Problěmes particuliers de la traduction littéraire : Hrála, Milan : Zastarávání překladů jako obecný problém, Gromová, Edita, Hrdlička, Milan (eds.): Antologie teorie uměleckého překladu, FF OU, Ostrava, 2004, p. 160-167. Les traductions vieillissent plus vite et plus facilement que les oeuvres originates du traducteur (par ex. les oeuvres originates de J. Vrchlický sont lisibles encore aujourďhui, les traductions paraissent plus archaiques que les oeuvres originates). Les causes en sont surtout 1'emploi des mémes moyens stylistiques pendant des dizaines ďannées par le traducteur, tandis que 1'auteur ďune oeuvre originále cherche de nouveaux moyens stylistiques, son style évolue avec le temps. Les traductions classiques ne vieillissent pas si vite que les traductions des oeuvres contemporains (au moment de la traduction). Pourtant, il est nécessaire de faire des traductions plus actuelles de telle ou telle oeuvre, car le gout des lecteurs change avec le temps. Les traductions classiques ďune oeuvre (par. ex. E. Oněgin par Josef Hora, Shakespeare par J. V. Sládek, Zvonokosy par Jar. Zaorálek) font partie intégrante de la littérature nationale (et de 1'histoire littéraire tchěque) et chaque nouvelle traduction de la méme oeuvre doit les prendre en consideration. Quant aux traductions techniques ou des oeuvres des sciences humaines (qui, selon la terminologie francaise, font partie de la traduction littéraire), le probléme du vieillissement de la traduction existe aussi mais est different : souvent, c'est la conception scientifique ou philosophique qui est dépassée, il faut done soit réintérpréter et retraduire l'oeuvre originále, ou bien traduire d'autres oeuvres, plus modernes, de la discipline donnée. Hrdlička, Milan, ml.: Kproblematice zaměření uměleckého překladu na čtenáře, Gromová, Edita, Hrdlička, Milan (eds.): Antologie teorie uměleckého překladu, FF OU, Ostrava, 2004, p. 168-171. Deux facteurs décisifs devraient orienter 1'activité traduisante : 1'égard á l'oeuvre originále et 1'égard au lecteur. Le traducteur devrait chercher á rendre 1'original ďune maniěre adequate, ďinterpréter fidělement 1'intention de 1'auteur. La possibilité ďinterpréter fidělement lintention de 1'auteur depend beaucoup de la parenté ou de la difference des deux contextes de communication, celui de la langue de depart et celui de la langue ďarrivée. Si 1'original est étroitement lié avec le contexte de communication francais, la traduction fiděle de lintention de 1'auteur en tchěque peut parfois presenter pas mal de difficultés. Voici quelques problěmes particuliers qui peuvent se presenter au traducteur : 1'orientation idéologique, linguistique (moderniser la traduction ou non, interpreter fidělement le style particulier de 1'auteur, rendre de facon adequate la stratification sociále et géographique de la langue de depart en langue ďarrivée), le genre (maintenir ou changer le genre littéraire de 1'original), maintenir le temps et le lieu ou bien oser une adaptation (changement du temps et du lieu du déroulement de Taction). Ladaptation de 1'original n'est pas la traduction littéraire adequate (selon M. Hrdlička). Lart du traducteur consiste dans le fait de trouver un compromis : la traduction ďune oeuvre littéraire peut ne pas étre une traduction littéraire. Knittlová, Dagmar : O kreativitě překladatele uměleckého textu, Gromová, Edita, Hrdlička, Milan (eds.): Antologie teorie uměleckého překladu, FF OU, Ostrava, 2004, p. 191-196. Le travail du traducteur consiste surtout en reproduction, mais la créativité est également importante, surtout quant il s'agit des traductions littéraires, oú 1'aspect esthétique joue un role primordial. Mais la créativité du traducteur ne doit pas compromettre 1'intention de 1'auteur ! II faut toujours respecter : les experiences différentes du lecteur de l'original et de celui de l'oeuvre traduite le contexte linguistique different le degré inégale de 1'expressivité dans les deux langues les associations et les métaphores différentes, ainsi que leur frequence différente dans les deux langues les registres de langues, 1'usage de phraséologie adaptée en fonction des habitudes sociales propres á chaque communauté linguistique (selon les milieux socio-professionnels et selon les situations) L'important c'est de créer le texte ďarrivée qui évoque les mémes connotations auprěs du lecteur de la traduction. Idéalement, la traduction devrait remplir les mémes fonctions esthétiques auprěs du lecteur que remplissait l'oeuvre originále auprěs du lecteur de la culture de depart. Ce qui n'est pas toujours possible, á cause du décalage culturel, temporel et géographique, politique etc. Aujourďhui, on préfěre en general la traduction fonctionnelle á la traduction philologique : la traduction fontionnelle est plus lisible, plus idiomatique ; elle respecte la structure syntaxique différentes des deux langues. Les connotations (selon Knittlová) englobent les termes anciens tels que 1'expressivité, 1'émotivité, le valeur stylistique etc. La valeur expressive ou intensificatrice des mots change avec le temps, chaque periodě (generation) attribue une autre valeur émotionnelle á certains mots intensificateurs. En plus, certains mots neutřes du point de vue de leur emploi systématique, peuvent acquérir une valeur connotative