• •>• • •':-:c^habitants ecrevisses vite dorees a la flamme. C'est ce«e facon de marronnage de notre, vie, ces heures ou le negre d'ici ne percoit dans sa con cLce qu'un'echo de lucerne (resurgence que favorise le silence muS1cal des bo s ou Stoetalement 1'eternite sejourne) quidu- ui nermettre de devenir ce quil etait. De cette ^noaue il ne m'avait rien confie, smon qu aux Ses'et aux ecorces il s'adressait, et que Surs toujours il cherchait dans, sajpoUnne ce TS^M^^ffi' Tdu marche ou il stationnait sa detresse le > un lii" ^ j;_« . ^Anvo tnvnnp. Solibo, Lrde paroles ou le charbon du desespo* se loyait'terrasse par de minuscules flammes paroles de resistance, toutes ces qualites de paroles que les esclaves avaient forgees aux chaleurs des veillees afin d'accorer *&***+ SSrtS ciel. Bien des hommes en derade les SSent entendues, et pas un enfant d'ici ne: te; a contournees, mais chez Sohbo (les vieil e s en rendirent compte et amplifierent la dose) ce a oerma se deploya, avec plus de splendeur qu un flamboyant de mai. Bientot (Florise, sa mere, t qSte Colson et vendait du lait aux soldats 78 de la caserne Rochambeau), il devint un jeune homme reconfortant, plein de dignite joyeuse oue tout le monde ecoutait. Sa parole etait belie, E dit-on, elle connaissait le chemin de toutes les i oreilles et ces portes invisibles qu'elles detien- ; nent sur le cceur. En plus, par un mystere, il distillait les contes d'une maniere inconnue, a dire qu'il avail devie en lui-meme leurs sigm- ; fiances les plus extremes. C'est un vieux conteur (un brutal paroleur) qui, I'entendant un samedi au marche, le cria Magnifique^ Liu, refiisa longuement 1'adjectif : Awa! Solibo... Solibo... Lun dans 1'autre donna ce que Ton sait. Je me levai. Aide de la compagnie qui sputenait ma voix de la main ou de la bouche je donnai cette parole aupres de Sohbo. Sucette comblait mes silences en suscitant dun doigt frotte sur la peau du tambour la plamte chevrotante du trible. Congo,la Fievre, Chariot et BeteLongue murmuraient en messe basse : Donne-lanous, belle parole mi, donne-la-nous..., tandis que Sidonise et Conchita claquaient de la langue, approuvaient des paupieres. Tout cela nous tenait chaud, enrobait 1'arbre, le corps du Magnifique, et allait se dissoudre au large de la Savane. Piece larme ne troublait plus les yeux. La douleur ne servait plus que de mulct aux souvenirs. La mort, a mesure-a mesure, se laissait vaincre, refluait de nos cceurs, ou alors y prenait cette dimension que dautres peuples connaissent, sans souffrance ou dechirure 79 salope, sorte de floraison achevee de la vie. Quand je me rassis, que le silence ramena son abime, Chariot se leva a son tour, et s'excusa, en touchant le front du Magnifique, de ne pas avoir pense a mener-venir son saxo. La lente cadence de nos mains, notre rumeur accablee 1'obligerent a trouver en lui-meme, sans instrument, un don de souvenir... Je ne 1'ai vu qu'une fois, dit Chariot dans un Creole de ville. Cetait un jour de Noel, a terre de Fort-de-France dans la case de Man Gnam, devant un cochon qui refusait la mort. A cette epoque, on pouvait faire lever des cochons dans sa maison. L'hygiene n'etait pas encore un service, et piece negre ne venait dans ta maison pour interdire ceci ou cela a cause des fievres et des moustiques. Done Man Gnam perdait la boule devant la bestiole. Le cochon etait fou. Rien n'avait pu 1'arreter, ni le pain mouille au tafia, ni les tio tio tio avec les chatouillades, ni meme les coups de barre a mine. II avait casse une corde de mahaut