GASPARD DE TENDE : THÉORICIEN DE LA TRADUCTION Michel BALLARD Universitě ďArtois 1. Introduction n 1660 est publiee a Paris, et simultanement chez deux libraires differents (Jean Le Mire et Damien Foucault), une methode de traduction realisee par un certain Sieur de l'Estang. Les titres de Touvrage different legerement selon Tedition : Regies de la traduction, ou moyens pour apprendre a traduire de latin en frangois, tirees de quelques unes des meilleures traductions du temps pour celle parue chez Damien Foucault ; De la traduction, ou Regies pour apprendre a traduire la langue latine en la langue frangaise, tirees de quelques unes des meilleures traductions du temps, pour celle parue chez Jean Le Mire. Cette difference n'est pas sans importance ni etrangere a notre propos, car la formulation utilisee chez Le Mire : « De la traduction », donne a l'ouvrage une portee plus generate que la simple didactique et c'est bien sous cet angle que semblent 1'avoir pergu plusieurs contemporains (ou hommes de lettres des decennies suivantes) qui parlent de cet ouvrage comme d'un « trait6 ». Bonaventure d'Argonne, a la fin du siecle, 44 MICHEL BALLARD declare : « Feu M. de l'Etang etoit un Provencal, homme d'esprit et sgavant. Nous avons de lui un Traite de la Traduction [...] » (Argonne 1725 : 459-460), et au siecle suivant, 1'abbe Goujet, dans sa Bibliotheque frangaise, ajoute a cette appellation un eloge sans melange : Vauteur y prend le nom de Sieur de I'Estang. C'etait un laic de Mane en Provence, qui mourut en 1697. Son vrai nom est Gaspard de Tende. [.. .] Son Traite de la traduction, est le meilleur ouvrage et le plus complet que nous ayons en Frangois sur cette matiere. (Goujet 1750 : 207) Or dans la seconde moitie du XXe siecle, qui se souvient de Gaspard de Tende, mis a part quelques specialistes des etudes classiques ? Les noms de Vaugelas, d'Arnauld et de Lancelot font partie d'une culture assez limitee dans son audience, mais non negligeable, par contre les noms de de Meziriac, de Tende et Huet semblent appartenir a une sorte de trou noir ou aurait disparu l'embryon d'une reflexion scientifique sur la traduction. Lors d'une precedente etude, nous avions ete frappe par le caractere novateur de l'ceuvre de de Tende et nous y avions vu le « premier effort remarquable pour codifier la traduction en partant de l'observation de sa pratique » (Ballard 1992 : 195), et c'est sur cet aspect que nous voudrions revenir aujourd'hui en essayant de faire apparaitre, tout en en prenant la mesure (avec ce que cela peut impliquer de limites), ce qui fait de cet ouvrage une theorie et de son auteur un theoricien. Dans cette entreprise, il convient d'abord d'essayer de preciser, de definir ce que Ton entend par « theorie », quel comportement cela suppose d'etre theoricien. La notion de theorie, pour un certain public, que ce soit le grand public ou un public plus restreint et assez cultive, est souvent envisagee dans le cadre d'un binome : theorie-pratique ou le terme « theorie » serait dote d'une charge negative qui temoignerait ainsi qu'a l'epreuve de la realite la theorisation est inefficace, voire inutile : on a toujours traduit, sans theorie, et Ton ne fait pas de la theorie quand on traduit. C'est ce qu'exprime assez bien, et non sans humour, Louis Kelly lorsqu'il dit : «c Si la traduction avait dependu de la theorie pour sa survie, elle aurait disparu bien avant Fepoque de Ciceron » . Cette conception de la theorie comme 1 « Had translation depended for its survival on theory, it would have died 1««« Kaf^ro r't^m * fl ViAUt 1q7q • 71 2. La notion de theorie GASPARD DE TEN DE 45 reflexion speculative, assez coupée de la réalité est sans doute encouragée par certains, eux-memes assez hostiles á une autre forme de théorisation que nous allons decrire. On peut trouver comme un archetype de ces formes spéculatives dans la description critique que fait Mounin du classique ouvrage de George Steiner : Ce n'est un travail scientifique ni sur le langage ni sur la traduction. Cest un essai de philosophie du langage avec toutes les insatisfactions que peut laisser Vessayisme sur un tel probléme, avec le peril de faire de la « littérature » sur la traduction. [...J Par philosophie du langage, il faut entendre ces constructions intellectuelles dont les seuls supports sont la coherence verbale de la pensée abstraite, a partir de demonstrations par citations plus que par analyse de matériaux bruts (Mounin 1976 : 255-256) Cest á partir de la, de cette notion « ďanalyse de matériaux bruts » qu'il convient d'envisager 1'autre aspect du terme « théorie », beaucoup plus proche ďailleurs de son sens étymologique. Le terme « théorie » vient du grec theória, qui signifie : « action de voir, puis action de voir un spectacle », or c'est cette notion fondamentale que certains ont tendance á oublier aujourd'hui lorsqu'ils parlent de théorie (ou prétendent pratiquer la théorisation), il