dans un contexte spécifique. (hustý - to je fakt hustý..). Les expressions symptomatiques par rapport á la norme linguistique de telle ou telle époque représentent aussi une catégorie intéressante et importante au sein de la linguistique de la traduction : en plus, cette norme méme évolue dans le cadre de la littérature traduite. Dans les traductions tchěques prévalait jusqu'aux années 1960 la norme de la langue écrite, soutenue, littéraire. Depuis, on accorde un place legitime aussi aux autres registres et sous-codes de la langue tchěque, au tchěque parlé, familier ou populaire, voir aux formes reláchées ou vulgaires, au régionalismes (qui apparaissaient pourtant déjá avant 1945). Pour traduire la langue des cités on emploie 1'argot commun, 1'argot des jeunes. Bečka, J. V.: Míra využívání expresivity v různých jazycích, AUC, Philologica 1-3, Translatologica Pragensia II, 2. část, UK, Praha, 1986, p. 651-663. On distingue 1'expressivité emotive, appelative, actualisante et phonique. Les difficultés peuvent se poser en traduisant les dialectes (qui connotent un lieu precis), les mots du sous-code populaire, la prononciation incorrecte, reláchée, 1'argot. etc. II faut toujours faire un effort pour maintenir le degré de 1'expressivité de l'oeuvre originále dans la traduction, en prenant en consideration le degré different ďexpressivité de certains moyens dans deux langues. Svobodová, Jitka: K lexikálním interferencím mezi francouzštinou a češtinou, AUC, Philologica 4-6, Translatologica Pragensia I, UK, Praha,1984, p. 207-212. La traduction et 1'interprétation est une activité qui se compose de plusieurs étapes : le traducteur est ďabord le destinataire de l'original et ensuite lauteur de la traduction. Létape de la comprehension et de 1'interprétation du texte Létape de la traduction du texte Les interferences de parole se manifestent lors de 1'usage actif de la parole (surtout quant on parle une langue étrangěre, mais, plus rarement, les interferences ďune langue étrangěre en langue maternelle se manifestent aussi chez les locuteurs bilingues). Les interferences de traduction se manifestent dans les deux sens, sous formes de caiques d'une langue étrangěre en langue maternelle. Nous distinguons : les interferences linguistiques, dues au choix inapproprié du moyen linguistique les interferences textuelles, dues au choix inadéquat du procédé de traduction, et qui entrainent des changements au niveau stylistique. Kufnerová, Zlata: Překlad literatury faktu a faktografie v beletrii, Český překlad 1945-2003, Ústav translatologie FF ÚK, Praha, 2003, p. 54-57. Zlata Kufnerová est partisane du principe de 1'équivalence fonctionnelle dans la traduction d'oeuvres littéraires : la traduction doit remplir la méme fonction auprěs de son lecteur que remplit 1'oeuvre originále dans son pays. Pour cela, le traducteur doit savoir ce qui est essentiel dans le genre qu'il traduit, quels aspects de l'original il doit respecter et il doit élaborer une hierarchie de valeurs á respecter en traduisant. II faut surtout respecter le contexte different de la langue d'arrivee. Dans la traduction de littérature de vulgarisation ou en traduisant des données réelles dans les belles-lettres, il faut faire attention particuliěrement aux details suivants : les traductions des titres d'oeuvres, de films étrangers, les traductions de citations de la Bible ou d'oeuvres classiques - si une traduction renommée existe déjá, il faut 1'adopter (et citer en bas de page ou á la fin) les traductions des toponymes - il faut respecter la normě autochtone (tchěque), si elle existe pour le nom de ville ou de pays en question (Antverpy, et non Anvers) les traductions de civilisation - il faut surtout se renseigner, si nous ne sommes pas surs); il faut se méfier avant tout des oeuvres historiques, géographiques qui parlent d'un tiers pays - il ne faut pas accepter automatiquement les traductions francaises des toponymes allemandes, russes, italiennes etc. mais il est nécessaire de trouver un terme approprié tchěque. Kufnerová, Zlata: O interferenci, Čtení o překládání, H&H, Jinočany, 2009, p. 45-51. L'interference en traductologie (ou dans la linguistique) signifie 1'influence de la langue-source sur la langue-cible. Chaque traducteur est influence par langue de depart, mais il devrait s'en rendre compte et étre capable de ne pas céder á ce danger d'interferences. Plus les deux langues sont proches, plus le risque des interferences est grand. Son role joue aussi 1'experience du traducteur. Nous pouvons rencontrer différents types ďinterférences (ďéléments grammaticaux, orthographiques, lexicaux ou phraséologiques adoptées automatiquement de la langue-source en langue-cible) souvent surtout dans les annonces publicitaires ou dans les médias qui puisent leurs informations dans des sources étrangěres. II y a deux types fondamentaux ďinterférences dans les traductions en tchěques : L'usage ďexpressions, de constructions qui n'existent pas en langue-cible (en tchěque), il s'agit de fautes qualitatives. Ľusage d'expressions qui existent en tchěque mais y ont une autre frequence ou valeur stylistique (fautes quantitatives). Les exemples les plus frequents d'interferences dans la traduction littéraire tchěque : 1. La construction syntaxique, ľordre des mots : a) les