Charles Cros (1842-1888) Grains de sel Le hareng saur Il était un grand mur blanc —nu, nu, nu, Contre le mur une échelle — haute, haute, haute, Et, par terre, un hareng saur — sec, sec, sec. Il vient, tenant dans ses mains — sales, sales, sales, Un marteau lourd, un grand clou — pointu, pointu, pointu, Un peloton de ficelle — gros, gros, gros. Alors il monte à l'échelle — haute, haute, haute, Et plante le clou pointu — toc, toc, toc, Tout en haut du grand mur blanc — nu, nu, nu. Il laisse aller le marteau — qui tombe, qui tombe, qui tombe, Attache au clou la ficelle — longue, longue, longue, Et, au bout, le hareng saur — sec, sec, sec. II redescend de l'échelle — haute, haute, haute, L'emporte avec le marteau — lourd, lourd, lourd; Et puis, il s'en va ailleurs, — loin, loin, loin. Et, depuis, le hareng saur — sec, sec, sec, Au bout de cette ficelle — longue, longue, longue Très lentement se balance — toujours, toujours, toujours. J'ai composé cette histoire, — simple, simple, simple, Pour mettre en fureur les gens — graves, graves, graves, Et amuser les enfants — petits, petits, petits. Heures sereines J'ai pénétré bien des mystères Dont les humains sont ébahis: Grimoires de tous les pays, Êtres et lois élémentaires. Les mots morts, les nombres austères Laissaient mes espoirs engourdis; L'amour m'ouvrit ses paradis Et l'étreinte de ses panthères. Le pouvoir magique à mes mains Se dérobe encore. Aux jasmins Les chardons ont mêlé leurs haines. Je n'en pleure pas; car le Beau Que je rêve, avant le tombeau, M'aura fait des heures sereines. Intérieur «Joujou, pipi, caca, dodo » «Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do.» Le moutard gueule, et sa sœur tape Sur un vieux clavecin de Pape. Le père se rase au carreau Avant de se rendre au bureau. La mère émiette une panade Qui mijote, gluante et fade, Dans les cendres. Le fils aîné Cire, avec un air étonné, Les souliers de toute la troupe, Car, ce soir même, après la soupe, Ils iront autour de Musard Et ne rentreront pas trop tard; Afin que demain l'on s'éveille Pour une existence pareille. «Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do.» «Joujou, pipi, caca, dodo.»