Literatura 19. století Romantismus Plusieurs personnalités préparent l’arrivée de la nouvelle poétique romantique: Mme de Staël, Alphonse-René de Chateaubriand, Stendhal Mme de Staël (1766 Paris - 1817 Paris) Germaine Necker, fille d’un riche banquier genevois et ministre de Louis XVI, elle fait briller son intelligence précoce dans le salon littéraire de sa mère. Si elle épouse l’ambassadeur de Suède le baron de Staël-Holstein, dont elle aura trois enfants, elle n’en restera pas moins fidèle aux ambitions qu’elle a connues dans le cercle familial: culture et politique. Elle salue avec joie la Révolution et elle tente d’influencer la vie politique. Elle pousse Narbonne au ministère, elle reconnaît le talent politique de Talleyrand et, en 1797, le génie de Bonaparte qui sera l’un des rares personnage à savoir résister à l’éloquence passionnée et au charme de cette femme, pourtant laide. Bonaparte la considérera comme une intrigante: en 1803, il lui ordonne de s’éloigner à quarante lieues de Paris. Elle ne revient à Paris que sous la Restauration pour ouvrir aussitôt un salon littéraire. Voyages Soit par goût personnel, soit par nécessité - disgrâce ou dangers politiques - Mme de Staël voyage à travers l’Europe: Angleterre (1793), Allemagne et Autriche (1803, 1807), Italie (1804), Russie et Suède (1812). Le domaine de son père à Coppet, au bord du Lac Léman, sera la résidence de son exil (1795, 1803-1814). Elle y accueille des célébrités de la culture: Benjamin Constant, Mme Récamier, lord Byron. Lors de ses voyages en Allemagne, elle rencontre Goethe et Schiller à Weimar, Wilhelm Schlegel qu’elle fait venir à Coppet. Vie passionnée En 1794, elle rencontre à Coppet Benjamin Constant qui transposera leur liaison orageuse dans Adolphe. Ils ne rompront, définitivement, qu’en 1808. Veuve depuis 1802, Mme de Staël épousera en secondes noces un jeune officier suisse John Rocca à son retour à Paris, peu avant sa mort. Les droits du coeur opposés aux préjugés de la société sont un des filons thématiques de ses romans Delphine (1802) et Corrine (1807). Oeuvre romans: Delphine (1802), Corrine (1807) essais et traités: De l’influence des passions sur le bonheur de l’individu et des nations (1806) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800) De l’Allemagne (prêt à la publication, en 1810, le livre est interdit par Napoléon qui en fait détruire les épreuves; il sort publié en 1813 à Londres, en 1814 à Paris) Importance de Mme de Staël pour la formulation et la formation de l’esthétique romantique Mme de Staël constitue un lien entre l’esthétique de l’âge des lumières, classique, et la nouvelle sensibilité. Dans De la littérature, elle développe l’idée antique - due à Hippocrate et reprise par Montesquieu (L’Esprit des lois) - sur l’influence du climat sur le développement des sociétés. La nouveauté est l’idée des différences sociales qui conditionnent la diversité culturelle et déterminent la spécificité des cultures nationales. Les romantiques retiendront surtout la leçon sur l’opposition entre la poésie du Midi (Homère) et celle du Nord (Ossian), qui a la préférence de l’auteur. De l’Allemagne est avant tout une ouverture culturelle pour une France encore trop repliée sur elle-même et qui découvre ainsi les nouvelles valeurs: moeurs, religion, esprit; philosophes, poètes, dramaturges. L’accent est mis sur les nouveaux principes esthétiques, contraires à la poétique classiciste: inspiration, génie (du peuple et individuel), élan enthousiaste de l’âme, lyrisme distingué de l’art de la versification. Le traité contient un parallèle entre la poésie classique et la poésie romantique. François-René de Chateaubriand (1768 Saint-Malo - 1848 Paris) La vie de Chateaubriand est la matière même de son oeuvre. On peut y distinguer plusieurs périodes. Enfance (1768-1786) Le futur écrivain connaît une enfance typique des enfants de familles nobles: abandonné aux domestiques, il se mêle aux garçons du village, notamment à Combourg où la famille s’installe à partir de 1777. Il fait des études peu systématiques à Dol, Rennes et Dinan. Une relation particulière, étrange, le liera à sa soeur Lucile (qui mourra plus tard dans des circonstances peu claires, il s’agit peut-être d’un suicide). Armée (1786-1791) D’abord destiné à une carrière dans la marine, Chateaubriand choisit l’armée. Il prend le brevet de