traducteurs tchěques ne respectent pas toujours la perspective fonctionnelle de la phrase tchěque (le theme, ce qui est connu de l'interlocuteur - le rěme, ce qui est nouveau). Le rěme est en general á la fin de la proposition tchěque. P. ex. Všichni tleskají tomuto návrhu, au lieu de Tomuto návrhu všichni tleskají. (Ľinfluence de la syntaxe francaise : Tout le monde ... applaudit á cette initiative. Kundera, Milan: Nesmrtelnost, Atlantis, Brno, 1993.) b) le sujet ou ľobjet exprimé par un substantif n'apparaissent parfois pas dans la premiere proposition de la phrase complexe (sous ľinfluence de ľanglais): Od chvíle, kdy se stala majetkem Louvrů, byla Mona Lisa ... dvakrát odcizena/ au lieur de Od chvíle, kdy se Mona Lisa stala... c) La dislocation, la segmentation excessive de la phrase tchěque sous ľinfluence du francais et de ľanglais : Nedávno, když interviewoval herce ... /Když nedávno interviewoval herce ... (Tout récemment, en interviewant un acteur..., Kundera) 2. La concordance des temps au passé est reprise automatiquement du francais : A řekl mu všechno, co si myslil o jeho poníženém chování.../co si myslí (Et il lui dit alors ce qu'il pensait de son comportement servile. Kundera) 3. Les interferences grammatico-lexicales : a) description des parties du corps humain : on emploie souvent le pluriel au lieu du singulier : kroutili hlavami /hlavou; Měli na hlavách ježky /na hlavě ježka; lidé rozevírali nad hlavami deštníky/nad hlavou deštník (Kundera, nesnesitelná lehkost bytí) - Les gens ... levaient au-dessus des tětes leursparapluies ouverts. La norme écrite actuelle admet les deux possibilités. b) emploi automatique du futur périphrastique au lieu des verbes tchěques perfectifs prefixes : budu aspoň jednou tančit/aspoň jednou si zatančím c) usage incorrect des conjonctions ni et ou en negation: vůbec nebyl sarkastický nebo/ani ironický d) ommission de la formation synthétique des degrés des adjectifs et des adverbes tchěques : tím víc lichotivě/ tím lichotivěji ; větší nesmysl a více nepřijatelný si stěží mohli vymyslet / větší a nepřijatelnější nesmysl... e) ommission des adjectifs possessifs tchěques : matka mého otce /otcova matka f) des interrogations totales positives au lieu de constructions negatives que préfěre la langue tchěque : Chcete jít dovnitř a promluvit si ? /Nechcete jít dovnitř ... 4. Les interferences lexicales et phraséologiques : a) emploi incorrect des prepositions : les traducteurs reprennent automatiquement la preposition de ľoriginal : sledování přes dalekohled /dalekohledem, na cestě &jedné konferenci /na jednu konferenci... b) emploi des constructions périphrastiques verbales au lieu ďun seul verbe : získal slávu /proslavil se, pohnul pistolí tak, aby mířila/zamířil na... c) ľemploi frequent de la voix passive au lieu de la forme active du verbe d) ľemploi trop frequent des pronoms possessifs au lieu du datif des substantifs ...moje srdce se na okamžik zastavilo /srdce se mi...; Ty ses hrabala v mých dopisech /ses mi hrabala ... Tu as fouillé dans mes lettres ! (Kundera) e) ommission des diminutifs synthétiques tchěques - malý bratr/ bratříček f) emploi incorrect des expressions faisant partie des locutions figées - oslepení smyslů /otupení - un aveuglement des sens 5. Les traductions mot á mot des idiomes, proverbes 6. Les traductions mot á mot des toponymes, des noms géographiques, des civilisations : 7. Les traductions mot á mot des locutions figées qui ont prafois la fonction des termes (ptáci na cestách au lieu de tažní ptáci). 8. Les fausses traductions des expressions ďune tierce langue que le traducteur parfois ne connait pas et ne se rendra pas compte qu'il s'agit ďun mot étranger (il peut le prendre pour un nom propre, par exemple, en allemand qui écrit tous les substantif avec une majuscule). Les approces fonctionnalistes - survol historique La theorie du skopos NORD, Christiane : La traduction : une activite ciblee. Introduction aux approches fonctionnalistes, APU, Arras, 2008. GUIDERE, Mathieu : Introduction a la traductologie. Penser la traduction : hier, aujourd'hui, demain. De Boeck, Paris, 2010. Les approches fonctionnalistes de la traduction ne datent pas d'hier. Au cours de l'Histoire, on trouve des traducteurs, pour la plupart de textes litteraires ou de la Bible, qui ont affirme que la traduction etait fonction de la situation. Neanmoins, le concept de bonne traduction etait souvent associe a une fidelite mot-a-mot au texte source, bien que le resultat ne soit pas toujours conforme a la finalite recherche. Ciceron (106-43 av. J.