111 22 33 trois points de vue sur la langue A. Les puristes condamnent les usages fautifs: recours à l’étymologie, à la grammaire, au génie de la langue. B. Les grammairiens décrivent la langue: classement des parties du discours, énumération de leurs fonctions, inventaire des types de constructions. C. Les linguistes décrivent le fonctionnement d’une langue à partir des principes de la grammaire universelle. 4 a. les puristes Condamnation des usages jugés erronés, avec souvent de fausses ou de mauvaises explications. Leur but est de préserver l’intégrité de la langue contre toute menace (externe ou interne). L’usage de référence est sociologiquement marqué (élitiste). Rejet d’usages ordinaires au nom de principes peu ou pas explicites. Ignorance des processus de changement et d’évolution des langues, comme des principes d’organisation syntaxique et sémantique des langues. 5 principes explicatifs Les explications des puristes sont de trois types: a. l’étymologie, à savoir le recours au sens d’origine des mots du français; b. la grammaire, à savoir les usages (normatifs) des mots (essentiellement la valence des verbes); c. le génie de la langue: le français serait une langue logique, claire et belle. 6 étymologie et grammaire a) étymologie (origine des mots) achalandé < chaland (client) une boutique bien achalandée = une boutique avec beaucoup de clients ≠ une boutique bien approvisionnée (usage) b)grammaire (valence des verbes) ☹ réussir son examen, car réussir est intransitif ☹ sortir le chien, car sortir est intransitif ☹ débuter un match vs commencer un match ☹ aller au docteur vs aller chez le docteur 7 le génie de la langue (i) Clarté: une construction peut être grammaticale, mais ambiguë (donc peu ou pas claire). le fils du voisin qui est aveugle = le fils du [voisin aveugle] ou le [fils aveugle] du voisin (ii) Logique: sont condamnés les tautologies, contradictions, pléonasmes, redondances. ☹ avérer vrai (tautologie) ☹ avérer faux (contradiction) ☹ sortir dehors, ☹ entrer dedans (pléonasmes) ☹ une nouveauté récente, ☹ je ne veux pas voir personne (redondances) (iii)Beauté : les néologismes sont laids et inutiles, alors que le français offre des solutions lexicales. ☹ solutionner vs résoudre ☹ émotionner vs émouvoir 8 la supposée clarté de la langue française La langue française est claire et la faute consiste à y introduire confusion et obscurité. Arguments contre la clarté de la langue: a) il existe des constructions syntaxiques avec des sens différents, par exemple les phrases clivées C’est Paul qui arrive = voilà Paul qui arrive C ’est Paul qui a cassé le vase ≠ voilà Paul qui a cassé le vase b) les catégories grammaticales ont une certaine instabilité Elle est très femme : N > A le pour et le contre : P > N le beau, le vrai : A > N 9 la supposée logique de la langue française Le français est une langue logique, dont l’ordre des mots reflète l’ordre logique de la pensée. Or l’ordre Sujet-Verbe-Objet (S-V-O) du français n’est pas le seul ordre des mots possible: le latin et l’allemand sont des langues S-O-V. L’ordre S-V-O n’est pas toujours la règle en français: a. Dites-moi où se trouve Jean. [V-O [V-S]] b. Dimanche, à 17h, ce cours était terminé. ajouts antéposés c. Gabi, pensai-je, devrait installer le incise fichier sur le site du cours lundi matin. 10 la conception de la langue des puristes La conception de la langue des puristes est normative et élitiste, et basée sur des connaissances erronées du fonctionnement et de l’histoire de la langue française. Le français n’est ni plus clair, ni plus logique, ni plus beau que toute autre langue. Le français a l’avantage d’avoir un grand patrimoine historique, culturel et littéraire. 