s'agit d'abord de « voir », d'etre « spectateur » et non pas acteur, il s'agit de participer á une « representation ». Théoriser c'est d'abord étre capable de fixer son regard et avec lui son attention et sa conscience sur un objet et d'etre capable de s'etonner, de l'observer, de le decrire, bref d'en donner une representation. La demarche suppose que Ton perlivé l'objet comme entité spécifique dotée d'une organisation ; que dans un premier temps on s'efforce de 1' analyser et de le decrire tant pour en saisir les composantes que l'agen-cement de ces composantes et que dans un second temps on en rende compte sous une forme synthétique qui s'efforce de faire apparaitre sa structure et son fonctionnement. La théorisation, dans la mesure oil elle est un effort du rationnel pour saisir et comprendre un objet peut tendre vers une forme de systéma-tisation qui évacuerait la subjectivité et l'irrationnel. Ce serait une erreur de le faire, dans la mesure ou (et ceci est particulierement important pour la traduction) tout comportement humain integre ces composantes. Le désir d'aboutir á un systéme, ou á une forme de systématisation, ne doit pas déboucher sur une réification de la representation, qui doit étre consciente de son caractěre provisoire, soumise qu'elle doit étre á des operations de verification et de controle, susceptibles de determiner son evolution ou sa reformulation. C'est ce double mouvement d'observation et de presentation synthe-tique que nous nous proposons d'explorer dans la methode de Gaspard de Tende. 3. La notion de corpus 3.1. Presupposes Si Ton considere Thistoire de la traduction de TAntiquite au XVIIe siecle, on constate que les ecrits sur la traduction sont essentiel-lement de deux ordres : — des remarques incidentes sur la traduction dans un texte traitant d'un autre sujet, meme si celui-ci est de nature connexe ; — les innombrables prefaces, postfaces ou prologues, que les traducteurs eprouvent le besoin d'apposer en tete de leur travail des la fin du Moyen Age et le debut de la Renaissance. A la premiere categorie se rattachent Texpose de Ciceron concernant sa maniere de traduire les discours d'Eschine et de Demosthene, et qui figure dans un traite de rhetorique ; la remarque d'Horace concernant la traduction du « mot par le mot » et qui figure dans un art poetique ; les considerations hostiles de Du Bellay dans sa Defense et illustration de la langue frangaise. Ce premier type d'ecrits releve de Topinion, de r ideologic et de la manipulation ; il a longtemps satisfait ceux qui se tournent vers la « theorie » pour recevoir des mots d'ordre, des injonctions en reponse a la question de savoir « comment faut-il traduire ? » ou meme pour y chercher de prestigieuses justifications a la morose delectation de Fimpossibilite de traduire. Tout en apportant une autre dimension, que nous allons essayer de definir, de Tende, en tant que theoricien et createur de methode, n'echappe pas a l'attente quasi-generale, aujourd'hui encore, qui veut que la theorie debouche sur des conseils pratiques et la mise a jour de criteres de qualite. De Tende assume cette relation de la theorie a la pratique avec enthousiasme : la notion de « regies » est inscrite en grand dans son titre ; sa methode est efficace, il Ta pretee a un ami « pour apprendre a traduire » et celui-ci « a reconnu qu'il avait fait, en peu de temps, un grand progres dans la traduction » (de Tende 1660 : I) — la qualite de l'ouvrage est par ailleurs attestee par les commentaires des contem-porains : nous avons evoque celui de Goujet plus haut (cf. Goujet 1750 : 207). Bonaventure d'Argonne estimait que les traites d'Huet et de Tende etaient les meilleurs de Fepoque (Argonne 1725 : 465). Le public que vise de Tende est double. D'abord les enfants : /..J cela pourra etre utile non settlement awe enfants et a ceux qui les instruisent, mais encore a tous ceux qui veulent apprendre le latin ; puisque la traduction est sans doute un des moyens le plus court et le plus facile pour apprendre les langues. (de Tende 1660 : II) Ensuite les traducteurs : Voila certainement des regies pour former un excellent traducteur. [De Tende demande awe lecteurs d'excuser les eventuels defauts de sa methode]. C'est la grace que j'espere de leur bonte ; et la recompense que je leur demande pour Vintention que j'ay eue de diminuer la peine des traducteurs, en leur proposant des Regies pour traduire et embellir leurs traductions, (de Tende 1660 : XIX-XV) Enfin l'efficacite de la methode est garantie par la qualite des exemples proposes et la perception de cette qualite par l'auteur de la methode : Ce qui me donna la premiere pensee de recueillir ces Regies, Jut Vaccord merveillewc et la convenance admirable qui se rencontre dans tous les bons traducteurs. Car j'ay remarque que cewc qui ont bien traduit les mimes mots et les mimes phrases, ont tous pris un mime tour, et se sont tous servi d'une mime facon de