Philippe Besson, Un homme accidentel (extraits) Imaginez un enchevêtrement d’autoroutes, on dirait des tentacules qui encerclent et transpercent une métropole, rétrécissent pour devenir des interstates, des boulevards. Des veines qui irriguent un cœur malade. (...) Bienvenue à L.A. (p. 15-16) J’ai appelé Laura ce matin-là pour lui signaler de ne pas m’attendre pour le petit déjeuner. Je l’ai cueillie à son réveil, elle avait la voix encore toute pleine de sommeil, comme un léger mugissement. La voix de Laura, quand elle traîne comme ça, quand elle est dans la lenteur, elle est bouleversante, vous ne pouvez pas imaginer. Je lui ai raconté la découverte d’un corps, sans entrer dans les détails. (p. 33) McGill était déçu. L’enquête n’avançait pas aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité. (...) Toutes les vidéos qui avaient été collectionnées dans les villas avoisinantes et visionnées par les équipes ne donnaient rien. On n’y voyait que des plans fixes interminables, ou les allées et venues de voitures et de camions de livraison, ou les pas saccadés ou lents de piétons anonymes. Mais pas le moindre meurtre. Pas la plus petite agression. (p. 81) Il est descendu de la voiture, entré dans le hall du Lone Oak. Je suis descendu à mon tour, me suis appuyé contre le métal brûlant de la portière. J’ai allumé une cigarette et avisé les balustrades du motel, l’alignement des chambres, entendu le rugissement des vagues juste derrière. Le soleil était à son zénith et, pourtant, j’ai repéré des granules sur l’avant de mes bras, la chair de poule. (p. 124) J’ai repéré cette femme, accoudée au comptoir, une femme solitaire et belle dans le commencement d’un jour, (...) et le visage de Laura s’est imposé à moi. Cette femme que j’apercevais seulement de profil ne ressemblait probablement pas du tout à Laura mais son geste, sa chevelure, le cambré de ses reins sur le tabouret trop haut, tout cela m’a ramené à elle. (p. 131)