Chapitre XIV NEGATION Etudiez la negation dans k poéme suivant: « Mouvement» 1 Ce cheval qui tourna la tete Vit ce que nul n'a jamais vu Puis il continua de paítre A ľombre des eucalyptus. 5 Ce n'était ni homme ni arbre Ce n'était pas une jument Ni méme un souvenir de vent Qui s'exercait sur du feuillage. 10 C'était ce qu'un autre cheval, Vingt mille siěcles avant lui, Ayant soudain tourné la tete Apercut ä cette heure-ci. 15 Et ce que nul ne reverra, Homme, cheval, poisson, insecte, Jusqu'ä ce que le sol ne sok Que le reste d'une statue Sans bras, sans jambes et sans tete. Jules Supervielle,^ Gravitations (1925), © Editions Gallimard. Negation 189 PRÉALABLES Connaissances requises Lecture : G.M.F., chap. XI: « Les types de phrases», § 5, « La negation», p. 410-425. Du point de vue sémantico-logique, la negation est un Operateur permettant d'inverser la valeur de vérité d'une proposition : si P est vraie, Nég.(P) est fausse. Elle peut s'inscrire dans la langue aussi bien par des moyens lexicaux (Nég. (possible) —» impossible) que par des moyens grammaticaux (Neg.fi/ viendra) —> il ne viendra pas). C'est pourquoi il convient en premier Leu de distinguer la negation lexi-cale de la negation grammaticale. Toutefois, la negation logique1 ne correspond strictement qu'ä un type de negation linguistique : la negation totale, qui porte sur ľensemble de la proposition (// ne viendra pas). Cette derniére s'opposc á la negation partielle, qui correspond au cas ou la negation porte non pas sur la proposition entiěre mais sur ľun de ses constituants (Personne ne viendra)2. Par ailleurs, les negations totale et partielle s'opposent ä la negation exceptive qui correspond ä la formulation d'une restriction (II ne mange que des pätes) et ne véhicule done qu'implicitement un contenu négatif (il ne mange pas autre chose). Pármi les morphemes dont dispose la langue francaise pour ľ expression de la negation grammaticale, nous mentionnerons tout d'abord le marqueur de negation ne, traditionnellement consi-déré comme un adverbe. Combine ä divers autres morphemes, il 1. Concue comme une negation propositionnelle. 2- L'absence de correspondance entre la negation logique et la negation partielle peul étre illustrée de la facon suivante. La negation logique de quelqu'un est venu ne peut qu'etre quelqu'un n'est pas venu. II est done impossible d'utiliser cet Operateur pour faire porter la negation sur lc sujet de la phrase quelqu'un est senu, c'est-á-dire pour obtenir personne n'est venu. La negation partielle n'est cependant pas irréductible ä la negation logique : il suffit d'admetlre que cette derniére puisse opérer ä ľintérieur de la proposition. Dans ces conditions personne n'est venu pourra étre réduit á \Nég. (quelqu'un) est venu]. 190 Types et formes de phrase permet ľ expression des trois types de negations dans la phrase verbale : — sa combinaison avec pas et point exprime la negation totale ; — sa combinaison avec un pronom (personne n'est venu), un determinant (aucun étudiant n'est venu) ou un adverbe (U ne viendra jamais) négatif exprime la negation partielle ; — sa combinaison avec que exprime la negation exceptive. Toutefois, á ľoral, son effacement s'observe fréquemment (il viendra pas). Notons enfin que, dans les phrases nominales, les morphemes que nous venons ďénumérer sont employes seuls, sans ne (Pas de pitie ! - Pius de pain). Repérage des occurrences Le texte ne contient que des negations grammaticales, qui appa-raissent toutes dans des phrases verbales. Nous signalerons simple-ment qu'il convient de bien integrer au relevé la negation exceptive des vers 15-16 (Jusqu'á ce que le sol ne soit / que le reste d'une statue) et la negation exprimée ä trois reprises par la preposition sans au vers 17 (Sans bras, sans jambes et sans tete). Gette preposition negative sera étudíée séparément, parce qu'elle n'entre pas dans le cadre syntaxique de la «negation ä double detente» (ne + pas, plus, etc.)1. Notons enfin qu'il conviendra aussi de rendre compte des relations entre negation et coordination. ANALYSE PROPOSÉE /. La «negation ä double detente» Les occurrences de cette « negation ä double detente » peuvent étre classées en fonction de leur portée. 