Capitale de la douleur 1. Publication du recueil Le recueil de poésie Capitale de la douleur de Paul Eluard apparut dans les années 20 ; c’est-à-dire à l’époque dans laquelle les critiques littéraires situent l’épanouissement du « surréalisme historique » grâce à la publication des œuvres majeures du surréalisme qui ont eu la vive influence jusqu’à nos jours comme Nadja d’André Breton, Le Paysan de Paris de Louis Aragon. Pour être plus précise chronologiquement, Capitale de la douleur a été publiée en 1926 aux Editions Gallimard et le recueil a connu immédiatement le surprenant succès. Le livre occupe une importance cruciale pour son auteur : il réussit à réunir les plus significatifs de ses poèmes et aussi deux étapes de sa vie. Le recueil contient les premières plaquettes qu’il a écrites au sanatorium et pendant sa jeunesse. La deuxième partie créative et vitale contient les poèmes tout récents qu’il a terminés quelques mois après son retour (et quelques jours avant l’édition du livre) à Paris de son voyage autour du monde entier. Les autres poèmes sont marqués par sa vie parisienne, par les rencontres avec des artistes de l’époque quand ils se réunissaient à la capitale artistique. Ces rencontres et les expériences se reflètent dans les premiers poèmes surréalistes. André Breton, surréaliste excellent, proclama publiquement que par le recueil Capitale de la douleur, Eluard était devenu la personnalité majeure du lyrique surréaliste ayant créé des nouveaux mondes pleins de fantaisie merveilleuse et lumineuse. 1.1 Le titre polysémique Avant de s’occuper du livre plus en détail, il faut essayer de répondre à la question qui frappe le lecteur : pourquoi le livre qui devait d’abord être intitulé L’art d’être malheureux porte finalement la dénomination Capitale de la douleur ? La première réponse s’impose immédiatement : comme l’auteur vécut la première guerre mondiale et comme il réunit sa poésie, il peut faire allusion au Paris assiégé, aux souffrances guerrières, en plus, nous rencontrons une analogie dans le poème intitulé Les armes de la Douleur publié en 1942, par lequel il voulait capter les douloureux faits divers, qui apparaissaient chaque jour dans des journaux, par une transcription poétique. Dans cette capitale au milieu de la guerre, la poésie représente l’arme dans les mains du poète contre la douleur. Mais tout en observant la naissance du recueil dans le contexte littéraire, avant de publication de Capitale de la douleur le monde a déjà connu les structures urbaines présentées par Walt Whitman. Eluard a même avoué de s’être inspiré par la création du poète américain. De plus, dans la littérature française nous pouvons trouver les conceptions urbaines des unanimistes Jules Romains ou Georges Chennevière. Ainsi inspiré par ses prédécesseurs, Eluard pouvait créer une ville de sa poésie (en présentant l’élément le plus significatif de sa poésie, la capitale métaphorique de son ouvrage) qui est remplit par sa propre douleur. Rappelons encore qu’il a publié son recueil après le retour d’un voyage dont le but avait été d’oublier des souffrances et des douleurs vécues. La troisième explication du titre, nous pourrions la trouver dans une nouvelle ère littéraire qui est née en 1924 – le surréalisme. Selon la vision surréaliste, il ne s’agit pas de la capitale urbaine mais ce capitale peut représenter la lettre capitale, de cette façon, le poète pouvait créer une liaison aléatoire des mots. A la fois, si nous regardons le titre, il ne porte pas d’article, ainsi il pourrait s’agir aussi de l’adjectif, et en changeant l’ordre de mot (et le surréalisme est un courant qui aime le changement de l’ordre), nous obtiendrons un nouveau titre De la douleur capitale qui se réfère à la grandeur de la douleur. Et le cliché poétique acquiert une nouvelle dimension. 