COLLECTION ĽESSENTIEL FRANQAIS Ludo MEUS OPHRYS, 2003 COLLECTION ĽESSENTIEL FRANQAIS dirigée par Catherine FUCHS La consequence en frangais, par Charlotte HYBERTÍE La concession en frangais, par Mary-Annick MOREL Les ambiguľtés du frangais, par Catherine FUCHS Les expressions figées en frangais, noms composes et autres locutions, par Gaston GROSS Les adverbes du frangais, le cas des adverbes en -ment, par Claude GUIMIER Approches de la langue parlée en frangais, par Ciaire BLANCHE-BENVENISTE Les formes conjuguées du verbe frangais, oral et écrit, par Pierre LE GOFFiC Ľespace et son expression en frangais, par Andrée BORILLO Les constructions détachées en frangais, par Bernard COMBETTES L'adjectifen frangais, par Michele NOAILLY Les stereotypes en frangais, par Charlotte SCHAPIRA Ľintonatíon, le systéme du frangais, par Mario ROSSI Le frangais en diachronie, par Christiane MARCHELLO-NIZIA La cause et son expression en frangais, par Adeline NAZARENKO Les noms en frangais, par Nelly FLAUX et Danielle VAN DE VELDE Le subjonctif en frangais, par Olivier SOUTET La construction du lexique frangais, par Denis APOTHÉLOZ La reference et les expressions referentielles, par Michel CHAROLLES Le conditionnel en frangais, par Pierre HAILLET Dictionnaire pratique de didactique du FLE, par Jean-Pierre ROBERT La variation sociale en frangais, par Francoise GADET © Editions Ophrys, 2003 ISBN: 2-7080-1049-2 Le Code de la propriété inleilectueile n'autorisanl, selon les termes de ľart. L. 122-5, § 2 et 3a, d'une part, ijiio « les copies ou reproductions strictement réservées ä ľusage privé du copiste et non destinées ä une utmcalšini collective » et, d'autre part, que « les analyses et courtes citations » dans un but d'exemple ou ďilluslraťon, «ioute representation ou reproduction integrale ou partielie faiie sans le consentemeni de ľauteur ou '.ic sbí ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette representation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefacon ?anc-íionnée par les dispositions pénales des art. L 335-2 et suívants du Code de la propriété intellectuelle. Editions OPHRYS, 5, ailée du Torrent, 05003 GAP CEDEX Editions OPHRYS, 10, rue de Nesie, 75006 PARIS INTRODUCTION I,es prepositions sont des outils langagiers ä la fois discrets et omnipré-scnts. Tout énoncé, ou presque, en contient quelque representant et pour-Uint elles ne frappent guěre ä ľaudition ou ä la lecture ; elles s'integrent gcnéralemení sans effort et sans hesitation dans les structures phrastiques. lilies servent en plus comme soutien ä l'expression de toutes sortes de relations, au point que certaines d'entre elles (et surtout la plus fréquente de tou-les de) semblent malléables au gré des intentions communicatives. Quoique presque invisibles, eiles sont indispensables : il suffit de les omettre pour íjLie le discours devienne inintelligible. Les prepositions sont par ailleurs des unites linguistiques redoutables et craínles, en particulier des apprenants d'une langue étrangěre. Ces derniers ne peuvent les éviter et les regies d'usage auxquelles elles sont soumises leur paraissent imprécises et difficiles ä systématiser. En plus, les prepositions se rčvelent étre des hybrides. D'une part, elles sont des unites du lexique, dotées chacune d'une signification, plus ou moins riche et plus ou moins flexible sous la pression des contextes ; d'autre part, elles jouent un role grammatical, car elles servent ä signaler, dans de nombreux cas, une fonction ou un lien syntaxique. Instruments fondamentaux de la construction syntaxique et de l'expression des relations entre unites fortes, les prepositions peuvent apparaitre comme des auxiliaries, des mots-outils qui n'ont pas vraiment retenu l'atten-(ion des grammairiens. La plupart des manuels de reference ne consacrent en effet que quelques pages ä cette classe de mots et préfěrent fournir des informations ponctuelles au détour d'une remarque sur un verbe, un nom ou Liit adjectif. Par contre, les maŕtres de langue ont fabriqué de copieux repertoires, souvent contrastifs, qui prennent volontiers la forme du classique ne ditespas..., mais dites... ! Les lexicographes ont accordé plus d'importance aux prepositions, dont la description est un vrai défi pour le rédacteur ďarticles de dictionnaire. Cette merne preoccupation se retrouve dans les nombreuses etudes que ies 5 La preposition enfrangais link's Cľ- ■ori- linguistes ont consacré aux prepositions. La piupart d'entre elles soulevcnl ia question du sens ; deux questions dominent ces travaux. La premiere sou-lěve le probléme fondamental des prepositions vides ; on peut la fornmler comme suit: les prepositions sont-elles toutes et en toute circonstance por-teuses de sens ? La seconde part de la constatation qu'une preposition m;'"; feste divers effets de sens et s'interroge sur son unite semantique et sur rapports entre effets observes et signification. Dans ce contexte, les cl cheurs se proposent de dégager des principes méthodologiques et the ques appropriés ; leurs recherch.es portent sur ľinteraction de la préposilic avec son environnement, sur le role de la cognition et de ľexpériencr ie plus varies que ne le laisse entendre la definition habituelle. II en ressorlii que la notion de classe de mots devra étre repensée, en tout cas pour ce uk-ver enfin la question de ľunité sémantique des prepositions. Nous -iroiiverons les preoccupations de la recherche actuelle sur la nature du is des prepositions, sur la relation entre signification intrinsěque et itexic, sur la maniere de rendre compte de ľunité sémantique ďune pré-■iilion el sur les rapports entre langue et cognition, Dans ces deux chapitres, nous partirons de la tradition telle qu'elle se re-v dans les grammaires de reference et dans les dictionnaires généraux jľ souk'ver des questions qu'une observation attentive des faits fait naitre. lis chereherons ä montrer quels elements de réponse peuvent étre appor- e( cjuclles voies s'ouvrent ä la recherche, sans toutefois introduire de Ire [lu'-orique spécifique. Une telle entreprise dépasse le cadre de cet ou-ge ; da]is les suggestions de lecture, nous offrirons cependant des indica-is pour les lecteurs qui désŕrent poursuivre leur parcours de découverte. Apres avoir envisage les deux versants, syntaxique et sémantique, des ^positions, nous considérerons, dans le dernier chapitre, les contours de la sse. Nous nous attacherons en particulier ä deux phénoměnes : ľélargis- nenl de celle-ci par la creation de nouvelles unites, locutions et préposi- is simples, et ľexistence d'emplois non prépositionnels de la preposition servant de determinant du nom ou de marque de ľinfinitif. Nous espé- is ainsi mettre en evidence le caractěre ouvert de la classe des préposí- )'a Litres thěmes auraient pu étre abordés dans ce contexte, mais il a noncer ä la discussion des rapports que certaines prepositions entre- it avec les prefixes, tout comme ľespace imparti n'autorisait pas d'en- des questions d'ordre historique. mine la littérature scientäfique de base ä propos des prepositions est l ftíit dispersée, nous avons cherché ä nous appuyer principalement monographies existantes et sur certains recueils d'articles, en particu-s numéros de revue récents, de telle sorte que le lecteur intéressé aisément prendre connaissance des débats actuels. Il convient en par-de signaler les numéros suivants de revues de linguistique francaise érale : positions, representations, reference» (A.-M. Berthonneau & P. éds), Langue frangaise 91 (1991) [sigle LP], 7 54 la preposition enfmngais - « Les prepositions : méthodes d'analyse » (A.-M. Berthonneau & P. (;. éds), Lexique 11 (1993), - «La couleur des prepositions »(Cl. Vandeloise, éd.), Langages 100 (ľ; - « Un bien grand mot: de. De la preposition au mode de quantificatioi Kupferman, éd.), Langue frangaise 109 (1996) [sigle LF]t - «La preposition : une catégorie accessoire ? >• itaíŕs de langue 9 (1997) FdL], - «Prepositions et métaphore » (W. De Mulder & N. Flaux, éds), Verb/, (1998), - ■ Approches sémantiques des prepositions » (P. Cadiot & A. Ibrahim. Revue de sémantique et depragmatique ó (1999) [ sigle RSP], - «La preposition, actes du colloque international PREP AN 2000, La p sition frangaise dans touš ses états »(L. Kupferman, E. Katz et M. Asněs,« Travaux de linguistique 42-44 (2001-2002) [sigle 71]. et Scolia 15 (200 Les articles pams dans ces numéros ne seront pas recensés indŕvi lement dans la bibliographie, mais signalés dans les justifies bibliographiques ä la fin de chaque chapitre, ä moins qu'il n'y explicitement fait reference dans le texte. Pour la littérature plus ancií les lecteurs pourront se reporter aux repertoires bibliographiques e particulier, ä Melis & Swiggers (1993) qui offre une analyse des pul tions pour la perióde 1980-1992. Cet ouvrage n'aurait pas pu prendre forme sans les innombrable. vaux stimulants de nombreux auteurs et collegues qui ontpar leurs tra fait avancer nos connaissances dans le domaine des prepositions. II s\ cine aussi dans le travail de notre équipe ;je tiens en particulier ä venu Isabelle Peeters, dont la these sur le couple de prepositions frangaise et landaise sur et op a été trěs stimulante, Beatrice Lamiroy et Michéle G( dontj'ai mis ä profit les recherches sur ä, PeterLauwers pourses remarq\ Kristel Van Goethem, tout comme mon épouse Chris, pour leur relectur attentive. Elle a également profite des remarques, observations et questio mes étudiants ä Leuven et des collegues et chercheurs devant quij'aipi senter certains aspects ä Bruxelles, Leuven, Lille, Paris, Strasbom Tel-Aviv, ainsi que des conseils précieux de Catherine Fuchs. Que toi soient chaleureusement remerciés. 8 Chapitre I LA PREPOSITION ET LE GROUPE IMUPOSITIONNEL % QUESTIONS DE SYNTAXE preposition est-elle un objet syntaxique ? Voilä la question ä laquelle msaeré ce chapitre. La tradition répond de maniere positive en propo-iu definition qui sera rappelée au § 1. Ľexamen systématique des pro- aUribuées ä la preposition en vertu de cette definition montre qu'elle met pas de rendre compte ďun certain nombre ďobservations (§ 2. et \u"ú convient done de reconsidérer la categorisation syntaxique et de ser des pistes qui měnent ä une vue ďensemble plus diversifiée (§ 4.). I. I »éfinition classique et propríétés typiques ili; la preposition tradition grammaticale s'accorde ä caractéríser la preposition comme t de relation ; ainsije _dictionnaire.de linguistique écrit-ií:«la préposi-šfun mot invariable qui a pour role de relier un constituant cle la • 1= le complement de la preposition] ä un autre constituant ou ä la s tout entiěre - (Dubois et at. 1994, s.v.). Dans la suite du méme article, éurs précisent les rapports entre les trois termes, qui semblent oceuper ne rang. La preposition et son complement forment«une unite dont ments entretiennent des rapports plus étroits qu'avec le reste de la :», c'est-ä-dire un groupe prépositionneLjCe dernier entretient avec la 9 La preposition enfrangais phrase ou un de ses constituants une relation de dépendance (Denis cier-Chateau 1994, s.v.) ou ďintégration (Riegel et al. 1994 : 369). Cette definition s'applique sans aucun doute ä la majorite des e des prepositions. Les propriétés principales se retrouvent dans des ex» représentatifs et banals comme : (1) Dominique depose la statuette sur / dans / contre ľarmoire. (2) Je ľai vu(e) avant quatre teures. (3) La porte de la maison doit étre repeinte. Un examen quelque peu plus attentif de ces cas permet de dég;ij propriétés plus précises que ľon attribue également communément ;i position. Un premier ensemble de propriétés concerne la relation de ■ avec son complement: A. Le complement de la preposition est un groupe nominal. B. Ce complement est obligatoire, unique et postposé, C. II est sélectionné par la preposition qui en determine certaim priétés syntaxiques et qui exerce des contraintes sémantiques Ainsi la preposition avant admet-elle un complement infinit i que dans, sur et contre ne le font point; celles-ci ímposent c complement un groupe nominal determine, tandis que en adi nom nu (dans la ville / en Dille). Cette merne preposition se combine d'ailleurs avec certains n non avec ďautres, méme si ces derniers en sont proches par ! Leeman (1998 : 106 ss) signále ľopposition entre en colere, en Hon et * en énervement, * en veneration ; pour pouvoir étre at nom semble devoir évoquer un état non naturel et manifeste. D. La preposition assure la coherence du groupe et fonctionne t une barriěre protégeant le complement de ceitaines opératioi taxiques, Les contraintes sur la relativisation d'une composante du com]") illustrent ce phénoměne : (4) Ĺafenétre sur le bord de laquelle dort le chat est cette du salon. * La fenětre de laquelle dort le chat sur le bord est cette du salon. E. La preposition fonctionne comme téte du groupe qu'elle form son complement et peut děs lors recevoir un spécificateur de dt (5) Je ľai vue juste / unpen avant quatre heures. 