traduire : tant il est vray que cewc qui font bien quelque chose le font par une Lumiere et une raison du bien, qui ne luit et ne se dicouvre bien souvent que dans les esprits les plus epurez ; et que tous cewc au contraire qui font mal quelque chose, le font par un defaut de cette Lumiere et de cette Raison du bien, qui n'eclairant pas leurs esprits, les laisse dans Vobscurite et dans les tenebres. (de Tende 1660 : H-III) Declaration que Bonaventure d'Argonne commente en ces termes : « La reflexion que l'Auteur fait dans le prologue de ce livre paroit bien judicieuse » (Argonne 1725 : 460). En fait cette maniere de presenter la genese de la recherche fait bien apparaitre le caractere double et en cela resolument moderne de la demarche de Tende. Le scientifique rationaliste, qui est en lui, a degage des lois a partir de Fobservation de la recurrence des solutions dans un 48 MICHEL BALLARD corpus. Par ailleurs cette recurrence est rattachée á un critěre ďordre supérieur ou irrationnel qui tient de T illumination et relěve tout autant de la theologie que du platonisme. On n'est pas loin de certaines conceptions du siěcle des lumiěres et de toute fagon il y a la perception ďun irréduc-tible irrationnel que Ton tend á réintégrer aujourďhui en traductologie : r intuition. Et pourtant 1'objectivité est la, en germe chez de Tende avec la notion de corpus. EUe constitue sans doute Fune des grandes nouveautés de sa méthode et elle la distingue des traducteurs-auteurs de prefaces et des auteurs de traités sans corpus. Les prefaces des traducteurs sont des cris de douleur ou des excuses, des journaux du traducteur á peine esquissés jamais menés á terme. On y évoque des souffrances, un ou deux problěmes avec parfois quelques exemples á caractěre linguistique. De maniěre generále, comme chez les auteurs de traités sans corpus, on n'entre pas dans les details, on ne touche pas au corps de la traduction, on se garde de pratiquer la dissection. La notion de corpus, et le corpus est trěs abondant et trěs present dans la méthode de Tende, est le gage fondamental de la scientificité de son travail. II suppose un triple travail d'objectification par rapport au processus de traduction : — Tout d'abord le travail s'effectue par rapport á un observable, objective, materialise dans les textes : original et traduction. — Deuxiemement cet observable n'est pas la production de Tobservateur mais celui ďun corps de traducteurs auquel il n'appartient pas. (De Tende a publié 1'année suivante une traduction des Sermons sur les sept Pseaumes de la Penitence de saint Augustin, mais il n'observe pas sa traduction). — Troisiěmement, les regies de la traduction se dégagent d'elles-memes, de la recurrence des solutions adoptees par les traducteurs pour résoudre les problěmes. Cette objectivité de la regie est exprimée avec une bonhomie faussement naive, au travers d'une sortě de presentation modeste de la genese de son travail oú il n'aurait eu qu'un role ďobservateur : Je n'aurois pas un sentiment si avantageux de ce petit ouvrage, s'il estoit autant mon ouvrage que V ouvrage des plus excellens traducteurs et des premiers Maitres de la langue. Car j'avoue que je n'y ay point d'autre part que celle ďavoir remarqué dans leurs plus excellens livres, les plus belles maniěres de traduire, et les meilleures fagon de parler. (De Tende 1660 : XIV) GASPARD DE TENDE 49 Nous considererons maintenant la composition du corpus et nous nous interrogerons sur Tideologie sous-jacente ä laquelle il renvoie. 3.2. La composition du corpus et Videologie sous-jacente II n'est pas aise d'etablir avec precision le corpus de Gaspard de Tende parce qu'il n'a pas pris le soin de dresser une bibliographic des auteurs et des oeuvres utilises. Les references qui figurent ä la suite des exemples ont un caractere plus ou moins cryptique pour le lecteur moderne. Elles renvoient generalement sous forme abregee, — ou bien ä Tauteur traduit : « Cicer. » pour « Ciceron » ; « Virg. » pour « Virgile » ; « Phed. » pour « Phedre * ; « Terenc. » pour « Terence » ; « Tursel » pour « Tursellin », Histoire Universelle, traduite par le Sr Coulon, jesuite (Stefanini 1971 : 601, n. 9), — ä l'ceuvre traduite : * Vie S. Bern » pour « Vie de Saint-Bernard », — ä l'ceuvre et ä l'auteur : « Confess. S. Aug » pour « Les Confessions de Saint Augustin » * Comm. Cesar » pour « Les Commentaires de Cesar », — ou bien, ce qui est plus rare, au traducteur et ä l'oeuvre traduite : « Monsieur dans son Flor » pour « Monsieur dans son Florus ». * Q. Curf. M. Vaug. » pour « Le Quinte Curce de Monsieur de Vaugelas ». On peut identifier dans ce corpus les elements suivants : La Vie d*Alexandre le Grand de Quinte Curce traduite par Vaugelas, parue en 1653 ; Les Commentaires de Cesar traduits par Perrot d'Ablancourt, parus en 1650. Roger Zuber souligne que « sur plusieurs centaines d'exemples choisis par Tende, d'Ablancourt n'en fournit que onze, tous extraits du Cesar : De la traduction, pp. 51, 77, 102, 202, 248, 287, 303, 315, 334, 352, 379 » (Zuber 1968 : 150 n. 4). Le Florus de Monsieur y occupe une place non negligeable jusque vers la page 200 du traite (Stefanini 1971 : 601). De Tende designe ainsi en fait la traduction de YHistoire romaine de Julius Florus, cet historien ami d'Hadrien (Ie-IIe siecles apres J.