blanc et une autre de mahaut banane.Moi-meme, venu le saigner en question de service, malgre mon experience, j'etais estebecoue. Ce Noel-la me paraissait parti pour le mal. Man Gnam avail descendu 1'annee a engraisser un cochon qui, la comme ca, s'empoisonnait les chairs de folie et de craintes. C'est alors qu'en pleurant elle hela un de ses fils : Souris, va chercher Monsieur Solibo pour moi... Croyant qu'elle faisait mander un autre saigneur de cochon-noel, j'avaismis une vieille figure et je levais les pieds. Ou vas-tu 80 Chariot? m'avait rappele Man Gnam,Monsieur Solibo n'est pas un saigneur, non, mais une personne a paroles... Je n'en voyais pas tres bien 1'utilite mais je laissai ma bouche en paix. Souris revint la meme avec le Monsieur Solibo. II 1'avait recupere au marche ou le Monsieur vendait du charbon, je crois. Le voir avec son linge de sac-farine et son vieux panama n'etait pas impressionnant. Court, les bras longs, il gardait la tete en avant comme une tortue molocoye. Quand mes yeux ont echoue sur ses yeux, qu'il m'a louche 1'epaule (Oala, pitite?), qu'il a embrasse Man Goul en soulevant son chapeau^et en reclamant une rosee pour sa gorge, j'ai commence a percevoir sa force. Sa voix vibrail dans son from, dans ses joues, habilait sesyeux, sa poitrine et son ventre : une Force. II ne s'etait pas encore penche sur le pare que maitre cochon ne criait deja plus. II sauta dans le pare pour s'adresser a la bete en voltige. La meme, elle s'allongea sur un cote, comme etourdie. Le Monsieur Solibo lui parlait tandis qu'autour de mon couteau, son cceur s'exilait en bassine : morte sans le savoir, avec la chair sauvee. L£, j'etais estebecoue! Je ne me rappelle pas ce qu'il avait dit au cochon, mais sans mots ni paroles, devant 1'animal Solibo etait une Voix. Et quand ga m'arrive de jouer au saxo, que je veux souffler un son cracheur de feu, je ramene dans ma t£te ce souvenir de lui, le do si la sol de sa voix, la cadence de sa gorge sur refrain de poitrine. Quand j'y parviens, mais c'est rare oui, le peuple 81 me dit toujours : Chariot ho! il etait bien bel ce joli coup de saxo!... (Papa, deux questions, avais-je dit a Solibo, bien longtemps apres 1'incident du cochon de Man Gnam : comment la parole peut-elle calmer un cochon fou? et n'est-ce pas densoire de 1'utiliser pour tuer un cochon ?... Le Magnifique avail souri : « II faut etre ce que tu fais, cochon devant le cochon, parole de cochon devant le cri du cochon, perdre de ton importance, et la toute parole calme. Maintenant, Chamzibie, tu dis : Den- . soire. Joli francais. Toi,tu pleures sur un cochon saign6, moi j'ai pleure sur la misere de Man Gnam, et le Noel de ses sept enfants... ») Debout parmi les racines, Chariot contemplait le cadavre comme s'il le decouvrait. Sa parole avait suscite tant de resonances en lui-meme!... II etait grand, le ventre effondre au-dessus de longues jambes, ses yeux conservaient en poches un compte de rhum et de nuits blanches. Sur la Savane, les merles desalteres bectaient une chose invisible d'au fond des herbes. Un lustrage de rosee resistait encore mais le vent n etait plus aussi frais. L'oreille fine de Congo percut le car de police bien avant qu'il ne soit audible. Mi la hopo, voici la police! dit-il avec le ton que 1 on 82 emploie pour signaler les chiens. Nul ne compnt I'avertissement, et le car surgit dans 1'allee du monument aux morts (Bondie! la police...), faisant sau-sauter nos cceurs... O amis, qui est a 1'aise par-ici quand la police est 15? Qui avale son rhum sans etranglade