27 mars 1883, puis avec ľ abbé Henri-Raymond Casgrain, en juin de la merne année. En 1885, U publie Les Sablons et l'ile Saint-Barnabé et Les asiles ďaliénés de la province de Québec et leurs détracteurs. he 30 juin 1888, il remet sa demission au gou-vemement canadien et meurt ä Ottawa le 16 avril 1894. Ikes le jongleur1 r II y avait un sauvage nomme Ikes, repnt le pere Michel en renouant le fil de son histoire a l'expiration du temps de repos qui lui avait ete accorde, et ce sauvage etait bon chasseur; mais il etait redoute des autres sauvages, parce qu'il passait pour sorcier. C'etait a qui ne ferait pas la chasse avec lui. Or, vous n'etes pas sans savoir que les jongleurs sauvages n'ont aucun pouvoir sur les blancs. La jonglerie ne prend que sur le sang des nations2, et seulement sur les sauvages infideles, ou sur les sauvages chretiens qui sont en etat de peche mortel. Je savais cela; mais comme, au reste, je n'etais pas trop farouche3, je m'associai avec Ikes pour la chasse d'hiver. II est bon de vous dire qu'il y a plusieurs especes de jongleries chez les sauvages. II y en a une, par exemple, qui s'appelle medecine: ceux qui la pratiquent pretendent guerir les malades, portent une espece de sac qu'ils appellent sac a medecine, s'enferment dans des cabanes a sueries, avalent du poison et 1. Sur cet auteur, on consultera i'ouvrage ďÉveline Bosse, Joseph-Cluirles Tachc (1820-1894), un grand representant de Vélite canadienne-jran^aisc, Quebec, Garneau, 1971, 324 p. 2. Le mot les nations, chez les Canadiern, a la meine valeur que le mot les gentiis relativement auxjuifs; il designe d'une fac;on generale tous les peuples qui ne sont pas catholiques: ici, U se rapporte particuliěvement aux aborigěnes. (Note dc Taclié) 3. Peureux, craintif. 130 'Joseph-Charles Taché Ikés lc jongleur • 131 font mille et un tours, avec le secours du diable comme vous pensez bien. Ikes n'appartenait point a cette classe de jongleurs: il etait ce qu'on appelle un adocte, c'est-a-dire qu'il avait un pacte secret avec un Mahoumet"': ils etaient unis tous deux par ser-ment comme des francs-macons. II n'y a que le bapteme, ou la confession et l'absolution qui soient capables de rompre ce charme et de faire cesser ce pacte. Tout le monde salt que le mahoumet est une espece de gobelin, un diablotin qui se donne a un sauvage, moyennant que celui-ci lui fasse des actes de soumission et des sacrifices, de temps en temps. Les chicanes ne sont par rares entre les deux associes; mais comme c'est Vadocte qui est l'esclave, c'est lui qui porte les coups. Le mahoumet se montre assez souvent a son adocte; il lui parle, lui donne des nouvelles et des avis, il l'aide dans ses difficultes, quand il n'est pas contrecarre par une puissance superieure. Avec ca, le pouvoir du mahoumet depend, en grande partie, de la soumission de Yadocte. II y en a qui disent qu'il n'y a pas de sorciers et de sorcieres, et qui ne veulent pas croire aux esprits. Eh bien! moi je vous dis qu'il y a des sorciers, et que nous sommes entoures d'esprits bons et mauvais. Je ne vous dis pas que ces espnts sont obliges de se rendre visibles a tous ceux qui voudraient en voir; mais je vous dis qu'il y en a qui sont familiers avec certaines gens, et que souvent, plus souvent qu'on ne pense, Us apparaissent ou font sentir leur presence aux hommes. Demandez aux voyageurs des pays d'en haut qui out vecu longtemps avec les sauvages infideles, demandez aux bourgeois 4. II me serait impossible de donner l'origine de ce nom de mahoumet, que les Canadiens du Bas-du-Fleuve attribuent a ces gemes familiers des anciens sauvages: a moins de dire que, le fondateur de l'islamisme etant considere comme une des incarnations du mal, on a fait de son nom altere le nom patronymique des lutins sauvages. (Note de Tache) I despostes\ demandez aux missionnaires, s'il y a des