-C), realisee par « La Mothe Le Vayer, fils, qui feignait de s'inspirer des versions du royal eleve » (Stefanini 1971 : 601) . Cette traduction, publiee en 1656, vient en reaction contre la 2 Amyot a du egalement se soumettre ä cette pratique. traduction de Coeffeteau, publiee en 1615 et dont on commengait a trouver le style et le vocabulaire dat6s (Zuber 1968 : 135). Mais en fait ce sont des traducteurs jansenistes qui occupent sans doute la plus grande place : 255 viennent de la traduction des Confessions de saint Augustin par Arnauld d'Andilly (1649). Stefanini se demande, a juste titre, si de Tende n'a pas, apres le Florus de Monsieur, frequente plus assidument les Confessions en pensant a sa propre traduction des Sermons sur les sept Pseaumes de la Penitence de saint Augustin, alors en preparation (Stefanini 1971 : 601, n. 7). 180 citations viennent de la Vie de Saint-Bernard realisee par Antoine Lemaistre. Lemaistre de Sacy figure egalement en bonne place : — 61 exemples tires du Poeme de Saint-Prosper contre les Ingrats (1647), — 76 des Comedies de Terence (1647), — 67 des Fables de Phedre (1646). Dans Tensemble, done, le corpus evite Pceuvre de d'Ablancourt (elle ne fournit que onze exemples), et se tourne plutot vers des traducteurs « serieux » comme Vaugelas ou les Messieurs de Port-Royal, ayant la reputation de rechercher une plus grande fidelite, fidelite qui de l'aveu meme de ces traducteurs ne doit pas degenerer en assujettissement et doit se preoccuper d'une certaine elegance, qui sera parfois ulterieurement reprochee aux traducteurs jansenistes. II convient egalement de ne pas oublier que si le nom de d'Ablancourt n'occupe pas le devant de la scene son influence n'est pas moins presente d'une certaine maniere avec les traductions de La Mothe Le Vayer qui s'inscrivent en reaction contre • la longue phrase de Coeffeteau, devenue desuete depuis Tavenement du style historique plus concis de Perrot d'Ablancourt » (Caron 1990 : 91). Disons que ce corpus represente une tendance neuve de la traduction qui offre la preference a un classique tel que Vaugelas (lui-meme recupere par les jansenistes). Cette nouvelle tendance tout en evitant les extremity d'un d'Ablancourt, n'est pas hostile a certaines censures et a certains amena-gements au nom de l'esthetique. Un traducteur comme Marolles sans etre cite nommement est presente comme repoussoir en raison de son style lourd. 3 Ce chiffre, le suivant et ceux concernant Lemaistre de Sacy sont tires de Stefanini 1971 : 601. 4. L'expose theorique et didactique Une bonne theorie de la traduction — et une methode de traduction a visee pedagogique doit reposer sur une bonne theorie — se doit d'offrir un certain equilibre entre des principes generaux concernant la traduction, des options de travail clairement definies et une presentation ordonnee des problemes techniques. La methode de Gaspard de Tende offre de toute evidence un expose theorique equilibre. En effet, apres une dedicace a la Marquise de Sable (4 pages) elle s'ouvre avec une Preface (generate) de 14 pages, suivie, apres le Privilege du Roy, du corps de la methode elle-meme, expose de 386 pages divise en trois livres. Nous examinerons tour a tour ces deux composantes majeures. 4.1. L'expose general Les regies generates pour bien traduire sont selon de Tende au nombre de neuf. II faut en fait considerer qu'elles ne sont pas toujours clairement exprimees et que ce qui est pose comme une regie est souvent en realite un developpement qui touche a plusieurs principes, comme par exemple la premiere regie qui traite a la fois de la maitrise des langues, de la comprehension et de la maniere de traduire. Nous les examinerons tour a tour. De Tende, done, commence par rappeler le principe fondamental qui est « de bien entendre les deux langues >► (de Tende : VI), il Pattribue a Vaugelas, mais en fait cette exigence a ete clairement instauree par Dolet qui exigeait du traducteur « qu'il connaisse parfaitement les deux langues sur lesquelles il travaille » (Ballard 1992 : 111). A Pinterieur de la premiere regie et toujours, selon Vaugelas, se trouve en fait un second principe qui est « de bien entrer dans la pensee de PAuteur qu'on traduit » (de Tende : VI), principe que Ton trouve egale-ment chez Dolet : « il faut que le traducteur entende parfaitement le sens et la matiere de Pautheur qu'il traduict » (Ballard 1992 : 111). Et toujours a Pinterieur de cette premiere regie est enonce un troisieme principe qui touche deja en fait a la maniere de traduire : « ne pas s'assu-jettir trop bassement aux paroles ; parce qu'il ne suffit pas de rendre le sens avec un soin tres exact, et une fidelite toute entiere sans laisser aucune des beautes ni des figures qui sont dans le latin » (de Tende : VI). La seconde regie est empruntee au traducteur du Poeme de Saint-Prosper, e'est-a-dire a Lemaistre de Sacy, elle marque une exigence de litt6ralite ponctuelle, limitee a des passages importants ; il faut « tacher [...] a marquer les propres paroles de Pauteur lorsqu'elles sont importantes et necessaires » (de Tende 1660 : VI). 