11 b. les grammairiens Les grammairiens n’ont pas un point de vue puriste, ils défendent un usage particulier, le bon usage, défini comme un ensemble de normes. Les grammaires traditionnelles sont des grammaires normatives. Leurs descriptions de la langue sont utiles, mais ont deux défauts: 1. leurs règles ne sont pas explicites; 2. elles adoptent un principe erroné, le principe du parallélisme logico-grammatical. 12 propriétés des grammaires traditionnelles Les grammaires traditionnelles sont 1. des grammaires de la langue écrite 2. des grammaires de la langue standard 3. des grammaires normatives ou prescriptives 4. des ensembles de règles particulières vs générales 13 1. grammaire de la langue écrite Les règles des grammaires traditionnelles ne portent que sur la langue écrite, pour cause de complexité du pluriel (noms et adjectifs) complexité des conjugaisons (verbes) complexité de l’usage du subjonctif vs indicatif. À l’écrit, les marques du pluriel sont redondantes: 14 oral écrit singulier lə gaʁsɔ̃ ʃɑ̃t le garçon chante pluriel le gaʁsɔ̃ ʃɑ̃t les garçons chantent marques du pluriel e -s -s -nt 2. description de la langue standard La langue décrite n’est pas la langue en usage. La langue décrite correspond à un usage particulier, l’usage littéraire. Les exemples sont tirés de l’écrit (littérature ou presse) Le raisonnement est philologique: les usages (écrits, littéraires) sont les traces des règles en usage. Pour la plupart, les règles du bon usage ont été fixées au 17e siècle par Vaugelas et Malherbe. 15 3. grammaires prescriptives Les règles des grammaires traditionnelles sont prescriptives et non descriptives: “Ne dites pas, mais dites”. Les grammaires sont des ensembles de normes: une norme est une règle validée par une institution; l’institution pour le français est l’Académie française, qui base ses jugements sur la littérature. 16 4. règles particulières Les grammaires traditionnelles ont pour but de donner une formulation générale des règles grammaticales. La difficulté de la formulation générale est qu’elle est complétée par une liste d’exceptions: “C’est l’exception qui confirme la règle” 17 le parallélisme logico-grammatical Les explications grammaticales sont basées sur le parallélisme entre la forme et le sens: 1. toute différence de forme reçoit une explication par une différence de sens; 2. toute notion grammaticale doit être exprimée par une forme linguistique. Le principe du parallélisme logico-grammatical exclut que les faits grammaticaux puissent recevoir une explication grammaticale, à savoir indépendante de la signification. 18 une illustration Les conjonctions de subordination sont pour la plupart caractérisées par la présence de que: alors que, bien que, lorsque, que… 1. Alors que Jean entra, le téléphone sonna. 2. Bien que Jean fût dans le salon, il n’entendit pas le téléphone. 3. Jean entra lorsque le téléphone sonna. 4. Je crois que le téléphone sonne. Parallèlement, les formes en que expriment la notion grammaticale de subordination. 19 conséquence du parallélisme logico- grammatical Toutes les explications grammaticales sont données en termes de signification: on parle de grammaires notionnelles. Or il faudrait démontrer que les faits de grammaire sont reliés à des faits de sens. Les grammaires traditionnelles présupposent cette thèse, sans la démontrer. 20 les règles de la grammaire traditionnelle Elles obéissent au principe du parallélisme logico- grammatical: 1. leur formulation est basée sur l’exception à la généralité a) règle générale b) cas particuliers c) exceptions 2. Elles ne sont pas explicites: elles autorisent la production de phrases agrammaticales. 21 l’exemple du superlatif relatif Grevisse: “le superlatif relatif est formé du comparatif précédé de l’article défini” 1. Jean est le garçon le plus aimable que je connaisse. 