1.2 Le message du poète Si nous voulions saisir le message du recueil, nous pourrions le définir comme l’essai ou l’aspiration de comprendre tout ce qui est beau, ravissant et bénéfique. Le poète exhorte par son livre à la sensibilité dans laquelle il voit le moyen contre la douleur et l’aliénation de l’homme en général. Nous pourrions constater entre autre que le recueil culmine par la dernière strophe du poème Celle de toujours qui est en même temps la dernière strophe de tout le livre ; sans doute, elle n’est pas choisie par hasard parce qu’elle résume la vision poétique d’Eluard. Comme le titre nous révèle – il s’agit d’un poème qui contient les motifs habituels de l’univers poétique – le chant, la bouche, le corps humain, les astres, alors il s’agit des motifs « ordinaires » : le poète présente au lecteur toute la sensibilité de son âme qui devient l’âme de son œuvre : « Je chante la grande joie de te chanter,/La grande joie de t’avoir ou de ne pas t’avoir,/La candeur de t’attendre, l’innocence de te connaître,/O toi qui supprimes l’oubli, l’espoir et l’ignorance,/Qui supprimes l’absence et qui me mets au monde,/ Je chante pour chanter, j’aime pour chanter/ Le mystère où l’amour me crée et se délivre./Tu es pure, tu es encore plus pure que moi-même.//[1] » Sous les mots du poète nous pourrions trouver n’importe quelle femme, mais à la fois aussi la poésie qui apporte la grand joie de pouvoir chanter toutes les choses, personnes, sentiments, etc. 2. L’analyse du recueil Capitale de la douleur est divisé en quatre partie intitulées : Répétitions, Mourir de ne pas mourir, Les petits justes et Nouveaux poèmes. Dans la présente analyse, nous essaierons de proposer des explications possibles des titres attribués à ces parties en cherchent un ou plusieurs poèmes emblématiques pour montrer le caractère de chaque partie et pour prouver nos théories. 2.1 Répétitions Répétitions qui sont chronologiquement premières portent la marque de la recherche verbale. Le lien dans les tâtonnements du poète est justement la répétition. Dans le recueil, nous trouvons des répétitions formelles – l’auteur se plaît à l’utilisation de l’anaphore, en guise d’exemple citons le deuxième poème de cette partie intitulé par le mot surréaliste et polysémique Suite. Si nous regardons le mot suite, nous voyons qu’il contient en lui-même un signe de répétitions, il peut lier quelque chose, quelque chose qui suit et qui se répète : « Pour l’éclat du jour des bonheurs en l’air Pour vivre aisément des goûts des couleurs Pour se régaler des amours pour rire Pour ouvrir les yeux au dernier instant Elle a toutes les complaisances. »[2] Le seul vers qui se diffère est celui dernier qui est séparé comme la morale des vieux contes et qui doit nous répondre qu’est-ce que c’est la suite décrite par le poème. Mais le poème nous situe parmi les images surréalistes et nous ne trouvons pas la réponse adéquate. Sauf la figure anaphorique, nous voyons aussi les répétitions des motifs éluardiens (soulignés en bleue). Ce qui est étonnant, c’est le fait que dans le recueil, nous trouvons l’autre poème qui porte le même titre Suite, qui suit le poème intitulé symboliquement Porte ouverte qui s’ouvre vers cette nouvelle suite : « PORTE OUVERTE La vie est bien aimable Venez à moi, si je vais à vous c’est un jeu, Les anges des bouquets dont les fleurs changent de couleur. »[3] « SUITE Dormir, la lune dans un œil et le soleil dans l’autre, Un amour dans la bouche, un bel oiseau dans les cheveux, Parée comme les champs, les bois, les routes et la mer, Belle et parée comme le tour du monde. Fuis à travers le paysage, Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent, Jambes de pierre aux bas de sable, Prise à la taille, à tous les muscles de rivière, Et le dernier souci sur un visage transformé. »[4] La deuxième suite éclaircit un peu les choses ; nous pouvons déduire qu’il s’agit de la suite des mots, qui, par conséquent forme un poème, et enfin de la poésie en général. Immédiatement, le poème intitulé La parole suit et affirme : « J’ai la beauté facile et c’est heureux »[5] qui cherche la beauté dans les choses simples et banales, nous pourrions même dire dans les choses qui se répètent. Puis, nous trouvons dans le recueil le poème intitulé La rivière qui confirme notre théorie de répétitions, des suites de mots en disant « la rivière que j’ai sous la langue »[6], la rivière éluardienne représente ainsi le flux de mots qui se répètent à toujours. Comme Eluard situe toute cette partie dans le niveau verbale, il la conclut en éclaircissant la base de son écriture : « VOLONTAIREMENT Aveugle maladroit, ignorant et léger, Aujourd’hui pour oublier, Le mois prochain pour dessiner Les coins de rue, les allées à perte de vue. Je les imite pour m’étendre Dans une nuit profonde et large de mon âge. »[7] Il se trouve aveugle et maladroit mais à la fois, il se sent tenté de décrire et d’enregistrer tout ce qu’il lui entoure. 