sorciers, ou p jongleurs comme vous voudrez, et vous verrez ce qu'ils vous répondront. A preuve de tout cela, je vais vous raconter ce que j'ai vu et entendu, moi, sur les bords du lac Kidouam-kizouik. J'étais done associé avec Ikes-le-jongleur. Nous avions commence, de bonne heure ľautomne, ä emménager notre chemin de chasse. Ce chemin n'était pas tout ä fait nouveau, il était déjä en partie établi, depuis la montagne des Bois-Brůlés jusqu'au lac : Ikes et moi y ajoutämes deux branches, ä partir du lac, une courant au nord-est, ľautre, au sud-ouest. Nous étions vigoureux, entendus et assez chanceux tous les deux; de plus, nous étions bien approvisionnés, nous comp-tions faire une grosse chasse. Le premier voyage que nous fimes ensemble dans les bois dura presque trois mois, pendant lesquels nous avions travaillé comme des něgres. Une fois tout notre chemin mis ä prendre, nous descendimes en visitant nos martriéres, nos autres tentures et nos piěges: si bien que, rendus ä la mer, nous avions déjä un bon commencement de chasse: des martes, de la loutre et du castor. Nous arrivions gais comme pinson quoique pas mal fatigues, pour passer les fétes ä Rimouski. Ikes avait sa cabane sur la côte du Brálé, ou il laissait sa famille; moi j e logeais chez les habitants. — Eh bien! Michel, me demandait-on partout ä mon retour, comment vous trouvez-vous de votre associé? — Mais pas mal, que j e répondais; c'est le meilleur gar-con du monde et un fort travaillant: je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup qui aient apporté plus de pelleteries que nous autres, pour le temps. — Vous n'avez pas eu connaissance de son mahoumet? 5. Contremaltre ďun poste á fourrures. On appelait aussi un maitre, un patron, un propriétaire d'un établissement de chantier. 132 • Joseph-Charles Tache Ikes le Jongleur • 133 — Ma foi, non; et s'il en a eu connaissance, lui, la chose a du se faire bien a la cachette; car on ne s'est pas laisse d'un instant. — Vous ne perdez rien pour attendre. — Tenez, je crois qu'on a tort de faire counr tous ces bruits-la sur le compte d'Ikes. — Ah! le satane bigre\ Ah! c'est un chctif' et vous verrez qu'il finira mal. Entre lui, 1'Algonquin et la vieille Mouinc7, il y aura du grabuge qui fera bien rire le diable avant longtemps. Cette vieille Mouine etait une jongleuse, elle aussi: autrefois mariee a un Algonquin, elle etait veuve alors, et 1'Algonquin, dont parlaient les gens de Rimouski, etait son fils, ainsi nomme du nom de la nation de son pere. II existait une rancune entre Ikes et l'Algonquin dont voici l'origine. Les deux sauvages revenaient un jour en canot de la chasse au loup-marin: avant d'arriver a Tile Saint-Barnabe, ils rencontrerent une goelette, a bord de laquelle ils echangerent un loup-marin qu'ils avaient tue, pour quelques effets et du rhum. L'echange faite, nos deux gaillards font halte au bout d'en bas de Tile, pour saigner le cochon, c'est-a-dire pour tirer du rhum de leur petit baril. Apres avoir bu copieusement, ils remettent leur canot a Teau pour gagner terre; mais la mer avait baisse, et aux deux tiers de la traverse ils ne pouvaient plus avancer. Ils etaient si souls tous les deux qu'Ikes, se croyant au rivage, debarqua sur la batture, et que l'Algonquin, n'en pouvant plus, se coucha dans le canot. Le premier, en pataugeant dans la vase, tombant et se relevant, finit par se rendre aux - maisons et de la chez lui, ou il s'endormit en arrivant: le second, emporte dans son canot par un petit vent 6. On disait aussi chili, faineant, vaurien, filou. 