1. L'expression est due ä Tesníčre (voir G.M.F., XI: 5.1.3., p. 414). Negation 191 A / Negation totale Le texte présente ä deux reprises la negation d'une phrase ä pré-sentatif: — Ce n'était ni homme ni arbre (v. 5) ; —- Ce n'était pas une jument / Ni metne un souvenir de vent [...] (v. 6-7). Dans les deux cas, le complement du présentatif semble démulti-pHé par coordination, ce qui justifie la presence des marqueurs de negation ne... ni. Ľ convient toutefois de préciser que nous n'avons pas ici une negation de constituants coordonnés ([Nég.(A et B)]) mais une coordination de phrases negatives (ce n'était pas un komme ET ce n'était pas un arbre - ce n'était pas unejument ET ce n'était pas un souvenir de vent, soit pSFég.(A) et Nég.(B)]). Or, cette coordination rompt toute symetrie possible entre les phrases negatives et leurs correspondantes positives. En efFet, si ce n'était pas un komme est bien la negation de c'était un homme, la phrase ce n'était ni homme ni arbre ne peut etre considérée comme la negation He c'était un homme et un. arbre ni merne de c'était un homme ou un arbre. La structure [c'est-V GN], qui correspond ici ä une operation de denomination du referent, ne tolěre aucune démultiplication du regime susceptible d'impliquer des denominations contradictoires. En revanche, il est evident que le champ des denominations negatives est illimité. Autrement dit, il n:y a pas de symetrie entre « dire (ďun referent) ce que c'est» et « dire ce que ce n'est pas » : la negation linguistique coordonnée est ici irréductible ä la negation logique. Le méme raisonnement peut étre tenu pour la seconde occurrence ce n'était pas unejument [...]. En ce qui concerne ľemploi des morphemes négatifs, les occurrences présentent de legeres differences : — L'absence de determinant dans les GN coořdonnés aiterne avec ľemploi attributif de ľarticle indéfini. Cette absence de déter- 1. « Si je dis ceci est un disque, un element x parfaitement determine (ceá) est versé ä I'ensemblc des "disques" ; ľopération est alors celie ď attribution » (Robert Martin, Pour une logique du sens, p. 153-154). Cette operation s'oppose ä ľopération ď extraction, par laquelle un element est extrait de ľensemble designe par le nom. 192 Types et formes de phrase minant est fréquente, aussi bien en contexte négatif qu'en contexte positif, dans les cas de coordination totalisante1. Mais eile est exclue si le verbe est encadré par ne,.. pas (*ce n'étaitpas komme ni...), si le premier GN de la coordination possěde un determinant (*ce n'était ni un komme ni arbre) et si Fun des coordonnants négatifs ni est renforcé par un adverbe ou une expression adverbiale du type merne, d'ailleurs, ä plus forte raison, etc. (*ce n'était ni komme ni merne arbre). ~ Le systéme ne... ni... ni alteme avec le systéme ne... pas... ni, qui est en general reserve ä la langue littéraire. Remarquons que le second systéme relance une negation dont le marqueur pas aurait pu marquer la cloture, tandis que le premier annonce ďemblée une negation double. Ce qui signifie : 1 / que dans le systéme ne... ni... ni, les deux ni n'ont pas le méme statut (le premier annonce une negation au moins double, tandis que le second et éventuellement les sui-vants peuvent introduire le constituant de cloture de la negation); 2 / que du point de vue énonciatif, le systéme ne... ni.. ni constitue un seul acte ďénonciation tandis que le systéme ne... pas... ni correspond ä deux énoncés négatifs. — Dans la seconde occurrence, la coordination negative est ren-forcée par méme, qui crée une dissymétrie entre les deux énoncés négatifs. Cet adverbe confere au dernier element coordonné un relief particulier, en lui donnant une force argumentative supérieure ä celie des autres elements de la coordination2. B / Negation partielle La negation partielle est également representee par deux occurrences : — ce que nul n"a jamais vu (v. 2) ; — ce que nul ne reverra (v. 13). Ces deux occurrences se caractérisent d'abord par le fait que la negation porte sur le constituant sujet de la phrase. Elle est exprimče par ne et le pronom négatif nul qui, dans cet emploi, 1. Voir G.M.F., VI; 2.5.1., p. 164. 