2.2 Mourir de ne pas mourir La deuxième partie de Capitale de la douleur s’appelle Mourir de ne pas mourir et le titre nous indique qu’il va s’agir des contrastes ou justement des contraires, l’auteur joue ici avec les contrastes graphiques et formels, comme l’exemple citons : un poème est intitulé La bénédiction et il est immédiatement suivi de La malédiction. En ce qui concerne le cadre sémantique, nous pouvons constater que dans cette partie, l’auteur laisse contraster les deux mondes : le féminin et celui masculin, souvent relié par un oiseau symbolique. Le corps féminin apparaît souvent incorporé dans le paysage. Eluard cherche à créer une femme idéale, cet idéal rêvé lui visite dans le sommeil ou dans la nature : « AU CŒUR DE MON AMOUR Un bel oiseau me montre la lumière Elle est dans ses yeux, bien en vue. Il chante sur une boule de gui Au milieu du soleil ... Une femme au cœur pâle Met la nuit dans ses habits. L’amour a découvert la nuit Sur ses seins impalpables. ... Il dort, il dort, il dort. L’aube a eu beau lever la tête, Il dort. »[8] Dans la dernière strophe qui ressemble à une exclamation désespérée, l’auteur exprime inaccessibilité et l’incompréhensibilité de l’univers féminin. Mais ce qui est essentiel et caractéristique pour cette partie, c’est la fréquence des expressions liées au regard. Le lecteur rencontre souvent le mot regard ou l’œil, les yeux ou l’adjectif aveugle qui signifie l’aveuglement de l’objet décrit. Quant à l’aveuglement nous pouvons observer aussi la relation avec le sommeil qui est bien visible dans cet extrait du sonnet Bouche usée : A la bouche riait la mort Dans tous les lits où l’on dort Le ciel sous tous les corps sommeille[9] Prêtons attention aux rimes soulignées, voyons que le poète rime la mort avec on dort, le sommeil peut bien symboliser l’aveuglement et la mort est la mort symbolique de quelque chose qu’on peut facilement perdre sans savoir l’observer. 2.3 Les petits justes Les petits justes sont la troisième partie du recueil ; avant de la caractériser citons le premier poème qui exprime convenablement le caractère de tout le cycle : « I Sur la maison du rire Un oiseau rit dans ses ailes. Le monde est si léger Qu’il n’est plus à sa place Et si gai Qu’il ne lui manque rien. »[10] Par le mot petit dans le titre du poème, l’auteur dévoile une courte histoire. De plus, par le minimum de mots, il réussit à dire tout ce qu’il faut, comme il a écrit lui-même : « il ne lui manque rien ». Les poèmes sont laissés sans titre, ils succèdent seulement introduits par les chiffres romaines ; par cette désignation, l’auteur voulait exprimer que chaque lecteur pourrait y trouver sa propre explication et puis leur attribuer le titre adéquat. Ces onze petites et justes histoires terminent par l’abréviation de « etcétéra » par laquelle Eluard nous annonce qu’il pourrait ajouter mille d’autres histoires pareilles et accentue de cette manière que le choix du nombre de poèmes est aléatoire. 2.4 Nouveaux poèmes La dernière partie porte le titre Nouveaux poèmes. Sans doute, le lecteur se posera la question en quoi consiste sa nouveauté, la raison la plus superficielle serait leur datation, mais si nous observons les titres, remarquerons qu’il s’agit souvent des mots annonçant la fin de quelque chose – la partie s’ouvre par le poème intitulé Ne plus partager qui est à la fois dédié a son ancienne épouse, Gala. Ce ne plus nous annonce la nouvelle attitude du sujet lyrique qui selon les mots du poète se libère de son ancienne vie : « Le monde se détache de mon univers »[11], à la fois il acquiert cette nouvelle vision en sachant mieux définir les maux vécus et soi-même. Dans l’extrait suivant, nous voyons la référence à la guerre et à ces reflets sanglants qui désormais auront lieu dans la création d’Eluard : « Je distingue le vertige de la liberté, La mort de