sous-lieutenant et est présenté au roi à Versailles. Il se mêle à la vie littéraire et culturelle des salons parisiens, admire Rousseau, salue la Révolution. Voyages et exil (1791-1800) En avril 1791, Chateaubriand s’embarque pour l’Amérique où il restera jusqu’en décembre. Il parcourt le nord-est du continent, jusqu’aux chutes du Niagara. À la nouvelle de l’arrestation du roi, il rentre à Saint-Malo d’où - après s’être marié, il rejoint l’armée des émigrés. Blessé à Thionville, presque mourant, il traverse la Belgique pour se réfugier à Londres. Il y vit misérablement, de traductions et de leçons privées, rédige L’Essai sur les Révolutions (1797). Le décès de sa mère et de sa soeur Julie le fait revenir à la foi catholique. Il conçoit l’apologie de la religion - le Génie du Christianisme. Les séjours à l’étranger et les voyages deviendront un des traits de la personnalité de l’auteur, qu’il s’agisse des missions diplomatiques - Rome (1803-1804), Prague (1835??), ou des voyages privées - Suisse (1804), Grèce, Palestine (1806-1807). Gloire littéraire et carrière diplomatique (1800-1814) Rentré en France, en mai 1800, Chateaubriand est rayé de la liste des émigrés. Il se mêle à la vie des salons, en préférant notamment celui de Pauline de Beaumont, sa tendre amie (qui mourra en 1803). Il écrit dans le journal conservateur Le Moniteur. Sa célébrité est assurée par le succès d’Attala (1801; 1802 dans le Génie du christianisme), du Génie du christianisme (1802), René (1802, dans le Génie du christianisme; 1805 - publication séparée), des Martyrs (1809), de L’Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811). Réconcilié d’abord avec le régime instauré par Napoléon, il accepte un poste diplomatique (Rome) qu’il quitte en signe de protestation contre l’assassinat du duc d’Enghien (1804). Opposé à l’Empire, il se retire dans l’ermitage de la Vallée-aux-Loups où il conçoit l’idée de ses Mémoires d’Outre-Tombe (1807). Engagement politique (1814-1830) Bien que peu apprécié par Louis XVIII et Charlex X, Chateaubriand rend à ses rois de loyaux service: ministre de l’Intérieur en exil pendant l’intermède de Waterloo, plus tard ambassadeur à Berlin (1821), à Londres (1822), au Congrès de Vérone, à Rome (1824-1829), ministre des affaires étrangères (1823-1824) - fonction qui lui permettra de faire rentrer la France parmi les grandes puissances européennes lors de l’intervention en Espagne. Les rapports difficiles avec le pouvoir royal transparaissent dans ses écrits polémiques et dans ses prises de position de monarchiste modéré dans le journal Le Conservateur qu’il fonde avec Bonald, Polignac, Nodier, Lamennais. Retraite (1830-1848) Malgré ses positions critiques vis-à-vis des Bourbons, il décline les offres de la Monarchie de Juillet en restant fidèle à Charles X et au comte de Chambord (mission à Prague en 1835). Il abandonne avec dignité son titre et sa pension de pair, connaît une situation financière difficile à laquelle il tente de remédier en écrivant: Études historiques (1831), Essai sur la Littérature anglaise (1836), Congrès de Vérone (1838), Vie de Rancé (1844; cette biographie du réformateur de la Trappe est rédigée comme oeuvre de pénitence, à la demande du confesseur de Chateaubriand). Il rédige Les Mémoires d’Outre-Tombe dont il cède les droits d’auteur à une société qui lui verse en échange une rente viagère. L’oeuvre ne devait être publiée qu’après la mort de l’auteur, mais Chateaubriand en donne lecture à l’Abbaye-aux-Bois, rue de Sèvres, dans le salon de Mme Récamier à qui il est lié depuis 1818. Ce sont les rencontres mélancoliques de l’auteur, à demi-paralysé, et de sa Juliette, aveugle. L’oeuvre sera publiée d’abord en feuilleton à La Presse à laquelle la Société avaient vendu les droits de prépublication en dépit de l’opposition de l’auteur. Par la force de son art et de ses conceptions esthétiques, Chateaubriand a donné un fort appui aux nouvelles tendances promues par Mme de Staël. Il s’agit notamment de la nouvelle sensibilité et de la nouvelle perception et de l’auto-perception du moi (René, Mémoires d’Outre-Tombe), il s’agit aussi de la réhabilitation du sentiment religieux et avec lui de la valorisation des éléments non-rationnels dans l’art (Génie du christianisme). Par le réhabilitation de la foi et de l’héritage du christianisme et du moyen âge, Chateaubriand ouvre la voie à