7. Mouinc est un mot lmcmac (ecrit a la fran^aise) qui vent dire une ourse. (Note de Tache) et le courant, se reveilla quelques heures apres, ä plus d'une lieue au large et vis-a-vis de la Pointe-aux-Peres. Or, l'Algonquin s'imagina que son camarade Ikes avait voulu le faire perir, et ne voulut jamais revenir de cette impression. Ikes, de son cote, ne pouvant faire entendre raison ä Tautre, finit par se facher: ce fut desormais entre eux une haine a mort, dans laquelle la vieille Mouine prenait part pour son fils. Les jongleurs, par le pouvoir de leurs mahoumets, se jouent de vilains tours entre eux; mais comme ils sont sur leurs gardes, les uns ä Tegard des autres, la guerre dure souvent longtemps avant que Tun d'eux perisse; mais cela finit toujours par arriver. Les sauvages n'ont pas memoire d'un jongleur qui, n'ayant pas abandonne la jonglerie, soit mort de mort naturelle. Enfin, malgre la mauvaise reputation de mon associe, je repartis bientot avec lui pour le bois, emportant des provisions pour plusieurs semaines. Nous devions revenir, au bout de ce temps, avec nos pelleteries, et remonter une troisieme fois pour finir notre chasse au printemps. Nous nous rendimes de campement en campement sur notre chemin, enlevant le gibier des tentures et mettant les peaux sur les moules, jusqu'ä notre principale cabane du lac Kidouamkizouik, sans aventure particuliere. Ikes etait toujours de bonne humeur. Le soir de notre retour au lac, je venais de regarder au souper, que j'avais mis sur le feu, et mon compagnon achevait d'arranger une peau de marte sur son moule, lorsqu'un cri clair et percant, traversant Tair, vint frapper mon oreille en me clouant ä ma place: jamais je n'ai entendu ni avant ni depuis, rien de pareil. Ikes bondit et s'elanca hors de la cabane, en me faisant signe de la main de ne pas le suivre. Je restai stupefait. — C'est son mahoumet, me dis-je, et je fis un signe de croix! 134 'Joseph-Charles Tache Au bout de cinq minutes, mon sauvage rentra l'air tnste et abattu. II est fache, me dit-il; nous aurons bien de l'ouvrage a faire. — C'est done vrai que tu as un mahoumet, tu ne m'en as jamais parle. Comment est-il fait? et que t'a-t-il done an-nonce ? Ikes me dit, sans detours, que son diablotin etait un petit homme haut de deux pieds, ayant des jambes et des bras tres greles, la peau grise et luisante comme celle d'un lezard, une toute petite tete et deux petits yeux ardents comme des tisons. II me raconta qu'apres l'avoir appele, il s'etait presente a lui, debout sur une souche, en arriere de la cabane, et lui avait reproche de le negliger, et de ne lui avoir rien offert depuis le commencement de sa chasse d'automne. Le mahoumet avait les deux mains fermees, et la conversation suivante avait eu lieu entre lui et son adocte. — Devine ce que j'ai la-dedans, avait dit le lutin en montrant sa main droite a Ikes. —■ C'est de la graisse de castor, avait repondu Ikes, a tout hasard. — Non. C'est de la graisse de loup-cervier: il y en a un qui venait de se prendre dans ton premier collet, ici tout pres; mais je l'ai fait echapper. Qu'ai-je dans la main gauche, main-tenant ? — De la graisse de loutre. — Non, c'est du poil de marte: tes martrieres du sud-ouest et du nord-est sont empestees, les martes n'en approchent pas. Je crois, avait ajoute le mahoumet en se moquant, que les pecans" ont visite ton chemin: tes tentures sont brisees, et tes pieges a castor sont pendus aux branches des bouleaux, dans le voisinage des etangs. Ikes le jongleur • 135 Puis le diablotin avait disparu en poussant un ricanement d'enfer, que j'avais entendu dans la cabane, sans pouvoir m'ex-pliquer ce que ce pouvait etre. — Ton diable de mahoumet, dis-je a Ikes quand il eut fini de me raconter cette entrevue, ton diable de mahoumet nous a fait la une belle affaire, si seulement la moitie de ce qu'il t'a dit est vrai. —Tout est vrai, repondit Ikes. — N'importe, repliquai-je, comme je n'ai pas envie d'y aller ce soir et que j'ai terriblement faim, je vais retirer la chaudiere du feu et nous allons manger. Ikes ne m'aida pas a completer les preparatifs du souper: il se tenait assis sur le sapin, les bras