2. Marie est la plus jolie fille que je connaisse. Cette règle produit des phrases agrammaticales: 1’. *Jean est un garçon le plus aimable que je connaisse. 2’. *Marie est la la plus jolie fille que je connaisse. La règle ne précise pas que le déterminant doit être défini. La règle ne précise pas que, si le superlatif est inséré entre le déterminant et le nom, le déterminant n’est pas dupliqué. 22 synthèse sur les grammairiens Les grammaires traditionnelles sont des mines d’informations et d’exemples pour les linguistes. Elles ont une utilité indéniable, comme outils de référence et de consultation. Elles ne donnent cependant pas d’explications complètement satisfaisantes aux faits de langue. 23 c. les linguistes Le linguiste n’est ni un censeur, ni un prescripteur, ni un législateur de la langue. Son travail consiste à décrire des faits de langue et à les expliquer à l’aide d’une théorie (grammaticale). Les faits linguistiques consistent principalement dans le contraste entre grammaticalité et agrammaticalité: une phrase grammaticale passe le test du jugement d’acceptabilité; une phrase grammaticale est le résultat de l’application des règles grammaticales. 24 le domaine de la linguistique C’est l’étude des connaissances que les sujets parlants ont de leur langue. Ces connaissances leur permettent de formuler des jugements de grammaticalité ou agrammaticalité interprétabilité ou ininterprétabilité univocité ou ambiguïté. Ces connaissances définissent la compétence linguistique. 25 grammaticalité Notre connaissance de la langue nous permet de distinguer, parmi l’ensemble des phrases possibles du français, les phrases grammaticales des phrases agrammaticales. Exemple des phrases interrogatives en qusujet plein sujet clitique 1. a. Quand est venu Paul? b. Quand est-il venu? 2. a. Quand Paul est venu? b. ?Quand il est venu? 3. a. Quand Paul est-il venu? b. *Quand il est-il venu? 4. a. Paul est venu quand? b. Il est venu quand? Le sujet clitique (il) d’une interrogative qu- est obligatoirement postposé au verbe conjugué (1). Pas d’inversion complexe (3) avec un sujet clitique. 26 grammaticalité et interprétabilité La grammaticalité des phrases est indépendante de leur interprétabilité: 1. phrase grammaticale et interprétable Quand viendra-t-il? 2. phrase grammaticale mais ininterprétable D’incolores idées vertes dorment furieusement. 3. phrase agrammaticale, mais interprétable *Quand il viendra-t-il? 4. phrase agrammaticale et ininterprétable *Incolores dorment idées de furieusement vertes 27 univocité et ambiguïté Les mots peuvent être polysémiques: on parle d’ambiguïté lexicale (1): 1. Max a pris la porte. Les phrases peuvent être ambiguës: on parle d’ambiguïté syntaxique (2) ou sémantique (3): 2. La petite brise la glace. 3. Jean veut épouser une Norvégienne. Les énoncés peuvent avoir des sens différents dans des contextes différents: on parle d’ambiguïté pragmatique (4): 4. Le facteur vient de passer. 28 à retenir Le point de vue du puriste, élitiste, ne dit rien de pertinent sur le fonctionnement de la langue. Le point de vue du grammairien est sujet à critiques (point de vue prescriptif), mais ses descriptions sont utiles. Le point de vue du linguiste n’est ni élitiste ni prescriptif: il consiste à décrire et à expliquer les faits de langue. 