / devant ľéglise. II a cherché jusque sous lesfauteuils /jusque derriěre les rideaux. II a cherché partout, jusqu'en Ardenne. La discussion a montré que la preposition téte d'un groupe preposition-nel a un apport spécifique dans la structure complexe dont eile fait partie, mais eile a aussi mis en evidence que le contraste entre une construction prépositionnelle et la construction directe peut étre neutralise et eile permet de formuler une nouvelle question : l'opposition fait-elle apparaitre un contraste sémantique constant, base pour l'attribution de traits de sens ä la configuration syntaxique ? En plus, la discussion de l'exemple (119) a permis de mettre en evidence un fonctionnement a-typique de termes comme děs et jusque, ce qui constitue un element important dans le débat sur la flexibilite syntaxique des 'prepositions' (cf. chapitre III. § 1.3-5.). 3.5. La preposition et la categorisation La preposition en tant que téte de groupe confere ä celui-ci le statut de groupe prépositionnel, comme il a été montré au paragraphe 2 ; les gram-maires établissent cependant fréquemment une autre equivalence : celle du groupe prépositionnel et de ľadverbe. Cette equivalence catégorielle est fondée non sur les propriétés internes du groupe, mais sur son fonctionnement dans la structure matrice ; eile s'observe principalement lorsque le groupe prépositionnel remplit la fonction de circonstant. La justification de cette equivalence peut étre trouvée dans la commutation, en particulier avec des pro-formes adverbiales telies que les adverbes interrogatifs ; celles-ci servent, en quelque sorte, de tétes de paradigme. íl serait toutefois erroné de considérer que la preposition opere une recatégo-risation de son complement en un adverbe de discours. Plusieurs arguments peuvent étre avancés contre cette hypothese. Il faut en premier lieu tenir compte du fait que cette recatégorisation spécifique est liée ä une fonction 38 La preposition et le groupe prépositionnel oU ä un ensemble de fonetions. Si la commutation du groupe introduit par en avec un adverbe est evidente dans (129) Oü as-tu rencontre Jean ? (Je ľai rencontre) en ville. eile n'est pas possible si le groupe prépositionnel remplit la fonction de complement prépositionnel essentiel ou de complement du nom : (130) Une agglomeration urbaine consiste en une ville noyau et en un certain nombre de communes périphériques. (131) // a acheté une table en noyer. Ce que révéle ľéquivalence du groupe en ville et de oü P, ce n'est done pas la translation du groupe prépositionnel en un adverbe, mais bien le fait que les deux constituants entretiennent le méme rapport avec les autres elements de la phrase, qu'ils réalisent la méme fonction et entrent done dans le méme paradigme fonctionnel. Si ľon accorde une position privilégiée, ä ľin-térieur de ces paradigmes, aux pro-formes générales qui en expriment cer-taines dimensions fondamentales, il est utile de parier ä propos du paradigme fonctionnel qui realise la fonction de complement de rencontrer d'un paradigme adverbial. Dans ce sens, ľon peut également dire que le groupe prépositionnel entre, dans ce cas spécifique, dans un paradigme adverbial, ce qui ne veut pas dire que la preposition est un instrument de translation qui change la catégorie morpho-syntaxique de son complement. La distinction entre le paradigme fonctionnel et la catégorie morpho-syntaxique des groupes qui le réalisent présente un triple avantage : eile permet ďéviter des assimilations hätives et peu éclairantes, comme celle du groupe prépositionnel et de ľadverbe, de créer une fausse scission entre les prepositions qui opěrent une adverbialisation et celle qui confěrent le statut ďadjectif au groupe et de preserver, dans une certaine mesure, ľunité de la classe des groupes prépositionnels, envisagée du point de vue des fonetions. Celle-ci semble toutefois devoir étre définie de maniere negative : les groupes prépositionnels entrent en principe dans des paradigmes fonctionnels non nominaux. Plutôt que de recatégoriser, la preposition décatégoriserait done son complement le plus typique. Le fait qu'un terme covame jusqu'ä ne fonctionne plus comme preposition lorsqu'il precede un sujet ou un complement direct vient appuyer cette position, qui rencontre cependant quatre difficultés. La premiére a déjä été évoquée : un groupe prépositionnel peut servir de determinant du nom, tout comme certains groupes nominaux - un tas de, unepincée de -, mais le paradigme des