croises sur les jambes et la tete dans les genoux. Quand je l'avertis que le repas etait pret, il me dit: — Prends ta part dans le cassot9 d'ecorce et donne-moi la mienne dans la chaudiere. Sans m'enquerir des raisons qui le faisaient agir ainsi, je fis ce qu'il m'avait demande. II prit alors la chaudiere et en re-pandit tout le contenu dans le feu; puis, s'enveloppant de sa couverte10, il se coucha sur le sapin et s'endormit. Je compris qu'il venait de faire un sacrifice a son manitou. Mais, bien que sans crainte pour moi-meme, j'etais tout de meme embete de tout cela, et je faisais des reflexions plus ou moins rejouissantes, en fumant ma pipe aupres de mon sauvage qui dormait comme un sourd. Parbleu! me dis-je a la fin, Ikes est plus proche voisin du diable que moi; puisqu'il dort, je puis bien en faire autant! J'attisai le feu, je me couchai et m'endormis aupres de mon compagnon. 8. Animal, appartenant a la famille dite des petits ours, qui fait le desespoir des chasseurs par sa finesse et ses espiegleries malicieuses. (Note dc Tachcj 9. Petit recipient en ecorce de bouleau. 10. Couverture. 136 • Joseph-Charles Tache J'etais tellement certain que ce manitou ne pouvait rien contre ma personne, que je n'en avais aucune peur, et que, meme, j'aurais aime a le voir. Des le petit matin du lendemain, je sortis de la cabane, en me disant: — je vas toujours aller voir si cet animal de mahoumet a dit vrai pour le loup-cervier. Montant sur mes raquettes, je me rendis a l'endroit ou etait tendu le collet qu'il avait indique. Effectivement, je trouvai la perche piquee dans la neige a cote de la fourche, et le collet coupe comme avec un rasoir. — Si tout le reste s'ensuit, me dis-je, en reprenant la direction de notre campement, nous en avons pour quinze jours avant d'avoir retabli nos deux branches de chemin. Le gredin de mahoumet n'avait, helas! dit que trop vrai, et nous mimes douze jours a reparer les degats. Pendant tout ce temps Ikes ne prit pas un seul souper et ne fuma pas une seule pipe: tous les soirs il jetait son souper dans le feu, et tous les matins il lancait la moitie d'une torquette de tabac dans le bois. Enfin nous terminames notre besogne: mon malheureux sauvage avait travaille comme deux. Nous etions revenus a notre cabane du lac. C'etait le matin, il faisait encore noir, nous dejeunions, en ce moment: tout a coup nous entendimes un sifflement suivi de trois cris de joie: — hi! — hi! — hi! — Ikes s'elanca, comme la premiere fois, hors de la cabane, en m'enjoignant de ne pas bouger de ma place... II rentra peu de temps apres tout joyeux. — Dejeunons vite, dit—il, il y a deux orignaux, dans le pendant de la cote, la au sud, a une demi-heure de marche. Ton mahoumet aura besoin de nous donner bonne chasse, lui repondis-je, s'il veut etre juste et m'indemniser du tort qu'il m'a fait, a moi qui n'ai pas d'affaire a lui et ne lui dois rien, Dieu merci. Mais il se moque de toi, avec ses deux orignaux. Qui, diable, va aller courir l'orignal, avec seulement dix-huit pouces de neige encore molle? Ikes le jongleur ♦ 137 — C'est a l'affut qu'on va les tuer: puis il y a une loutre dans le bord du lac, pas loin d'ici. Nous tuames les orignaux et la loutre; mais je crois que l'argent que j'ai fait avec cette chasse etait de l'argent du diable et qu'il n'a pas porte bonheur a ma fortune, comme vous verrez plus tard. Les anciens avaient bien raison de dire: Farinc du diable s'en retourne en son"! Je vous assure que, le soir, Ikes fit un fameux souper et fuma d'importance. Avant de se coucher, il etendit sa couvcrte sur le sapin, puis, prenant un charbon, il traca sur la laine la figure d'un homme. — Qu'est-ce que tu fais done la, lui demandai-je; ne fmiras-tu pas avec tes diableries? — Tiens, tu vois ben, repondit Ikes, toute ma chicane avec mon petit homme vient de la vieille Mouine, et