Christophe CUSIMANO Structures clivées et pseudo-clivées 1 STRUCTURES CLIVEES ET PSEUDO-CLIVEES Au moment d’analyser les structures clivées et pseudo-clivées (en anglais cleft sentences, provenant de to cleave « séparer »), il est difficile de séparer la morphologie, la syntaxe et la sémantique. Il s’agit de deux types de structures syntaxiques qui sont construites à partir de certains critères sémantiques. En effet, la notion de structure clivée et de pseudo-clivée s’appuie sur des concepts sémantiques essentiels : la présupposition et le contraste. Ces traits conditionnent le type de catégories morphosyntaxiques qui peuvent être utilisées dans ces structures. Du point de vue formel, la structure clivée (C’est Pierre qui arrive demain) et la pseudo-clivée (Celui qui arrive demain, c’est Pierre) sont bien définies. Le seul élément commun est le verbe c’est, lequel n’occupe pas la même place, mais il présente les mêmes caractéristiques morphosyntaxiques dans les deux types de structures. Du point de vue syntaxique, la différence principale est la présence de la particule qui/que dans la clivée, face à la proforme ce qu-(ce qui/que, celui qui/que, où, quand,…) de la pseudo-clivée. Si on analyse de près les deux structures, on peut se rendre compte qu’elles présentent beaucoup de points communs. Les deux présentent un verbe constructeur qui est séparé d’une de ses valences, la quelle devient, de cette façon, le focus car elle est située dans une position privilégiée dans la phrase. Ce focus, comme nous avons signalé avant, vient toujours conditionné par deux traits sémantiques : la présupposition et le contraste. Dans ce type de structures il doit toujours exister une présupposition, c’est-à-dire, une idée qui n’est pas exprimée dans la phrase mais qui est connue par le locuteur et par l’interlocuteur. Dans les exemples que nous avons signalés, la présupposition est quelqu’un arrive demain. La notion de contraste fait référence à l’existence d’un paradigme d’éléments de caractéristiques semblables qui peuvent participer de la phrase. Au moment de construire la clivée ou la pseudoclivée, on isole un des éléments de ce paradigme pour le réaliser dan la phrase et on nie, en même temps, tous les autres. C’est Pierre (et non Marie, Julie, Patrick …) qui vient demain. Celui qui vient demain, c’est Pierre (et non Marie, Julie, Patrick …). Ces traits sémantiques conditionnent le type d’éléments morphosyntaxiques qui peuvent occuper la place du focus. Un dernier domaine qui est lié à la syntaxe et à la sémantique est la dimension discursive de ces structures. De même la clivée que la pseudo-clivée, sont des structures de focalisation dans le discours. C’est peut-être, l’objectif final de ces types de structures, le fait de refléter dans le discours certaines fonctions informatives, c’est-à-dire, l’intention du locuteur au moment de placer les éléments de la phrase dans une position de privilège. Les hypothèses qui constituent notre point de départ sont les suivantes : le focus de la clivée et la pseudo-clivée doit avoir des caractéristiques morphosyntaxiques, qui doivent être bien définies. Cependant, les deux structures peuvent devenir complémentaires car il peut exister une distribution du type de focus, du point de vue morphosyntaxique. Une d’elles peut abriter plutôt des syntagmes nominaux et l’autre des syntagmes prépositionnels, par exemple. Cette répartition peut exister aussi au niveau discursif. La structure clivée présente le focus au début de la phrase, la pseudo-clivée le place à la fin. Dans le discours il n’existe pas forcément une distinction entre les contextes qui demandent une clivée et ceux qui privilégient, par contre, la pseudo-clivée. À partir de l’analyse d’un corpus formé par des exemples qui suivent dans les exercices (à rendre pour la semaine prochaine), on peut définir les caractéristiques