La nouvelle politique européenne pour le secteur viti-vinicole et les PRATIQUES ŒNOLOGIQUES Jean-Luc BERGER, Directeur Scientifique et Technique de l’IFV L’Union Européenne a mis en place une nouvelle politique européenne pour le secteur viti-vinicole, appelée plus communément Organisation Commune de Marché Ŕ OCM vin, pour la période 2008- 2013. Je donnerai quelques éléments généraux de l’OCM vin et développerai les pratiques œnologiques. L’Union Européenne représente plus de 60 % de la production mondiale de vin et c’est aussi le premier marché avec plus de 60 % de la consommation mondiale. Parmi les pays viticoles, il existe une très large diversité au niveau de la production d’une part et de la valeur d’autre part, comme le précise le graphique ci-dessous. Pour une production globale de 182 millions d’hectolitres, la France, l’Italie et l’Espagne représentent 80 %, mais le fait que 19 pays sur 27 soient producteurs constitue un élément important pour développer une certaine culture du vin. En valeur, la filière viti-vinicole est importante, avec un chiffre d’affaires de plus de 15 milliards d’euros annuel. La France à elle seule représente 48 % de la valeur et les 3 premiers pays, France, Italie, Espagne : 80 %. Globalement, cette valeur est sous-estimée pour plusieurs raisons dont la non prise en compte de la production de petits pays viticoles d’une part et la difficulté à intégrer les externalités de la filière comme l’oenotourisme qui se développe de façon importante dans toute l’Europe, d’autre part. Union Européenne (27 pays) : Production vinicole et commerce (Source : Commission Européenne DG Agri) 7605 3851 1028 1271 856 220 123 50 443 91 23 2,80 10000 20000 30000 40000 50000 60000 France Italie EspagneA llem agne PortugalR oum anie H ongrie G rèce A utriche B ulgarie Slovénie R ép TchèqueSlovaquie C hypre Luxem bourg M alte R oyaum e-U niB elgiquePays-B as 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 Production viticole en milliers d'hectolitres (moyenne 2003-2007) Valeur de la production vinicole en millions d'euros (moyenne 2003-2007) milliers d’hL La consommation de vin diminue dans de nombreux pays d’Europe et nous perdons des parts de marché face au dynamisme commercial des pays du nouveau monde. Aussi, les attentes du consommateur doivent être prises en compte en priorité, qu’il s’agisse de la qualité des vins et leurs origines, de la sécurité alimentaire et du respect des meilleures traditions vinicoles. Cela va se traduire par la possibilité d’indiquer sur les étiquettes pour tous les vins, le millésime et les cépages. La contribution financière de l’Europe pour l’OCM est importante et augmentera. Elle s’élève à 1 253 millions d’euros par an. Une partie de ces aides sont affectées dans le cadre d’enveloppes nationales gérées en France par FranceAgriMer (ex Viniflhor, ex Onivins). Les aides actuelles pour la nouvelle OCM sont affectées en priorité sur la restructuration/reconversion des vignobles, les investissements dans la chaîne de production et dans l’innovation et la promotion dans les pays tiers. Les aides à la distillation sont supprimées. Au niveau réglementaire, pour encadrer la politique de qualité, les AOC portent désormais le nom d’AOP. Les vins de pays et VQPRD sont remplacés par les IGP et les vins de table par la dénomination vins sans IG. Les nouvelles catégories sont : les AOP : Appellation d’Origine Protégée Ŕ elles sont élaborées à 100 % par des raisins de la zone délimitée et transformées dans la zone de production. La qualité et les caractéristiques du terroir sont précisées. les IGP : Indications Géographiques Protégées - 85 % de raisin issu de la zone et 15 % maximum provenant de l’état membre. La production et la transformation doivent s’effectuer dans la zone. La qualité et la réputation doivent être attribuables à l’origine géographique, au territoire. les vins sans IG : vins sans Indications Géographiques. Les vins de table disparaissent et sont remplacés par cette nouvelle catégorie avec possibilité de mentionner cépage et millésime, ce qui était interdit pour les vins de table. Une amélioration des règles en matière d’étiquetage visant à soutenir une politique de qualité par les IGP et les AOP. Les vins hors IG pourront bénéficier de la mention du millésime et du cépage. Peu de changement par rapport à la réglementation précédente et un certain nombre de simplification. L’indication de la présence possible de produits à base de lait ou d’œuf susceptibles de provoquer des allergies est reportée à janvier 2011. Entre temps, plusieurs états membres, dont la France, coordonnés par l’OIV Ŕ Organisation Internationale de la Vigne et du Vin Ŕ travaillent pour éviter l’étiquetage des allergènes, chercher des alternatives et garder la spécificité du vin en matière d’étiquetage. La nouvelle OCM modifie sensiblement la gestion et l’usage des pratiques œnologiques. Les textes et le planning d’application sont : Règlement 479Ŕ2009 du conseil Annexes des Pratiques Œnologiques décidées le 19 juin 2009 et avec application au 1er août 