10 La preposition et le groupe prépositionnel ropriétés peuvent étre captées dans la representation syntaxique dans laquelle P représente la preposition, GN son complement, Décificateur de degré et GP le groupe prépositionnel: P GN •position possěde ainsi les mémes propriétés fondamentales que classes de mots, lexicales ou grammaticales et eile est le centre pe prépositionnel. cond ensemble de propriétés concerne la relation du groupe pre-;1 avec les autres constituants de la phrase et plus en particulier rient dont il depend et qui sera appelée téte externe : téte externe sélectionné la preposition et, par son intermédiaire, isemble du groupe. verbe déposer, par exemple, sélectionné une preposition locative sctionnant ä son tour un complement approprié. preposition et le groupe prépositionnel apparaissent nécessaire-nt dans la dépendance d'une téte externe ; celle-ci peut se situer niveau de la phrase ou étre un constituant phrastique. ns ľexemple (1), les groupes introduits par dans, sur et contre dé-ldent du verbe, alors qu'avant dans ľexemple (2) est ä rattacher ä )hrase ou, plus exactement peut-étre, ä une des propriétés phrasti-ss, le temps. Ľexemple (3) enfin contient une preposition qui de-id d'un nom. propriété implique également qu'un groupe prépositionnel ne it apparaitre comme non dependant. preposition assure děs lors integration du groupe et est indispen-)le ä la bonne formation de l'ensemble. propriétés, il convient d'ajouter une derniěre propriété, relative ■apports syntagmatiques que la preposition entretient avec le reste ise, mais aux rapports paradigmatiques : n La preposition enjrancais I. En tant que téte du groupe prépositionnel, la preposition determine la catégorie du groupe dans ses rapports paradigmatiques. Cette propriété, qui doit étre distinguée de la propnete E. relative aux rapports internes dans le groupe prépositionnel, peut étre comprise de deux maniěres, non équivalentes. La premiére est negative : le groupe prépositionnel n'est pas un groupe nominal, malgré la nature du complement. La deuxiěme réfěre ä ľéquivalence ou ä la proportionnalité du groupe avec une forme type. Dans les exemples (1) et (2), le groupe prépositionnel sera ca-ractérisé comme un equivalent d'adverbe, comme il ressort de la commutation avec oil ? ou quand ?; dans l'exemple (3) ou dans une couronne de roi, une equivalence avec un adjectif est généralement admise : eile se fonde sur des alternances comme sa port-e et une couronne royale. La definition classique, presentee plus haut et les propriétés qui ía con-crétisent semblent avoir le statut ďévidences. Un examen attentif s'impose toutefois, et ce pour trois raisons : En premier lieu, il s'agit de verifier leur adequation empirique et de mieux situer les emplois deviants ou atypiques. En second lieu, il convient de trancher, ä partir d'un dossier plus étoffé, entre deux interpretations concurrentes de la definition : la preposition est-elle un instrument grammatical qui garantit ľintégration de son complement dans la structure phrastique, auquel cas la preposition est une catégorie auxiliaire ou mineure, ou est-elle une catégorie lexicale majeure et occupe-t-elle děs lors dans le systéme grammatical une place analogue au verbe, au nom et ä ľadjectif ? En dernier lieu, il importe de verifier si les propriétés avancées sont dis-tinctives, c'est-ä-dire si elles permettent de cufférencier la preposition des autres classes de mots et en particulier de ľadverbe et de la conjonc-tion. La discussion empirique se fera en deux étapes : nous considérerons d'abord la preposition et son complement (§ 2.) et ensuite le groupe prépositionnel et la phrase (§ 3.), avant cle proposer des elements de réponse aux questions soulevées ci-dessus (§ 4.). 2. La preposition et son complement Les propriétés qui permettent de caractériser le rapport de la preposition et de son complement semblent robustes ; elles valent pour la grande majorite des groupes prépositionnels, mais elles ne se vérifient pas dans touš les 12 La preposition et le groupe prépositionnel cas ce qui oblige le grammairien ä proposer une vue plus nuancée cle la catégorie. 2.1- Le complement de la preposition est-il nominal ? La réponse ä cette question semble, ä premiére vue, étre negative. Il suf-fit de considérer les données suivantes qui illustrent la diversité des complements admis par la preposition pour: (6) II ľa fait pour toi /Jean / la tante de Julie. (7) Cest clairpour qui suit lire. (8) Il Va fait pour te faire plaisir. (9) // ľa fait pour que tu ne sots pas inquiet. (10) .# ľa prls pour guide. (11) Pour basse, la Loire, eile ľest. (exemple de Cadiot 1991 : 113) (12) // nous a quittépour toujours. Est-cepour id ? (13) La piece sera repeinte pour quand tu reviendras. (14) Ce sera fait pour dans trois jours. Le complement de la preposition pour peut apparemment étre un groupe nominal, dont le noyau est un pronom, un nom propre ou un nom commun (6), une relative comportant un pronom relatif sans antecedent (7), un infinitif (8), une sous-phrase introduite par que (9), un nom nu (10), un adjectif (11), un adverbe (12), une sous-phrase de type adverbial (13) ou un groupe prépositionnel (14). La diversité des cas observes couvre presque tout le spectre des categories, avec comme exception la plus notable les phrases non introduces par un subordonnant. Face ä ces constatations, les grammaires adoptent deux attitudes. La premiere consiste ä enregistrer la varieté de complements ; eile est illustrée par Le Goffic (1993) ou Grevisse-Goosse (1993). La seconde maintient la pri-mauté des complements nominaux et traite les autres cas comme des equivalents du groupe nominal (Riegel et al. 1994 : 370). Elles reflětent deux options quant au role de la preposition : dans le premier cas, la preposition est vue, ä l'instar des verbes et des adjectifs, comme un terme constructeur qui determine entre autres la catégorie de son complement, tandis que la preposition est considérée, dans le second cas, comme une catégorie auxiliaire du nom, autorisant son empioi dans des contextes oil un groupe nominal direct est exclu. II s'agit děs lors de verifier si la seconde option, plus restrictive, peut étre maintenue. Pour bon nombre des exemples allégués ci-dessus afin de montrer qu'une preposition n'est pas nécessairement suivie d'un nom, il n'est pas trěs 13 La preposition en frangais difficile de prouver qu'il s'agit ďéquivalents d'un groupe nominal. II en va ainsi des exemples (7) ä (9). II est en effet legitime de considérer qui en (7) comme le pronom téte de la sous-phrase relative et comme ľélément qui lui confere le statut d'un equivalent analytique d'un nom. II est de méme habi-tuel de traiter les infinities complements ďune preposition comme des equivalents de groupes nominaux (voir 8) ; le raisonnement s'appuie ďune part sur ľhypothese generale relative ä la nature hybride, verbo-nominale, de ľinfinitif et ďautre part sur ľéquivalence globale entre une structure ä nom déverbal et une structure ä infinitif, comme dans les paires suivantes. (15) Aprěs la lecture de cette lettre, ilapris contact avec son avocat. (ló) Aprěs avoir lu cette lettre, ilapris contact avec son avocat. (17) // lui a soumis le texte pour correction. (18) // lui a soumis le texte pour le corriger. Ľexistence ďune troisieme formulation, comportant une sous-phrase en que, (19) Aprěs qu'il a lu cette lettre, il apris contact avec son avocat. (20) II lui a soumis le texte pour qu'il le corrige. mene ä considérer que les conjunctions de la forme preposition + que doi-vent recevoir un méme traitement (voir 9). Un argument supplémentaire en ce sens peut étre trouvé dans le caractěre nominalisateur de que comme dans Je le souhaite, que tu participes ä ce projet. Ceci a pour consequence que les locutions subordonnantes ayant la structure 'preposition' + que ne sont pas considérées comme des unites lexicales, mais comme des unites construit.es. L'assimilation des infinitifs et des sous-phrases en que complements ďune preposition ä un groupe nominal rencontre toutefois deux types de difficultés. II existe, en premier lieu, un certain nombre cle locutions préposi-tionnelles qui se font suivre d'un infinitif, mais qui excluent un nom, comme quitte ä et sauf ä -. (21) j'obtiendrai ce terrain, quitte ä payer lepHxfort. (22) II n 'en est pas un qui ne désire ma condamnation, sauf ä pleurer comme un sol quand on me menera ä la mort. (Stendhal). II faut, en second lieu, tenir compte des lacunes dans la distribution. Les prepositions depuis, děs, pendant, selon et suivant peuvent ainsi étre suivies ďun groupe nominal et ďune sous-phrase en que, mais non ďun infinitif, tandis que par en combinaison avec commencer peut étre complete par un nom ou un infinitif, mais non par une sous-phrase, méme si parce que existe : 14 La preposition et le groupeprépositionnel (23) Depuis /pendant la lecture de cette lettre, il est nerveux. Depuis qu'il a lu cette lettre, il est nerveux. Pendant qu'il lit cette lettre, il est nerveux. (24) // a commence par la lecture de ce dossier /par lire ce dossier. En plus, ľéquivalence du groupe nominal et de ľinfinitif aprěs par est li-mitée ä ce contexte et ne s'observe pas dans la majorite des cas oü par est suivi ďun groupe nominal: (25) Ľéleve peut amétiorer ses performances en lecture par I'exercice * par s'exercer. Méme si ľon traite les infinitifs et les sous-phrases en que comme des equivalents de noms, il sera done nécessaire de specifier quelles prepositions peuvent se combiner avec chaque catégorie et, plus en detail, dans quel type ďemploi les diverses possibilités sont attestées. Malgré la presence ďun nom, ľexemple (10) souléve également des pro-blěmes : le nom nu, non determine, est-il bien ľéquivalent ďun groupe nominal ? Dans ce cas particulier, la réponse semble devoir étre positive, vu ľalternance entre prendre quelqu'un pour guide /pour le voisin, mais une telle alternance n'est pas garantie dans ďautres cas : il a fait la route ä pied. En plus, certaines prepositions admettent comme complements des suites 'nom + adjectif qui ne fonctionnent jamais comme groupe nominal: (26) On y mange des moules par barriques entieres. Des observations analogues peuvent étre faites ä propos des cas oü ap-paraít un adjectif. Si la these de ľéquivalence avec un nom peut étre main-tenue dans des cas comme traiter quelqu'un de nul, minable,... oü n'apparaissent que des adjectifs pouvant s'utiiiser comme des noms et oü les adjectifs aiternent avec des noms non determines - traiter quelqu 'un de parasite, traitre... ou dans des structures telies que peindre en jaune, vert...,vu la frequence de la construction sans determinant dans le cas de en et ľappa-rition ďun determinant en cas ďélaboratíon du complement: peindre le mur en un jaune plus vif, ďautres exemples, dont (11), ne peuvent recevoir le méme traitement parce que toute alternance avec un nom ou un groupe nominal est exclue : (27) De reserve, il est devenu franchement taciturne. (28) Elle n'a rien lu de remarquable. Il n'yplus qu'une chaise de libre. La these de la nature nominale du complement prépositionnel se heurte également ä la presence comme complements ďadverbes temporeis ou lo-catifs (voir 12) ou de subordonnées introduces par quand, si ou oü (voir 13) : 15 La preposition enfrangais (29) D 'oü vient-ü ? Il vlent de lä. Il est passe par ici. (30) D'oü U était, il ne voyait rien. Quand on est passe par oüje suis passé(é). (31) Ce sera fait pour demain / quand vous reviendrez de vacances. Ä bienlôl! Cela suffira pour aujourd'hui / maintenant. Le fait que certains adverbes temporeis peuvent étre employes nomina-lement (aujourd'hui, demain, hier, maintenant) est