2. Sur les advcrbes qui imposent á la phrase une orientation argumentative, voir G.M.F., X : 3, p. 380. Negation 193 appartient au registre soutenu1. Ce pronom représente la negation de Findéfini quelqu'un: ce que nul ne reverra = ce que [Nég.(quelqu'un)] reverra2. II signifie qu'aucun element de ľespace référentiel ne vérifie le prédicat. Comme ľindique Fapposition ä nul de la seconde occurrence (Homme, cheval, poisson, insecte), et comme le présupposent les deux premiers vers, ľespace référentiel pertinent ne se limite pas dans le texte ä ľensemble des humains mais s'étend ä tout le régne animal. Or, en principe, les pronoms nul et personne ne peuvent référer qu'ä des animés humains - c'est d'ailleurs ce qu'indiquait la reduction de nul... ne á \Nég.(quelqu'un)]. Si cette contrainte n'est pas respectée, la phrase risque fort de basculer dans Fincongruité : Le chien était parti; personne n'aboyait plus au passage du facteur. Le seul moyen de nier un GN référant ä un animé non humain consiste ä recourir au determinant négatif (par ex. aucun animal, aucun chien, etc.)3. Si Fincongruité est évitée dans le texte de Supervielle, c'est tout d'abord parce que le prédicat (voir) vaut aussi bien pour la classe des animés humains que pour celie des animés non humains1. Mais c'est aussi parce qu'une trop grande proximité entre le pronom et la reference ä Fanimé non humain est évitée : aux vers 1-2, nul est séparé de cheval par une relative (qui tourna la tite) et ne se situe pas au méme niveau syntaxique (puisqu'il appartient ä la relative substantive C.O.D. de vit tandis que cheval est le sujet de la principále) ; quant aux vers 13-14, il n'est pas indifferent que Fénumération apposée á nul sok introduite par komme et non par cheval ou poisson (? Et ce que nul ne reverra, cheval, poisson, insecte, komme), et qu'clle soit rejetée en position postverbale (?? Et ce que nul - cheval, poisson, insecte, komme — ne reverra). Au total, Feffet obtenu est celui d'une indiscrimination de Fhumain et du non-humain au sein de la classe des animés, et ceci sans aueune impression ďincongruité. 1. Son equivalent en registre couraní est bien sür personne. 2. Et non, comme nous ľavons déjä souligné dans ľintraduction, la negation de la proposition contenant cet indéfmi: Nég. (ce. que quelqu'un reverra) = ce que quelqu'un ne reverra pas. 3. Rappelons que, pour ľinanimé, le francais dispose du pronom rien. 4. Compare?, ä ce cheval vit ce que nul n'a jamais vu une phrase comme ce cheval galope comme nul n'a jamais galope. Une telle phrase est acceptable seulement si nul n'est pas considers comme un pronom mais comme un determinant (avec ellipse d'un nom ou d'un pronom : comme nul [cheval]... - comme nul [autre]..). 194 Types et formes de phrase La premiére proposition cumule ä ía negation du sujet, que nous venons ďétudier, une negation portant sur un circonstant temporel: ce que nul n'a jamais vu. Lorsqu'il n'est pas cumulé avec une autre negation, jamais permet généralement ďétendre la portée de la negation á la totalite d'un espace temporel. Ľ peut alors étre considéré comme la negation de toujours : il ne rit jamais = il rit [Nég. (toujours)]. Toutefois, selon les caractéristiques aspectuelles et temporelles du verbe utilise et selon le contexte, ľespace temporel dans lequel s'inscrit la negation est susceptible de subir des restrictions. Par exemple, la phrase // n'a jamais vu la mer peut s'interpréter «il est mort sans avoir vu la mer », auquel cas jamais signifie « pas une seule fois (dans sa vie) ». Mais eile peut également s'interpréter « á ce jour, il n'a pas encore vu la mer ». L'adverbe jamais signifie alors « pas une seule fois (jusqu'á present)» et correspond ä la negation de déjá. Tel est le cas dans le texte, oú ce que nul n'a jamais vu s'interprete comme le cumul de deux negations partielles que ľon peut faire apparaítre de la facon suivante : ce que [Nég.fquelqu'unJ] a {Nég.