Chapitre XVI RELATIVES Étudiez ľemploi des pronoms relatifs et le role des relatwes dans ce pohne en prose de René Char: « Biens égaux » 1 Je suis épris de ce morceau tendre de Campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mat duquel un visage perdu, par instant s'éclaire et me regagne. De si loin que je me souvienne, je me distingue penché sur les végétaux du 5 jardin désordonné de mon pere, attentif aux sěves, baisant des yeux formes et couleurs que le vent semi-nocturne irriguait mieux que la main infirme des hommes. Prestige d'un retour qu'aucune fortune n'offusque. Tribunaux de midi, je veille. Moi qui jouis du privilege de sentir tout ensemble accablement et confiance, defection et courage, je 10 n'ai retenu personne sinon ľangle fusant d'une Rencontre. Sur une route de lavande et de vin, nous avons marché côte ä côte dans un cadre enfantin de poussiere ä gosier de ronces, ľun se sachant aimé de ľautre. Ce n'est pas un homme ä tete de fable que plus tard tu baisais derriěre les brumes de ton lit constant. Te voici nue et entre 15 toutes la meilleure seulement aujourd'hui oů tu franchis la sortie d'un hymne raboteux. L'espace pour toujours est-il cet absolu et scintillant congé, chétive volte-face ? Mais prédisant cela j'affirme que tu vis; le sillon s'éclaire entre ton bien et mon mal. La chaleur reviendra avec le silence comme je te soulěverai, Inanimée. René Char, Le poéme pubénsé (1947), © Gallimard. 216 Phrase complexe PRÉALABLES Connaissances requises Lecture: G.M.F., chap. VI, § 5.6., «Les pronoms relatifs», p. 208-210, et chap. XIII: «Les relatives», p. 479-489. Ľétude du fonctionnement des pronoms relatifs implique Celle de la structure interne des propositions relatives et exige Ia maitrise de la notion de transformation, sans laquelle on ne parviendrait ä expliquer ni la forme, ni la place, ni la fonction des pronoms en question. On se rappellera que le pronom relatif, comme le pronom personnel de troisiěme personne, ou la reprise d'un GN par un autre GN (la « reprise lexicale », sous forme d'anaphore fiděle ou infidele)1, consume un terme défini, quand bien méme son antecedent serait indéfini. Aussi, pratiquement, la transformation relative ou relativisation partira d'une phrase oú le GN ä relativiser sera pourvu d'un démonstratif (voir G.M.F., XIII: 1., rem. 2, ainsi tu as un chapeau qui me platt beaucoup <— tu as un chapeau + ce chapeau me plait beaucoup). Ľétude du role des relatives fait appel, sur le plan syntaxique, á ľanalyse en constituants immédiats, et sur le plan sémantico-référentiel, aux dichotomies (ou oppositions notionnelles) détermi-natif/explicatif et essentiel/accidentel, dej ä abordées dans l'exercice sur les subordonnées. On ne peut, en toute rigueur, parier de determinatives ou ďexplicatives que lorsque ľantécédent est introduit par un determinant déíini, la question est alors de trouver le bon referent, c'est-á-dire ľétre du monde qui peut ainsi étre identifié. Lorsque ľantécédent est introduit par un determinant indéfini, il ne s'agit pas d'identifier référentiellement un individu, mais seulement la classe ä laquelle il appartient. Si la relative contribue ä définir cette classe, la G.M.F. propose de ľappeler essentielle, accidentelle dans le cas contraire (XIII: 2.5.). 1. Voir G.M.F., XXI 3 2.2., p. 614. Relative's* 217 Repérage des occurrences La liste type des relatifs est bien connue : qui, que, quoi, dont, oü, et les différentes formes de lequel, marquant le genre et le nombre de ľantécédent et éventuellement amalgamées avec la preposition ä ou de. II faut prendre garde au fait que touš ces relatifs (sauf doni) connaissent également ďautres usages, notamment comme pronoms interrogatifs1, non seulement dans les phrases interrogatives directes, faciles ä identifier, mais aussi dans les subordonnées interrogatives indirectes. Enfin, que est un des morphemes grammaticaux dont les emplois sont les plus varies et nombreux2. ANALYSE PROPOSÉE /. L'emploi des relatifs A / « Qui » Le relatif qui peut étre utilise en francais soit comme sujet de la relative, c'est d'ailleurs de loin son emploi le plus répandu (et c'est aussi le relatif le plus frequent, en tout cas dans I'usage oral), soit comme constituant d'un groupe prépositionnel dont le GN repré-sente un animé humain (la personne ä qui vous pensez / *le livre ä qui vous pensez). Le seul qui du texte se trouve á la 1. 8 et a la fonction sujet: mot quijouis du privilege de sentir... La phrase Constituante jejouis du privilege de sentir... est insérée dans la phrase matrice, je n'ai retenu personne..., en raison de la coréférence des deuxj«, mais dans ce cas trěs particulier, 1. II n'y en a pas dans notre texte. 2. II faudra done élimmer du tadre de l'analyse le que de la 1. 6 (rmeux que...) et celui de la 1. 17 (j'affirme que...), dont on peut montrer qu'ils sont de pures conjunctions, intro-duisant ľun le complement du comparatif, ľautre une proposition completive, puisqu'ils ne représentent aueun groupe fonctionnel, á la difference des pronoms relatifs. 218 Phrase complexe le je de la phrase matrice se dédouble obligatoirement en moi je (forme disjointe + forme conjointe), de sorte que la forme disjointe puisse offrir un antecedent suffisamment « consistant» au relatif. Le pronom moi n'est done pas ici un simple support destiné á indiquer seulement une catégorie (animé /v/ non animé, masculin /v/ feminin), comme celu? dans celui qui... ou ce dans ce qui, il a un referent parfaitement determine ; aussi n'avons-nous pas dans ce cas une « relative substantive ». Quant au relatif qui, il se substitue k je, forme typique de sujet, sans entraíner de changement de la forme verbale, qui continue d'etre « á la premiére personne » (point important, sur le pian orthographique notamment). II ne semble pas nécessaire ä premiére vue de préciser que le sujet (icij