DOCUMENT II.a. La République nouvelle selon de Gaulle (1965) Depuis sept ans, aprs son effondrement devant ľabîme de la guerre civile et ľimminence de la faillite économique et monétaire, commença la marche en avant, par ľadoption ďinstitutions stables et efficaces, la coopération remplaçant la colonisation, le développement planifié, au profit de tous les Français, de notre économie, de notre équipement, de notre enseignement, de notre capacité scientifique et technique, bref, ľimpulsion dans tous les champs ďaction ouverts nos forces vives ; au-dehors, par une politique ďindépendance et ďéquilibre, ľaction menée partout en faveur de la paix, notamment en Asie o sévit une absurde guerre1 , ľeffort entrepris pour recoudre notre continent déchiré, ďune part en poursuivant ľorganisation de ľEurope occidentale, ďautre part en nouant avec les pays de ľEst des rapports multipliés, la présence, ľinfluence, la culture françaises s'affermissant dans toutes les parties de la terre. Est-ce parfait ? Est-ce complet ? Bien sr que non ! puisqu'il s'agit ďune oeuvre humaine. Mais cette oeuvre-l, qui s'appelle le salut et le début de la rénovation, peut bien tre décriée par les champions de la décadence. Elle n'en est pas moins évidente et reconnue du monde entier. Cependant, il faut qu'elle se développe et s'élargisse davantage encore. Oui ! La République nouvelle veut que le peuple lui donne demain, plus tard et toujours, une tte qui en soit une et que ľhomme ainsi mandaté pour répondre du destin, notamment dans les jours graves, porte luimme ses responsabilités. Oui ! La République nouvelle veut que notre pays continue ďavancer dans la prospérité, comme le prévoit la loi du Plan, de telle façon que les revenus de tous les Français s'accroissent avec le produit national, sur la base ďune économie concurrente de celle de tous les autres, ďune monnaie inébranlable et de budgets équilibrés. Oui ! La République nouvelle veut que la France, tout en restant ľalliée de ses alliés et ľamie de ses amis, ne pratique plus, vis--vis de ľun ďeux2 , une subordination qui ne serait pas digne ďelle et qui pourrait, en certains cas, la jeter automatiquement dans des conflits qu'elle n'aurait pas voulus. Oui ! La République nouvelle veut doter la France ďun armement nucléaire, parce que quatre autres États3 en ont un et que cela n'excde pas ses moyens, parce que, tout le monde sachant qu'elle ne menace personne, un pareil instrument revt, pour sa défense, un caractre de dissuasion incomparablement efficace par rapport au systme ďautrefois, parce qu'il ne nous cote pas plus cher et nous permet de réduire de moitié la durée du service actif, enfin parce qu' notre époque, atomique, électronique et spatiale, nous ne devons pas nous priver de tout ce que la recherche, la science, la technique, ľindustrie françaises tirent et tireront, quant leurs progrs et leur activité, de cette nécessaire entreprise. Oui ! La République nouvelle, qui a déployé pour ľunion de ľEurope occidentale de grands et incessants efforts en partie couronnés de succs, veut que ľédifice s'achve dans des conditions équitables et raisonnables ; que ľagriculture française entre dans le Marché commun effectivement et sans que, par la suite, quelque commission dite supranationale et quelque rgle de la majorité puissent remettre tout en cause ; que, s'il s'agit un jour de bâtir une organisation politique des Six, la France ne risque pas, par ľeffet de cette mme procédure, ďtre entraînée, sur notre continent, dans une action dangereuse et qu'elle n'approuverait pas [...] CharlesdeGaulle,DiscoursetMessages,t.4,Paris,Plon,1970,p.404-405. Le 30 novembre 1965, dans la premire de ses deux interventions la veille du premier tour des élections présidentielles, le général de Gaulle dresse un bilan de sa politique et définit les orientations de la Ve République : autorité du chef de ľÉtat, croissance de ľéconomie et des revenus, indépendance extérieure fondée sur la force nucléaire, union de ľEurope des Six sans supranationalité. 1 La guerre du Vietnam. 2 Les États-Unis. 3 Les États-Unis, la Grande-Bretagne, ľURSS et la Chine.