c'est 1'Algonquin qui est la cause de cela. — Et qu'est-ce que ta couverte peut avoir a faire avec 1'Algonquin et la vieille sorciere ? — La Mouine n'est pas avec 1'Algonquin; il est a la chasse, et, en ce moment, dans un endroit qu'il n'a pas indique a sa mere en partant; ils se sont oublies: c'est le temps de lui donner une pincee ! En ce disant, Ikes avait en effet donne une terrible pincee dans sa couverte, a l'endroit de la figure humaine qu'il avait tracee. II ajouta avec un sourire feroce: — II ne dormira pas beaucoup cette nuit, va! Tiens, l'en-tends-tu comme il se plaint? c'est la colique, tu vois ben. Ma parole, je ne sais pas si je me suis trompe, mais j'ai cru entendre des gemissements, comme ceux d'un homme qui souffre d'atroces douleurs: or, 1'Algonquin etait, en ce moment, a dix lieues de nous. J'ai appris ensuite qu'il avait ete fort malade d'une maladie d'entrailles. 11. On retrouve la meme expression dans «Le baiser fatal», troisieme volet de «La maison hantee» de Pamphile Lemay. 138 • Joseph-Charles Tache — Ikes, dis-je a mon compagnon de chasse, tout cela finira mal. D'abord, et c'est l'essentiel, ton salut est en danger; si tu meurs dans ce commerce, il est bien sur que le diable t'empoignera pour l'eternite. Dans ce monde-ci meme, tu n'as aucune chance contre la vieille Mouine, elle est plus sorciere que toi: tu sais bien que c'est elle qui a predit l'arrivee des Anglais °, et il n'y avait pas longtemps alors qu'elle faisait de la jonglerie. — C'est vrai, repondit Ikes: puis il s'enveloppa dans sa couverte, s'etendit sur le sapin et s'endormit. L'ete suivant, je n'etais pas a Rimouski; mais j'ai appris que le malheureux est mort dans les circonstances suivantes. II etait toujours campe sur le Brule; la vieille Mouine et l'Algon-quin avaient leur cabane a la Pointe-a-Gabriel. Un soir, Ikes jlambotait dans la riviere, il allait darder un saumon, lorsqu'il fut pris d'une douleur de ventre qui lui fit tomber le nigogue^ des mains; transports dans sa cabane, il languit quelque temps et mourut dans une stupide indifference. C'etait une derniere pincee de la Mouine, et le dernier coup de son Mahoumetl (Forestiers et voyageurs, 1884; paru d'abord dans Les Soirees canadiennes, 1863) 12. Une tradition, qui n'est pas encore tout a fait perdue, rapporte qu'une sauvagesse a predit, deux ou trois ans a l'avance, la prise du pays par les Anglais. (Note de Tache) 13. Aussi ecrit nigog, sorte de harpon servant a darder le saumon ou l'anguille. Le Noyeux Nous avions done quitte Quebec pour les pays d'en haut, comme je vous l'ai dit, reprit le pere Michel. Dans ce temps-la, il n'y avait sur le fleuve que des goe-lettes, des bateaux plats et des canots qui voyageaient entre Quebec et Montreal: souvent les batiments a voile mettaient deux semaines, quelquefois trois, a monter a Montreal: le voyage le plus prompt etait celui qu'on faisait en canot d'ecorce lege. Je crois vous avoir dit que nos canots a nous, cette fois-la, etaient charges: or, avec un maitre-canot charge et bien monte, on fait, Vun portant I'autre, six lieues par jour en remontant les rivieres, et environ le double en descendant, les portages compris. Je vais tacher, dans ce recit de mon voyage, de vous faire connaitre comment on raccourcit le temps de ces longs par-cours. Et tout d'abord, au depart, c'etait la coutume des voyageurs, avant d'atteindre le point de la grande riviere des Outaouais ou cessaient les etablissements, de profiter de leur reste pour aller tous les soirs, a tour de role, aux maisons d'habitants voisines de l'endroit ou Ton s'arretait: on y buvait du lait, on y chantait des chansons, on y dansait quelquefois, et, quand il commencait a se faire un peu tard, on allait rejoin-dre les compagnons laisses a la garde des canots et des mar-chandises. Alors on s'etendait sur le rivage, a la belle etoile,