-C.) explique ainsi le dilemme J'ai en effet traduit, des plus eloquents des Attiques, Eschine et Demosthene, les deux discours les plus celebres ; et je les ai traduits non en interprete, mais en orateur, avec la meme presentation des idees et des figures, en adaptant les mots a notre propre langue. Pour ceux-ci je n'ai pas juge necessaire de les rendre mot pour mot, mais j'ai conserve dans son entier le genre des expressions et leur valeur. Je n'ai pas cru en effet que je dusse en rendre au lecteur le nombre (des expressions -ZR), mais en quelque sorte le poids. (Ciceron, L 'Orateur. Du meilleur genre d'orateur. Paris, 1964, p. 114) De nombreux traducteurs de la Bible sont d'avis que le processus de traduction doit comprendre les deux demarches : d'une part, la reproduction fidele des caracteristiques formelles du texte source et, de l'autre, l'adequation aux lecteurs cibles. St Jerome (348-420) et Martin Luther (1483-1546) estimaient que, pour certains passages de la Bible, le traducteur doit reproduire «jusqu'a l'ordre des mots » (St Jerome, Lettre a Pammachius, lettre 48.21) ou sen tenir « a la lettre» (Luther, Epitre sur I'Art de Traduire et VIntercession des Saints, 1530 - traduction fr. de Bosc, 1964). Pour d'autres passages, en revanche, il importait davantage de «rendre le sens» (St Jerome) ou d'adapter le texte aux besoins et aux attentes des lecteurs cibles. De meme, Eugene A. Nida {Toward a Science of Translating. With special reference to principles and procedures involved in Bible translating, Leiden, 1964) fait une distinction, en traduction, entre l'equivalence formelle et l'equivalence dynamique, la premiere faisant reference á une reproduction fiděle des elements formels du texte source, tandis que la deuxiěme rend compte de 1'équivalence d'effet communicatif extralinguistique : Une traduction visant 1'équivalence dynamique cherchera a créer une expression totalement naturelle, afin de placer le destinataire devant des modes de comportement propres ä sa culture ; une telle traduction ne cherche pas ä ce que le destinataire comprenne les comportements culturels de la situation source afin d'apprehender le message (1964 : 159). Dans A Framework for the Analysis and Evaluation of Theories of Translation (dans Richard Brislin (ed.) Translation. Application and Research, New York, 1976, 47-91. Lignes directrices pour Vanalyse et Vevaluation des theories de la traduction), Nida met accet sur la finalité de la traduction, sur les röles respectifs du traducteur et des destinataires, ainsi que sur les implications culturelles du processus de traduction : Quand on s'interroge sur la superiorita eventuelle d'une traduction sur une autre, la réponse ne peut étre donnée sans avoir réponse ä une autre question : «Superieure pour qui ? ». Dans le cas de différentes traduction d'un méme texte, 1'adéquation relative de chacune d'elles est toujours fonction de la mesure ou chaque traduction arrive ä remplir la finalité recherche. C'est-a-dire que la validitě relative de chaque traduction sera jugée selon la capacité des destinataires a réagir au message (pour ce qui est du contenu aussi bien que de al forme), par rapport ä : 1. la reaction que l'auteur du texte source voulait que soit la reaction chez les destinataires en langue source ; 2. la reaction reelle de ceux-ci. II est evident que les reactions ne sauraient jamais étre identiques, puisque la communication interlinguale implique toujours des differences de type culturel, notamment des differences entre les systěmes de valeurs, les presupposes conceptuels et les antecedents historiques (Nida, 1976 : 64 sqq). Nida qualifie cette approche de sociolinguistique. Pourtant, 1'application de cette approche á la traduction en general 1'aměne á proposer un modele á trois étapes pour le processus de traduction. Dans celui-ci, les elements de surface du texte source (la syntaxe, le sens, les connotations) sont analyses en tant que noyaux linguistiques, ou structures quasi-noyaux, qui peuvent étre transférés dans la langue cible au moyen d'une restructuration afin de former des elements de surface dans la langue cible (Nida 1976 : 75 et Nida, Charles Taber, The Theory and Practice of Translation, Leiden, 1969 : 202). Cette approche essentiellement linguistique qui ressemble á la théorie de Noam Chomsky sur la syntaxe et la grammaire generative (1957, 1965) a exercé plus d'influence sur le développement de la traductologie en Europe pendant les années 1960 et 1970 que ne l'a fait 1'idée de 1'équivalence dynamique. Que l'approche de Nida ait été accueillie á partir des implications linguistiques correspond á un contexte historique. Pendant les années 1950 et 1960, la linguistique représentait sans doute la discipline humanisté dominante. Les toutes premieres experiences dans le domaine de la traduction automatique devaient nécessairement puiser dans les representations contrastives des langues. Dans un méme temps, la linguistique structurale, s'appuyant sur 1'idée du langage comme code et sur le concept des universaux du langage, avait encourage l'illusion que le langage -et la traduction en tant quopération linguistique - pourrait faire l'objet de recherches strictement scientifiques, comme tout autre objet dans le domaine des sciences naturelles. La traduction avait jusqu'alors été considérée comme un art ou une pratique professionnelle ; désormais, les traductologues se réjouissaient de voir leur domaine d'activite reconnu comme une science et admis dans le cercle restreint des recherches universitaires sous 1'égide de la linguistique appliquée. Cest ainsi que, á cette époque, de nombreuses definitions de la traduction soulignent cet aspect linguistique : La traduction peut se definir comme suit : le remplacement des elements textuels dans une langue (langue source) par des elements equivalents dans une autre langue (langue cible) (Catford, 1965 : 20). Toutes ces approches linguistiques ne voyaient dans la traduction qu'une operation de transcodage. Au debut des annees 1970, grace ä une vision