la critique du classicisme (imitation des Anciens) et à la promotion de la nouvelle esthétique préromantique et romantique. Il présente aussi une nouvelle conception du rapport entre l’individu et l’Histoire (Mémoire d’Outre-Tombe): Chateaubriand est le précurseur du mal de siècle de Musset. Le „grand romantisme“ français est lié aux noms de Lamartine, Vigny, Hugo et Musset. Alphonse de Lamartine (1790 Mâcon - 1869 Paris) Comme celle de Chateaubriand, la carrière de Lamartine lie les origines aristocratiques et catholiques à une carrière politique qui, de droite, évolue vers l’opposition au régime. Sa gloire littéraire n’empêche pas la pauvreté et les difficultés de la vieillesse. Jeunesse aristocratique Alphonse de Lamartine connut une enfance campagnarde dans le domaine bourguignon de Milly où la famille s’était réfugiée pour échapper à la Terreur. Il croît au milieu de la nature, entouré de sa mère pieuse et de ses soeurs. Il fait de solides études au collège jésuite de Belley, lit les classiques (Horace, Virgile), admire Chateaubriand qui le confirme dans sa ferveur religieuse. Au sortir du collège, il mène une vie oisive, il voyage (Italie 1811-1812). Vie publique et activité littéraire À la chute de l’Empire, en 1814, il entre dans les gardes du corps de Louis XVIII, mais démissionne après Waterloo. L’expérience sentimentale de l’amour idéal et brisé par la mort de la femme aimée (Julie Charles, femme d’un physicien, connue à Aix-les-Bains, emportée par la phtisie en 1817) lui inspire le recueil des Méditations (1820) qui assoit sa renommée d’autant plus que la douleur du coeur brisé y est sublimé par la ferveur de la foi qui plaît au milieux catholiques. Lamartine est nommé au poste d’attaché à l’ambassade de Naples, plus tard à celui de secrétaire à l’ambassade de Florence (1825-1828). Il se marie avec une jeune Anglaise Mary-Ann Birch (1820). Le jeune couple, qui reçoit en cadeau de mariage le château de Saint-Point, voyage en Italie, en Angleterre (1822), en Orient (1832). Lamartine assure sa gloire de grand poète en publiant les Nouvelles Méditations (1823), La Mort de Socrate (1823), Le Dernier chant du pèlerinage d’Harold (1825), les Harmonies Poétiques et Religieuses (1830). Il est reçu à l’Académie (1830). La Révolution de Juillet ne surprend pas le poète qui évolue vers le libéralisme et, plus tard, vers les idées de gauche. Il est un député consciencieux et travailleur, continuellement élu de 1833 à 1851. Il essaie de joindre sa foi dans le progrès et sa foi religieuse. Grand orateur, il devient, dès 1843, l’un des chefs de l’opposition. Au moment de la Révolution de 1848, il se retrouve à la tête du Gouvernement Provisoire. Il est entraîné à proclamer la République, mais sait défendre la tricolore face aux radicaux réclamant le drapeau rouge. Élu triomphalement à l’Assemblée Constituante (1.6000.000 voix), il est confirmé dans son rôle du chef du gouvernement. Mais dépassé par les émeutes de juin, il est abandonné par ses partisans mêmes: en décembre 1848, il ne recueille, lors des éléctions présidentielles, que 18.000 voix face aux cinq et demi millions pour Louis Napoléon Bonaparte. La carrière politique culminante est accompagnée, sur le versant littéraire, par l’effort de réaliser une littérature sociale („la poésie sera la raison chantée“) qui passe néanmoins par une réflexion religieuse, imbue du catholicisme. Le Voyage en Orient (1835) révèle la nouvelle orientation de sa pensée religieuse qui se traduit aussi bien dans ses poésies épiques - Jocelyn (1836), La Chute d’un Ange (1838) ‑ et lyriques - Recueillements (1839), que dans son entreprise d’historien - Histoire des Girondins (1847). Vieillesse difficile En 1848, la carrière politique de Lamartine est pratiquement finie. Il est ruiné: il a d’énormes dettes dues à sa générosité, mais aussi à ses goûts aristocratiques. En 1860, il doit vendre sa maison de Milly et accepter un chalet à Passy, offert par la mairie de Paris, il se voit obligé de solliciter une aide de l’administration de Napoléon III, fait qu’il avait longtemps refusé comme un déshonneur. Une attaque cérébrale le cloue au lit en 1867. Il y survit, presque inconscient, jusqu’en 1869. Sa famille refuse les funérailles nationales. Les difficultés de la vie condamnent Lamartine aux „travaux forcés littéraires“: biographies - Histoire de l’humanité par les