29 33000 deux questions traditionnelles a. Quelles sont les sortes de mots? définition des catégories grammaticales (parties du discours en grammaire traditionnelle) b. Quelle fonctions les mots et les groupes de mots ont-ils dans la phrase? définition des fonctions grammaticales et des fonctions sémantiques 31 1. catégories grammaticales Les catégories grammaticales définissent des classes de mots ayant des propriétés grammaticales communes: noms, verbes, adjectifs, prépositions, adverbes, etc. Les catégories permettent de formuler les règles de la grammaire 1. [le chien] court vs *[chien le] court 2. j’ai vu [un oiseau] vs *j’ai vu [oiseau un] Règle: le déterminant doit précéder le nom pour constituer avec lui un [groupe nominal] dans la phrase 32 types de catégories a. Les catégories lexicales définissent des classes ouvertes (nombre illimité d’unités lexicales): verbe (V), nom (N), adjectif (A), adverbe (Adv) b. Les catégories non lexicales définissent des classes fermées (nombre limité d’unités lexicales): préposition (P), pronom (pro), complémenteur (C), déterminant (Dét)… c. Les catégories syntagmatiques définissent des syntagmes organisés autour d’une tête lexicale ou non lexicale (nom, verbe, adjectif, préposition): syntagme nominal (SN), syntagme verbal (SV), syntagme adjectival (SA), syntagme prépositionnel (SP) 33 critères de classification des catégories grammaticales A. Critères morphologiques i) verbe: marques de personne, de temps et de mode ii) nom: marques de genre et de nombre iii)adverbe: invariable iv)pronom: variable selon la personne, le nombre, le genre, la fonction et la position 1. Les enfants chantaient souvent {un canon, une chanson}. 2. Ils {le, la} chantaient pour {lui, elle}. 34 critères de classification (2) B. Critères fonctionnels i) déterminant: relation fonctionnelle au nom ii) adverbe: relation au verbe, à la phrase ou à l’acte de langage iii)préposition: précède le SN 3. Un homme entra. 4. Paul roule lentement. 5. Heureusement, Paul roule lentement. 6. Franchement, Paul roule lentement. 7. Après le cours, rendez-vous au café! 8. *Le cours après, rendez-vous au café! 35 catégories et sous- catégories Les catégories sont nécessaires pour formuler les règles de la grammaire. Il est aussi nécessaire de spécifier les souscatégories grammaticales: sans les sous-catégories, génération de phrases agrammaticales. Exemple de sous-catégories grammaticales: verbes transitifs vs intransitifs, noms propres vs communs: 1. Abigaël dort (dans son lit) dormir [Vintransitif] 2. Abigaël mange une tartine manger [Vtransitif] 3. Abigaël mange une pomme Abigaël [Nompropre] 4. *Enfant mange une pomme enfant [Nomcommun] 5. ordre a été donné de retirer les troupes (idiome) 36 2. fonctions grammaticales et sémantiques Les fonctions grammaticales définissent les relations que des mots ou des groupes de mots ont entre eux dans la phrase. Les fonctions grammaticales sujet et objet désignent les relations que les groupes de mots (SN, SP) entretiennent avec le verbe. Les fonctions sémantiques (agent, patient) désignent le rôle sémantique des groupes de mots (SN, SP) dans la phrase. 37 l’exemple du sujet grammatical Propriétés du sujet grammatical: A. position antéposée au verbe a. Paul aime Marie. sujet = Paul b. Marie aime Paul. sujet = Marie B. relation d’accord au verbe: le sujet détermine l’accord en personne et en nombre du verbe Ils s’aiment. C. effet stylistique lié au déplacement (post-position) du sujet i. Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. ii. D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. 38 catégories et fonctions grammaticales Une fonction grammaticale n’est pas réalisée par une catégorie particulière. Les catégories grammaticales réalisant la fonction de sujet: 1. nom propre Paul est ridicule. 2. groupe nominal Ce clown est ridicule. 3. verbe infinitif Pleurer est ridicule. 4. phrase (introduite par le complémenteur que) Que tu croies ces rumeurs est ridicule. 39 fonctions grammaticales et fonctions sémantiques Les fonctions grammaticales lient les verbes et les groupes nominaux sujet et objet. Les fonctions sémantiques lient les arguments au prédicat et peuvent être avoir des fonctions grammaticales différentes. Les fonctions sémantiques sont constantes, les fonctions grammaticales variables. 40 phrases actives/passives 1. Ève a mangé la pomme. 