un argument en faveur de I'hypothese que les adverbes sont, au moins dans certaines circonstances, des equivalents d'un groupe nominal. Est-il süffisant ? On peut en douter vu qu'il existe d'autres adverbes sans emplois nominaux, mais qui peuvent se combiner avec certaines prepositions : bientôt, plus lard (pour plus tard), toujours (pour toujours), ici, lä. En plus, les adverbes de temps et de lieu partagent bien avec les noms certaines propriétés referentielles, mais s'en distinguent clairement sur le plan syntaxique, puisqu'ils ne manifestent aucune catégorie morpho-syn-taxique typique des noms ou des groupes nominaux - nombre, genre, per-sonne - et qu'ils n'entrent pas dans les mémes paradigmes. Il semble done-prudent d'admettre que certaines prepositions acceptent des complements adverbiaux non assímilables aux noms. L'on peut rapprocher des adverbes, les complements qui ont la forme d'un groupe prépositionneí remplacable par un adverbe de lieu ou de temps (cf. ex. 14) : (32) // vient de deniere la maison. (33) ll estpassépar devant la mairie. (34) Cette aile date d'avant la transformation du prieuré en ferme. Les deux prepositions ne forment pas une expression complexe inanaly-sable, comme ďaprěs(cí. chapitre III. § 1.5.), mais le groupe dont la seconde preposition est la téte seit de complement ä la premiere. Or, ce complement ne peut pas étre traité comme un groupe nominal, ä moins d'admettre que ia preposition n'affecte pas le statut catégoriel du groupe, qu'elle n'est clone pas la tete de celui-ci. L'examen des exemples (6) ä (14) nous conduit ä adopter une position réservée quant ä la nature nominale des complements de la preposition, Méme si une equivalence avec un groupe nominal peut étre admise dans de nombreux cas, d'autres sont réfractaires ä une telle assimilation. La conclusion prudente ä laquelle nous sommes parvenu peut étre renforcée par deux considerations, montrant que le complement d'une preposition peut avoir certaines propriétés phrastiques. 16 La preposition et le groupe prépositionneí La gamme des complements possibles n'est en effet pas limitée ä des constituants simples, comme ceux qu'illustrent (6) ä (14), mais eile s'étend aux structures predicatives a-verbales, comme dans (35) : (35) Us ont visitě lesfouilles avec le directeur comme expert. Avec mafille malade/ ä ľhôpital, je nepourraipas assister ä la reunion. Le complement ď avec est une structure de type phrastique comportant un support nominal (le directeur, mafitte) et un précíicat prépositionneí ou adjeetif (comme expert, malade, ä ľhôpital). En plus, le complement peut étre accompagné d'adverbes extra-prédicatifs qui referent ä divers aspects de ía modalite phrastique, comme dans (36) : (36) Des mesures de compression des frais ont été proposées, avec notamment la suspension des enseignements facultatifs. De telvS complements ne peuvent toutefois apparaitre dans un groupe nominal, Un exemple comme (36) soulěve děs lors deux questions que nous ne ferons qu'évoquer: la premiere concerne íe statut du complement, qui n'est ni un groupe nominal, ni une phrase ou sous-phrase canonique ; la seconde concerne i'identification des propriétés qui légitiment l'insertion des adverbes extra-prédicatifs. En conclusion, ií ressoit clairement des données rassemblées ci-dessus que la preposition n'entretíent pas de lien exelusif avec le groupe nominal, méme si cette association est privilégiée. La seule contrainte generale est negative : le complement d'une preposition ne peut étre une structure phrastique ä forme verbale finie qui n'est pas nominalisée. Les données montrent également que toutes les prepositions n'ont pas les mémes latitudes combi-natoires, ce qui soulěve la question du pouvoir de construction ou valence des prepositions individuelles. 2.2. La valence des prepositions A l'instar des verbes, des adjeetifs et des noms, les diverses prepositions n'ont done pas la méme capacité combtnatoire. II suffit ďopposer ä la large gamme de complements qu'admet£owr(cf. ex. ó ä 14) la combinatoire de chez, restreinte aux groupes nominaux dans leurs trois variantes : determinant et nom commun, nom propre et pronom. En plus, íl ne suffit pas ďenregistrer les combinaisons de categories ob-servées pour une preposition. II faudra préciser le mode de construction. Ainsi, il s'agira de determiner pour les prepositions qui admettent comme complement une sous-phrase quelle est la distribution de ce que (ä ce que, de ce que, en ce que, parce que, sur ce que) et de que (aprěs que, avant que, depais que, děs que, maígré que, pendant que, pour que, pourvu que, sans 17 La preposition enfrangais que, selon que, suivantqué) ou de signaler ľapparition de de devant ľinfinitif complement ďavant et ľexclusion de cet element dans les autres cas. II en va de merne pour les nonis ; il convient en particulier de détailler la distribution des noms nus, dépourvus de determinant, en contraste avec celle des groupes nominaux determines, comme il ressort des exemples suivants : (37) Elle a retrouvé le texte par hasard par un hasard extraordinaire par le hasard leplus étonnant. (38) lis livrent les ordinateurs par camions entiers. Les exemples montrent en plus que la combinatoire ne peut eure établie ni pour la classe des prepositions, ni pom- chaque preposition particuliěre, mais qu'elie doit étre décrite séparément pour les divers emplois. Sur ce point, les prepositions se comportcnt done comme les membres ďautres classes de mots majeures, car pour les verbes, prototypes des lexemes cons-tructeurs, la valence ne se determine ni au niveau de la classe, ni au niveau des lexemes, mais en relation avec les emplois (cf. notamment Riegel et al. 1994 : 216-217). Deux considerations additionnelles doivent étre introduites ä ce point. Il importe en premier lieu de souligner que dans le couple forme de la preposition et du complement, e'est bien la preposition qui sélectionne, et en second lieu ďattirer ľattention sur certains items lexicaux, habitueliement considérés comme des prepositions, mais dépourvus de ce pouvoir de construction. Que ce soit bien la preposition qui sélectionne, sur le plan syntaxique, son complement et non inversement ressort évidemment des irréguíarítés ďordre distributionnel mises en evidence dans les développements qui precedent et plus encore du fait que certains complements ont une forme qui ne leur permet pas de fonctionner dans ďautres contextes ; ceci est le cas de la structure 'nora + adjoint' dans Ufautprévoir trotsplantespar metre carré. Un troisiěme argument en faveur du role determinant de la preposition est la constatation que la forme du complement est dans de nombreux cas déter-minée par la place que la preposition occupe dans la structure phrastique, par sa fonction ; un bon exempíe est fourni par ľexemple (10), vu que pour admet un nom nu dans les contextes oü la preposition introduit un prédicat second, mais non ailleurs. Il existe par ailleurs des unites lexicales étiquetées 'preposition' qui ne manifestent pas, ou pas toujours, le pouvoir de selection et que I'on doit done considérer comme des prepositions a-sélectives. Ceci est le cas de sauf, ďexcepté et de quelques autres termes analogues, comme il ressort des exemples suivants : (39) H n 'a vu personne sauf/ excepts Jean. 18 La preposition et le groupepréposilionnel (40) Elle a parle de tout le rnonde sauf/ excepts de Monique. (41) La police a cherché dans toute la maison /partout, sauf/excepté dans le garage. La structure du complement depend non de sauf ou ďexcepté, mais d'autres elements dans la phrase : le verbe dans les deux premiers cas, le complement locatif dans le troisiěme. Dans ľemploi exceptif, saufest done a-sélectif, alors qu'il determine la construction des complements dans d'autres cas comme sauferreurde ma part / sauf exception ou dans la combinai-son sauf ä suivie d'un infinitif. Si la detection des prepositions a-sélectives nous montre que la classe traditionnelle est moins homogene qu'il n'y paraít ä premiere vue, la nécessi-té de décrire en detail la combinatoire des prepositions individuelles apporte de nouveaux arguments en faveur de ľhypothese que la preposition est la réte du groupe au sens plein du terme. 2.3. Le complement de la preposition est-il nécessaire ? Une preposition seit, en principe, ä introduire un complement dans la phrase ; les grammaires signalent toutefois que de nombreuses prepositions peuvent apparaítre, dans certaines circonstances, sans leur complement. Du point de vue des conditions d'absence du complement, il y a lieu de distinguer trois types de cas, selon que le complement peut étre reconstitué ä paitir du contexte, ä partir des informations générales que la preposition livre quant ä ses complements potentiels ou ä partir des informations lexicales que fournissent la preposition et les termes dont eile depend. Le complement peut en premier lieu étre récupérable dans le contexte, qu'il s'agisse du co-texte antérieur immédiat ou, le cas échéant, de la situation. La preposition introduit en quelque sorte une anaphore ou un déictique zero : (42) Es-tu en faveur cle cette proposition ou contre ? (43) La balle route et il court apres. (44) Lance-la juste aprěs / (45) Montez devant et descendez derriěre. (panneau dans un bxis) Le complement absent peut également recevoir une valeur generale ; tout terme qui pourrait convenir peut étre envisage, comme dans la formule Cest selon. Ce type d'emploi est rare, vu que les prepositions ne fournissent qu'exceptionnellement des indications suffisamment precises quant ä la classe des complements. 19 La preposition enfrangais En troisiěme lieu, ľabsence de complement peut étre le signe d'une interpretation spécifique. Dans (46), qui apparilent au francais regional du Nord et de la Belgique, (46) II a laissé la porte contre. ľabsence de complement laisse entendre que la porte n'est ni close, ni ouverte, mais qu'elle touche le chambranle. Ľinterprétation est conditionnée par la presence du verbe et du nom porte. La combinaíson du verbe et de la preposition s'observe également dans (47), qui occupe une position intermediate entre (42-43) et (4.6) : (47) II lui court aprěs. La preposition aprés est le signe d'une interpretation spécifique du verbe, ä connotation agressive ou sexuelle. Le pronom lui évoque le tout af-fecté par le verbe comme dans les structures ä complement prépositionnel du type suivant: (48) II lui passe un mouchoir sur le visage. La méme relation méronymique s'observe, implicitement, en (47) et jus-tifie le rapprochement avec (42-43), qui sont toutefois distincts parce que le pronom, contrairement ä l'opinion de nombreux grammairiens, n'est pas, ä proprement parier, le complement de la preposition : une telle cliticisation du complement serait ďailleurs contraire au caractěre d'ile que possěde le groupe prépositionnel (propriété D et § 2,5.). La typologie des cas d'absence est parallele ä celie que ľon peut établir pour les complements des verbes. On opposera ainsi, ľanaphore zéro (II se verse un cognac et boü äpetites gorgées.), le déictique ( (tendant un verre) Bois, cela te rétablira.), ľabsence ä effet de generalisation (Ilfaut boire aprés le repas et non avant.) et ľabsence ä effet spécifique (// parent que Jules boit). Le parallélisme avec les verbes s'étend ä un autre point: tout comme tous les verbes transitifs n'admettent pas un empíoi absolu, ä complement direct non exprimé, certaines prepositions n'admettent pas ce type d'emploi comme dés, en, envers ou par ou ne le font que dans des circonstances ex-ceptionnelles, telies ä ou de pour lesquelles il n'existe que quelques exem-ples dont: (49) ll n'est pas im bomme qui se complait, quiaccepte, qui semorfond, pour qui la lorpeur succéde au sommeil, Vamertume ä laferveur, qui reste dans. Il est un homme qui va ä. (Vailiand, cite Cervoni 1991). (50) Cest Vanalogue de ľamour, une aspiration vers. (Barrěs, cite Grevisse-Goosse 1993 : §992). (51) Voilä que man pere arrive ä un age de, je suis force de le remplacer. (Damourette et Pichon, § 3040) 20 La preposition et le groupe prépositionnel (52) Laplupart du temps la reference temporelle de la phrase est incluse (comme partie de) dans la reference temporelle de l'ex[yression temporelle. (J. Moeschler, cite Ilinski 2000). Le dernier exemple est ä distinguer