et sans frissons? Avec elle, arrivent aussi les chasseurs des bois d aux jours de 1'esclavage, les chiens a marronnage, la milice des alentours d'habitation, les commandeurs des champs, les gendarmes a cheval, les marins de Vichy du temps de 1'Amiral, toute une Force qui inscrit dans la memoire collective 1'unique attestation de notre histoire : Po la poliiice! Le car de la Loi approche du tamarinier. Vlapvlap! la portiere avant droite et les deux de I'arriere s'ouvrent au vol. Le brigadier-chef Bouaffesse et trois acolytes bondissent. Le car hoquette. Le frein a main grince energiquernent. Le chauffeur descend a son tour. Apaisement. Seul le gyrophare s'agite. Secouee par la manoeuvre, Doudou-Menar emerge en titubant: Misye-a! tu as trouve ton permis dans un sachet d'Omo, dites-donc? hurle-t-elle au chauffeur. Elle semble prete a s'enflammer. Le brigadierchef reduit sa chaleur : Paix la!... La compagnie, tassee autour de Solibo, est saisie de tremblade : 6 Seigneur, c'est Ti-Coca lui-meme qui vient la, oui!... Tous perc,oivent soudainement le danger de leur situation :ils sont dans un petit matin, a 1'entour d'un macchabee sans pourquoi, arrive 83 un brigadier-chef soubarou et mediant... Deja, une-deux essayent de s'eclipser, bougent lentement les talons pour trouver un chemin. Bouaffesse semble avoir devine, mains a la taille il ceinture du regard la petite troupe : Restez la oil vous etes souple, si vous ne voulez pas des desagrements avec moil... Nous restons raides, plus stoppes qu'en photo, glaces de la sueur des vieux moments de la vie. Les quatre hommes de loi nous encerclent lentement, avec des mines de guepes rouges. Bouaffesse rejoint le corps de Solibo d'un pas ferme : He leve la, debout!... Bien sur et done, Solibo ne bouge pas. Le brigadier-chef le secoue du pied et revient vers nous : II est soul ou quoi la?... Nos regards s'egaillent, personne ne dit hak, Bouaffesse nous fixe. Un gardien de la paix se dirige a son tour vers le corps, le palpe fievreusement, puis flap! cling! bondit, yeux en emoi, pistolet au poing nous braquant : Haut lesmains! ma gachette est sensible!... Le brigadier-chef leve un sourcil. II est surpris. D'une lenteur soucieuse il se tourne vers le cow-boy qui chiffonne son calot pour s'eponger le front, sautille, se deplace et maintient sa ligne de mire interrompue par son chef. — Ho Bobe, s'inquiete Bouaffesse, qu'est-ce qui t'arrive? — Le cadavre est mort, chef! hurle Bob6 hysterique. 84 Le brigadier-chef se metamorphosa *. Ailes du nez a 1'envol, rides arquees autour des levres, ventre retenu, dos redresse au fil a plomb, il nous jeta 6 Seigneur un regard dont il vaut mieux ne pas parler. Tandis que Bobe" plissait la peau de ses yeux pour une visee impardonnable, que les trois autres resserraient I'encerclement, le brigadier-chef rejoignit le corps avec cette fois des facons probablement officielles. A chaque pas, il demeurait saisi comme une z'oie a observer les lieux, 1'arbre, les racines, le tambour de Sucette, la dame-jeanne, nos petites bouteilles de medecines. On 1'eut dit noctambule soucieux d'un chemin qui s'eternise sous I'ombre malefique d'un fromager. Il avait meme sorti un calepin et notait ceci, notait cela, avec un serieux tel que 1'endroit prit d'inquietantes proportions Oh manman! on peut ainsi transpirer sans escalade vers le Gros-Morne. Nos cceurs pompaient une culpabilite inexplicable, avec des accelerations quand le brigadier-chef examinait telle ou telle cochonnerie, et marquait kritia kritia on ne sait quoi. Puis il se