determinants n'est pas typiquement nominal. La seconde concerne plus le groupe nominal que le groupe prépositionnel : il s'agit de l'emploi de groupes nominaux dans des paradigmes ä dominante adverbiale comme // dort le matin ; Cela durera quelques minutes. La troisiěme difficulté concerne les interpositions évoquées 39 La preposition enfrangais aux paragraphes 2.4. et 3-3- ; dans commettre erreursurerreurla preposition lie les deux noms, mais n'est pas la téte du groupe. Ceci soulěve le probléme du rapport entre item lexical et classe de mots qui sera traité au paragraphs 4. La derniěre difficulté mérite plus ďattention ; il s'agit des groupes intro-duits par ä et qui commutent avec les pronoms lui et leur. Divers indices montrent que ce type de groupe prépositionnel occupe une position intermédiaire, manifestant certains traits du groupe prépositionnel et certains du groupe nominal. Si ľagrammaticalité de (132) * la maison dont Marc a écrit une lettre au propriétaire * le salon dont Jules a donne un coup de fer aux rideaux. montre que la preposition sert de barriěre et fonctionne comme téte d'un groupe prépositionnel, ľacceptabilité de la construction détachée dans (133) Plus ou moins rejetés une premiere fois par le systéme scolaire traditionnel, il ne semble pas possible de demander ä ces Sieves de jouer cette nouvelle chance, (exemple de Combettes 1998 : 45) constitue un argument en faveur d'une analyse comme groupe nominal, tout comme la commutation pronominale qui oppose (134) // écrit une lettre ä Julie. Il lui écrit une lettre. (135) II donne un coup de f er aux rideaux. Il leur donne un coup de fer. ä (136) llpense ä Julie. llpense ä eile. Ilpense aux rideaux ä repasser. Ílypense. Enfin, la participation de la preposition aux phénoměnes de selection n'est pas toujours evidente, en particulier dans le cas des verbes ďéquiva-lence comme (137) assimiler, comparer, confronter, opposer, prefer er, subordonner ; adjoindre, associer, corréler, jumeler, juxtaposer, unir. La determination du nom complement de la preposition est fortement contrainte par la catégorie du nom complement direct, ce qui ne s'observe pas si le groupe commute avec y : (138) Il a compare Vincent ä Frangois. Il lui a compare Vincent. (139) II a compare Vincent ä une citrouille / une tornáde. . . ,.' íly a compare Vincent. Le rapprochement avec les groupes nominaux s'accompagne done d'un certain affaiblissement des propriétés typiques du groupe prépositionnel. 40 La preposition et le groupe prépositionnel 2 6. Elements de conclusion L'examen des relations que la preposition entretient avec la structure matrice dans laquelle eile vient s'inscrire a révélé en premier lieu l'absence de specialisation fonctionnelle. Le groupe prépositionnel peut servir de complement accessoire de la phrase ou du groupe verbal, de complement essentiel ou nucléaire du verbe et de l'adjectif et, dans le domaine du groupe nominal, d'adjoint post-nominal et de determinant. Il peut meine servir d'at-tribut. Cette palette n'est toutefois pas spécifique ; d'autres classes de mots peuvent accéder aux mémes fonetions. La seule caractéristique notable est ľopposition avec les groupes nominaux, les groupes prépositionnels ne commutant en principe pas avec des groupes nominaux qui conservent plei-nement leurs caractéristiques. La constatation que ľopposition entre l'absence et la presence de la preposition est, en principe, significative renforce la conclusion que les groupes prépositionnels s'opposent aux groupes nominaux. Les diverses observations rassemblées ci-dessus montrent en second lieu que la preposition vient s'intégrer selon des modes divers, faisant intervenir, dans le cas de la selection syntactico-sémantique, ľensemble des propriétés de la preposition, mais ne faisant appel qu'ä un sous-ensemble de traits dans les deux autres modes : le sens de la preposition et sa capacité ä contraindre son complement y sont en effet réduites. II a également pu étre mis en evidence que les rapports de dépendance par selection, qui vont ordinairement de la téte externe par la preposition vers le complement, peuvent suivre, en particulier dans le cas des prepositions exceptives, des voies plus complexes : dans il a été parle de tout sauf des vrais problěmes, la 'preposition' sauf depend de tout, mais des vrais problěmes de parier. Une derniěre conclusion qui semble pouvoir étre tirée de l'examen est d'ordre négatif : les relations externes de la preposition ne sont pas vraiment caractéristiques. La spécificité de la preposition comme classe de mots semble plus liée aux traits qui unissent la preposition et son complement qu'ä son mode ďintégration dans la structure matrice. 