des precedents dans la mesure ou la preposition et le nom dont eile depend forment une unite dont la coherence v;E ä ľencontre de ľobservatíon generale que la preposition est, en francais cjti morns, bien plus liée ä son complement qu'ä sa tete externe, méme si clans ce cas un complement general est implicité. Ce dernier trait ressort clai-[■ement de l'exemple suivant dans lequel les parentheses verbalisent l'impli-cite et le trait ďunion explicite le caractěre construit de la suite 'téte + preposition' : CS3) Or, si Vapparence n'est ni apparence-de (d'un étre), ni apparence-pour (pour un étre), mais si eile est «pure" (comme dit Alain) ou absolue, n'étantplus délimitéepardesetres, eile est le Tout, etdeslors,«tout change», pantarhei, ce qui est le mot d'Héraclite. (M. Conche, le magazine littéraire Janvier 2001 : 21). Enfin, dans, bors, sous, sur disposent, au morns pour certains emplois, d'une variante morphoiogique en de- qui apparait en ľabsence d'un complement explicite : (54) // a regardé dans I'armoire, mais ni dessous, ni dessus. (55) // lui est tombé dessus. (Il lui est tomhé sur le räble.) Ces termes impliquent toutefois un complement zero, anaphorique dans le premier cas et spécifique dans le second. lis ne peuvent done ni étre trai-tés sans plus comme des adverbes, ni comme des formes pronominales, méme s'ils partagent certains traits avec ces deux categories, comme la commutation avec des adverbes de lieu (cf. § 3.5.) ou la possibilité de fonctionner comme nom locatif en combinaison avec un determinant. Ľabsence de complement est pourtant souvent interprétée comme un signe d'adverbialisation ; une telle interpretation ne s'impose pas. Il semble au contraire legitime de considérer qu'il y a toujours un complement, mais que sa realisation peut se faire sous la forme d'un element vide. La presence de ce complement non verbalise peut ďailleurs étre mise en evidence par la formulation d'une question ou par une recherche en memoire, comme dans le passage suivant de L, Malet que cite Ilinski (2000 : 276) : (55) J'ai peul-etre quelque chose pour toi, dit-elle. - En rapport avec ? -En rapport avec ? Que... Ah ! Oui, que je suis bete .'Je ne comprenais pas. Oui, en rapport avec. L'examen des prepositions sans complement explicite, loin d'infirmer le caractěre relationnel de la classe, confirme done celui-ci de maniere 21 La preposition enfrangais paradoxaie et montre que la combinatoire des prepositions s'étend, pour í certaines, ä ľélément zero. < 2.4. Ľunlcité du complement II est communément admis qu'une preposition ne construit qu'un com- = plément, éventuellement complexe par coordination. Tolis les exemples \ proposes ci-dessus illustrent cette propriété qui ne se vérifie toutefois pas ' systématiquement. 11 existe en effet une structure productive du type Na pre- * position Na, illustrée par coup sur coup, oeil pour oeil, page aprěs page ; la ' preposition y est accompagnée de deux complements situés de part eti d'autre de la téte. On pourra děs lors parier d'une structure en interposition -(Melis 2000a). Les groupes ä interposition peuvent apparaitre dans divers contextes syntaxiques, soulevant cle délicats problěmes d'analyse, (56) // a regit coup sur coup deux appels de Paris. (57) H a glose le texte mot ä mot. (58) Le critique opposail citation ä citation. (59) Ha rendu coup pour coup. (60) II a commis erreur sur erreur. (61) // a annate / efface ligne aprěs ligne. . Anticipant quelque peu sur le theme du § 3., nous voudrions attirer l'at-tention sur certaines differences entre les trois groupes d'exemples. Dans le premier groupe (ex. 56 - 57), la preposition lie non seulement les deux noms, mais eile assure ľintégration de ľensemble dans la phrase, puisque le tout fonctionne comme un complement adverbial de maniere. Dans le second groupe d'exemples (ex. 58 - 59), ľunité du groupe est rompue au plan fonctionnel: le premier nom semble saturer la position de complement direct du verbe, alors que la preposition et le second nom occupent une position fonctionnelle de complement indirect, respectivement essentiel et non ' essentiel. Ľunité syntagmatique, mise en evidence par le test de déplace-ment, et ľintégration fonctionnelle suggěrent done des découpages diffé- : rents. Ce paradoxe ne s'observe pas dans le troisiěme groupe (ex. 60 - 61), ; mais cette fois, ľensemble forme de la preposition et des deux noms fonc- ; tionne comme complement direct du verbe ; la preposition lie done les deux % noms, un peu ä la maniere d'un coordonnant, mais eile n'en determine pas ~ le fonetionnement phrastique, Quel que soit le mode ďintégration dans la phrase, la structure en inter- ; position est, du point de vue syntagmatique, un seul constituant, comme il -ressort des tests de déplacement: La preposition el le groupeprépositionnel (62) Cest mot ä mot qu'il a glose le texte. * Cest mot qu'il a glose ä mot. (63) Cest citation ä citation que le president du jury lui a oppose. * Cest citation que le president du jury lui a oppose ä citation. (64) Cest ligne aprěs ligne qu 'it a efface. * Cest aprěs ligne qu 'il a efface ligne. * Cest ligne qu'il a efface aprěs ligne. Il semble done que le découpage syntaxique effectué selon des eritěres paradigmatiques, fonctionnels et syntagmatiques ne coincide pas toujours. Outre les problěmes d'analyse et ďabsence de correlation entre niveaux que révěle le fonetionnement de certaines prepositions comme interpositions, celui-c! měně done aussi ä réduire la distance qui sépare la preposition du coordonnant. Celle-ci est également battue en breche par des données comme (65) Le murmure des sources avec le hennissement des licornes se melent ä leurs voix. (Flaubert) (66) Benrand avec Raton, I'un Singe et ľautre Chat, Commensaux d'un logis, avaient un commun maitre. (la Fontaine) (67) La nuit et toules ses horreurs va descendre en notre ante. (P. Borel, cite Brunot 1922 : 266) Avec semble s'y comporter comme un coordonnant, provoquant ľac-cord au pluriel, alors que et pourrait bien devoir étre envisage ici, exception-nellement, comme une preposition, vu que la forme verbale est au singuiier. Les emplois des prepositions en interposition et les emplois, plus margi-naux, comme (quasi-)coordonnants n'obligent pas seulement ä admettre qu'une 'preposition' peut avoir, parfois, deux complements ; ils constituent également une entorse ä un principe généralement observe, selon lequel le complement de la preposition suit cette derniěre, se conformant d'ailleurs sur ce point ä la caractéristique generale du francais d'etre une langue ä téte initiale. Ce premier ne souffre toutefois guěre d'exceptions si la preposition n'a qu'un complement. Des formulas telies que des années durant témoignent moins de la possibilité ďantéposer le complement de la preposition que du figement d'une étape dans le glissement du participe ä la preposition, comme ľattestent les formules paralleles avec accord des participes excepté ou ci-inclus : cette copie tardive exceptée, voir ('attestation ci-incluse. On ne tiendra pas non plus compte des structures composées du type ci-aprěs ou lä-devant révélatrices des propriétés spécifiques de ci ou la, mais non des propriétés fondamentales des prepositions. Le seul fait ä noter est ľexistence de la structure ä...pres -. (68) ä quelques centimetres /francs pres 22 23 La preposition ertfrangais (69) le rapport tient compte de toutes les observations, ä cette remarque \ désobligeanle pres. \ (70) le rapport final est conforme au brouillon que vous avez vu, ä cette difference pres qu HI est tenu compte de deux de vos observations. Le complement, ou du moins son noyau, vient se placer entre les deux composantes de la locution, qui forme une sorte de «circum»-position, structure tout ä fait exceptionnelle en francais, mais bien attestée dans d'au-; tres langues, comme le néerlandais (naar de menšen toe, vers les gens soil lit-téralement vers les gensßJSQU'Ä). 2.5- La cohesion du groupe En francais, la cohesion de la preposition et de son complement est forte. II n'existe par exemple pas de phénoměne comparable au phénoměne que la grammaire de ľanglais appelle preposition stranding ou échouement de la preposition : (71) the book he is looking for is lost Littéralement IE HVRR IL EST CHERCHANT POUR EST PERDU Le livre qu'il cberche est perdu. En general, la cohesion du groupe est telle qu'aucun element extérieur ne peut étre mis en relation avec le complement par-dessus la barriěre que constitue la preposition, qui donne au groupe le statut ďune íle. Ainsi, les pronoms dont et en ne peuvent étre rattachés aux complements des prepositions de et ä dans les phrases inacceptables en francais contrôlé : (72) * cet hommeje m 'en souviens de la couleur des cheveux (73) * ta chambre dontj'ai donne un coup defer aux rideaux. II existe toutefois quelques cas ou cette cohesion sembíe étre brisée. U faut en premier lieu signaler un exemple isolé avancé par Damourette et Pi-chon (§ 3028) : (74) Combien complez-vous sur depersonnes ? exemple toutefois peu probant, car il est gčnéralement considéré comme inacceptable et ľantéposition étonnante de combien semble liée au position-nement de ľinterrogatif ä ľinitiale absolue. En plus, le francais moins soute- ; nu admet certaines structures oü dont est mis en rapport avec le complement -, d'une preposition ; les jugements varient ainsi ä propose de (75), qui est en " tout cas interprétable : (75) ? le livre dont Je me souviens de la couleur - En second lieu, il convient de mentionner des structures coordonnées ■ qui contiennent en plus un adjoint unique, mais qui est ä relier au complement de chaque preposition : m La preposition et le groupeprépositionnei (76) Li est étrange qu 'it ait vote pour la lot Colard et contre la proposition Baude, comportant toutes deux des mesures en faveur des immígrés. (77) On a trouvé des traces sous les armoires et dans les placards du salon. (78) // a parle ä l'enseignant et ä ľéleve qui se sont disputes hier. La mise en commun de complements ou d'adjoints qui occupent la position droite dans des structures coordonnées est courante : (79) Cette firme achéte et vend du café non torréfié. (80) On vient de rééditer les noiwelles et lespoemes de Nerval. Ce qui caractérise toutefois les exemples avec preposition, c'est que le constituant commun ne se rapporte pas aux prepositions coordonnées, mais au nom téte du groupe nominal et qu'il doit děs lors étre mis en rapport avec ce nom ä travers la barriěre prépositionnelle. Pour résoudre la difficulté et régulariser la structure, on pourrait émettre ľhypothese suivante : le coor-donnant hérite des deux prepositions coordonnées le trait de classe confé-ľaot ainsi ä ľensemble le statut de groupe prépositionnei, alors que les autres traits, différenciateurs, restent affectés ä chaque preposition. Ľadjoint ne sort, dans cette hypothěse, pas de ľíle définie par le groupe prépositionnei. Le coüt de cette hypothěse est ľintroduction d'une nouvelle distinction en niveaux, qui vient s'ajouter ä la distinction entre propriétés syntagmatiques et propriétés fonetionneíles, caractérisant certains emplois des prepositions en interposition. Lť troisiéme type de cas qui pourrait soulever des problěmes a été mis en evidence par Kayne (1977) ; il s'agit ďadjoints liés au complement de la preposition 'dative' ä -. (81) ? Cesfemmes ä qui j'ai parle ä toutes. (82) ? Lmpatienle, il faut tout immédiatement ä Gertrude. Dans ces deux exemples, un adjoint (a toutes, impatienté) est ä relier au complement de la preposition. On notera toutefois le caractěre marginal de ces exemples et la difficulté ä les faire reproduire par des informateurs non prévenus. Tis témoignent peut-étre plus du caractěre second des complements prépositionnels datifs par rapport aux formes pronominales cütiques, qui admettent bien plus facilement de telies associations (cf. chapitre II. 53.3.1.): (83) f e lew ai parle ä toutes. (84) Lmpatiente, il luifaul tout immédiatement, ä Gertrude. 