52 MICHEL BALLARD La troisiěme regie vient de Vaugelas et concerne le style du texte : il s'agit de « conserver l'esprit et le génie de I'auteur qu'on traduit en considérant si le stile en est simple ou pompeux, si c'est un stile de Harangue ou un stile de narration » (de Tende 1660 : VII). De Tende esquisse en fait ici une typologie des styles selon les genres des textes abordés ; on dirait presque aujourd'hui selon les registres. A cela s'ajoutent des considerations sur les qualités esthétiques de la traduction, qui « ne doit point paraitre une copie mais un veritable original » (de Tende 1660 : VIII), c'est en fait une reprise, non référenciée cette fois du principe exposé par Antoine Lemaistre dans la Preface de sa traduction des Sermons de saint Bernard (voir supra). Voici les termes utilises par de Tende « [...] une traduction pour étre excellente, ne doit point paraitre une traduction, mais un ouvrage naturel et une production toute pure de notre esprit » (de Tende 1660 : VIII). Le quatriěme principe est emprunté á TAuteur de la Dissertation. II faut entendre par la le Grand Arnauld, Antoine, co-auteur de la Grammaire raisonnée, qui avait produit une Dissertation selon la Méthode des Géomětres pour la justification de ceux qui emploient, en écrivant, dans de certaines rencontres, des termes que le monde estime durs (Sainte-Beuve [1953-1955], vol I : 177-178, note). Ce quatriěme principe est formule en ces termes : il faut « faire parler et agir un chacun selon ses moeurs et son naturel et [...] exprimer le sens et les paroles de TAuteur en des termes qui soient en usage et convenables á la nature des choses qu'on traduit » (de Tende 1660 : VIII). Lorsque Ton examine de pres les exemples donnés pour illustrer ce principe, on se rend compte que de Tende en fait va au-delá de la simple adequation des paroles au caractěre et au statut des personnages. Ce qui est abordé ici c'est Tun des aspects forces de la non littéralité ďune traduction, á savoir Tadéquation des termes utilises á 1'usage. Voici Texemple donné : « ayant á traduire ces paroles de 1'écriture, ex adipe frumenti, il ne faudrait pas les traduire par la "graisse de fromenťV encore que le mot de "graisse" soit la signification naturelle du mot latin adipe, parce qu'en outre que le mot de "graisse" n'est pas un terme qui convienne á la nature du froment, 1'usage veut encore qu'on dise : la fleur du froment ou le pur froment » (de Tende 1660 : IX) ; c'est en fait tout le probléme des collocations. Avec le cinquiěme principe on voit réapparaitre les preoccupations esthétiques mais surtout á notre sens s'affirmer et se préciser la notion ďécart par rapport á la littéralité. Se référant á Lemaistre de Sacy, de Tende rappelle qu'il faut « s'efforcer de rendre beauté pour beauté et figuře pour figure, lorsqu'il arrive que les mémes graces ne se rencontrent pas dans les deux langues, comme il arrive bien souvent, et qu'on ne saurait exprimer les mémes figures et les mémes beautés » (de Tende GASPARD DE TENDE 53 Le sixieme principe traite de la difference de concentration. Se referant a l'auteur d'une « traduction de quelques lettres de Ciceron » (ibid.), de Tende recommande « de ne pas user de longs tours si ce n'est seulement pour rendre le sens plus intelligible et la traduction plus elegante » (de Tende 1660 : X), il s'agit de reguler l'usage de 1'etoffement et du deve-loppement et de fustiger ceux qui « ne pouvant rendre les choses en peu de mots, et en termes propres et significatifs, se servent d'un grand tour de parole superflues et prennent des licences qui ne seraient pas permises aux plus petits ecoliers » (ibid.). Les deux regies suivantes, symetriques et presque opposees dans leurs exigences, peuvent paraitre contradictoires : la premiere, au nom de « la nettete du discours » pronee par Vaugelas preconise de « couper des periodes latines lorsqu'eles sont trop longues, a cause que notre langue, estant encore plus etendue, tiendroit trop en suspens l'esprit qui attend toujours avec impatience la fin de ce qu'on lui veut dire » (de Tende 1660 : XI). La huitieme regie en est l'inverse puisqu'elle recommande de «joindre ensemble les periodes qui sont trop courtes » (ibid.), elle est a la fois la contradiction du principe precedent ainsi que du troisieme principe qui est de respecter le style de I'auteur. Le dernier principe est tout a fait dans le droit fil