grands hommes (1852-55), compilations historiques - Histoires de la Restauration (1851-53), des Constituants (1854), de la Turquie (1854-55), de la Russie (1855), ces dernières étant inspirées par la conjoncture due à la guerre de Crimée. Cependant, quelques tentatives innovatrices s’amorcent - le roman social Geneviève (1851, histoire d’une servante), Le Tailleur de pierres de Saint-Point (1851). Et la veine créatrice du grand Lamartine ne tarit pas: Confidences (1849; mémoires), Graziella (1849), La Vigne et la Maison (1857). Alfred de Vigny (1797 Loches - 1863 Paris) Le sentiment romantique de l’incompatibilité de l’idéal avec la réalité acquiert chez Afred de Vigny les couleurs sombres et tragiques, teinté du stoïcisme héroïque. L’oeuvre de Vigny est une des plus claires manifestations du titanisme romantique en France. Influence du milieu familial et social Issu d’une famille de la petite noblesse, liée à l’Ancien Régime, Alfred de Vigny se voit inculquer par son père, ancien officier, et sa mère, descendante d’une famille de marin, le sentiment de l’honneur, la fierté d’être noble, le mépris des parvenus de l’Empire. Malgré son opposition à l’Empire, le jeune Vigny rêve de gloire militaire, prépare l’École Polytechnique. Déceptions et amertumes de la carrière militaire et politique Au moment de la chute de Napoléon, il a 17 ans. La Restauration fait de lui un sous-lieutenant des Compagnies rouges, formées de gentilshommes, affectés au service du roi. Or, sa première campagne militaire fut l’escorte du roi fuyant devant Napoléon revenu de l’Elbe. Après Waterloo, il est affecté à l’infanterie où il ne connaît que la monotonie de la vie de garnison, monotonie à laquelle il n’échappera pas non plus au moment de la campagne d’Espagne (1823): la compagnie dont il est le capitaine finira sa marche à Pau, sans entrer au combat. Le poète se voit donc déniée la gloire militaire dont il rêve. Déçu par la vie militaire, il demande congé en 1825 et se fait réformer en 1827. S’il accepte, sous la Monarchie de Juillet, le commandement d’un bataillon de la garde nationale, il n’en conçoit pas moins une rancune contre la médiocrité du régime politique. Il évolue vers le christianisme social de Lamennais et vers les idées républicaines. Enthousiasmé par la Révolution de 1848 et voulant jouer un rôle politique, il est dépité par le peu de voix qu’il obtient aux élections. Vie privée et littéraire Alfred de Vigny développe une intense activité littéraire qui accompagne et compense la morne monotonie de la vie militaire. Dès 1816, il s’initie aux auteurs de son temps: Mme de Staël, Chateaubriand, Joseph de Maistre, Byron. Il est introduit au Cénacle romantique, devient ami de Victor Hugo, publie ses premier vers au Conservateur Littéraire. Il acquiert une renommée dès la publication des Poèmes antiques et modernes (1826) et du roman historique Cinq Mars (1826). Il réussit au théâtre avec l’adaptation en vers d’Othello de Shakespeare (1829) et continuera avec La Maréchale d’Ancre (1831) et Chatterton (1835). Il se marie avec une jeune Anglaise Lydia Burnbury (1825), s’installe à Paris. La notoriété littéraire lui vaut l’élection à l’Académie française en 1845. Les épreuves personnelles surviennent au cours des années 1830: la mort de sa mère, la brouille avec les anciens amis du Cénacle, la rupture de sa liaison orageuse avec l’actrice Marie Dorval. Après plusieurs péripéties, il finit par vivre renfermé, solitaire, retiré, jusqu’en 1853, à la campagne où il soigne avec abnégation sa femme devenue impotente et presque aveugle. L’amère solitude ne le quittera plus à Paris où il déménage pour les dix dernières années de sa vie. Il mourra de cancer d’estomac. Oeuvre Poésie lyrico-épique et réflexive (les titans et les solitaires tragiques dans l’histoire de l’humanité, la solitude de l’homme face à la société et face au silence de la nature et de Dieu) Poèmes antiques et modernes (1826): „Moïse“ Destinées (1864): „La Mort du loup“, „Le Mont des Oliviers“, „La Bouteille à la mer“, „L’Esprit Pur“, „La Maison du Berger“ Drames La Maréchale d’Ancre (1831) Chatterton (1835) - poète - paria de la société moderne Proses Cinq-Mars (1826) Stello (1832) - le même thème que Chatterton Servitude et grandeur militaires (1835) Victor Hugo (1802 Besançon - 1885 Paris) Le titanisme pessimiste de Vigny trouve dans la puissance