2. La pomme a été mangée par Ève. Ève = agent (sujet + complément d’agent) phrases transitives/ intransitives 3. Jean a cassé la branche. 4. La branche a cassé. la branche = thème (objet + sujet) un exemple de fonctions sémantiques La fonction grammaticale sujet peut recevoir plusieurs fonctions sémantiques: 41 1. Jean frappe le ballon. 2. Le ballon a cassé la vitre. 3. Jean reçoit un coup. 4. La vitre a cassé. 5. Jean reçoit un cadeau. 6. Jean aime Marie. 7. Paris est la ville lumière. 1. agent 2. instrument 3. patient 4. thème 5. bénéficiaire 6. expérienceur 7. lieu détermination des fonctions sémantiques Comment déterminer les fonctions sémantiques? un test de réduction de coordination Suppression de la partie commune de la phrase: 1. Jean travaille et Marie travaille > Jean et Marie travaillent 2. Jean travaille et Jean mange > Jean travaille et mange 42 la réduction de coordination n’est possible qu’avec des groupes à fonctions sémantiques identiques: 1. a. Jean a cassé la vitre. b. Le prof a cassé la vitre. c. okJean et le prof ont cassé la vitre 2. a. Le pavé a cassé la vitre. b. La grenade a cassé la vitre. c. okLe pavé et la grenade ont cassé la vitre. 3. a. ?Jean et le pavé ont cassé la vitre. b. ? Le prof et la grenade ont cassé la vitre. (zeugmes) À RETENIR Les catégories grammaticales déterminent la nature grammaticale des unités de la grammaire et interviennent dans les règles grammaticales. Les fonctions grammaticales déterminent les relations syntaxiques (accord) que les groupes entretiennent entre eux dans la phrase. Les fonctions sémantiques déterminent les rôles sémantiques que les arguments entretiennent avec le prédicat dans la phrase. 43 444444 l’analyse en constituants immédiats L’hypothèse de la grammaire moderne (syntaxe) est que toute unité grammaticale est analysable en unités de rang immédiatement inférieur: chaque constituant de rang n s’analyse en ses constituants immédiats de rang n-1. L’analyse de la phrase en constituants immédiats est une analyse hiérarchique. La phrase est représentée par un arbre, où chaque noeud est une unité de rang, ou sous forme de boîtes (formes de poupées russes). 45 46 l’enfant déballe son cadeau l’enfant déballe son cadeau déballe son cadeau son cadeau l’ enfant l’enfantt déballe son cadeau l’enffant débaalle son cadeeau l’ enfant déballe son caadeau son cadeau principe de l’analyse On part de l’unité la plus grande (phrase) pour arriver aux unités les plus petites (mots). Nécessité d’introduire des unités intermédiaires (syntagme). L’analyse en constituants immédiats décrit les catégories grammaticales des différentes unités (noeuds de l’arbre). 47 phrase syntagme nominal syntagme verbal syntagme nominal déterminant nom déterminant nom verbe l’ enfant déballe son cadeau analyse en termes de symboles Les représentations sous forme d’arbres utilisent comme étiquettes des noeuds des symboles pour les catégories syntagmatiques (syntagmes), lexicales et non lexicales. 48 [Ph[SN[Dét l’][N enfant]][SV[V déballe][SN[Dét son][N cadeau]]]] On utilise aussi des parenthèses. Ph SN SV SN Dét N Dét N V l’ enfant déballe son cadeau d’où viennent les structures grammaticales? Les catégories syntagmatiques (syntagmes) ont une structure commune. Elles sont organisées autour d’une tête lexicale, précédée d’un spécifieur, et suivies d’un complément. 