lanc.a dans une interminable scrutation du cadavre, se retournant de temps a autre pour nous observer, ce qui suffisait a nous givrer les orteils et les graines. Il n'avait pas rencontre de cadavre suspect depuis un temps d'antan. D'ordinaire, les choses etaient sans aveuglage. La victime etait hachee petit-petit par un coutelas, son bourreau la maudissant * Ou mafwaza, si ?a t'aide. 85 encore a 1'arrivee des policiers. Ou alors le negre s'etait vu echaude par sa concubine qui exigeait un procureur afin de lui dire pourquoi j'ai accore Octave comme ca... Lescadavres etaient souvent quelque pecheur d'ecrevisses noye sous une roche traitresse, quelque pendu a une corde de Syrien sous la touche d'une deveine, quelque femme gonflee par la rubigine qu'inspire le lembe d'un amour degu, quelque vieux cuit au tafia, quelque manifestant saigne sans intention a la grenade lacrymogene (et officielle). Sa derniere mort suspecte qui Test d'ailleurs restee car il s'agissait d'une victime de dorlis (que peut la loi des vieux blancs dans un viol par sorcellerie ?) remontait a quatre ans. Alors la, devant ce cadavre inattendu, aux yeux ouverts, raide comme une graisse de soupe froide, qui semble lever les bras en un 6 Gloria!, le brigadier-chef est un peu deroute. II sait qu'il y a des mesures a prendre, des couillonnades a eviter, qu'un rien peut le promotionner ou le descendre en flammes. Des bribes de ses cours par correspondance lui reviennent malement. Preserver les indices, ne pas effacer les empreintes du sol, noter bien la position du corps, conserver les lieux en 1'etat, conserver, oui, mais conserver quoi ?... meme pas un bout de cervelle qui traine que j'aurais pu mettre dans un sachet... que des ordures de rhumiers en carnaval, de la poussiere et des tamarins sees !... c'est quoi cette tache-la?... c'est du joui ou quoi?... notons... Dieu-jesis-marie! le maccha- 86 bee n'a meme pas un bobo, non!... c'est un negre sans sang?... on le tue et il saigne pas?... pas possible, tout le monde a du sang, meme les HaitiensL. on dirait un noye, oui c'est ca, un noye, notons... attends, si je marque ca, on va me dire : ou est 1'eau ?... c'est vrai, on ne se noie pas sous un pied-tamarins... alors c'est quoi?... on a du lui donner une mort-aux-rats... il est deja raide, oui... qu'est-ce que je fais la ?... Chose inquietante : il revenait d'un pas rapide et semblait avoir pris une decision. La troupe d'imbeciles qui regrettaient de s'etre attardes la se resserra comme pour se proteger d'une froidure. L'interet de sa pose de viseur perdu devue, Bobe (c'est Robert Dite qu'on 1'appelle, fils de Man Dite et d'un negre en fuite) se preoccupait maintenant de la salive qui lui coulait du menton. Les trois autres gardiens (le premier se nommait Figaro Paul, mais se criait Diab-AnbaFeuilles, a cause de sa rancune legendaire et de ses vengeances sournoises; le second se nommait Doussette Mano, mais on le criait NonoBec-en-Or, du fait de 1'eclat de son dentier; le troisieme se nommait Salamer Cyprien,mais se criait Jambette, peut-etre a cause de son aptitude a manier un couteau dissimule dans un mouchoir) tremblaient d'etre ainsi concentres sur un ordre de saisir qui ne venait pas. — Alors ces messieurs-la?! C'est a present que vous nous appelez alors qu'il y a une charge de siecles que le mort est bien mort, hum ? 