créatrice de Victor Hugo son complément affirmatif. Hugo a marqué profondément aussi bien la poésie que le théâtre et le roman. En France, il continue à être considéré parmi les plus grands créateurs de tous les temps. Enfance et apprentissage de la littérature (1802-1826) Fils d’un général et comte d’Empire, le jeune Hugo partage avec sa famille les déplacements dus à l’affectation de son père (Paris, Naples, Espagne) et qui marqueront ses souvenirs d’enfant sensible non moins que la désunion progressive et la séparation de ses parents qui pèse sur la famille. Doué, il obtient des succès scolaires (lycée Louis-le-Grand) et poétiques: prix de l’Académie française (1817), prix de l’Académie des Jeux floraux de Toulouse (1819). Dès 1816 il est décidé „d’être Chateaubriand ou rien“. En 1819, il fonde avec ses frères le journal Le Conservateur Littéraire et son orientation monarchiste, catholique et conservatrice lui permet d’attirer la faveur de Chateaubriand. Il se marie avec Adèle Foucher dont il aura quatre enfants, il publie ses premiers poèmes qui auront du succès. Dès 1823, il collabore à la Muse française, il devient membre du Cénacle de Charles Nodier, à l’Arsenal, où il rencontre Vigny et Lamartine. Il évolue vers le romantisme, mais aussi vers les idées libérales. Parmi les oeuvres de la première période il faut citer les Odes et Ballades (1826, 1828) et les romans „gothiques“ Han d’Islande (1823), Bug-Jargal (1826). Il s’oppose à la peine de mort: Le dernier jour d’un condamné (1829). La bataille romantique (1827-1830) Talentuex, excellent organisateur et rassembleur d’hommes, Victor Hugo s’impose comme chef de son propre Cénacle de jeunes auteurs Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Prosper Mérimée, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, Vigny. L’enjeu de la bataille romantique sera le théâtre: Cromwell (1827), Marion de Lorme (réalisée en 1831), Hernani (1830). La victoire des romantiques sur scène sera considérée comme un tournant dans la promotion de la nouvelle esthétique. La célébrité littéraire (1830-1843) Les années 1830 sont marquées par les déboires personnels (la liaison de Sainte-Beuve, un ami, avec Mme Hugo; la relation de Victor Hugo avec Juliette Drouet; la décomposition du Cénacle romantique), mais aussi par des succès littéraires qu’il s’agisse de la poésie lyrique - Les Feuilles d’Automne (1831), Les Chants du Crépuscule (1835), Les Voix intérieures (1837), Les Rayons et les Ombres (1840); du théâtre - Le Roi s’amuse (1832), Lucrèce Borgia (1832), Marie Tudor (1832), Ruy Blas (1838); de la prose - Notre-Dame de Paris (1831). Cette période féconde se termine par un drame intime - la mort de sa fille Léopoldine, et par un échec littéraire - celui du drame Les Burgraves (1843). L’engagement politique (1843-1851) Victor Hugo délaisse en partie l’activité littéraire pour s’orienter vers l’activité politique. Il se rapproche de la jeune duchesse d’Orléans, son admiratrice. Il est nommé pair de France (1845), intervient à la chambre haute en faveur de la Pologne, contre la peine de mort, contre l’injustice sociale. En 1848, il tente en vain de faire proclamer la régence de la duchesse d’Orléans. Sous le régime républicain il est élu député et, au début, se montre partisan de Louis Napoléon Bonaparte qui pouvait par ailleurs profiter du lancement, par Hugo, de la légende napoléonienne (depuis Les Chants du Crépuscule). Hugo soutient la candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence avant de se rapprocher de la gauche et des ennemis du futur empereur. Il fonde le journal antibonapartiste l’Événement. Au 2 décembre, il tente en vain de soulever le peuple de Paris. Il doit s’exiler. Exil (1851-1870) Victor Hugo s’installe d’abord à Bruxelles (1851-1852), ensuite aux îles anglo-normandes de Jersey (1852-1855) et de Guernesey (1855-1870). Il mûrit - comme penseur, homme politique, mais surtout comme poète et romancier: Les Châtiments (1853), Les Contemplations (1856), La Légende des Siècles (1859); Les Misérables (1862), Les Travailleurs de la mer (1866), L’Homme qui rit (1869). Le poète national (1870-1855) Hugo rentre en France dès le début des hostilités de la guerre franco-prussienne, s’installe à Paris où il vit le siège de la ville. Député de Paris à l’Assemblée Nationale, il vote contre la paix, puis démissionne. Pendant et