l’ivresse, Le sommeil du rêve, O reflets sur moi-même ! ô mes reflets sanglants ! »[12] Observons encore la fin du poème FIN DES CIRCONSTANCES : « Les naufragés, pour la première fois, font des gestes qui ne les soutiennent pas. Tout se diffuse, rien ne s’imagine plus. »[13] Ce naufrage résume la perte des idéaux, des envoûtements ; dorénavant Eluard essaie de saisir le rythme de la vie de l’époque. Dans ce cycle, les poèmes qui résument l’époque apparaissent et parfois le critiquent ; citons Les Gertrude Hoffman girls. Gertrude Hoffmann était la directrice du ballet américain et c’était aussi elle qui a apporté le style des musicals de Broadway aux cabarets français, dans la première strophe, le poète énumère les noms féminins et par ce fait il atteint l’effet musical et il rend l’hommage à la beauté féminine mais en se rendant compte que ces belles luisent seulement sur la scène et avec l’aube elles perdent leurs oripeaux. « Gertrude, Dorothy, Mary, Claire, Alberta, Charlotte, Dorothy, Ruth, Catherine, Emma, Louise, Margaret, Ferral, Hariet, Sara, Florence toute nue, Margaret, Toots, Thelma, Belles-de-nuits, belles-de-feu, belles-de-pluie, Le cœur tremblant, les mains cachées, les yeux au vent Vous me montrez les mouvements de la lumière, Vous échangez un regard clair pour un printemps, Le tour de votre taille pour un tour de fleur, L’audace et le danger pour votre chair sans ombre, Vous échangez l’amour pour des frissons d’épées Et le rire inconscient pour des promesses d’aube. Vos danses sont le gouffre effrayant de mes songes Et je tombe et ma chute éternise ma vie, L’espace sous vos pieds est de plus en plus vaste, Merveilles, vous dansez sur les sources du ciel. »[14] Comme nous avons déjà mentionné, Eluard se plaît aux contraires, ce qui est confirmé aussi par ses Nouveaux poèmes qui contiennent les symboles les plus typiques de son univers poétique par lesquelles nous conclurons notre écrit. 3. Conclusion – dans l’univers éluardien Dans les chapitres précédents, nous avons abordé l’apparition des symboles des yeux et du regard dans l’ouvrage d’Eluard ; les yeux tentent souvent à voir dans la nuit ce qui nous observons p.ex. dans le poème La malédiction où la nuit s’étale aux alentours : « Un aigle sur un rocher contemple l’horizon béant. Un aigle défend le mouvement des sphères. »[15], Comme nous voyons, par les yeux il tente d’exorciser les ténèbres, mais finalement il laisse tout sombré dans l’ombre et la nuit tout dévore : « Et celui qui traîne le couteau dans les herbes hautes, dans les herbes de mes yeux, de mes cheveux et de mes rêves, celui qui porte dans ses bras tous les signes de l’ombre, est tombé, tacheté d’azur sur les fleurs à quatre couleurs. »[16] La nuit quand nous ne pouvons rien voir représente aussi l’indifférence des hommes et leurs incapacité de regarder : « XI Les hommes qui changent et se ressemblent Ont, au cours de leurs jours, toujours fermé les yeux Pour dissiper la brume de dérision Etc... »[17] Eluard utilise aussi fréquemment le mot les paupières ; la relation paupières-yeux présente pour lui l’oscillation de la mort à la vie : du désespoir à la joie. Les yeux, les paupières témoignent l’incertitude du monde du visible qui nous considérons comme conquis et qui peut être facilement perdu. Les yeux fonctionnent aussi comme une simple métonymie pour parler de tous les dormeurs ou du sommeil. En évoquant le regard, il faut mentionner aussi les couleurs ou justement la peinture éluardiennes qui situent ses poèmes dans les trois dimensions en créant des images convaincantes ; pour cette raison nous pouvons appeler la poésie d’Eluard comme visuelle. C’était aussi l’époque de l’apparition de Capitale de la douleur qui était favorable à cette nouvelle vision et liait la poésie à la peinture. Eluard réussit par ses descriptions à créer un univers triple où il laisse contraster la ténébrosité avec la lumière, mais à la fois Eluard rend hommages par sa poésie à ses amis – peintres. En guise d’exemple de cette liaison typiquement éluardienne de la peinture et son créateur, citons le poème dédié à Joan Miró, peintre et sculpteur catalan : « JOAN MIRO Soleil de proie prisonnier de ma tête, Enlève la colline, enlève