87 ;.',i^:4a. ,', ?t,/.s-A La voix du brigadier-chef claquait, semblable au bambou qui s'enflamme. Brisant le bel arc de sa moustache, un rictus assassin denongait ses chicots. La compagnie se resserrait encore, muette. Bouaffesse la contournait en toreador vigilant quand pin pon pin pon 1'ambulance rouge des sapeurs-pompiers surgit. Les deux gyrophares confeYerent a 1'endroit un tel climat catastrophique que des curieux, inutilises par la vie, commencerent a rappliquer avec leur seule question : Qu'est-ce qu'il y a ? qu'est-ce qu'il y a ? 6 sa ki ni? Sans consulter personne, deux pompiers halent leur brancard et donnent-courir vers le cadavre. C'est quoi, han ?hurle Bouaffesse. DiabAnba-Feuilles et Jambette, soucieux d'avancement, comprennent leur chef a demi-mot. Us tentent, bras en croix, d'accorer les brancardiers. En professionnels, ces derniers les contournent instinctivement et poursuivent leur elan. D'un croche-pied Jambette en culbute un : il s'ecrase avec des injures que Nono-Bec-en-Or et Bobe prennent inexplicablement a leur compte. Redis ce que tu as dit Id.! explosent-ils d'une aigreur unanime, boutou au vent. Le premier brancardier s'est retourne1. II repere son collegue avec la gueule en sang, qui gigote et maudit, il voit aussi les homines de loi charger a la vitesse d'une descente au massacre. Une terreur le possede, et il pointe le brancard comme une gaule sous un fruit en saison. Tchouf! Diab- 88 Anba-Feuilles en regoit une des poignees dans 1'oeil, tourbillonne de douleur et gene la manoeuvre de Bobe, Nono-Bec-en-Or et Jambette. Tous s'emmelent et s'affalent dans un blogodo de poussiere. Le pompier edente en emerge et court vers 1'ambulance en quete d'une manivelle.Au passage, il excite les deux autres, petrifies jusqu'ici a 1'avant du vehicule : Yo le tjwe nou, ils veulent nous tuer!... Ils sont trois a replonger dans la melee. Jambette, oubliant toute dignite policiere, a sorti son fameux mouchoir au couteau, zip ! zip ! tranchant net la face ventrale de 1'uniforme d'un des pompiers. Un petit sang coulant, ce dernier hurle en lapide : La Loi saigne les gens, la Lwa ka senyen moun!... Surprenante revelation, terrifiante aussi a en juger par ses effets : les pompiers delaissent guerre et batailles en un zigzag a travers la Savane : La Lwa ka senyen moun.1... Du coup, les curieux inutiles qui gobaient le spectacle preferent tirer leurs pieds. Bouaffesse est fige face au desastre : indices, empreintes, lieux en 1'etat et toutes qualites tourbillonnent devant lui. Kia kia kia, Doudou-Menar, mains aux hanches, trouve de quoi railler malgre 1'epaisse poussiere. Les pompiers en fuite ont amorce un arc de cercle et reviennent en direction de leur vehicule. Mais Jambette et Bobe, Diab-Anba-Feuilles et Nono-Bec-en-Or y voient tres certainement un assaut revanchard car ils sortent leur revolver : Oh laisse-moi celui du milieu, je vais aller en geole pour lui!... Rentrez $a! gorge Bouaffesse 89 d'un ton qui annonce Le trace dun milieu. Levant une main apaisante, il s'interpose entre ses hommes et les pompiers qui deboulent, et si vous y croyez, c'est mieux — les pompiers deboulants s'apaisent la devant lui. Les kia kia kia de Doudou-Menar s'etaient etrangles devant ce coup de force. Les policiers avaient range leurs outils de mort mais demeuraient vigilants. Nous nous resserrions sous un retour de la froidure imaginaire.Messieursde la Pompe, donnez-nous 1'excuse, expliquait le brigadier-chef, mais on vous avait mandes puisque le macchabee ici present devait seulement etre une personne etourdie, or et pendant ce temps, c'est une personne assassinee... Seigneur! Ave Maria! Saint Michel, passes-y la main! Le mot assassine nous precipita dans les sept especes de la