plus pragmatique, 1'attention s'est deplacee du mot et de la phrase comme unite de traduction vers le texte, sans que toutefois l'orientation fondamentalement linguistique n'en soit modifiee. L'idee d'equivalence comme concept fundamental voire constitutif de la traduction n'a jamais vraiment ete mise en question. Par exemple, pour Wilss : La traduction part dun texte en langue source pour mener ä la production dun texte en langue cible qui en soit l'equivalent le plus proche possible et qui presuppose une comprehension du contenu et du style du texte d'origine (Wolfram Wills, Übersetzungswissenschaft. Probleme und Methoden, Tübingen, 1977 : 70). Les approches linguistiques fondees sur l'idee d'equivalence se concentraient done sur le texte source, dont les caracteristiques devaient etre preserves dans le texte cible. De telles definitions etaient normatives. Elles presupposaient que tout texte cible qui ne saurait avoir un lien d'equivalence le plus proche possible ne serait pas une traduction. De nombreux chercheurs sont toujours de cet avis, bien que certains aient reconnu qu'il peut y avoir des cas de non-equivalence en traduction ä cause des differences pragmatiques entre les cultures source et cible. Les partisans de l'approche basee sur l'equivalence ont tendance ä accepter plus facilement des procedures de traduction non-litterales dans le cas des textes pragmatiques (mode d'emploi, textes publicitaires) que pour les textes litteraires. II existe ainsi de normes diverses, voire contradictoires, pour la traduction de differents genres ou types de trextes, ce qui rend l'approche basee sur l'equivalence plutöt ambigue. Ceci pourrait expliquer pourquoi certains traduetologues, dans les institutions de formation de tradueteurs, ont commence ä privilegier l'approche fonctionnaliste par rapport aux approches basees sur l'equivalence. Katharina Reiss et la categorie fonctionnelle de la critique de traduction (Nord, 2008) Des 1971, Katharina Reiss avait introduit la categorie de la fonetion dans son approche objective de la critique de traduction. Bien qu'ancre encore dans la theorie basee sur le concept d'equivalence, son ouvrage intitule Möglichkeiten und Grenzen der Übersetzungskritik {La Critique des traductions, ses possibilites et ses limites) peut etre considere comme le point de depart de la recherche universitaire en traduction en Allemagne. Prenant pour base le concept d'equivalence, Reiss elabore un modele critique de traduction fonde sur la relation fonctionnelle entre les textes source et cible. Selon Reiss, la traduction ideale serait celle oü «la finalite dans la langue cible serait d'obtenir une situation d'equivalence en ce qui concerne le contenu conceptuel, la forme linguistique et la fonetion communicative d'un texte en langue source». Reiss designe cette forme de traduction par 1'expression «Performance communicationnelle integrale». (Guidere, 2010) Le mot grec skopos signifie la visee, le but ou la finalite (cf. lo scopo en italien). II est employe en traduetologie pour designer la theorie initiee en Allemagne par Hans Vermeer ä la fin des annees 1970. Parmi ses promoteurs, on trouve egalement Christiane Nord (1988) et Margaret Ammann (1990). Du point de vue conceptuel, la theorie du skopos s'inscrit dans le meme cadre epistemologique que la theorie actionnelle de la traduction, en ce sens qu'elle s'interesse avant tout aux textes pragmatiques et ä leurs fonetions dans la culture cible. La traduction est envisagee comme une activite humaine particuliere (le transfert symbolique), ayant une finalite precise et unproduitfinal qui lui est specifique (le translatum). Vermeer (1978) est parti du postulat que les methodes et les strategies de traduction sont determinees essentielement par le but ou la finalite du texte ä traduire. La traduction se fait, en consequence, en fonction du skopos. D'ou le qualificatif de fonctionnelle attribue ä cette theorie. Mais il ne s'agit pas de la fonction assignee par l'auteur du texte source ; bien au contraire, il s'agit d'une fonction prospective rattachee au texte cible et qui depend du commanditaire de la traduction (du client). C'est le client qui fixe un but au traducteur en fonction de ses besoins et de sa Strategie de communication. Pourtant, cela ne se fait pas en dehors de tout cadre methodologique. Le traducteur doit respecter deux regies principales. D'une part, la regle de coherence (intratextuelle) qui stipule que le texte cible (translatum) doit etre suffisamment coherent en interne pour etre correctement apprehende (compris) par le public cible, comme une partie de son monde de reference. D'autre part la regle de fidelite {coherence intertextuelle) qui stipule que le texte cible doit maintenir un lien süffisant avec le texte source pour ne pas paraitre comme une traduction trop libre. Grace ä l'influence de Katharina Reiss (1984), Vermeer a precise sa theorie en elargissant son cadre d'etude pour englober des cas specifiques qui n'etaient pas pris en compte jusqu-lä. II a integre par exemple la problematique de typologie textuelle de Reiss. Si le traducteur parvient ä rattacher le texte source ä un type textuel ou ä un genre discursif, cela l'aidera ä mieux resoudre les problemes qui se poseront ä lui dans le processus de traduction. Vermeer