des preoccupations esthetiques de Port-Royal, meme si elles ne sont pas toujours aussi claire-ment affichees que chez un d'Ablancourt ou d'autres traducteurs de Tepoque. Pour de Tende il faut « tascher encore d'embellir la traduction par des graces et des figures qui sont bien souvent cachees et qu'on ne decouvre qu'avec grand soin » (de Tende 1660 : XII). Cette recherche des beautes cachees eut merite quelques exemples mais de Tende en reste simplement en l'occurrence au niveau des principes. Dans l'ensemble done de Tende esquisse dans sa Preface un cadre theorique general qui fait largement appel aux principes de Vaugelas et des traducteurs de Port-Royal. II s'agit d'une vision exigeante de la traduction qui reprend des themes exposes en fait des la fin de la Renaissance : la connaissance des langues, les preoccupations esthetiques. La nouveaute, et elle s'affirme dans le corps de la methode, reside dans la precision et l'exploration des ecarts que Ton peut pratiquer par rapport a la litteralite et la nature des transferts a operer. 4.2. Le corps de la methode eminemment aspects de cette originalite reside sans conteste dans le fait qu'il ait produit Tune des premieres (si ce n'est la premiere) etudes de linguistique contras-tive. Cependant il faut dire que cette originalite est sertie dans les prejuges et les oninions de son temps concernant la traduction et e'est de ces aspects que nous traiterons d'abord, quitte á les évoquer á nouveau ensuite á propos des aspects plus originaux de 1'oeuvre. 4,2.1. La poursuite ďune tendance caractéristique des Belles Infiděles : l 'art d 'écrire en frangais A partir du célěbre texte de Cicéron on a vu se développer, de fa$on consciente, une maniěre de traduire á partir du sens et dont la formulation invitait non seulement le traducteur á se detacher du mot á mot mais á respecter le génie de la langue d'arrivee : « les mots sont conformes á 1'usage de notre langue ». Cette maniěre de faire a permis aux theories de Timitation de se développer. II y a, děs la fin du Moyen Age, dans certaines prefaces, une théorie de rembellissement et la these de Roger Zuber a bien montré comment les Belles Infiděles au XVIIe siěcle ont servi une cause : le travail de la prose fran^aise. Ce point de vue est fort bien illustré par Philippe Caron dans son article paru dans Littératures classiques, oú á propos de la relecture du Quinte Curce de Vaugelas á 1'Académie fran^aise au debut du XVIIIe, il note : Si la non conformité au texte original est relevée á l'occasion, c'est surtout lorsque le résultat en francais n'est pas satisfaisant pour l 'esprit, la grammaire ou le goút. [...] la traduction est done essentiellement considérée, dans la tradition des Belles Infiděles, comme un texte qui doit avoir sa cloture. II est toujours d'abord et avant tout un modele de belles lettres francaises destine aux indoctes, modele dont la fidélité á I'original importe moins que la conformité au bon gout du temps. (Caron 1990 : 92-93) Dans la description qu'il fait de la méthode de Gaspard de Tende, Roger Zuber tend á donner d'elle une image qui la pose en accord avec le reflet de cette maniěre d'envisager la traduction : Son ouvrage est d'abord un manuel de Vart d'écrire, qui repose sur beaucoup de textes [...] classes en vue d'aider Vécrivain debutant plus que I'apprenti traducteur [...]. (Zuber 1968 : 150) On peut retirer cette impression á partir de certains passages du livre III ou de Tende se concentre plutót sur 1'usage de certains termes en francais (comme par exemple au chapitre XIII avec « d'autant plus ») et ou il donne des exemples francais ou bien les seules traductions de references latines sans donner l'original. Mais ceci est vraiment 1'exception et precisement Tune des caracteristiques qui constituent l'originalite de cette methode est d'etre sans doute Tune des premieres etudes a s'interesser de maniere systematique aux differences formelles que le traducteur est amene a instaurer entre son texte et 1'original. 4.2.2. Uinstauration d'une nouveaute : la contrastivite II ne s'agit plus simplement comme chez Ciceron d'estimer de maniere generate qu'on peut suivre le mot a mot ou rendre le meme nombre de mots ou de suivre l'usage de la langue d'arrivee mais de fournir a Televe et au futur traducteur des reperes formels precis a partir desquels son texte est comme deduit par transformation du texte de depart. Le corps de l'ouvrage qui fait 386 pages est divise en trois livres. Le livre I fait 104 pages et est divise en 12 chapitres. II a pour titre : « Des noms ». Le livre II fait 164 pages et est divise en 37 chapitres. II a pour titre : « Des mots ». Le livre III fait 118 pages et est divise en 22 chapitres. II a pour titre : « Des liaisons ». De ces trois livres, c'est le troisieme qui semble avoir le titre qui correspond le mieux a son contenu. II s*intitule « Des liaisons », et son paragraphe introductif annonce ainsi son contenu : nUI -nrJ 1 Comme on supprime quelquefois les liaisons latines en traduisant, aussi en ajoute-t-on de frangoises dans la traduction. C'est ce que je feray voir dans ce livre, et de quelle maniere on sfen sert, apres avoir rapporte premi$re-ment quelques liaisons latines supprimees dans la traduction, (de Tende 1660 : 269) Et de fait, si le chapitre I traite « des liaisons latines supprimees » (p. 270) les vingt et un autres traitent de 1'insertion de mots de liaisons dans la version franpaise d'un texte latin. En bref on trouve exposee dans cette partie Tidee qui sera reprise par la plupart des contrastivistes (en particulier dans le domaine anglais) a savoir que le fran^ais est une langue liee, ou les liaisons et les argumentations sont plus marquees. Cette constatation dans la constitution des langues modernes par rapport au latin et la necessite de marquer par Petoffement certaines argumentations qui de toute fagon apparaissent de fa^on naturelle dans la langue d'arrivee a un precedent celebre avec le f seulement » que Luther estime avoir du ajouter alors qu'il n'etait pas dans le texte latin (Ballard 1992 : 142). Des auteurs comme Vinay et 56 MICHEL BALLARD Darbelnet ont exprime (de fagon plus precise) des vues analogues a propos du fran^ais et de 1'anglais. C'est la premiere partie qui est sans doute la plus elaboree sur le plan structurel. De Tende s'y laisse guider par la classification traditionnelle des parties du discours. Mais en fait, cette partie va au-dela de ce qui est ainsi annonce, puisqu'elle traite egalement des adverbes et des pronoms tant personnels que relatifs. Nous donnerons brievement un apergu des problemes afm d'evoquer la richesse de cette methode. Le livre I est divise en 12 chapitres. Nous commenterons la composition des trois premiers chapitres qui nous semblent significatifs a plus d'un titre. L' introduction du chapitre I (qui traite « du nom substantif en general et des differentes fagons de le traduire ») pose d'emblee les limites duplication des transformations proposees : // faut remarquer que les regies que j 'apporte ne sont que pour faciliter la traduction et la rendre plus belle et plus claire ; et qu'on doit toujours traduire les noms substantifsf autant qu 'il est possible, par leur simple signification ; et ne pas se servir de ces regies que dans la necessite seulement, pour rendre la traduction plus belle et plus intelligible, (de Tende 1660 : 2) Ce chapitre est divise en six sections dont la premiere et la derniere auraient pu etre rapprochees puisqu'elles traitent de la recategorisation du nom en verbe. La section 5 qui a pour titre « Des noms de ville, de province et de royaume » traite en fait de la metonymie du contenant au contenu ou Ton designe le nom de lieu par celui de ses habitants. Voila done un chapitre au contenu riche qui traite des variations au niveau des parties du discours, de la difference de concentration et d'une figure, mais qui presente le tout un peu dans le desordre. Les chapitres II et III traitent des noms propres et des appellatifs. lis sont interessants car il font apparaitre la composante culturelle en traduction et a cet egard Gaspard de Tende tout en etant theoricien par sa capacite d'observation et de formulation est egalement le porte-parole des prejuges ou des options de son temps : Les noms propres que Von trouve dans les lettres ou dans d'autres discours en latin ne se traduisent pas par la signification du nom simplement mais par Monsieur, mon cher ou mon fils. II y a seulement a observer que ces noms propres ne soient pas les noms des esclaves ou des valets ; parce qu 'il ne seroit pas convenable qu 'en Maitre ecrivit Monsieur a son esc lave ou a son valet, (de Tende 1660 : 12-13) * GASPARD DE TENDE 57 Dans le chapitre suivant est expose le fait qu'il convient souvent de traduire les appellatifs par le nom propre, pour des raisons d'ordre esthe-tique et Ton invoque pour cela Vaugelas (p. 16) : Et cette fagon de traduire les noms appellatifs par les noms propres est quelquefois si absolument necessaire qu'au-trement on ne saurait pas ce qu 'on voudroit dire, (de Tende 1660 : 16) Souci de clarte, souci d'esthetique, souci de franciser le texte par les appellatifs, la methode de Tende est bien le reflet d'une maniere de traduire devenue classique en France au XVIIe siecle. Nous examinerons enfin deux aspects particulierement novateurs de la methode de Gaspard de Tende. Le premier se rattache a la filiation existant sans doute entre son approche et celle de Port-Royal et qui est le principe de deduction et de transformation. Nous en prendrons pour base la traduction de l'adverbe. On sait que La Grammaire de Port-Royal repose en fait sur une approche comparatiste incluant la traduction ; voici ce qui y est dit de l'adverbe : Le desir que les hommes ont dabreger le discoursf est ce qui a donne lieu aux aduerbes. Car la pluspart de ces particules ne sont que pour