desolation : la tremblade, es genoux en faiblesse, le coeur a contretemps les yeux en roulades, 1'eau glacee qui moelle 1 os vertebral, les boutons rouges sans grattelles, les boutons blancs avec grattelles. Nous nous enfuimes par en haul, sur les cdtes et par en bas. Nous n'avions meme pas talonne Iherbe de la Savane que Bouaffesse hurla : Ho!... (Ho. cest quoi? une liane ou un lasso ? c'est une colle ou un frein?) Immobilises brutalement, nous en restames offerts, yeux battus et dos bas. Alignezmoi ces messieurs-Id! ordonna Bouaffesse dont 90 1'implacable cruaute semblait s'etre liberee dans un rouge obscurci du regard. Ses hommes nous alignerent, eteignant par ce spectacle de nos douleurs 1'amertume des pompiers attentifs a sa droite. Celui dont un sang avait perle sous 1'uniforme fendu conservait tout de meme une inquietude sous la paupiere. Les choses commengerent a se gater pour Doudou-Menar qui, se croyant toujours legitimee, fit mine de rejoindre son brigadier d'amour. Qu'est-ce que vous faites, Man Chose? gringa Tamoureux dont la voix semblait nier les plus proches souvenirs. Doudou-Menar fremit, mais s'obstina : O Phil<§mon?..., provoquant une>^ronde de 1'oublieux : Alignez votre corps avec les suspects, souple!... La Sauvage se ressaisit en une musse de secondes et, buste arque, paupieres dissimulant un regard assassin, elle s'enquit d'une voix dangereusement douce : Soulple j'ai pas compris, non, c'est sur qui est-ce que tu as Iach6 cette gamme de paroles-la, han?... Diab-AnbaFeuilles, percevant la menace, s'interposa entre son chef et la redoutable marchande. II tenait son bouton d'une main negligente, pourtant ses frissons devoilaient 1'irruption de cette hargne qui geneYalement precedait ses exploits poli- ciers. Ecarte-toi, ti-bonhomme! lui ordonne Bouaffesse qui n'a pas peur. Mais Diab a deja noue son regard dans celui de Doudou-Menar, brusquement revele. C'est raffrontement silencieux de 91 deux cruautes, un choc de piments dans une chaleur. Le major et la majorine se sont saisis, personne n'y peut plus rien. Bouaffesse luimeme recule un petit^brin. II pressent d imminentes devastations et ne peut s'empecher de saliver comme a 1'evocation dun crabe farci. Nous-memes, notre terreur de temoins se disS1pe sous la venue dune soif de voir (6 nous aimons ces acmes de sangs, cette violence toujours florissante et disponible sans pourquoi ni comment). Doudou-Menar a relevele visage. Elle essaie de regarder de haul Diab-AnbaFeuilles qui pourtant la depasse. Ce dernier, de frissons en frissons, s'approche jusqua la toucher Avec le feu d'un regard il tente de lui faire regagner nos rangs, mais Doudou-Menar s enracine raide et sans souffle. J'ai des outils pour toil lui crache-t-elle. Tu tu tu ne me connais pas? enrage alors Diab-Anba-Feuilles, si tu ne me connais pas demande qui je suis, Diable, c'est comme c,a qu'on m'appelle, et je suis un genre de caca pourri, tu comprends ga? une calamite, et si je commence avec toi cest iusqu'a la mort, je meurs sur toi, daye pou yonn i'ai deja envie de mourir, 6 Jesus donne le sacrement car je vais mourir sur elle! se mo man le mo! tu as deja fait un cirque a 1 hotel de police et tu veux recommencer ici aussi ? la tu as pns un 6 pour un 9, je suis pas Philibon, moi, Diable, i'ai deja rempli treize tombes du cimetiere Trabaut et si on enterrait les vieux negres et les coulis au cimetiere des riches, j'aurais aussi mes 92 plantations au cimetiere des riches! va t'aligner! tu me vois avec le bleu de la Loi, tu te dis : < aye, c'est unjma