FJIB509 Základy analýzy literárního textu 01 Au seuil du roman Le paratexte : titre et préface • « L'oeuvre littéraire consiste, exhaustivement ou essentiellement, en un texte, c'est-à-dire (définition très minimale) en une suite plus ou moins longue d'énoncés verbaux plus ou moins pourvus de signification. Mais ce texte se présente rarement à l'état nu. Sans le renfort et l'accompagnement d'un certain nombre de productions, elles-mêmes verbales ou non, comme un nom d'auteur, un titre, une préface, des illustrations, dont on ne sait pas toujours si l'on doit ou non considérer qu'elles lui appartiennent, mais qui en tout cas l'entourent et le prolongent, précisément pour le présenter, au sens habituel de ce verbe, mais aussi en son sens le plus fort : pour le rendre présent, pour assurer sa présence au monde, sa "réception" et sa consommation, sous la forme, aujourd'hui du moins, d'un livre. Cet accompagnement, d'ampleur et d'allure variables, constitue |...| le paratexte de l'œuvre. Le paratexte est donc pour nous ce par quoi un texte se fait livre et se propose comme tel à ses lecteurs, et plus généralement au public. » • Gérard Genette, Seuils, Paris, © Éd. du Seuil, coll. Poétique, 1987, p. 7 Le paratexte : titre et préface • Le paratexte renvoie à tout ce qui entoure le texte sans être le texte proprement dit. Il joue un rôle majeur dans l'«horizon d'attente» du lecteur. Le titre et la préface sont deux de ses manifestations les plus importantes. • L'incipit • Le début d'un roman est l'autre lieu où se noue le contrat de lecture. Il se définit par une triple visée : informer, intéresser et indiquer l'identité du texte lu. Le contrat de lecture • le paratexte est le lieu où se noue explicitement le contrat de lecture • on ne lit pas tous les textes de la même manière • Le paratexte, en donnant des indications sur la nature du livre, aide le lecteur à se placer dans la perspective adéquate. – Cf. Quatrevingt-treize – „roman historique“ – Madame Bovary – Des illustrations sur la couverture du Petit Prince L'horizon d'attente • Toutes les indications données par le texte avant que ne commence la lecture dessinent un champ de possibles que le lecteur intègre plus ou moins consciemment. • Si cet horizon d'attente est déçu par le texte, il y a violation du pacte de lecture et la communication ne fonctionne plus. – voir des morts ressusciter dans un récit fantastique, mais on ne le tolérera pas dans un roman policier. – Si l'évasion de Louis XVI la veille de son exécution sera refusée dans un roman historique, elle aura éventuellement sa place dans un récit fantaisiste ou onirique. Péritexte et épitexte • Genette – péritexte - le paratexte situé à l'intérieur du livre (titre, préface, notes, titres de chapitre), – épitexte - le paratexte situé (du moins, à l'origine) à l'extérieur du livre (entretiens, correspondance, journaux intimes). • Cf: L'édition Gallimard de La Mise à mort d'Aragon joint ainsi au texte originel paru en 1965 un «après-dire» datant de 1970 : l'auteur, à la suite de la lecture d'un mémoire de maîtrise écrit entre-temps sur son roman, revient sur la genèse de son texte. Le titre • rôle fondamental • il est des titres qui «accrochent » et des titres qui rebutent, des titres qui surprennent et des titres qui choquent, des titres qui enchantent et des titres qui agacent. • « Si lire un roman est réellement le déchiffrement d'un fictif secret constitué puis résorbé par le récit même, alors le titre, toujours équivoque et mystérieux, est ce signe par lequel le livre s'ouvre : la question romanesque se trouve dès lors posée, l'horizon de lecture désigné, la réponse promise. Dès le titre, l'ignorance et l'exigence de son résorbement simultanément s'imposent. L'activité de lecture, ce désir de savoir ce qui se désigne dès l'abord comme manque à savoir et possibilité de le connaître (donc avec intérêt), est lancée. » • Charles Grivel, Production de l'intérêt romanesque, Paris-La Haye, Mouton. 1973. p. 173 4 fonctions essentielles du titre • fonction d'identification – Le titre sert d'abord à désigner un livre, à le nommer (comme le nom propre désigne un individu). – Si l'on excepte les cas d'homonymie, relativement marginaux, le titre se présente comme le nom du livre, sa carte d'identité. – Il est rarement nécessaire de préciser l'auteur lorsqu'on demande La Chartreuse de Parme ou Eugénie Grandet à un libraire. – Le titre est un critère suffisant d'identification. • fonction descriptive – Le titre donne également des renseignements sur le contenu et/ou sur la forme de l'ouvrage. • Les Misérables - différents protagonistes de l'épopée hugolienne (donc, au contenu du livre), • Le Manuscrit trouvé à Saragosse désigne le texte en tant que tel, dans sa réalité matérielle. – Selon la terminologie proposée par Genette, on a affaire • dans le premier cas à un titre thématique (évoquant le contenu) et • dans le second à un titre rhématique (décrivant la forme). – pour les linguistes, le thème désigne ce dont on parle et le rhème ce qu'on en dit. – Le titre rhématique peut ainsi renvoyer, par extension, à ce qu'on fait d'une histoire et, plus précisément, à ce qu'on en écrit. • Le Livre du rire et de l'oubli de Milan Kundera est à la fois thématique (le texte traite du rire et de l'oubli) et rhématique (« Le Livre » est ce que Kundera a fait de ses réflexions sur le rire et l'oubli). Les titres thématiques • (qui désignent le thème de l'ouvrage, ce dont on parle) peuvent être de plusieurs sortes. – Les titres littéraux renvoient au sujet central. • Les Liaisons dangereuses – Les titres métonymiques s'attachent à un élément ou à un personnage secondaire de l'histoire. • Dans Le Père Goriot de Balzac – Les titres métaphoriques décrivent le contenu du texte de façon symbolique. Le Rouge et le Noir – Les titres antiphrastiques, enfin, présentent ironiquement le contenu du texte. • L'Enfance d'un chef la nouvelle de Sartre Les titres rhématiques • se référant au texte comme objet, ne désignent plus ce dont on parle, mais la façon dont on l'écrit. • Ils se laissent classer sur une échelle allant du plus précis au plus vague. on peut distinguer entre – les titres génériques, qui désignent une appartenance précise(Le Roman comique), et – les titres paragénériques, qui renvoient à un trait formel beaucoup plus général