morphosyntaxiques de ce focus, toujours en rapport avec son verbe constructeur. Bibliographie Nølke, H. (1983) “Quelques réflexions sur la structure sémantique des phrases clivées en français moderne”, Modèles linguistiques, 5-1, pp.117-140 Roubaud, M-N. (2000) Les constructions pseudo-clivées en français contemporain, Paris, Honoré Champion éditeur. Valli, A. (1981) “Note sur les constructions dites ‘pseudo-clivées’ en français”, Recherches sur le français parlé, 3, pp. 195-211. Christophe CUSIMANO Structures clivées et pseudo-clivées 2 Exercices A) Dans les exemples qui suivent, dites sur quel élément porte le clivage. Donnez l’équivalent en construction non-clivée ainsi que la forme pseudo-clivée. 1. C’est à vingt ans qu’il signa au FC Barcelone. Le clivage porte sur « vingt ans » (complément circonstanciel), puisque la forme non-clivée serait « Il signa au FC Barcelone à vingt ans ». En structure pseudo-clivée, cela donnerait : « Ce qu’il fit à vingt ans, c’est de signer au FC Barcelone) 2. C’est vous que j’aime et non pas une autre. 3. C’est toi qui n’arrête pas de me flatter. 4. C’est dans cette vieille maison qu’a vécu Franz Kafka 5. C’était une histoire à dormir debout que Paul nous racontait. B) Analyse de la pseudo-clivée, à l'écrit. Classez les tournures pseudo-clivées, d'après la fonction (sujet, objet direct, indirect, etc.) des éléments placés dans la position de tête. Signalez les faits intéressants. 1. Ce qui l'inquiète un peu, ce sont ses parents (Lafitte) L’élément placé en tête est une partie du groupe verbal « l’inquiète un peu », en prenant pour référence la phrase non-clivée : « ses parents l’inquiètent un peu ». 2. Mais ce qui, à ses yeux, lui confirmait qu'un autre temps pour elle commençait, c'est que ses cadettes maintenant allaient à l'école (Clancier) 3. Après Sidonie et Frantz, ce que Risler aimait le plus au monde c'était madame Georges Formont (Daudet) 4. Ce qu'il y a de sûr, c'est que sa réputation, naissant sous les plus brillants auspices n'avait point chassé la pauvreté (Stendhal) 5. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on n'en connaissait pas d'autre en Europe (id.) 6. Ce qu'on a préféré dans toutes ces musiques, ce sont les quatuors (id.) 7. Ce qu'il faut bien apercevoir, c'est que la structure de départ est altérée (Mounin). C) Analyse de la pseudo-clivée, à l'oral. Analysez la syntaxe des constructions pseudo-clivées; classez-les selon la fonction de l'élément de tête. Dites s'il y a régulièrement une correspondance avec une construction sans pseudo-clivée. 1. ce que je pense c'est qu'il l'a fait (Poux 1,11,9) L’élément placé en tête est la proposition principale « je pense », en prenant pour référence la phrase non-clivée : « je pense qu’il l’a fait ». 2. ce que je voudrais dire c'est qu'il y a beaucoup de Sakharov dans les prisons françaises (Lorg 1,37,7) 3. ce qu'on va faire maintenant c'est reprendre toutes les notes qu'on a prises au long des débats (Cécil 35,1) 4. ce que je rêve c'est de faire venir ces gens-là (FC J 85) 5. ce que j'aurais aimé et ce que j'aurais désiré c'était pouvoir planifier tout cela sur une semaine ou quinze jours (Berthod 18,6) 6. ce que je reprocherais c'es que cette fonction de père actuelle n'est pas rentrée dans les moeus (id. 15,6) 7. ce qu'il y avait c'est qu'il y avait une importante industrie de vannerie (Cadenet 8) 8. ce qu'il y avait de bien avec ma mère c'est qu'elle faisait son pain (Baral 89,15) 9. ce qui est agréable à voir c'est qu'ils viennent vraiment pour la danse (Franc 32,3) 10. ce qui est beau c'est que elle elle répond (Mont 86,4,6) 11. en Chine ce qui était bien c'est que c'était les élèves aussi qui participaient au ménage (Tatu 5,15) 12. ce qui me tue dans cette histoire tu vois c'est la naïveté des gens la-dedans (Ligier 86) 13. ce qui peut faire bouger aussi dans un concours c'est ce qu'on gagne (OC J86).