après l’écrasement de la Commune, il intervient, depuis Bruxelles et le Luxembourg, en faveur des communards. Nommé sénateur inamovible en 1876, il se fait porte-parole des idées de la gauche républicaine. La mort du grand poète, le 22 mai 1885, donne lieu aux funérailles nationales qui prennent l’ampleur d’une apothéose. Alfred de Musset (1810 Paris - 1857 Paris) Enfant prodigue et prodige du romantisme, il se détache du courant principal représenté par ses aînés: s’il ne croit pas à la nécessité sociale de l’art comme Lamartine, Vigny ou Hugo, il est d’autant plus persuadé de la place centrale du „coeur“ dans la poésie, témoignage de la sensibilité écorchée de l’homme moderne. Gardant une distance ironique face à la nouvelle rhétorique romantique il jette un pont entre son époque et la tradition française des 17^e et 18^e siècles en même temps qu’il ouvre la voie à une nouvelle sensibilité qui qu’il partagera avec certains des romantiques „marginaux“ de la période: Nerval, Gautier. Enfant surdoué (1810-1832) Brillant élève du lycée Henri IV, à Paris, il écrit ses premiers vers à 14 ans. Après le bacccalauréat il commence, pour les abandonner, des études de droit, de médecine, de musique et de dessin. À 18 ans il est introduit au Cénacle de Victor Hugo et dans celui de Nodier, à l’Arsenal, il se lie avec Vigny et Sainte-Beuve. Sa virtuosité, ses dons poétiques étonnent et inquiètent, malgré l’estime que recueillent ses Contes d’Espagne et d’Italie (1830) et malgré le succès de Rolla (1833) Gloire, douleur et création (1832-1840) La mort du père affecte le poète non moins douloureusement que la passion orageuse pour George Sand (1833-1835). La blessure amoureuse fait mûrir le talent du romantique déchiré qui compose entre 1830-1840 la majeure partie de ses grandes oeuvres - poésies, drames, proses. Épuisement (1840-1857) À 30 ans, le poète, miné par les plaisirs et l’alcoolisme, sent son inspiration se tarir. Il a le coeur malade - physiquement. Il continue pourtant à écrire et publier, il est élu à l’Académie (1852). Lentement, il sombre dans l’oubli dont refuseront de le sortir même ceux qui pourraient être comptés parmi ses héritiers spirituels - Rimbaud, Éluard. Oeuvre Poésie Contes d’Espagne et d’Italie (1830) Rolla (1833) Les premières poésies (1835) Les Nuits (La Nuit de mai, La Nuit de décembre, 1835; La Nuit d’août, 1836; La Nuit d’octobre, 1837; Souvenir, 1843) Théâtre La Nuit vénitienne (1830) Un Spectacle dans un fauteuil (1832; La Coup et les Lèvres; À quoi rêvent les jeunes filles) André del Sarto (1833) Les Caprices de Marianne (1833) On ne badine pas avec l’amour (1834) Lorenzaccio (1834) Barberine (1835) Il ne faut jurer de rien (1836) Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée (1843 recueil: Comédies et proverbes (1853) Prose La Confession d’un enfant du siècle (1836) Le romantisme marginal Le romantisme est un mouvement complexe et varié. À côté des „grands romantiques“, reconnus - de leur temps déjà - par l’institution littéraire, bien des auteurs ont longtemps échappé à l’attention de la critique et de l’histoire littéraire. La plupart d’entre eux ont dû attendre le 20^e siècle - notamment le surréalisme - pour être hissés au rang de grands prédécesseurs de la modernité littéraire. C’est le cas, en partie, de Théophile Gautier, mais surtout celui de Gérard de Nerval, Philotée O’Neddy, Pétrus Borel, Alphonse Esquiros, Xavier Forneret, Alphonse Rabbe, etc., sans oublier ceux qui, par leurs poèmes en proses, tels Aloysius Bertrand, Maurice de Guérin, ont préparé la voie à Baudelaire. La majorité de ces auteurs appartiennent à la „seconde vague“ générationnelle des romantiques (nés autour de 1810). Ils entrent en littérature autour de 1830, période de l’effervescence politique et sociale qui aboutira à la Révolution de Juillet et à la mise en place du régime monarchique libéral de Louis-Philippe. Alors que Lamartine ou Hugo, malgré leur glissement politique à gauche, composent avec le nouveau régime, la jeune génération romantique est déçue par la révolution manquée. Leur radicalisme républicain, donc antimonarchique, importe peut-être moins que leur haine de la médiocrité et de l’utilitarisme bourgeois que le nouveau régime semble encourager (le ministre Guizot: „Enrichissez-vous!