24 25 f La preposition enfrangais 2.6. La preposition comme tete du groupe prépositionnel f Ľexamen des propriétés qui caractérisent le rapport entre la preposition. et son complement a permis de nuancer le tableau des propriétés habituelle- -ment attribuées ä la preposition. IÍ en ressoit que la preposition sélectionne; bel et bien un complement, dont eile determine la construction et avec le-; quel eile forme un groupe ä cohesion forte. II se confirme done que la pre-,' position est bien la tete du groupe prépositionnel. Cette conclusion' provisoire peut venir s'appuyer sur un dernier argument: la preposition peut, recevoir un spécificateur de degré, qui comme tous \es marqueurs de degré ' vient s'insérer ä gauche : (85) IIpénětre presque / loin / ä peine dans la maison. (S6) Elle est arrivée juste avant / aprěs moi. Le complement n'est toutefois pas nécessaírement un groupe nominal' ou un equivalent de groupe nominal; toute catégorie majeure, ä ľexception , des structures dont la tete est un verbe fini, peut servir de complement ä ia preposition, ä condition que la valence de celle-ci l'admette. Une telle varia- -tion ne doit pas étonner, car eile s'observe également pour la complementation du nom, du verbe et de ia phrase. En plus, ce complement connaTf une realisation zero sous des conditions qui sont paralleles ä celieš que ľon observe dans le cas du verbe. Enfin, certaines prepositions connaissent d'autres usages. Un usage a-sé-lectif de certaines prepositions a, d'une part, pu étre mis en evidence et, í d'autre part, un emploi ä double complement a été défini, que la preposition fonctionne en interposition ou comme ligateur coordonnant. 3. Le groupe prépositionnel intégré La definition classique, rappelée au § 1, permet d'attribuer ä la préposi- . tion quatre propriétés qui referent ä son integration dans des structures en- -globantes : la phrase, le groupe verbal, le groupe adjectif ou le groupe nominal. La premiere (F) signále que la tete externe sélectionne la préposi- ; tion et que son complement n'est pas soumis ä une selection directe, mais ■ tout au plus ä une selection indirecte, par ľintermédiaire de la téte préposi- ' tionnelle. La propriété G stipule en plus qu'une preposition introduit tou- ■ jours un groupe qui depend ďune tete externe. Ainsi, la preposition assure i ľintégration du groupe dans cette structure (H). Ceci implique que la prépo- í sition est indispensable ä la bonne formation de la structure. Enfin, la prépo- • sition est tenue pour le facteur determinant dans le processus de \ categorisation paradigmatique du groupe (I). ; la preposition et le groupe prépositionnel Avant de verifier la validitě de ces diverses propriétés, il importe de pré-cjser certains mécanismes qui assurent la mise en rapport de la preposition el de la téte externe ä laquelle eile se rattache, en particulier le mécanisme de selection. 3.1. Les trois modes de selection de la preposition Si la preposition est la téte du groupe prépositionnel, c'est eile qui est sé-íectionnée lors de ľintégration du groupe dans la structure globale. Cette selection peut se faire selon trois modes distinets illustres par les exemples suivants: (87) Selon la météo, des averses violentesperturberont la circulation pendant plusieurs jours dans la region de Toulouse. (88) Pierre compte sur ses amies. (89) L'église de Quôvilly a été classée monument historique. Dans ľexemple (87), les trois prepositions raises en evidence semblent s'intégrer dans la phrase en vertu de leurs propriétés sémantiques et syntaxi-ques inlrinséques et des facteurs situés au niveau de la structure matrice. Ces facteurs témoignent d'un processus de selection sur des bases syntactico-sé-mantiques. Ľexemple (88) illustre un processus different: la selection de sur depend de la presence du verbe compter; on pourra parier d'un mode de selection lexical. En (89) enfin, la selection de la preposition de semble liée ä des contraintes d'ordre strucUirel: un complement du nom doit, sous certaines conditions, étre introduit par de. Il convient d'examiner ces trois modes et leurs eventuelles interactions de plus pres afin de niieirx saisir la maniere dont une preposition et son complement viennent s'intégrer dans une structure plus complexe. 3.1-1. La selection syntactico-sémantique Le mode de selection syntactico-sémantique est généralement associé aux emplois libres des prepositions, e'est-a-dire aux emplois comme téte d'un complement accessoire, dit circonstanciel, ou d'un adjoint du nom. Le facteur sélectionnant est, dans le cas des groupes prépositionnels qui viennent s'intégrer ä la phrase, une caractéristique generale de son architecture comme l'aspect, le temps ou ía modalite. Ľexemple (87) permet d'illustrer les mécanismes en jeu. Ainsi ľexclusíon de selon la météo dans certaines su-bordonnées montre-t-elle que ľintégration de ce constituant est soumise ä des contraintes : la structure matrice doit étre marquee pour des propriétés énonciatives, absentes de la sous-phrase completive d'un verbe comme craindre. 26 27 La preposition enfrangais La preposition et le groupeprépositionnel (90) * Les organisatetirs de Vépreuve craignent que de violentes aversesperturbent, sehn la tnétéo, la circulation. Ľintégration du complement aspectuel pendant plusieurs jours est, elle-aussi, soumise ä des conditions precises au niveau de la matrice ; celles-ci afferent avant tout le lexeme verbal et sa construction et accessoirement Inspect verbal et la presence ou ľabsence de la negation. Le locatif enfin est également contraint par des propriétés phrastiques puisqu'il s'interprete en fonction du temps verbal, alors que le locatif dans la phrase (91) II a louche son adversaire au bras droit. ne fait pas reference aux propriétés phrastiques, mais uniquement aux com-posantes du groupe verbal, au sens étroit du terme : le verbe et son complement. Les contraintes ont done une double nature : elles font reference ä la structure de la matrice et ä ses propriétés sémantiques, dont ľinteraction avec le sens de la preposition sera examinee dans le chapitre II (§ 2.1.2. et 2.2. -2.3.), Four que la preposition puisse integrer le groupe dont clle est la tele dans la matrice, il faut qu'elle soit compatible avec les contraintes. Or, cette compatibilité se calcule non par reference ä la preposition isolée, mais par reference ä la valeur du groupe prepositionnel, obtenu de maniere compo.si-tionnelle ä partir de la preposition et de son complement. Le cas dependant permet de metťre aiscment en evidence cet aspect. La preposition évoque systématiquement ľidée de durée ; celle-ci sera totitefois spécifiée grace aux propriétés véhiculées par le complement. Si le complement combine une ex-' pression quantitative et un nom temporel (plusieurs jours, quatre mois), il défínit une quantité de temps et le groupe prépositionnel dans son ensemble prend une valeur aspectuelle. Si par contre le complement référe ä un Intervalle (pendant la matinee, ces quatre mois'), la combinaison avec pendant défínit un intervalle sur ľaxe du temps. Les conditions ďintégration en se-ront fondamentalement modifiées, puisque les conditions relatives aux complements temporeis se déterminent au niveau du temps, tandis que les conditions propres aux complements aspectuels se situent principalement ■ dans le groupe verbal. 3-1.2. le mode de selection lexical Le mode de selection lexical est associé au phénoměne des prepositions fixes accompagnant certains verbes, noms et adjectifs ou certaines combinai- • sons d'un verbe support et ďune sequence non verbale. Le choix de la pre- ■ position est spécifique : * (92) compter sur, consister en, oplerpour, parier de, penser ä,- < apte ä ; (93) attitude envers, bainepour, modification par ,* (94) avoir confiance en, faire confiance ä. ' Le choix de la preposition n'est certes pas índépendant de son séman-tisme et de celui du terme recteur (cf. chapitre II), mais la fixation de la preposition rend la composante sémantíque moins saiilante. Celle-ci n'est (outefois pas totalement absente, puisque certaines tétes lexicaies admettent plus d'une preposition et que cette variation est significative. Trois cas de figure peuvent en effet se presenter : - ics prepositions admises sont des contraires - voter pour ou contre - avec de fréquentes neutralisations : un remědepourV contre le rhume des Joins; - les prepositions introduisent une différenciation mineure ; ainsi mélanger se combine de preference avec ä en cas de combinaison asymétrique (mélanger le sel ä la Jarine), tandis que mélanger avec s'utilise principalement en cas d'équivalence fonctionnelle : mélanger le beurre avec le suere pour en faire un ruban; - les prepositions sont différenciées en fonction du sens global de la combinaison : croire ä/ en; compter sur / avec - sans, L'association trěs étroite de la preposition fixe ou quasi fixe et du terme recteur fait que les liens entre la preposition et son complement semblent se distendre sur le plan de la selection, car e'est bien l'association comme ensemble et non la preposition seule qui séiectionne le complement. Ainsi la suite sur ta bienveiUance est-elle en isolation une combinaison pour le moins inattendue, sur ne sélectionnant habituellement pas un nom abstrait de ce type, mais eile est naturelle dans (95) U compte sur ta bienveiUance. Il apparaít děs lors une tension entre les propriétés de selection et les propriétés formelles de la preposition. Dans les combinaisons reměde pour/ contre, la selection du complement est ainsi, au moins en partie, fonction du nom téte, mais les propriétés formelles du complement dependent de la preposition : seul pour autorise un infinitif. En plus, la preposition et son complement forment toujours une unite forte sur le plan syntagmatique, alors que le terme recteur et la preposition peuvent sans problěmes étre dissociés dans la chaine. De ce point de vue, le francais diffěre profondément de lan-gues comme ľanglais dans lesquelles existe le phénoměne des verbes ä par-ticules : stand up, lookjor, etc. Le processus de selection est done fonciěrement different de celui qui s'observe dans le cas de la selection syntactico-sémantique : dans ce cas la combinaison de la preposition et de son complement aboutit ä une entite dotée de propriétés spécifiques ; celle-ci peut ensuite venir s'intégrer dans ľarchítecture de la phrase. Dans le mode lexical au contraire la téte externe 28 29 La preposition enfrangais La preposition et le groupe prépositionnel et la preposition se combinent d'abord pour sélectionner ensuite le! complement. Les deux modes de selection ne sont cependant pas mutuellement ex-' clusifs. Il existe en effet au moins une catégorie de verbes qui sélectionne un groupe prépositionnel comme complement, mais oü intervient le mode de; selection syntactico-sémantique. Il s'agit des verbes de dépiacement oriente ou verbes directionnels (venir, aller, entrer, sortir, conduire, envoy er,...), airt-si que de leurs contraires ietre, rester, se trouver,...). Ces verbes requiěrent un' complement qui peut prendre la forme d'un groupe prépositionnel, d'un ad-verbe ou, au moins dans certains cas, d'un groupe infinitif, mais ils n'impo-sent pas de preposition spécifíque, merne s'ils déterminent certaines orientations. Ainsi aller, conduire, entrer et envoyer n'admettent-ils qu'une orientation prospective : la preposition de est des lors exclue, mais tout autre groupe ä valeur locative est acceptable, pour peu qu'il puisse designer un lieu stable et done un point d'aboutissement; (96) Ilvaäľécole, dans ľécole, vers ľécote, surletoit, sous Vauvent,.... Il en va de méme des verbes statiques, qui en vertu de leur sémantisme, exciuent vers, mais admettent les autres prepositions qui peuvent se combiner avec aller. Venir el sortir imposent moins de restrictions encore, puisque ľorientation du dépiacement n'est pas déterminée ; on aura done tant venir ä que venir de. Si le verbe intervient done, dans une certaine mesure, dans la ' selection de la preposition, celie-ci conserve, par rapport ä son complement, toute son autonomie et eile fonctionne, de ce point de vue, exactement de la méme maniere que les prepositions dans les complements accessoires. II n'est děs lors pas étonnant que la tradition de l'analyse grammaticale en , functions a eu bien des difficultés ä situer ces complements, qui sont souvent ranges ä tort pármi les complements circonstanciels et qui ne peuvent pas non plus étre assimilés aux complements dits ďobjet indirect ou complé- -ments prépositionnels, impliquant précisément la selection lexicale de la preposition. 