(déjá)]vu. Les negations ne s'annulent pas1 ; elles se renforcent mutuellement. C / Negation exceptive Nous relevons une seule occurrence de negation exceptive, aux vers 15-16 : Jusqu'á ce que le sol ne soil / Que le reste d'une statue [...]. Comme nous ľavons rappelé dans ľintroduction, ce n'est qu'irnplicitement que la negation exceptive véhicule un contenu négatif. Ce qu'elle nie, c'est l'ensemble complémentaire des elements appartenant au merne paradigme que le constituant sur lequel eile porte : je ne bok que de ľeau signifie en merne temps «je bois de ľeau » et «je ne bois pas ce qui n'est pas de ľeau». La premiere proposition, affirmative, est présupposée, tandis que la seconde est posée, comme le prouve le test de la negation : je ne bois pas que de ľeau = «je bois de ľeau » (le presuppose échappe á la portée de la negation) et «je bois ce qui n'est pas de ľeau» (negation du posé). 1. Dans certains cas, en effet, les deux negations s'annulent: vous n'etes pas sans savoir que — « vous savez que ». Negation 195 La negation exceptive integre done non pas une mais deux negations («je ne bois pas » et « ce qui n'est pas de ľeau »), la seconde (dans le texte, « ce qui n'est pas le reste d'une statue ») ayant un sens res-trictif. Mais cette seconde negation étant intégrée dans la premiere l'ensemble de ľexpression prend un sens positif. 2. «Sans», preposition negative La preposition sans, employee ä trois reprises dans le dernier vers du texte, possěde un contenu sémantique intrinsěquement négatif. Lorsqu'elle est suivie d'un GN1, eile équivaut ä la negation de avec: c'est une statue sans bras~ c'est une statue \Ntg.(avec bras)~\. En d'autres termes, eile permet de nier un complement du nom, et plus précisé-ment un complement exprimant la partie d'un tout (bras, jambes et tete sont des parties du tout dénommé par le nom statue). Si, dans la mesure oú eile ne se construit pas en correlation avec ne, la syntaxe de la preposition sans est bien difľérente de celie de la negation ä double detente, leur affinité transparait toutefois dans la combinaison avec la coordination. En effet, comme dans le cas general, la negation par sans de plusieurs elements coordonnes peut s'efľectuer au moyen du marqueur ni: c'est une statue sans bras ni jambes ni tete. Toutefois, ľemploi de ce marqueur n'est pas obligatoire ; il alterne avec ľemploi réitéré de la preposition negative. Telle est la solution adoptee dans le texte : [...] une statue / Sans bras, sansjambes, et sans tete. Les deux systěmes peuvent étre opposes de la facon suivante : sans A ni B ni C équivaut á [Nég. (avec A, B, CJ] tandis que sans A, sans B et sans C correspond ä [[Nég.(avec Aj], \Nég.(avec B) et [Nég.(avec C)]]. Bien que, le plus souvent, le choix de ľun ou ľautre de ces systěmes 1. Lorsque saus est suivi ďun infinítif, sa valeur negative ne peut plus etre défmie par rapport ä la preposition avec. Par exemple, dans la phrase il est parti sansfermer la porte, la preposition sans ne peut en aucun cas commuter avec la preposition avec. L'équivaient positif s'obtient ici au moyen du gérondif (ií est paru enfermanl la porte). Voir G.M.F., XV : 2.2., p. 512. On peut faire le méme type de rcmarque pour saris suivi de que, qui est le plus souvent impossible á interpreter comme la negation de avec (Copeau avail commence ä hire, sans que Gervaise s'en soil aperpie I Copeau avail commence ä boire, avec ???), sauf si la subor-donnée possěde un correspondant nominal: // k fait sans que je hi en donne ľautorisation = sans mon autorisation — negation de avec man autorisation. 