49 spécifieur tête complément syntagme le livre de mon fils nominal veut manger une glace verbal très fier de ma fille adjectival juste derrière la maison prépositionnel SX SY X SZ une tête lexicale de catégorie X est précédée d’un syntagme de tête Y et suivi d’un complément de tête Z syntagme spécifieur tête complément le livre de mon fils Les syntagmes sont des constructions endocentriques, organisées autour d’une tête lexicale. La phrase est une construction exocentrique: le verbe n’est pas le noyau de la phrase. La phrase est la combinaison de différentes constructions endocentriques. constructions endocentriques et exocentriques 50 la structure Ph-Conj-Ph n’est pas une construction endocentrique Ph PhPh Conj SN SV SN SV V V SN Dét N je partirai et je prendrai le bus et si la phrase était endocentrique? Si la phrase était endocentrique, quelle en serait la tête? Sa tête ne serait pas lexicale, mais fonctionnelle. La phrase est généralement conjuguée: elle contient des marques flexionnelles, portées par le verbe. Les marques flexionnelles du verbes portent sur la personne, le nombre, le temps et le mode. 51 la phrase comme projection de la flexion Une hypothèse: la phrase est la projection maximale (syntagme SF) de la flexion verbale. La tête fonctionnelle (F) est la position occupée par la flexion verbale et les auxiliaires. Le sujet est dans la position du spécifieur. Le syntagme verbal (le verbe et ses compléments) sont dans la position du complément de la flexion. 52 Le sujet (SN) précède l’auxiliaire et est en position de spécifieur. La flexion (F) est réalisée lexicalement par l’auxiliaire ou morphologiquement par le temps verbal. Le verbe est dans la bonne position (auxiliaire) ou se déplace en F pour incorporer les marques flexionnelles du temps verbal. exemples 53 SF SN F SV Max va venir chant SN SF SN F SV V Marie chant le récitatifa les phrases complexes 54 Les phrases, comme les syntagmes nominaux, illustrent une propriété fondamentale des langues naturelles: la récursivité (une catégorie se retrouve dominée par la même catégorie). Les SN contiennent des SN: [SN le fils [SP de [SN ma soeur ]]] Les phrases contiennent des phrases: les propositions subordonnées complétives, interrogatives indirectes, relatives sont enchâssées dans des propositions principales: [Ph1 je sais [Ph2 que Paul croit [Ph3 que la fille [Ph4 que tu as rencontrée ] est norvégienne ]]] complétives, interrogatives, relatives phrase complétive 1. Paul croit que Jean viendra phrase interrogative indirecte 2. Paul se demande si Jean viendra phrases interrogatives 3. Qui Paul aime-t-il? 4. Qui crois-tu que Paul a rencontré? phrases relatives 5. L’homme qui est venu est mon ami. 6. La femme que j’ai épousée est linguiste. 55 complémenteur Toutes ces phrases complexes sont introduites par un mot subordonnant (que, si), un pronom interrogatif (qui) ou un pronom relatif (qui, que). Ces mots occupent une position fonctionnelle en tête de phrase, le complémenteur (C). Le complémenteur est réalisé morphologiquement par un mot subordonnant (qui, que, si, quand, combien…). 56 réalisations du complémenteur La position C n’est pas toujours réalisée morphologiquement, notamment dans le phrases infinitives: 1. Max dit qu’il aime la linguistique 2. Max dit ø aimer la linguistique La position C ne peut être occupée que par un seul morphème 3. tu dis que Jean viendra quand? 4. *tu dis que quand Pierre viendra? 5. tu dis que Pierre viendra 57 quand ?quand dis-tu à retenir 58 L’analyse hiérarchique de la phrase est une analyse en constituants immédiats. Les syntagmes sont des constituants endocentriques avec une même structure: spécifieur-tête-complément. La phrase peut être représentée comme la projection maximale de la flexion et définie comme une construction endocentrique. Les phrases complexes sont introduites par un mot subordonnant (complémenteur). les références du jour 59 Moeschler J. & Auchlin A. (2006), Introduction à la linguistique contemporaine, Paris, Armand Colin, chapitres 1, 6 et 8 Pinker S. (1999), L’instinct du langage, Paris, Odile Jacob, chapitre 4 Gary-Prieur M.N. (1985), De la grammaire à la linguistique, Paris, Armand Colin Leeman-Bouix D. (1994), Les fautes de français existent-elles?, Paris, Seuil.