prend en consideration les types de textes definis par K. Reiss (informatifs, expressifs, operationnels) pour mieux preciser les fonctions qu'il convient de preserver lors du transfert. Ainsi, le texte source est desormais concu comme une offre d'information fait par un producteur en langue A ä l'attention dun recepteur de la raerae culture. La traduction est envisagee comme une offre secondaire d'information, puisqu'elle est censee transmettre plus ou moins la raeme information, mais ä des recepteurs de langue et de culture differentes. Dans cette optique, la selection des informations et le but de la comunication ne sont pas fixes au hasard ; ils dependent des besoins et des attentes des recepteurs cibles dans la culture d'accueil. C'est le skopos du texte. Ce skopos peut etre identique ou different entre les deux langues concernees : s'il demeure identique, Vermeer et Reiss parlent de permanence fonctionnelle ; s'il varie, ils parlent de variance fonctionnelle. Dans un cas, le principe de la traduction est la coherence intertextuelle, dans 1'autre, 1'adequation au skopos. La nouveaute de l'approche consiste dans le fait quelle laisse au traducteur le soin de decider quel Statut accorder au texte source. En fonction du skopos, l'original peut etre un simple point de depart pour une adaptation ou bien un modele ä transposer fidelement. Cela signifie qu'un meme texte peut avoir plusieurs traductions acceptables parce que chacune repond ä un skopos particulier. Le skopos est le critere devaluation, et sans skopos, il n'est point de traduction valide. Christiane Nord et son modele d'analyse textuelle en traduction Christiane Nord, traductrice professionnelle et enseignante ä l'Institut de Traduction et d'Interpretati on ä l'Universite de Heidelberg, se penchant sur les aspects de la traduction independante des langues a mis au point son «modele d'analyse textuelle en traduction)) (1988, 1991). Le modele repose sur l'analyse des aspects extra-textuels et intra-textuels de Taction communicationnelle. II est concu pour reperer les elements fonctionnels du texte source et ceux du texte cible ä produire selon la consigne de traduction. Grace ä la comparaison entre le skopos et les fonctions du texte source avant de commencer ä traduire, le traducteur devrait etre capable de reperer les difficultes susceptibles de se poser lors du processus de traduction et de concevoir ainsi une strategic globale qui lui permettra de surmonter ces difficultes (Nord, 1996). Les aspects fondamentaux de la theorie du skopos (NORD, Christiane : La traduction : une activite ciblee, 2008, p. 44-53) La consigne La consigne etablit les criteres de traduction du texte. La consigne ideale comprend une information explicite ou implicite concerant les finalites du texte cible, le destinataire, le moyen de transmission, le lieu, la date et eventuellement, la motivation de production ou de reception du texte. Voila pourquoi il incombe a celui qui joue le role de donneur d'ouvrage (mais cela peut etre parfois le traducteur) de decider du skopos pour le texte a traduire. II est clair pourtant que souvent, le client et le traducteur doivent negocier pour determinier le skopos, surtout si le client n'a qu'une idee assez vague, voire incorrecte, du type de texte qui convient a la situation donnee. Dans bien des cas, le traducteur experimente est en mesure d'inferer le skopos (implicite) a partir de la situation traductionnelle. Comme l'explique Vermeer (1989 : 183), «sauf indication contraire, nous prendrons pour acquis, dans notre culture, qu'un article technique au sujet dune decouverte astronomique, sera traduit comme un article technique pour des astronomes ... .» C'est ce que nous considerons comme une consigne conventionnelle, puisqu'elle se base sur la presomption generate que, dans une culture donnee, a une epoque donnee, certains types de texte sont normalement traduits selon certaines approches traductionnelles. La correlation etablie par Katharina Reiss entre le type de texte et la methode de traduction (1971) est precisement fondee sur cette presomption. La coherence inter- et intra-textuelle Alors que pour Reiss le texte source doit etre le critere le plus important dans la prise de decisions par le traducteur (Reiss 1988 : 70), Vermeer le considere plutot comme une «offre d'information» a partir de laquelle chaque recepteur choisit ce qui lui semble interessant ou important (Reiss et Vermeer 1984). Ce concept dynamique ne nous permet pas de parler d'un seul sens, pour un seul texte source, qui serait transfere a l'intention de recepteurs dans la culture cible. Conformement a la consigne, le traducteur selectionnera certaines informations de l'offre d'information presentee dans la culture source, afin de formuler une nouvelle offire d'information dans la langue cible, qui servira de point de depart pour la selection, par les recepteurs cibles, de ce qui leur semble significatif dans le contexte de leurs circonstances culturelles. Dans de telles conditions, le processus de la traduction devient un acte irreversible (une retraduction philologique en langue source ne donnerait pas le raerae resultat qu'etait le texte source). Le role du traducteur est de produire un texte qui puisse transmettre une signification aux recepteurs de la culture