4. La preposition comme classe de mots Aprěs l'examen des traits que l'on attribue ä la preposition sur la base de sa definition classique, il convient de revenir ä celle-ci pour ľévaluer. Il est apparu, d'une part, que cette definition permet de rendre compte des em-plois les plus typiques des prepositions et, d'autre part, qu'elle doit étre mo-difiée pour couvrir un certain nombre d'observations, par exemple celles 41 La preposition enfrangais relatives ä l'emploi interpositif ou aux propriétés des 'prepositions' a-sélecti-ves. Ces aménagements portent fondamentalement sur deux points : il s'agit, en premier lieu, d'introduire une forme de flexibilite dans le systéme des definitions et, en second lieu, de préciser la relation que les definitions syntaxi-ques entretiennent avec le classement des items lexicaux. Les diverses propriétés que la definition classique, rappelée au § 1., met en jeu ne découpent en effet pas un ensemble unique de faits ; ä plusieurs reprises, il est apparu que certaines propriétés s'appliquent, alors que d'au-tres sont invalidées ; il en va ainsi de la preposition ä dans son emploi 'datif' : eile sert de barriěre aux extractions, mais n'intervient pas lors de ľinscription du groupe dans un paradigme fonctionnel de type nominal et peut děs lors étre typée comme un marqueur casuel. Cette flexibilite n'est toutefois pas généralisée. Il existe d'une part des propriétés fondamentales -ľinvariabilité, par exemple - et d'autre part des poles entre lesquels peuvent se définir des cas intermédiaires. L'examen ci-dessus permet de définir, semble-t-il, cinq poles qui permet-tent de caractériser des comportements syntaxiques spécifiques : la preposition, le marqueur casuel, l'interposition, le coordonnant et ľadverbe. Les propriétés cruciales sont la presence, explicite ou implicite, ďun complement ou son absence, dans le cas de ľadverbe ; le nombre de complements : un pour la preposition et pour le marqueur casuel, deux pour l'interposition et au moins deux pour le coordonnant, qui en outre ne subordonne ni ne categorise ; le role dans les relations externes : determinant pour la preposition et absent dans le cas du marqueur casuel. Les divers items lexicaux, qui partagent la propriété d'etre invariable et pourraient de ce fait étre qualifies de particules, peuvent ensuite étre caracté-risés par leur capacité ä adopter un ou plusieurs de ces comportements syntaxiques. Sans ne semble fonctionner que comme preposition, alors qu'avec peut servir de preposition et, marginalement, de coordonnant et que jusqu 'ä fonctionne tant comme preposition que comme adverbe. Les termes sur et aprěs joignent ä leur fonctionnement comme preposition, celui d'interposi-tion ; dans commettre erreur sur erreur, sur peut merne glisser vers le statut de coordonnant. Les particules invariables ne seraient done pas, une fois pour toutes et en vertu de leurs propriétés lexicales hors emploi, des prepositions, des coordonnants ou des adverbes, dont les emplois atypiques relě-veraient de translations occasionnelles, mais elles seraient dotées d'une double capacité combinatoire : ä un premier niveau, les informations lexicales signaleraient quels comportements syntaxiques elles peuvent adopter et, si une complementation est prévue, ä un second niveau, leur valence spécifique. 42 La preposition et le groupeprépositionnel Cette solution permet aussi de rendre compte de certains cas particuliers relevés dans la catégorie des adverbes, comme loin et pres, qui s'accompa-anent fréquemment de complements introduits par de ou pour le premier aussi par que : on peut considérer qu'ils fonctionnent également comme preposition. Elle s'étend en plus aux subordonnants non analytiques, tels que comme qui, comme le montre bien Le Goffic (1993), peut entre autres servir d'adverbe : (140) Comme e'est beau ! de preposition : (141) // le considěre comme son pere. et de subordonnant, c'est-ä-dire ďintégrateur d'une structure ä verbe fini: (142) Comme la nuit tombait, Us se sont mis en route. Ainsi se dégage une systématique nouvelle, moins rigide, mais plus adaptée aux données, qu'il s'agit toutefois de verifier d'une part par des analyses de detail et d'autre part par un examen critique des propriétés sémanti-ques associées aux classes traditionnelles. 43