196 Types et formes de phrase n'entrame aucune consequence séraantique remarquable (ce qui est le cas dans le texte), la seconde structure exerce sur les elements coordonnés une contrainte qui est absente dans la premiere. La reiteration de la preposition negative recuse en efFet Ie caractěre exclusif des constituants coordonnés. On admettra aussi bien il est sorti sans chapeau ni veste nigants que il est sorti sans chapeau ni béret ni casquette, mais la repetition de sans n'est pas possible dans le second cas, oú les elements coordonnés s'excluent mutuellement: il est sorti sans chapeau., sans veste et sans gants mais HI est sorti sans chapeau sans béret et sans casquette. Nous achěverons cette analyse par une remarque relative au nombre des substantifs regis par la preposition sans. Dans le texte, le singulier de tete s'oppose au pluriel dz jambes et ä celui, non apparent, de bras. Si sans M ne signifiait rien de plus que « aucune occurrence de N », le pluriel de jambes et de bras ne pourrait étre justifié. ßien que le referent du GN une statue / Sans bras, sans jambes et sans tete soit effectivement un objet descriptible par la conjunction « aucun bras, aucune jambe et aucune téte », la preposition sans donne de ce referent une representation qui tient compte des propriétés prototypi-ques associées au referent du tout dont les noms qu'elle regit expri-ment des parties: ainsi, puisque le prototype d'une statue (d'etre humain) comporte deux bras, deux jambes et une seule tete, la negation de ces composants par sans respecte Ie pluriel de bras, le pluriel de jambes et le singulier de fete. Le méme raisonnement permettra par exemple ďexpliquer le singulier de jambe et le pluriel de tete dans les expressions un hoinme sans jambe droite ou une hydre sans tetes. Lorsque le prototype n'est pas marqué relativement ä la partie dont sans signifie ľabsence, le nornbre est hesitant {une piece sans fenétre(s), une veste sans poche(s)) ou véhicule clivers types de presupposes (il a rendu une copie sans f antes = «il a su éviter les fautes », il a rendu une copie sans faute — « zero faute dans la copie » (simple constat)). Si ľexploitation des ressources de la negation dans ce texte est aussi remarquable, c'est parce que cette derniěre permet de parier de ľindicible — en disant ce qu'il n'est pas, faute de pouvoir dire ce qu'il est. Ľindicible, c'est bien sür ici le contenu de la perception du cheval. Or, dans la troisiéme strophe, ľabsence de toute negation laisse espérer une resolution de ľénigme. Mais íl s'agit ďun Negation 197 trompe-ľceii qui débouche de nouveau, dans la derniěre strophe, sur une double negation (ce que nul ne reverrd). Au dernier vers enfin, la negation se fait soustractive (sans bras, sans jambes et sans tete): le texte s'acheve ainsi dans une atmosphere de dénuement, comme si la question posée par le regard de ce cheval, ayant suscite tant ďénoncés négatifs, hnissait par livrer á la negation le monde lui-meme. 226 Phrase compiexe determinative ; aussi le texte ne cesserait-il pas d'etre grammatical si on supprimait la relative. Mais cela ne serait tout á fait exact que s'il s'agissait d'une pure reference temporelle. En réalité, aujourďhui, dans le texte tel qu'il est, a besoin d'etre « défini » sémantiquement, de recevoir un contenu plus precis. De quel aujourďhui s'agit-il ? De celui oü tußanchis la sortie ďun hymne raboteux. Essayons le test de ľextraction : Cest seulement aujourďhui oü tußanchis la sortie ďun hymne raboteux que te voici nue et entre toutes la meilleure. Si la relative était purement explicative, eile pourrait diíHcilement étre extraite solidairement avec son antecedent aujourďhui. II en résulte que cette relative a un statut ambigu : facultative sur le plan référentiel et syntaxique, eile est pleinement intégrée au propos de la phrase, et joue done un role non négli-geable sur le plan communicatif. Quelques-unes des difíicultés que nous avons rencontrées tien-nent visiblement á la nature poétique du texte, et plus spécíalement ä une poétique qui fonde ses effets stylistiques sur 1'ambiguité měme des structures linguistiques mises en ceuvre - non par déficience, cer-tes, loin de lá, mais par une recherche systématique de la surdéter-mination.