2009. Ce qui change : le rôle de l’OIV est reconnu officiellement pour : - la reconnaissance des nouvelles pratiques œnologiques, - les méthodes d’analyses, - les vins des pays tiers élaborés avec les pratiques OIV peuvent entrer sans contrainte en Europe (applicable depuis août 2008), les spécifications du Codex Œnologique International en lien av.ec le Codex Alimentarius s’appliquent dans la nouvelle réglementation européenne. du processus de décision de l’Europe : - compétence de la Commission Européenne avec vote à la majorité qualifiée (et non pas le Parlement comme précédemment), - en cas de différend, retour de la décision au Conseil des Ministres. plus de souplesse dans les pratiques œnologiques notamment pour les vins sans IG et ainsi les rendre plus compétitifs sur le marché mondial. réduction et simplification des limites à l’enrichissement : - pour la zone C qui nous concerne : + 1,5 % d’enrichissement maximum avec un complément de 0,5 % possible les années exceptionnelles sur dérogation. acidification et désacidification possibles, sans dérogation en zone C. assouplissement des limites de l’acidification. libre circulation des vins résultant d’expérimentations de nouvelles pratiques œnologiques (après information par le Comité de gestion). adoption des limites maximum de SO2 total de l’OIV : . 150 mg/l pour les vins rouges . 200 mg/l pour les vins blancs . 300-400 mg/l pour les vins liquoreux selon les catégories. utilisation des morceaux de bois de chêne en vinification, mais avec des restrictions possibles des cahiers des charges des appellations. Ce qui est inchangé : les états membres peuvent prévoir des règles plus restrictives. l’INAO peut en France prévoir des règles plus restrictives pour les AOP et/ou les IGP. l’utilisation des charbons pour les vins rouges en fermentation : ce point nous concerne notamment pour l’élimination des goûts terreux après la fermentation. Les nouvelles pratiques utilisables pour la campagne 2009 : l’édulcoration de vins enrichis mais avec de nombreuses réductions la désalcoolisation des vins dans la limite d’une réduction de 2 % de TAV. le traitement aux copolymères adsorbants PVI PVP pour diminuer la teneur en métaux. Il s’agit d’une alternative intéressante du ferrocyanure de potassium pour éliminer le fer et qui est efficace sur d’autres métaux. le traitement au citrate de cuivre pour éliminer H2S et ses dérivés soufrés. le traitement pour la stabilisation tartrique des vins par la gomme de cellulose qui s’avère un procédé très efficace, respectueux de l’environnement et économique. le traitement à l’acide D,L- tartrique pour réduire la teneur en calcium et améliorer la stabilisation tartrique, mais il ne concerne que certains vins blancs. Le cas particulier des vins rosés nécessite une explication. Dans un premier temps, la commission avait supprimé un paragraphe interdisant la possibilité de coupage d’un vin blanc avec un vin rouge. Si cette disposition avait été appliquée, pour les vins basiques, sur des marchés très compétitifs, nous aurions pu avoir des rosés de coupage sur le marché. Ils auraient permis d’adapter l’offre à la demande, mais aussi de réaliser en fonction des cours des blancs notamment, des opportunités économiques intéressantes pour les gros opérateurs. Grâce à une forte mobilisation des élus et de l’opinion publique, des responsables professionnels de Provence, appuyés par des collègues italiens notamment, ont réussi à retourner la proposition européenne et à obtenir l’interdiction. La formulation retenue est la suivante : « Le coupage d’un vin blanc sans AOP/IGP avec un vin rouge sans AOP/IGP, ne peut pas produire un vin rosé ». Par contre les vins AOP/IGP peuvent faire le coupage vin blanc Ŕ vin rouge pour autant qu’il soit prévu dans le cahier des charges. Cet exemple du vin rosé illustre la puissance du média internet et l’importance du lobbying à Bruxelles : à retenir et à méditer ! En conclusion : Par ces évolutions sur les pratiques œnologiques, l’UE offre plus de liberté pour renforcer la compétitivité des vins européens sans IG. Pour autant, nous ne luttons pas à armes égales au niveau des rendements, du coût de la main d’œuvre… Progressivement, les différences réglementaires entre pays viticoles du monde s’atténuent par le biais des accords bilatéraux comme l’accord USA-UE, mais surtout par l’adoption des résolutions de l’OIV lorsqu’elles sont transposées dans les états membres de l’UE et de l’OIV. Au niveau OCM, avec la suppression programmée des droits de plantation, de quels outils de régulation disposerons-nous dans les AOP ou les IGP ? Comment gérer les excédents de récolte demain ? Autant de questions auxquelles il faudra apporter des réponses. NB : Le Règlement 436/2009 du 26 mai 2009, portant modalité d’application du règlement 479/2009 du Conseil en ce qui concerne le casier viticole, les déclarations obligatoires et l’établissement des informations pour le suivi du marché, les documents accompagnant les transports des produits et les registres à tenir dans le secteur viti-vinicole.