cible. Le traducteur doit notamment respecter, la regie de coherence intratextuelle qui stipule que le texte cible (translatum) doit etre suffisamment intelligible pour le recepteur et avoir un sens dans la situation communicationnelle et culturelle d'accueil, comme une partie de son monde de reference. D autre part, il doit exister un lien entre le texte traduit et le texte source. Ce lien, Vermeer l'appelle la regie de coherence intertextuelle, ou la la regie de fidelite. La forme de cette coherence intertextuelle sera dictee par l'interpretation que donne le traducteur du texte source et ensuite, par le skopos de la traduction. La coherence intertextuelle est subordonnee a la coherence intratextuelle et toutes deux sont a leur tour subordonnees a la regie du skopos. Si la finalite (skopos) exige un changement de fonction du texte, la norme ne sera plus alors la coherence intertextuelle avec le texte source, mais 1'adéquation et la conformité á la finalité (Reiss et Vermeer, 1984 : 139). Qui plus est, si la finalité exige une /^coherence intra-textuelle, comme dans le cas du theatre de l'absurde, la norme de la coherence intra-textuelle ne tient plus. II faut toutefois noter que le concept du skopos peut s'appliquer non seulement á des textes entiers mais aussi á des segments ou á des elements textuels, tels que les exemples, les notes de bas de pages et les citations. Le skopos de telles unites moins grandes sera parfois different de celui des autres segments textuels ou du texte entier. La culture et la specifické culturelle La definition de la culture proposée par Vermeer met 1'accent sur les normes et les conventions comme aspects les plus importants d'un culture. Selon Vermeer, une culture comprend 1'ensemble des normes et des conventions qui doit connaitre un individu, en tant que membre ďune société, pour étre «comme tout le monde» ou pour pouvoir se différencier des autres membres de cette société. (Vermeer, 1987) Vermeer nomme «culturěmes» les elements spécifiques d'une culture. Le culturěme est un phénoměne social de la culture X que Ton tient comme ayant une certaine pertinence aux yeux des membres de cette culture et qui, si on le compare avec un phénoměne correspondant de la culture Y, est spécifique á la culture X. Le terme «correspondant» veut dire ici que les deux phénoměnes sont comparables dans certaines conditions qu'il est possible de préciser. Par exemple, ils peuvent varier quant á leur forme tout en ayant une fonction similaire ou vice versa (par exemple, to have coffee le matin en Angleterre, et tomar un café en Espagne aprěs le diner, ou le Kaffetrinken en Allemagne, l'apres-midi, et prendre un café aprěs le diner ou á n'importe quel autre moment en France). Un phénoměne culturellement spécifique existe sous une forme particuliěre ou avec une fonction particuliěre, dans une des deux cultures que Ton compare (il peut d'ailleurs exister dans d'autres cultures que celles mises en contact dans une situation de traduction). La traduction implique la comparaison des cultures. Le traducteur interprete des phénoměnes de la culture source á partir de sa propre connaissance culturelle, spécifique de cette culture. Cette interpretation se fait de l'interieur ou de l'exterieur de la culture source, selon la direction de la traduction : vers la langue et la culture maternelles du traducteur ou vers la langue et la culture étrangěres. Nous ne pouvons comprendre une culture étrangěre que par comparaison avec notre propre culture, celle de notre premiere «culturation» (Witte, 1987). II n'existe point de perspective neutre dans cette comparaison. Tout ce que nous observons comme étant different de notre culture sera, pour nous, spécifique á 1'autre culture. Les concepts de notre culture formeront ainsi les points de reference pour la perception de 1'altérité. Qui plus est, notre attention sera focalisée sur les phénoměnes qui seront soit différents de notre culture (la ou nous nous attendions á la similarité) ou bien similaires á notre culture (la ou nous nous attendions á la difference). L'adequation et Téquivalence Aprěs avoir examine plusieurs definitions du concept d'equivalence, Katharina Reiss établit un lien entre celui-ci et le concept hypéronymique d'adequation (Reiss et Vermeer, 1984). II faut remarquer que Reiss emploie le concept d'adequation dans un sens presque contraire á celui qu'il a chez d'autres traductologues. Par exemple, Gideon Toury explique que « cest le respect des normes de la culture source qui determine 1'adéquation dun texte traduit au texte source » {Descriptive Translation Studies and Beyond, Amsterdam & Philadelphia, 1995). Toury cite également la definition d'Even-Zohar : « Une traduction adequate est celle qui arrive á créer dans la langue cible les liens textuels d'un texte source sans pour autant enfreindre le systéme linguistique fondamentale de la langue cible » (Itamar Even-Zohar, article Decision in Translating Poetry 1975, traduction de Toury). Katharina Reiss, dans le contexte de la theorie du skopos, donne au terme d'adequation un sens different. Ladequation fait selon eile reference aux qualites d'un texte cible par rapport ä la consigne de traduction. L'adequation est un concept dynamique qui entretient un lien etroit avec le processus d'action traductionnelle