“) Certains de ces Jeunes-France ou bousingos ou romantiques marginaux forment, au début des années 1830, le Petit Cénacle (Gautier, Nerval, O’Neddy, Borel, Esquiros) qui se réunit dans l’atelier du sculpteur Jehan Duseigneur. S’ils participent, en partisans fervents de la nouvelle esthétique, à la bataille du romantisme que fut celle du drame de Victor Hugo Hernani, ils sont encore plus radicaux dans leurs propres oeuvres. Sous leurs attitudes de bohèmes ou dandys, sous leur ironie ou auto-ironie, sous leur subjectivité écorchée ou leur onirisme ou mysticisme, sous leur refus d’asservir l’art à l’utilitarisme bourgeois s’élaborent les nouvelles tendances qui aboutiront à la poésie de Baudelaire, à l’art pout l’art, au Parnasse, au symbolisme. Leur sensibilité n’est pas étrangère non plus aux grands prosateurs de la période, car nous la retrouvons, sous d’autres formes, chez Stendhal, Balzac, Mérimée, mais surtout dans le romantisme souterrain de Flaubert. Pierre-Jules Théophile Gautier (1811 Tarbes - 1872 Neuilly-sur-Seine) Royaliste, la famille de Théophile Gautier ne remonte à Paris qu’en 1814. Il étudie au le lycée Louis-le-Grand et au collège Charlemagne où il se lie, pour la vie, avec Gérard de Nerval. Il fréquente un atelier de peinture avant d’abandonner la peinture au profit de la poésie et de la littérature. Sociable, il sera l’ami et admirateur de Victor Hugo, de Balzac, de Dumas père et, plus tard de Baudelaire qui lui dédiera ses Fleurs du mal. Affichant son gilet rouge, il sera l’un des plus radicaux lors de la bataille d’Hernani. Dès 1834, il fera partie du Petit Cénacle de l’impasse du Doyenné. Tout en participant aux excentricités du groupe, il saura garder une distance ironique qui imprègne ses récits dans Jeunes-France. Romans goguenards (1833) ou dans son poème Albertus ou l’Ame et le péché (1832). En 1835-1836 il rédige Mademoiselle de Maupin, un roman à la fois érotique, psychologique et philosophique, dont la préface est considérée comme un manifeste de l’art-pour-l’artisme. C’est cette voie que Gautier poursuivra en poésie avec son España (1845) et ses Émaux et camées (1852), recueil admiré pour sa descriptivité picturale et sa maîtrise formelle. Gautier appartient également aux grands maîtres du genre fantastique par ses récits La Morte amoureuse (1836), Fortunio (1837),Arria Marcella (1852), etc. Il est l’auteur des grands romans Le Roi Candaule (1844), Le Roman de la Momie (1857) ou Le Capitaine Fracasse (1863), qui est une variation sur le thème déjà traité par le Roman comique de Paul Scarron(1651-1657). Vivant de sa plume, excellent journaliste et critique littéraire, Gautier excellera dans La Presse d’Émile Girardin. Ami de la spirituelle princesse Mathilde, il se rapproche du régime de Napoélon III. Il supportera mal la chute du Second Empire et meurt peu après. Gérard de Nerval (Paris 1808 - Paris 1855) De son nom Gérard Labrunie, est le fils d’un médecin-adjoint de la Grande Armée napoléonienne. Ayant tôt perdu sa mère (morte en Silésie, à Hlohov), il est élevé par son grand-oncle maternel à Mortefontaine, en Valois. La connaisssance de la campagne valoisienne, mais surtout le recherche de l’image maternelle qu’il projettera d’une part dans les différentes figures féminines, réelles ou imaginaires, d’autre part dans les images mystiques, inspirées des mythologies et des cultes ésotériques (Isis, Cybèle, mithraïsme) caractérisent une partie de son oeuvre (Fille du feu, Aurélia). Sa jeunesse littéraire est toutefois marquée par la fantaisie et l’humour qu’il partage avec Théophile Gautier, son condisciple du collège Charlemagne, et avec les autres Jeunes-France: conte mi-fantastique, mi-humoristique La Main de Gloire (1832) ou dans ses proses et vers Petits Châteaux en Bohème (1852). Nerval a eu le mérite de redécouvrir les poètes de la Renaissance, surtout Ronsard, dont il s’inspire dans ses Élégies et Odelettes. Mais le rêve y apparaît déjà comme thème important. Nerval s’était fait connaître par sa traduction du Faust de Goethe (1828), apprécié par l’auteur lui-même. Nerval aime et connaît bien l’Allemagne. Il voyage beaucoup: France méridionale et Italie (1834), Belgique, Allemagne, Autriche (1839-40; il se lie avec Liszt), Orient (1843). Ayant perdu son héritage par la faillite de la revue Le Monde dramatique (1935-1836), qu’il avait lancée, il est désormais obligé à gagner sa vie avec sa plume. La passion fatale pour l’actrice Jenny Colon