signifier en un seul mot, ce qu'on ne pourroit marquer que par une preposition & un nom : comme sapierter, sagement, pour cum sapientia, auec sageffe : hodie pour in hoc die, aujourd'huy. Et c'est pourquoy dans les Langues vulgaires, la pluspart de ces aduerbes s'expliquent d'ordinaire plus elegamment par le nom auec la preposition : ainsi on dira plutost auec sageffe, auec prudence, auec orgueil, auec moderation, que sagement, prudemment, orgueilleusement, moderement, quoy qu'en Latin au contraire il soit d'ordinaire plus elegant de se seruir des Aduerbes. (Arnauld et Lancelot 1660 : 88) Gaspard de Tende traite de l'adverbe au chapitre VI du Livre I. Voici ce qu'il en dit : Je mets les adverbes en suite des noms parce que les adverbes viennent des noms et qu 'on les tradult bien souvent par les noms mimes dont its viennent, en y ajoutant avec, comme, dans, en, par, sans, selon, si. (de Tende 1660 : 50) Apres avoir donne plusieurs exemples, il ajoute : Comme l'adverbe marque ordinairement la maniere avec laauelle I'action Hu v*>rh/> «•# ******* »- 9 *• Enfin la seconde caracteristique eminemment moderne que nous voudrions faire apparaitre dans la methode de Gaspard de Tende est la perception implicitement juste de ce qu'est une unite de traduction et de la necessite d'y inclure la notion de choix entre plusieurs solutions. La tradition etablie par Vinay et Darbelnet apres la deuxieme guerre mondiale fait que Ton a generalement aujourd'hui une vision plate et tronquee de l'unite de traduction, c'est-a-dire comme etant une division du texte de depart. Dans une etude recemment parue dans la collection UL3 (Ballard 1993), nous avons fait apparaitre que r unite de traduction etait un ensemble ayant sa base dans le T.D. et son aboutissement dans le T.A. les deux elements etant en fait un segment d'un paradigme : paradigme d'interpretation pour la base, paradigme de reformulation pour Taboutissement. Cette conception de la traduction qui fait intervenir la notion de possibles (au pluriel) et de choix a l'interieur d'un paradigme de possibles est inherente a la demarche de Tende. Son corpus vient en illustration de tout principe enonce et est constitue d'une base latine et souvent d'aboutissements multiples en frangais : une bonne solution est proposee et on la compare ou on invite a la comparer avec une solution mauvaise ou moins bonne. 5* Conclusion Ce qui a fait de Gaspard de Tende un théoricien c'est d'abord la volonté pédagogique qui lui a donné le souci de decomposer une operation pour essayer d'en rendre accessible les techniques á des élěves et á des traducteurs. Son grand mérite est ď avoir su presenter une méthode équilibrée et realisté qui fait précéder les chapitres contrastivistes de considerations générales sur la traduction. II y laisse paraitre tout autant le souci de la bonne comprehension du texte de depart que de 1'élégance du texte ďarrivée. II est en cela le reflet de la tendance qui se dégageait á Port-Royal et dans les milieux les plus exigeants du XVIIe siěcle. Gaspard de Tende est en cela de son siěcle. Le sérieux de sa demarche dans ce prologue est attesté par la maniěre dont il justifie ses principes généraux par 1'autorité des prédécesseurs auxquels il les rapporte avec soin. Mais la grande originalitě de son entreprise demeure sans doute d'abord un magistral travail sur corpus qui s'efforce de dégager des lois á partir de 1*observation de phénoměnes récurrents. Ces observations sont ensuite rassemblées dans un ensemble qui, s'il n'est pas toujours solidement structure, n'en présente pas moins un effort pour presenter les phénoměnes avec ordre et méthode. Et surtout de Tende introduit de maniěre explicite, par Texposé théorique suivi de Texemple et de l'illustration, les notions de difference et de transformation en traduction. Son exposé intěgre de maniěre irréductible la difference des langues et done la nécessité de modifier la forme de la substance du message. Ce n'est pas son moindre mérite que ďavoir su percevoir qu'il était possible ďétablir des correspondances dans ces differences et qu'elles s'inscrivaient sur des schémas de transformation faisant intervenir des categories générales. ^ 60 MICHEL BALLARD Bibliographie Argonne, Noél dit Bonaventura d\, [1699-1700]. Melanges d'histoire et de littérature, recueillis par M. de Vigneul-Marville. Rouen, A. Maury. Paris : Claude Prudhomme, 1725, 3 vol. (4e éd., revue et corrigée). Arnauld, Antoine et Lancelot, Claude, 1660. Grammaire generale et raisonnée. Paris : Le Petit Ballard, Michel, 1992. De Cicéron á Benjamin. Traducteurs, traductions, reflexions. Lille : Presses Universitäres de Lille, [Etude de la traduction.]. Ballard, Michel, 1993. « Ľunité de traduction : essai de redefinition d'un concept ». M. Ballard, éd. La traduction ä ľUniversité. Recherches et propositions didactiques. Lille : Collection UL3, pp. 223-262. 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