la forêt. Le ciel est plus beau que jamais. Les libellules des raisins Lui donnent des formes précises Que je dissipe d’un geste. Nuages du premier jour, Nuages insensibles et que rien n’autorise, Leurs grains brûlent Dans les feux de paille de mes regards. A la fin, pour se couvrir d’une aube Il faudra que le ciel soit aussi pur que la nuit. »[18] Eluard avait la possibilité de visiter plusieurs fois l’Espagne et nous trouvons qu’il réussit à saisir l’ambiance du pays natal de Miró marquée par la luminosité (ou même l’aridité) et la pureté qui présent aussi la richesse visuelle du poème cité. Nous pouvons même dire que la luminosité est omniprésente parce que nous voyons que le soleil enlève la colline, etc. – tous ses obstacles. En arrivent aux symboles pris de la nature, c’est l’arbre qui constitue le symbole par excellence et surabondant dans la création du poète. Eluard associe l’arbre à la passion et à la femme ; c’est aussi sous les ombres des arbres où le poète trouve des paroles. Au contraire, l’auteur ne parle jamais de la terre où sont les arbres enracinés, s’il mentionne leur caractère physique, il nous annonce qu’il touche au ciel comme p.ex. dans le poème Celle qui n’a pas la parole: « Les feuilles de couleur dans les arbres nocturnes Et la liane verte et bleu qui joint le ciel aux arbres, Le vent à la grande figure Les épargne. Avalanche, à travers sa tête transparente La lumière, nuée d’insectes, vibre et meurt. »[19] Parmi les branches des arbres, le poète laisse souvent voler un oiseau, qui constitue l’autre symbole typiquement éluardien que le poète n’hésite pas à utiliser dans la signification la plus banale comme le symbole de la liberté ; par exemple nous l’avons vu dans La malédiction. Cependant l’oiseau occupe une place particulière par l’ampleur de ses nombreuses mutations auxquelles Eluard le soumet et acquiert les explications les plus diverses. En observant ses fonctions dans le présent recueil, l’oiseau est employé comme un motif qui unit et marie les symboles typiques pour Eluard : les yeux, le visage, les corps, l’arbre, le soleil, l’étoile. En parlant des liaisons, l’oiseau unit aussi le monde masculin avec celui féminin. L’oiseau peut incarner également la légèreté de l’être, le bonheur, mais il sépare entre autre le monde des vivants du monde des ombres que nous voyons p.ex. dans le vers suivant : « L’aurore en moi pouvait creuser son nid. »[20] L’oiseau visualise l’amour et le désir et il est tellement important pour Eluard que une seule aile acquiert la valeur symbolique (le plus souvent la valeur érotique) dans certains poèmes. En avoir énuméré les symboles les plus utilisés, essayons de résumer les marques de l’écriture de Paul Eluard dans Capitale de la douleur. Par son recueil l’auteur donne une nouvelle dimension à l’écriture en se rendant compte des possibilités formelles qui puissent l’aider à créer de nouvelles images poétiques. Pour cette raison, ce sont les courtes liaisons des mots, les associations simples jusqu’à banales, l’interpénétration des motifs réels avec imaginaires, la polysémie des interprétations et l’illogisme qui donnèrent le caractère exceptionnel au recueil. Si nous observons attentivement les relations entre les parties de Capitale de la douleur, nous remarquerons que le poète se perfectionna dans l’organisation de la phrase poétique en atteignant de la légèreté de son expression. Si nous observons le cadre verbal, nous verrons que la métaphore et le mot même domine en affaiblissant exprès la syntaxe grammatical. Les mots atteignent la simplicité par la répétition des symboles et en restreignant des complications syntaxiques. Ce qui est sans doute la raison de la popularité d’Eluard jusqu’à nos jours. ________________________________ [1] ELUARD, Paul : Capitale de la douleur, Paris : Gallimard 1966, pp.140-141. [2] Ibid., p. 14. [3] Ibid., p. 19. [4] Ibid., p. 20. [5] Ibid., p. 21. [6] Ibid., p. 22. [7] Ibid., p. 44. [8] Ibid., p. 52-54. [9] Ibid., p. 63. [10] Ibid., p. 77. [11] Ibid., p. 89. [12] Ibid., p. 90. [13] Ibid., p. 94. [14] Ibid., p. 107. [15] Ibid., p. 67. [16] Ibid., p. 67. [17] Ibid., p. 87. [18] Ibid., p. 128. [19] Ibid., p. 71. [20] Ibid., p. 18.