qui meurt en 1842 aggrave son déséquilibre mental, il traverse plusieurs crises (dès 1841, 1849, 1851-52, 1853-54). Resté sans moyens et sans défense devant sa maladie, il se suicide. Le tourment personnel se traduit chez Nerval en l’envahissement de la vie par le rêve, en épanchement mystiques qui transforment la réalité, même banale, en visions, et l’image de la femme aimée en une image syncrétique (mère, déesse Cybèle, Isis, Vierge-Marie). Oeuvre Filles du feu (1854) - recueil de nouvelles, dont Sylvie, et sonnets Les Chimères Aurélia (1855) Caligula (1837) - tragégie écrite en collaboration avec A. Dumas père L’Alchymiste (1939) - drame mystique Léo Burckart ou Une conspiration d’étudiants (1839) - drame Voyage en Orient (1851) ou sont insérés les récits et contes Charles Baudelaire (1821 Paris - 1867 Paris) Il est considéré comme un des magni parentes de la poésie moderne et des avant-gardes du 20^e siècle. Complexe, cultivé, Baudelaire a su lier, admirablement, la tradition et l’héritage poétique du passé aux expériences poétiques modernes, le goût classique et raffiné au romantisme, l’égotisme et le déchirement romantiques à la marginalité du premier des grands poètes maudits en faisant fusionner l’art et la vie. Sa vie a été marquée par la mésentente avec le milieu familial. Il supporte mal la perte, à six ans, d’un père sexagénaire, personnage aimable, amateur de l’art, notamment de la peinture, disciple des philosophes du 18^e siècle. Sa mère se remarie, en 1828, avec le commandant Aupick, futur général, ambassadeur et sénateur sous le Second Empire. Baudelaire détestera toujours son beau-père, supportera mal l’amour dominateur de sa mère. Enfant difficile, il est éloigné de la famille, mis en pension à Lyon, puis au Lycée Louis-le-Grand. De 1838 à 1841, Baudelaire partage la vie dissipée de la Bohème littéraire du Quartier Latin à Paris. Il fréquente Louis Ménard, Leconte de Lisle, il admire Théophile Gautier dont il partage le romantisme radical, il est influencé par le catholicisme de Joseph de Maistre. Jugeant la vie de Baudelaire scandaleuse, la famille cherche à soustraire le fils à l’influence mondaine de Paris en l’embarquant sur un voilier à Bordeaux, en partance pour l’Inde (1841). Au bout de dix mois, il est de retour en profitant de sa majorité pour exiger sa part de l’héritage paternel. Pendant trois ans, il mène une vie luxueuse de dandy, considérant l’élégance matérielle comme „un symbole de la supériorité aristocratique de son esprit“. Il habite le somptueux hôtel Pimodan, soigne son élégance, mène une vie dorée. Il se lie avec la mulâtresse Jeanne Duval qu’il gardera (et soignera) jusqu’à sa mort. La famille intervient pour empêcher Baudelaire de dissiper l’héritage paternel en lui imposant un conseil judiciaire (1844) qui limite ses revenus à une rente mensuelle de 200 francs. Jusqu’à la fin de sa vie, Baudelaire connaîtra une gêne financière. La révolte contre la famille motive sans doute sa présence sur les barricades de la révolution de 1848. Toutefois l’essentiel de ses activités appartient dès la fin des années 1840 à l’Art. Il s’impose tout d’abord comme un excellent critique d’art en commentant le Salon de 1845, le Salon de 1846, l’Exposition Universelle de 1855 et le Salon de 1859. Il découvre, pour le public français et européen, Edgar Allan Poe, dont il traduit les Contes. Il signale aussi le génie de Thomas de Quincey, il est l’un des premiers à défendre la musique de Richard Wagner, il est celui qui, à propos du peintre Constatin Guys, théorise le phénomène du dandysme. Les premiers poèmes des Fleurs du mal datent des années 1840. Mais c’est au cours de la décennie suivante que le recueil se constitue. La première édition, en 1857, suscite un scandale. Le recueil est condamné pour immoralité et Baudelaire est obligé de retirer 6 poèmes qu’il remplace de 35 nouveaux dans la seconde édition de 1861 (129 poèmes au total). En 1864, il s’exile en Belgique, en espérant donner des conférence, asseoir sa gloire poétique et ne rentrer en France que glorieusement. Il ne fait que végéter à Bruxelles, en proie aux difficultés matérielles et difficultés de santé. Il continue à écrire, essentiellement les poèmes en prose. En mars 1866, une crise le laisse aphasique, il est transporté à Paris où il meurt. Oeuvre Les Fleurs du mal Petits poèmes en prose Fanfarlo Salons