13 est en outre ä noter qu'il existe des cas intermédiaires entre la selection lexicale au sens plein du terme et la selection sur des bases syntactico-sé- . mantiques et done entre les cas ou la preposition est attirée par le verbe rec- ' teur et ceux oü eile forme, de tous points de vue, bloc avec son complement. " Des verbes comme CV) accrocher, s'adresserä ou annexer ä permettent ďií-lustrer cette transition. Le premier n'autorise que quelques prepositions, ■' principalement ä, mais également aprěs et contre; il admet en plus des ad- ; verbes locatifs, comme les verbes de mouvement. Pour le second, le choix ] de ä est contraint, ä ľinstar des verbes qui sélectionnent la preposition selon ; le mode lexical; mais le complement commute avec un adverbe locatif, par ; exemple ľinterrogatif oü ? et, en plus, la preposition et son complement - conservent leur valeur propre. Un verbe tel o$annexer ä occupe une position encore plus proche du pole lexical, puisque la commutation avec un ad-verbe locatif n'est plus possible. Le cas n'est toutefois pas tout ä fait assimilable ä celui de verbes du typepenserä, vu que le groupe prépositionnel conserve une plus grande autonomie sémantique. $,i,3- La selection structurelle Le troisiěme mode de selection, la selection structurelle, a surtout été mis en evidence dans le domaine de la complementation nominale, Divers lin-tmistes avancent l'hypothese qu'un nom ne peut recevoir de complement que par ľintermédiaire d'une preposition, en particulier de. Cette preposition n'est pas spécifíque, ä ľopposée deparou depouravec les noms ďac-íion ou de sentiment; eile n'est pas non plus significative au sens fort du terme, contrairement aux complements prépositionnels locatifs dans Véglise aQuéviUy. Sa seule raison d'etre est apparemment ďordre structural; il s'agit de combler un vide syntaxique et ďincliquer, dans les termes les plus géné-raux possibles, qu'il existe une relation qui va du complement ä la téte nominale, de telle sorte que le complement spécifie ou particularise la téte (Bartning 1993). Line telle analyse ne convient certes pas ä ľensembie des complements du nom, méme pas si ľon se limite aux complements intro-duits par de; ainsi la preposition scmble conserver son sens spatial dans (97): (97) La vue de lafenetre est magnifique. Elle peut néanmoins convenir au cas des complements qui commutent avec le determinant possessif et aux sequences N de N, proches de noms composes comme mal de mer, chien de berger ou sails de bains. Le cas de ces complements du nom n'est pas le seul pour iequel une selection structurelle semble devoir étre envisagée. Dans trois autres cas, cette hypothése peut étre défendue : les complements des verbes réfíexifs, la construetion/ö/re infinitif et le datif. Certains verbes transitifs, tels apercevoir et atlendre possědent en effet une construction reflexive autonome et, dans ce cas, le complement est introduit par une preposition : s'apercevoir de et s'attendre ä. Son apparition semble dietée par le fait que la position du complement direct est inaccessible, étant donne que ľindice de reflexivitě se ľoc-cupe; le contraste entre de et ä montre que le sens de la preposition est toujours pertinent. Le second cas s'observe dans la construction dite factitive ; la preposition s'impose en effet dans (98) II a fait dessiner lepaysage ä /par ses élěves. pour des raisons structurelles : le verbe complexe faire dessiner ne dispose que d'une place de complement direct (// a fait dessiner lepaysage /il a fait 31 La preposition enfmngais dessiner ses élěves) et si deux candidats se présentent, la preposition s'im-: pose. Ľexemple (98) montre en outre que la selection d'une preposition due' ä des conditions structurelles n'est pas incompatible avec ľattribution d'un sens ä la preposition. En effet, le choíx de ä ou de par peut étre significatif: : la selection de ä signále que 'les élěves' sont associés comme partenaires et r bénéflciaires au proces, alors que le choix de par leur attribue plutôt un role , ďexécutant. Le contraste apparaít nettement quand on integre (98) dans un -contexte plus large : (99) Leprofesseur a fait dessiner ce paysage ä ses élěves afin de les rendre sensibles ä la luminosité, (100) En accord avec la pratique habituelles des ateliers du XVIIe, cepeintrefaisait peindre lespaysages par ses élěves, se réservant les parties nobles, tels les visages. L'exploitation du contraste entre ä et par est toutefois soumis ä des con-traintes formelles. Il existe en effet des contextes dans lesquels seule une des deux prepositions est adrnise. La presence d'un complement indirect intro-duit par ä ou de forme pronominale impose le recours ä par (101) et la ' non-disponibilité du passif le recours ä la preposition ä (102) : (101) Elle a fait écrire une lettre de protestation ä son percepteur par un avocat specialise. (102) Cet instituteur brouillon afaitperdre le Nord aux enfants. Le mode de selection structural soulěve un double probléme théorique important: en premier lieu, celui de determiner si la preposition est bien un element autonome ou un marqueur de cas affectant le groupe nominal et, en second lieu, celui de savoir si la preposition est, dans ce cas, vide, dé- , pourvue de caractéristiques sémantiques. Sur ce dernier point, les premieres indications sont negatives ; en cas de contraste, le sens des prepositions ' semble toujours pertinent (cf. aussi chapitre II. § 33.). Pour le premier point, -il semble acquis que, dans certains cas, la preposition est devenue un marqueur qui affecte le groupe nominal, mais qui ne le transforme pas en groupe prépositionnel au sens plein du terme. Le cas le plus evident est four- ' ní par les groupes introduits par ä et alternant avec les pronoms lui ou leur • que Von qualifie de pronoms datifs (cf. aussi § 3-5. et chapitre II. § 3.3.1.). : L'argument le plus convaincant est fourni par leur integration dans le para- í digme de pronoms, au sens fort du terme, c'est-ä-dire ďunités pourvues de traits nominaux comme la personne, le nombre et le genre. On notera en \ plus que les groupes prépositionnels doivent étre considérés comme des realisations secondares du datif; ils sont non seulement beaucoup moins frequents que les realisations pronominales, mais leur distribution est égale- ' ment plus restreinte, comme il ressott de ľoppositíon entre (103) et (104) : I 32 La preposition et le groupe prépositionnel (103) U lui a ouvert la porte. Il lui a glissé un billet dans lapocbe. La tete lui tourne. Il lui a coupé les angles. fe lui trouve mauvaise mine. Je ne lui connais aucun ennemi. Il lui est difficile de venir. (104) ? IIa ouvert la porte ä Marie. * U a glissé un billet a Marie dans lapocbe. * La tete tourne ä Marie. ? Il a coupé les angles ä Marie. ?Je trouve mauvaise mine ä Marie. ?Je ne connais aucun ennemi ä Marie. ? II est difficile ä Jean de venir. 3.2. La selection des prepositions a-selectives Lors de la discussion du rapport entre la preposition et son complement, il est apparu qu'il existe des prepositions a-selectives (voir § 2.2.), telies que sauf. Dans (105) IIapensé ä tout, sauf ä prendre la clef de la maison de Campagne. (106) Elle n'a parle de personne, sauf de toi. la structure du complement ne depend pas de la preposition, mais d'un element extérieur au groupe prépositionnel. La preposition échappe aux relations de selection qui rattachent ä tout et ä prendre la clef (...) au verbe penser, tout comme de personne et de toi ä parier. Son integration est assurée par une autre dépendance, liant saufet son complement ä ľexpression d'un tout; celui-ci peut prendre la forme d'un pronom, positif ou négatif, ou d'un groupe nominal: (107) Les éludiants ont lu le livre, sauf quelques paragrapbes trop techniques. D'autres exemples ne contiennent toutefois aucune expression explicite de ce type : (108) Marie ne boitpas de café, sauf (parfais) le matin. (109) Il ne leferapas, sauf si e'est toi qui le lui demandes. L'on peut avancer ľidée que sauf fait allusion, dans le premier exemple ä tous les moments temporeis que permet la forme du present et, dans le second, ä toutes les conditions sous lesquelles la phrase matrice peut étre as-seitée. Ainsi se dessine un double réseau qui assure ľintégration de saufet de son 'pseudo'-complément: ce dernier est sélectionné indépendamment et conjointement ä une expression generale de méme type, explicite ou 33 La preposition enfrangüis \ implicate, tandis que sauf éteblít un rapport entre le tout et la partie, qui neŕ releve pas nécessairement de la dépendance. \ 3.3. La preposition a-t-elle toujours une tete externe ? Si saufet les autres termes exceptifs posent un double probléme - y a-t-ft selection et comment opěre-t-elle ? - , d'autres prepositions connaissent des-usages ou ľon ne peut détecter de tete externe. Deux cas peuvent étre distin-gués selon que la 'preposition' figure devant un constituant qui fonctionne comme sujet ou comme complement direct ou qu'elle fait partie du détermi--nant nominal. Le premier cas a déjä été illustre lors de la presentation des interpositions ; il suffit de rappeler ici ľexemple (110) IIa commiserreursurerreur. U s'observe également dans des exemples comme (111) II a examine jusqu 'ä la moindre note de frais. (112) Touš les habitants du village ont été consultés; jusqu 'aux enfants de ľécok primaire ontpu donner leur opinion. fusqu'ä, habituellement traité comme une preposition, y fonctionne de maniere assez semblable ä sauf; ce terme n'introduit évidemment pas une, exception, mais plutôt un cas extréme et done inattendu. Deux differences sont ä souligner. Le constituant dans lequel ce terme figure remplit une fonction essentielle dans la phrase et le domaine dans lequel le cas extreme doit étre situé n'est pas present dans la phrase. II peut apparaitre dans le contexte antérieur, comme dans le dernier exemple propose plus haut, ou ií peut étre reconstruit par inference, comme dans le premier exemple. Son integration' dans la phrase méme sous forme ďénumération est plus exceptionnelle; dans ce cas, jusqu'ä relie plutôt les termes de ľénumération qu'il n'introduit un rapport de dépendance : (113) la cathédrale d'Evreux a vu se dérouler bier un service depriěre inattendu • ľévéque, unpasteur, un archimandrite, un rabbin, jusqu'ä un mollaby ont prie pour lapaix. Dans aucun cas, jusqu'ä n'est sélectionné par le verbe dont depend le' groupe nominal qui le suit; il ne sélectionne ďailleurs pas non plus ce^ groupe et fonctionne done comme un marqueur argumentatif, mais non comme une preposition. i Les cas évoqués ci-dessus ne sont pas tres commons ; ľemploi de la pré- j position dans un determinant de la quantité approximative 1'est beaucoup plus: ] 34 : La preposition et le groupeprépositionnel (11 í) les organisateurs attendant 500 ä 600 personnes. de 500 ä 600 personnes. pres de 600 personnes. entre 500 et 600 personnes. jusqu'ä 600personnes. dans les 600 personnes. Dans tous ces cas, la preposition, éventuellement employee en interposition ou en correlation (de... á...), introduit un complement, le quantifica-teur, qu'elle modifie en une expression de la quantité approximative. Celle-ci sert de determinant au nom, mais n'est pas sélectionnée par le nom téte au méme titre que les groupes prépositionnels étudiés au § 3.1 • 3,4. La preposition est-elle indispensable ä ľintégration de son complement ? Les deux paragraphes precedents ont attire l'attention sur des faits qui montrent qu'une 'preposition' n'est pas toujours sélectionnée par une tete externe et qu'elle ne contribue dans ce cas pas ä la mise en place des relations syntaxiques dans la phrase. Mais, que la preposition soit, dans l'im-mense majorite des cas, indispensable ä la bonne formation de la phrase est evident; il suffit, pour s'en convaincre, ďéliminer les prepositions dans un href alinéa. íl existe toutefois un certain nombre de cas dans lesquels la preposition semble facultative ; quel role y joue-t-elle děs lors ? De tels cas sont illustres dans (115) ä (119): (US) le rendez-vous a été fixe au 12 octobre/ le 14 septembre. (116) L'étang estparticuliěrement beau au matin/le matin. (117.) le chasseur atteint (ä) saproie. (118) Géraldine habite (ä) Paris/(dans) leMarais. (119) U téléphonera (děs) aprěs le repas. Dans ľexemple (115) le constituant non introduit par une preposition oecupe une autre position