Louis ARAGON (1897-1982) Le mouvement UN AIR EMBAUMÉ Les fruits ä la saveur de sable Les oiseaux qui n'ont pas de nom Les chevaux peints comme un pennon Et ľ Amour nu mais incassable Soumis ä l'unique canon De cet esprit changeant qui sable Aux quinquets d'un temps haissable Le champagne clair du canon Chantent deux mots Panégyrique Du beau ravisseur de secrets Que répete ľécho lyrique Sur la tombe Mille regrets OÚ dort dans un tuf mercenaire Mon sade Orphée Apollinaire SAMEDIS Valeur ä lot orage. Au bord de ľeau les usines et les sentiments. Noce dans l'herbe, dents de lion pauvres rires des fins de journée, pierres ä ricochets chateaux en Espagne: encore une toilette perdue ä cause du vert des arbres. Un regard ou la caresse du vent en redingote, escarpins du printemps, farandole des calembours at des charades; puis sous la poussiere cycliste les tapissieres au retour comme des folles ä grelots dans la crépuscule, pármi les nuages avenir et pardon, sans ľombre ďune éclaircie vers les regions lunaires et les fraíches prairies des soupirs. PERSIENNES Persienne Persienne Persienne Persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne Persienne Persienne Persienne Persienne? SUICIDE Abcdef gh i j kl mn o p q r s t u v w x y z étuel (1920-1924) AIR DU TEMPS Nuage Un cheval blane s 'élěve et c'est ľauberge ä ľaube oú s'éveillera le premier venu Vas-tu trainer toute la vie au milieu du monde A demi-mort A demi-endormi Est-ce que tu n'as pas assez des lieux communs Les gens te regardent sans rire lis ont des yeux de verre Tu passes Tu perds ton temps Tu passes Tu comptes jusqu'ä cent et tu triches pour tuer dix secondes encore Tu étends le bras brusquement pour mourir N'aie pas peur Un jour ou ľautre II n'y aura plus qu'un jour et puis un jour Et puis ca y est Plus besoin de voir les hommes ni ces bétes ä bon Dieu qu'ils caressent de temps en temps Plus besoin de parier tout seul la nuit pour ne pas entendre la plainte de la cheminée Plus besoin de soulever mes paupiěres Ni de lancer mon sang comme un disque ni de respirer malgré moi Pourtant je ne desire pas mourir La cloche de mon coeur chante ä voix basse un espoir trěs ancien Cette musique Je sais bien Mais les paroles Que disaient au juste les paroles Imbecile Louis ARAGON (1897-1982) CHANSON DU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE L'arbre amoureux ďune servantě Chantait au passant ce refrain Lierres calmez ľépouvante De celle que voilä Mes bras ďécorce mes bras ďoiseaux Etreignez ľair qu'elle respire Ses deux jambes sont des ciseaux Le vent s 'y coupe Dans la cuisine un navire Entre le soir Et c'est le soleil qui chavire Sur sa peau Les mains rouges les mains saignantes Les mains de qui Mains du soleil mains fainéantes S'envoleront Une force pousse vers l'eau Les arbres Elle a cueilli le mélilot Jusqu'ä mon ombre LA PHILOSOPHIE SANS LE SAVOIR Sacrifions les boeufs sur les arbres Les corps des femmes dans les champs Sont de jolis pommiers touchants Blanc blane blanc Sang et neige par ma queue et par ma barbe Sacrifions les taureaux sur les arbres II Sacra casseur de pierres Sacré casseur de pierres Sacré casseur de pierres En choeur Sacré casseur de piai-AI-res Sacré casseurs de coeurs Solo Sur ton chemin j 'ai mis le pied LA ROUTE DE LA REVOLTE ä André Breton Ni les couteaux ni la saliěre Ni les couchants ni le matin Ni la famille familiěre Ni j 'accepte soldát ni Dieu Ni le soleil attendre ou vivre Les larmes danseues du rire N-I ni tout est fini Mais Si qui ressemble au désir Son frěre le regard le vin Mais le cristal des roches ďaube Mais MOI le ciel le diamant Mais le baiser la nuit oú sombre Mais sous ses robes de scrupule M-E mé tout est aimé ARRIĚRE PENSÉE Arriěre Pensée 2 Louis ARAGON (1897-1982) Écritures automatiques (1919-1920) L'INSTITUTRICE On cherche vainement ä se souvenir des visages nus des enfants de ľécole, ils ont passe comme les calendriers d'auberge ou les faneuses ont des gestes éternels et plus incompréhensibles que les ondulations stupides des dentelles du vide-poche On apprend plus volon tiers ľ algebře noire des plumiers qui regardent avec une méchanceté contenue les jambes rouges des filles et les cheveux embroussaillés des gamins plus tendres que les bancs ou les lunettes de la femme Je veux parier de cette machine ä battre le blé qui frappe dans ses mains suivant les attitudes de ľhorioge pensive et muette et qui distribue au dessus des tétes les instants dorés de la paresse échappés par miracle ä la grande roue des punitions Juillet 1919, Café La Source, boulevard Saint-Germain. 3