André BRETON (1896-1966) 1 Questions : 1) En quoi consiste la vraie écriture surréaliste dans les termes ďAndré Breton? 2) Essayez de faire un résumé des extraits. Art Poétique PREMIER MANIFESTE DU SURRÉALISME La magie de la spontanéité Faites-vous apporter de quoi écrire, aprs vous tre établi en un lieu aussi favorable que possible la concentration de votre esprit sur lui-mme. Placez-vous dans ľétat le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mnent tout. Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas tre tenté de vous relire. La premire phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu' chaque seconde il est une phrase étrangre notre pensée consciente qui ne demande qu' s'extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante ; elle participe sans doute la fois de notre activité consciente et de ľautre, si ľon admet que le fait ďavoir écrit la premire entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, ďailleurs ; c'est en cela que réside, pour la plus grande part, ľintért du jeu surréaliste. André Breton, Les manifestes du surréalisme, J.-J. Pauvert. SECOND MANIFESTE DU SURRÉALISME Fonction du surréalisme On sait assez ce qu'est ľinspiration. Il n'y a pas s'y méprendre ; c'est elle qui a pourvu aux besoins surprmes ďexpression en tout temps et en tous lieux. On dit communément qu'elle y est ou qu'elle n'y est pas, et, si elle n'y est pas, rien de ce que suggre auprs ďelle ľhabileté humaine, qu'oblitrent ľintért, ľintelligence discursive et le talent qui s'acquiert par le travail ne peut nous guérir de son absence. Nous la reconnaissons sans peine cette prise de possession totale de notre esprit qui, de loin en loin, empche que pour tout problme posé nous soyons le jouet ďune solution rationnelle plutôt que ďune autre solution rationnelle, cette sorte de 10 court-circuit qu'elle provoque entre une idée donnée et sa répondante (écrite par exemple). Tout comme dans le monde physique, le court-circuit se produit quand les deux pôles de la machine se trouvent réunis par un conducteur de résistance nulle ou trop faible. En poésie, en peinture, le surréalisme a fait ľimpossible pour multiplier ces courts-circuits. Il ne tient et il ne tiendra jamais rien tant qu' reproduire artificiellement ce moment idéal o ľhomme, en proie une émotion particulire, est soudain empoigné par ce plus fort que lui qui le jette, son corps défendant, dans ľimmortel. André Breton, Les manifestes du surréalisme, J.-J. Pauvert. On sait assez ce qu'est ľinspiration. Il n'y a pas s'y méprendre ; c'est elle qui a pourvu aux besoins suprmes ďexpression en tout temps et en tous lieux. On dit communément qu'elle y est ou qu'elle n'y est pas et, si elle n'y est pas, rien de ce que suggre auprs ďelle ľhabileté humaine, qu'oblitrent ľintért, ľintelligence discursive et le talent qui s'acquiert par le travail, ne peut nous guérir de son absence. Nous la reconnaissons sans peine cette prise de possession totale de notre esprit qui, de loin en loin, empche que pour tout problme posé nous soyons le jouet ďune solution rationnelle plutôt que ďune autre solution rationnelle, cette sorte de court-circuit qu'elle provoque entre une idée donnée et sa répondante (écrite par exemple). Tout comme dans le monde physique, le court-circuit se produit quand les deux pôles de la machine se trouvent réunis par un conducteur de résistance nulle ou trop faible. En poésie, en peinture, le surréalisme a fait ľimpossible pour multiplier ces courts-circuits. Il ne tient et il ne tiendra jamais rien tant qu' reproduire artificiellement ce moment idéal o ľhomme, en proie une émotion particulire, est soudain empoigné par ce plus fort que lui qui le jette, son corps défendant, dans ľimmortel. Lucide, éveillé, c'est avec terreur qu'il sortirait de ce mauvais pas. Le tout est qu'il n'en soit pas libre, qu'il continue parler tout le temps que dure la mystérieuse sonnerie : c'est, en effet, par o il cesse de s'appartenir qu'il nous appartient. Ces produits de ľactivité psychique, aussi distraits que possible de la volonté de signifier, aussi allégés que possible des idées de responsabilité toujours prtes agir comme des freins, aussi indépendants que possible de tout ce qui n'est pas la vie passive de ľintelligence, ces produits que sont ľécriture automatique et les récits de rves présentent la fois ľavantage ďtre seuls fournir des éléments ďappréciation de grand style une critique qui, dans le domaine artistique, se montre étrangement désemparée, de permettre un reclassement général des valeurs lyriques et de proposer une clé qui, capable ďouvrir André BRETON (1896-1966) 2 indéfiniment cette boîte multiple fond qui s'appelle ľhomme, le dissuade de faire demi-tour, pour des raisons de conservation simple quand il se heurte dans ľombre aux portes extérieures fermées de ľau-del, de la réalié, de la raison, du génie et de ľamour. Un jour viendra o ľon ne se permettra plus ďen user cavalirement, comme on ľa fait, avec ces preuves palpables ďune existence autre que celle que nous pensons mener. On s'étonnera alors que, serrant la vérité ďaussi prs que nous ľavons fait, nous ayons pris soin dans ľensemble de nous ménager un alibi littéraire ou autre plutôt que sans savoir nager de nous jeter ľeau, sans croire au phénix ďentrer dans le feu pour atteindre cette vérité. Second Manifeste du Surréalisme, 1930 (Kra, éditeur).