structurelle que le groupe prépositionnel: au 12 octobre depend étroitement du verbe comme unite lexicale et remplit une fonction essentielle, tandis que le 14 septembre remplit une fonction acces-soire, celle de complement temporel situant. Que les deux groupes puissent apparaitre conjointement dans la phrase confirme la difference de statut. Line telle interpretation ne peut étre évoquée pour les exemples (116) et (117). lis illusírent par contre 1'existence de differences de sens entre les constructions directes et prépositionnelles. Dans le premier, impliquant deux complements temporeis, le complement direct définät un intervalle 35 la preposition enfrangais pendant lequel la propriété se vérifie, alors que ä confere une valeur inchoative au complement, II en va de méme des oppositions au niveau de la corn-; plémentation verbale qu'illustre (117). A atteindre on pourra d'ailleursi ajouter d'autres verbes comme applaudir, commander, consentir, réfléchir} regarder ou viser. Dans touš les cas, une opposition de sens, parfois netlej parfois plus subtile, mais toujours présente, se manifeste, témôignant du role" crucial de la preposition, Loin d'infirmer I'hypothese que la preposition est; nécessaire, ces exemples la confirment. É Les deux autres exemples soulěvent plus de problěmes pour I'hypothese du role incontournable cle la preposition. Dans 1'cxemple (118), comportanti le verbe habiter, la difference entre la construction avec preposition et la. construction directe semblc bien réduite, ä condition toutefois que le verbe! conserve son sens de base. II suffit en effet cle passer au sens figure pour que' le contraste redevienne net: ; (120) L 'avenir habile en nous. '-Cette croyance les habile. La construction directe suggere, comme dans le cas des verbes évoqués, ci-dessus, que le complement est entiěrement impliqué, alors qu'il ne ľest pas de la méme maniere dans la construction prépositionnelle. Cette opposi- -tion transparait d'ailleurs dans certains emplois du verbe au sens locatif. Une phrase comme (121) Les tisserands habitaient ce quartier. laisse entendre que tous les tisserands y avaient leur demeure et qu'au-; cun autre corps de metier n'y demeurait; il semble par ailleurs difficile ď in- -troduire dans cette phrase un adverbe comme habituettement ou parfois, \ dont Interpretation sporadique va ä ľencontre de ľimplication que včhicule la construction verbale. Or, dans la construction ä preposition, de tels adver-bcs ne posent aucun probléme : (122) Les Lombards habitaient quelquefois / souvent dans ce quartier. De maniere analogue, une phrase comme Le comte habite (toujours) le chateau, suggěre que le chateau seit, dans son ensemble, de demeure, tan-: dis que dans le chateau laisse entendre que d'autres activités peuvent s'y si-' tuer ou que d'autres personnes peuvent y habitcr. Il convient cependant de í noter que le contraste entre la presence et ľabsence de preposition n'est pas -toujours stable. Il suffit de changer de nom pour qu'une autre repartition ' s'observe. La combinaison du verbe habiter avcc des nonis comme rue, ■ place ou avenue permet de retrouver en partie ľopposition entre implication \ partielle et implication totale, puisque (123) est bon et (124) est étrange : , (123) Les tisserands habitaient ta rue aux Laines. (124) ? Julien habitait la rue aux Laines. F 30 * La preposition et le groupe prépositionnel jvlais on notera que (125) avec la preposition dans suggěre que le sujet n'a pas son domicile dans la rue : (125) Julien habitait dans la rue aux Laines. pour signaler le domicile d'un particulier, on recourt ä (126), qui contient je nom rue sans determinant, mais non une preposition ; rue est toutefois peut-étre en train de subir un processus de grammaticalisation qui le fait passer de la catégorie nominale ä la catégorie preposition (Barbells 1997) : (126) Julien habitait rue aux Laines. Il apparaít done que ľopposition de la construction directe et de la construction prépositionnelle peut étre neutralisée, mais qu'elle subsiste ou peut etre activée dans certains cas. Le role crucial de la preposition n'est done pas dementi, méme s'il est affaibli. Le cas du verbe habiter n'est pas isole. Des alternances entre les constructions directe et prépositionnelle s'observent fréquemment dans le cadre du groupe nominal, comme le montre M. Noailly dans son travail sur Lesubs-tantif épitběte (1990) : ľassurance maladie / Vassurance en cas de maladie ; fa campagne (de) Chirac ; le centre-ville / de la ville. Ces alternances ne té-moignent toutefois pas de ľéquivalence systématique des deux constructions. On notera, en premier lieu, que le choix n'est pas toujours disponible : moulin ä vent, verre de / ä vin, armée de terre / de l'air d'une part et ca-nape-lit ou ľélémentfeu (joue un role important dans cette oeuvre) d'autre part le montrent. Ľinterprétation n'est, en second lieu, pas toujours iden-tique. Alnsi, un ensemble Chanel est un type d'ensemble qui ne doit pas avoir été concu par la maison de ce nom, mais un ensemble de Chanel a čté créé par cette maison ; de méme un chien de berger n'est-il nécessairement pas un chien herger. En troisiěme lieu, on notera, ä la suite de Noailly (1990), une difference syntaxique : en construction directe, le nom n'est jamais determine ; il perd děs lors de son autonomie, entre autres sur le plan référen-tiel, et il entre ainsi en relation de dépendance envers le premier nom, qui est determine. Si la construction prépositionnelle traduit eile aussi une relation de dépendance, eile est obtenue par des moyens syntaxiques. Ici encore, il semble done qu'il y ait moins equivalence que convergence partielle, méme si cette derniěre est plus massive que dans d'autres secteurs. L'exemple (119) soulěve des questions plus épineuses. La preposition děs est facultative et eile semble fonctionner comme un modificateur de de-gré poitant sur aprěs; la combinaison peut étre paraphrasée ä ľaide de la formule immédiatement aprěs et un effet argumentatif peut se développer, comme le signále Ilinski (2000). Un phénoměne analogue s'observe dans la combinaison děs avant, oü la valeur argumentative est plus sensible ä cause du contraste entre les deux termes : (127) La presse a été avertie des decisions děs avant la reunion du conseil. 37 La preposition enfrangais Si děs a un appoit de sens, le terme n'est pas indispensable au méme I titre que dans les cas évoqués ci-dessus. En plus, děs ne fonctionne pas e comme téte par rapport ä aprěs ou avant; les propríétés examinees au para-: graphe 2 ne se vérifient pas et c'est au contraire la seconde preposition qui , sélectionne děs. Ce terme ne fonctionne done pas comme preposition. Děs n'est pas le seul terme qui fait preuve ďun double fonctionnement, ■' comme preposition et comme 'marqueuť de degré, etiquette descriptive; dans ľattente de la discussion sur la systématique des parties du discours au ; paragraplie 4. Le méme double comportement s'observe en effet dans le cas. de jusque /jusqu 'ä -. (128) II est venu jusque dans la maison / äevant ľéglíse. II a cherché jusque sous les fauteuils/jusque cterriěre les rideaux. H a cherché partout, jusqu 'en Ardenne. La discussion a montré que la preposition téte ďun groupe préposition-nel a un äpport spécifique dans la structure complexe dont eile fait paitie, mais eile a aussi mis en evidence que le contraste entre une constmction -prépositionnelle et la construction directe peut étre neutralise et eile permet de formuler une nouvelle question : ľopposítion fait-elle apparaitre un con- \ traste sémantique constant, base pour 1'attribution de traits de sens á la configuration syntaxique ? En plus, la discussion de ľexemple (119) a permis de mettre en evidence un fonctionnement a-typique de termes comme děs et jusque, ce qui constitue un element important dans le débat sur la flexibilite syntaxique des 'prepositions' (cf chapitre III. § 1.3-5,)- 3-5. La pľéposition et la categorisation La preposition en tant que téte de groupe confere ä celui-cí le statut de • groupe prépositionnel, comme il a été montré au paragraphe 2 ; les gram-' maires établissent cependant fréquemment une autre equivalence : ceíle du ; groupe prépositionnel et de ľadverbe. Cette equivalence catégoríelle est fondée non sur les propriétés internes du groupe, mais sur son fonctionne- >_ ment dans la structure matrice ; eile s'observe principalement lorsque le \ groupe prépositionnel remplit la fonetion de circonstant. La justification de cette equivalence peut étre trouvée dans la commuta-; tion, en particulier avec des pro-formes adverbiales telies que les adverbes í interrogatifs ; celles-ci servent, en queíque sorte, de tétes de paradigme. Il ~* serait toutefois erroné de considérer que la preposition opere une recatégo-; risation de son complement en un adverbe de discours. Plusieurs arguments t peuvent étre avancés contre cette hypothése. Il faut en premier lieu tenir * compte du fait que cette recatégorisation spécifique est liée ä une fonetion f 38 la preposition el le groupe prépositionnel ou ä un ensemble de fonetions. Si la commutation du groupe introduít par en avec un adverbe est evidente dans (129) Oü as-tu rencontre Jean ? (Je ľai rencontre) en ville. eile n'est pas possible si le groupe prépositionnel remplit la fonetion de complement prépositionnel essentiel ou de complement du nom : (130) Une agglomeration urbaine consiste en une ville noyau et en un certain nombre de communes périphériques. (131) Il a acheté une table en noyer. Ce que révěle ľéquivalence du groupe en ville et de oü ?, ce n'est done pas la translation du groupe prépositionnel en un adverbe, mais bien le fait que les deux constituants entretiennent Je méme rapport avec les autres elements de la phrase, qu'ils réalisent la méme fonetion et entrent done dans le méme paradigme fonctionnel. Si 1'on accorde une position privilégiée, ä ľin-térieur de ces paradigmes, aux pro-formes générales qui en expriment cer-taines dimensions fondamentales, il est utile de parier ä propos du paradigme fonctionnel qui realise la fonetion de complement de rencontrer ďun paradigme adverbial. Dans ce sens, ľon peut également dire que le groupe prépositionnel entre, dans ce cas spécifique, dans un paradigme adverbial, ce qui ne veut pas dire que la preposition est un instrument de translation qui change la catégorie morpho-syntaxique de son complement. La distinction entre le paradigme fonctionnel et la catégorie morpho-syntaxique des groupes qui le réalisent présente un triple avantage : eile permet d evíter des assimilations hätives et peu éclairantes, comme celie du groupe prépositionnel et de ľadverbe, de créer une fausse scission entre les prepositions qui opěrent une adverbialisation et celie qui confěrent le statut ďadjectif au groupe et de preserver, dans une ceitaine mesure, ľunité de la dasse des groupes prépositionnels, envisagée du point de vue des fonetions, Celle-ci semble toutefois devoir étre définie de maniere negative : les groupes prépositionnels entrent en principe dans des paradigmes fonctionnels non nominaux. Píutôt que de recatégoriser, la preposition décatégoriserait done son complement le plus typique. Le fait qu'un terme comme jusqu 'ä ne fonctionne plus comme preposition lorsqu'il precede un sujet ou un complement direct vient appuyer cette position, qui rencontre cependant quatre difficullés. La premiére a déjä été évoquée : un groupe prépositionnel peut servir de determinant du nom, tout comme certains groupes nominaux - un tas de, unepincée de-, mais le paradigme des determinants n'est pas typiquement nominal. La seconde concerne plus le groupe nominal que le groupe prépositionnel: il s'agit de ľemploi de groupes nominaux clans des paradigmes ä dominante adverbiale comme // dort le matin ; Cela durera guelíjuesjnjnutes. La troísiěme difficulté concerne les interpositions évoquées 39 La preposition enfrangais aux paragraphes 2.4. et 3.3. ; dans commeltre erreursurerreurla preposition' lie les deux noms, mais n'est pas la téte du groupe. Ceci souleve le probléme du rapport entre item lexical et classe de mots qui sera traité au paragraphs ■ 4. La derniěre difficulté mérite plus d'attention ; il s'agit des groupes introj duits par ä et qui commutent avec les pronoms lui et leur. ; Divers indices montrent que ce type de groupe prépositionnel occupy une position intermédiaire, manifestant certains traits du groupe préposiJ tionnel et certains du groupe nominal. Si ľagrammaticalité de : (132) * la maison dontMarc a écrlt une lettre au propriétaire \ * le salon dontJules a donne un coup defer aux rideaux. \ montre que la preposition seit de barriěre et fonctionne comme těte ďuni groupe prépositionnel, ľacceptabilité de la construction détachée dans \ (133) Plus ou moins rejetés une premiére fois par le systéme scolaire traditionneí'" il ne semble pas possible de demander ä ces Sieves de jotter cette nouvelk' chance, (exemple de Combettes 1998 : 45) consume un argument en faveur ďune analyse comme groupe nominal, tom. comme la commutation pronominale qui oppose fl (134) Il écrit une lettre ä Julie. II ltd écrit une lettre. \ (135) // donne un coup defer aux rideaux. U leur donne un coup defer. ä \ (136) Ilpense ä Julie. Ilpense ä eile. ! Ilpense aux rideaux ä repasser. ttypense. Enfin, la participation de la preposition aux phénoměnes de selection; n'est pas toujours evidente, en particulier dans le cas des verbes ďéquiva-f lence comme - (137) assimiler, comparer, confronter, opposer, préférer, subordonner; ', adjoindre, associer, corréler, jumeler, juxtaposer, unir. \ La determination du nora complement de la preposition est fortement ? contrainte par la catégorie du nom complement direct, ce qui ne s'observe; pas si le groupe commute avec y -. i (138) 7/ a compare Vincent ä Francois. ; // lui a compare Vincent. f (139) 11 a compare Vincent ä une citrouille / une tornáde. \ U y a compam Vincent. \ Le rapprochement avec les groupes nominaux s'accompagne done d'un \ certain affaiblissement des propriétés typiques du groupe prépositionnel. '■ 40 ) La preposition et le groupe prépositionnel ■x 6. Elements de conclusion L'examen des relations que la preposition entretient avec la structure matrice dans laquelle eile vient s'ínscríre a révéíé en premier lieu ľabsence fa specialisation fonctionnelle. Le groupe prépositionnel peut servir de esser nominal, ďadjoint post-nominal et de determinant. Il peut meine servir d'at-tribut Cette palette n'est toutefois pas spécifique ; d'autres classes de mots peiivent accéder aux mémes fonctions. La seule caractéristique notable est {'opposition avec les groupes nominaux, les groupes prépositionnels ne commutant en principe pas avec des groupes nominaux qui conservent plei-nement leurs caractéristiques. La constatation que 1'opposition entre ľabsence et la presence de la preposition est, en principe, significative renforce la conclusion que les groupes prépositionnels s'opposent aux groupes nominaux. Les diverses observations rassemblées ci-dessus montrent en second lieu que la preposition vient s'intégrer selon des modes divers, faisant intervenir, dans le cas de la selection syntactico-sémantique, ľensemble des propriétés de la preposition, mais ne faisant appel qu'ä un sous-ensemble de traits dans les deux autres modes : le sens de la preposition et sa capacité ä contraindre son complement y sont en cffet réduites. 11 a également pu étre mis en evidence que les rapports de dépendance par selection, qui vont ordinairement de la téte externe par la preposition vers le complement, peuvent suivre, en particulier dans le cas des prepositions exceptives, des voies plus complexes : dans il a été parle de tout sauf des vrais prohlěmes, la 'preposition' sauf depend de tout, mais des vrais prohlěmes de parier. Une derniěre conclusion qui semble pouvoir étre tirée de l'examen est ďordre négatif: les relations externes de la preposition ne sont pas vraiment caractéristiques. La spécificité de la preposition comme classe de mots semble plus liée aux traits qui unissent la preposition et son complement qu'ä son mode ďintégration dans la structure matrice. 4. la preposition comme classe de mots Apres l'examen des traits que ľon attribue ä la preposition sur la base de sa definition classique, il convient de revenir ä celle-ci pour ľévaluer. Il est apparu, d'une part, que cette definition permet de rendre compte des em-píois les plus typiques des prepositions et, d'autre part, qu'elle doit étre mo-difiée pour couvrir un certain nombre d'observations, par exemple celles 41 La preposition enfrangais : relatives ä ľemploi interpositif ou aux propriétés des 'prepositions' a-sélectj. ves. Ces aménagements portent fondamentalement sur deux points ; il s'agit;: en premier lieu, ďintroduire une forme de flexibilite dans le systéme des dé' i finitions et, en second lieu, de préciser la relation que les definitions syntaxi-ques entretiennent avec le ciassement des items lexicaux. | Les diverses propriétés que la definition classique, rappelée au § 1., metl en jeu ne découpent en effet pas un ensemble unique de faits ; ä plusieursí reprises, il est apparu que certaines propriétés s'appliquent, alors que ďau-j tres sont invalidées ; il en va ainsi de la preposition ä dans son employ 'datif': eile seit de barriěre aux extractions, mais n'intervient pas iors de? l'inscription du groupe dans un paradigme fonctiormel de type nominal et; peut des lors étre typée comme un marqueur casuel. Cette flexibilite n'est toutefois pas généralisée. II existe ďune part des propriétés fundamentales -: ľinvariabilité, par exemple - et ďautre part des pôles entre lesquels peuvent; se définir des cas intermedia ires. : Uexamen ci-dessus permet cle définir, semble-t-ií, cinq poles qui permet- [ tent de caractériser des comportements syntaxiques spécifiques : la préposi- '■ tion, le marqueur casuel, 1'interposition, le coordonnant et ľadverbe. Les, propriétés cruciales sont la presence, explicite ou implicite, ďun complé- i ment ou son absence, dans le cas de ľadverbe ; le nombre de complements:, un pour la preposition et pom- lc marqueur casuel, deux pour ľinterposition \ et au moins deux pour le coordonnant, qui en outre ne subordonne ni ne ca- f tégorise ; le role dans les relations externes : determinant pour la preposition -et absent dans le cas du marqueur casuel. [ Les divers items lexicaux, qui partagent la propnete d'etre invariable et \ pourraient de ce fait étre qualifies de particuíes, peuvent ensuite étre caracté-;' rises par leur capacité ä adopter un ou plusieurs de ces comportements syn-; taxiques. Sans ne semble fonctionner que comme preposition, alors qu'avecu peut servir de preposition et, marginalement, de coordonnant et que jusqu'a \ fonctionne tant comme preposition que comme adverbe. Les termes sur et; aprěs joignent ä leur fonctionnement comme preposition, celui d'interposi- ] tion ; dans commettre erreur sur erreur, sur peut merne glisser vers le statut, de coordonnant. Les particuíes invariables ne seraient done pas, une fois; pour toutes et en vertu de leurs propriétés lexicales hors emploi, des prépo- í sitions, des coordonnants ou des adverbes, dont les emplois atypiques relě- f veraient de translations occasionnelles, mais elles seraient dotées d'une t double capacité combinatoire : ä un premier niveau, les informations lexíca-1 les signaleraient quels comportements syntaxiques elles peuvent adopter et, \ si une complementation est prévue, ä un second niveau, leur valence ; spécifique. ;' j 42 j La preposition et le groupeprépositionnel Cette solution permet aussi de rendre compte de certains cas particuliers ■elevés dans la catégorie des adverbes, comme loin et pres, qui s'accompa-1 nent fréquemment de complements introduits par de ou pour le premier fussi par que : on peut considérer qu'ils fonctionnent également comme prč-nosition. Elle s'étend en plus aux subordonnants non analytiques, tels que comme qui, comme le montre bien Le Goffic (1993), peut entre autres servir d'adverbe : (\46) Comme c'est beau / de preposition : (141) // le considěre comme son pere. et de subordonnant, c'est-ä-dire d'intégrateur d'une structure ä verbe fini: (.142) Comme la nuit tombait, Us se sont mis en route. Ainsi se dégage une systématique nouvelle, moins rigide, mais plus adaptée aux données, qu'il s'agit toutefois de verifier d'une part par des analyses de detail et ďautre part par un examen critique des propriétés sémanti-ques associées aux classes traditionnelles. 5. Justifications bibliographiques et suggestions de lecture La presentation du chapitre s'inspire de Melis (2001). On verra dans ce méme recueil les contributions de Gaatone, de Van Raemdonck, de Piot, de Cl. Blanche-Benveniste et d'A. Dugas (section A), ainsi que de Leeman et de Pierrard (section B), tout comme la discussion liminaire de FdL (1997) et Muller dans Scolia (2002). Pour la combinaison 'preposition. + nom', voir aussi Anscombre et Leeman dans LF (1991), Cadiot dans Lexique (1993) et Cadiot (1997). L'analyse syntaxique classique des prepositions se retrouve dans les principales grammaires du francais. Vendryes (1925), de Boer (1926) et sur-tout Gougenheim (1959) représentent des čtapes importances dans son dé-veloppement en particulier pour la notion de preposition grammaticale ou vide (cf. aussi chapitre II § 5). On verra également Pottier (1962) pour les rapports entre les prepositions et les autres marqueurs de relations. Cervoni (1991) propose une analyse syntaxique dans le cadre d'une approche guil-iaumienne, tout comme la these de doctorat d'Uinskl (2000) La syntaxe aty-pique de la preposition frangaise, Universitě de Paris IV-Sorbonne. Elle offre un traitement détaillé de certains points particuliers, comme les combinai-sons de prepositions, les prepositions ä regime implicite et les constructions 43 La preposition enfrangais dans lesqueiles la preposition et son complement son séparés par un element interpose. Dans le cadre de la grammaire chomskyenne, Tremblay (1999) propose une definition syntaxique cohérente de la preposition. Les syntacticiens tra-vaillant dans ce cadre se sont surtout intéressés aux prepositions grammati-. cales, principalement ä et de ; on tiendra en particulíer compte des travaiix de Kayne (1977), de Ruwet (1982) sur ä locatif, dc Milner (1977) sur de comme marqueur du génitif. Cette preposition a fait ľobjet de nombreuses etudes fort techniques ; on pourra s'y initier ä partir de Particle de Kupfer-man (2001) et du numero de Langue frangaise consacré ä de (Kupferman 1996). Pour les prepositions introduisant un complement du verbe, les references de base restent Blinkenberg (i960) et les travaux de ľéquipe de M. Gross, en particulier Boons, Guillet & Leclere (197Ó) et Guillet & Ledere (1992). Pour les datiťs, on verra Herslund (1988). 44 Chapitre n LES PREPOSITIONS : PROBLĚMES DE SÉMANTIQUE Les prepositions sont porteuses ďun sens qu'il est toutefois difficile de cerner avec precision. Trois facteurs peuvént expliquer cette cönstatation. H fentre"ň"premief liéu, tenir compte de la distribution fort large caractérisant la pliipart des prepositions ; les interpretations qui naissent dans cette grande varieté de contextes d'apparition sont en plus fort diverses, ce qui pose la question de ľunité du sens. II convient, en second lieu, de tenir compte du caractere relationnel des prepositions ; de ce fait, le qontexte intervient de maniere cruciale dans la construction de ľ interpretation, au point qu'il est souvent difficile de'déťerminer ľapport propre de la preposition : a-t-elle bien toujours une signification, hors contexte, et, si oui, comment celle-ci in-teragit-elle avec les données contextuelles ? Enfin, il se pose la question de savoir comment le role syntaxique que ia preposition joue et qui semble sou-vent determinant interagit avec la signification. Vu ces difficultés, il est utile d'ouvrir ce chapitre par la discussion d'un article de dictionnaire afin de préciser les problemes qui se posent (§1.). Les principales pistes empruntées par la recherche seront ensuite parcourues. Pour leur presentation, les emplois locatifs et non locatifs des prepositions ont été séparés. Cette distinction, qui est adoptée par la majorite des cher-cfieurs, est iči simplement ďordre méthodologique ; eile permet de rendre ľexposé plus cíair et le bien fonde de la distinction sera évalué en fin de par-cours. Le paragraphe 2. introduira děs lors les outils mis en place en vue de la description des emplois locatifs et discutera leur application. Les emplois non locatifs feront ľobjet du paragraphe 3- Le chapitre se clôturera sur les 45