qui comprend « la selection fonctionnelle des signes consideres comme etant appropries ä la finalite communicationnelle teile qu'elle est precisee dans la consigne de traduction » (Reiss, 1989). L'equivalence est en revanche un concept statique lie au resultat de Taction traductionnelle ; Tequivalence decrit un rapport de valeur communicationnelle egale entre deux textes, ou entre des syntagmes, des phrases, des structures syntaxiques etc. L'idee de valeur fait reference ä la signification, aux connotations stylistiques ou ä l'effet communicationnel. Reiss distingue encore entre le concept d'equivalence utilise en linguistique contrastive (focalise sur 1'etude des langues) et en traductologie (qui se focalise sur la parole et les actes de parole, avec la prise en compte de l'emploi des signes linguistiques dans des situations culturelles specifiques). Dans la theorie du skopos, l'equivalence implique l'adequation ä un skopos qui exige que le texte puisse fonctionner de la meme maniere communicative que le texte source, preservant ainsi «l'invariance fonctionnelel entre texte source et texte cible» (Reiss et Vermeer, 1984, et voir aussi les concepts de fidelite et de coherence intertextuelle de Vermeer). Le concept de l'equivalence de trouve ainsi limite ä une «equivalence fonctionnelle», au niveau textuel de ce que Reiss appelle la «traduction communicative». Le role des typologies de texte La typologie de textes de Reiss, introduite des 1968, est basee sur le modele organique des fonctions langagieres propose par le psychologue allemand Karl Bühl er en 1934. Reiss, comme de nombreux autres linguistics et traductologues allemand, fait une distinction entre deux typologies de textes qui se situent ä des niveaux differents d'abstraction. D'une part, les types de textes qui sont classes selon la fonction communicative dominante (le texte informatif, le texte expressif et le texte operatif) ; d'autre part, les genres ou sortes de textes (Textsorten) qui sont classifies selon des caracteristiques ou des conventions linguistiques (par ex. les ouvrages de reference, les cours magistraux, les textes satiriques, les textes publicitaires etc.). La fonction principale des textes informatifs est de donner au lecteur des informations concernant les choses et les phenomenes du monde reel. Le choix des formes linguistiques et syntaxiques est subordonne ä cette fonction. Le choix des formes s'applique egalement aux deux cultures, source et cible. Dans une situation traductionnelle oü les textes source et cible sont du type informatif, le traducteur devra chercher ä representer de maniere correcte et complete le contenu du texte source, se laissant guider, en ce qui concerne les choix stylistiques, par les normes dominantes de la langue et de la culture cibles. Comme l'explique Reiss dans une description plus recente de cette typologie, le texte informatif doit aussi comprendre « la communication purement phatique, oü Tinformation est sans valeur mais oü le message reside dans le processus de communication en tant que tel » (1989). Dans les textes expressifs, Taspect informatif est complete, voire domine, par une composante esthetique. Les choix stylistiques faits par 1'auteur contribuent ä la signification du texte, produisant ainsi un effet esthetique sur le lecteur. Cet effet doit etre pris en compte dans le processus de la traduction. Si le texte cible doit appartenir ä la meme categorie que le texte source (ce qui n'est pas le cas dans les editions bilingues de poesie, par exemple), le traducteur du texte expressif devra chercher ä produire un effet stylistique semblable. Dans ce cas, les choix stylistiques seront naturellement guides par ceux du texte source. Dans les textes operatifs (modes d'emploi, guides d'utilisateur, recette de cuisine etc.), tant le contenu que la forme sont subordonnes ä l'effet extralinguistique que doit produire le texte. La traduction des textes opératifs devra se laisser guider par le but principal, á savoir, susciter chez les destinataires du texte cible une reaction identique á celle des destinataires du texte source, méme si pour ce faire il faudra modifier le contenu ou des elements stylistiques du texte source. Les types de traduction fondés sur les concepts textuels de Reiss (1977) Reiss et Vermeer (1984) établissent une correlation entre concept textuel, type de traduction et visée traductionnelle. Reiss souligne le fait que tout type de traduction (le mot á mot, la traduction littérale ou la traduction philologique) peut se justifier dans des circonstances particuliěres pour une finalité traductionnelle particuliěre ; eile ne cache pas cependant que, pour eile, le type de traduction ideal est le type communicatif. Elle cherche done un texte cible dont la forme linguistique ne trahit pas celle de l'original, mais qui sert des finalités communicationnelles identiques pour devenir un equivalent parfait de l'original, du point de vue syntaxique, sémantique et pragmatique. La traduction documentaire et la traduction instrumentale de Nord (1989) Pour synthétiser les concepts avancés par House et par Reiss, Christiane Nord a propose une typologie des traductions plus élaborée, qui implique une distinction entre la fonction de l'acte de traduction et la fonction du texte cible qui en résulte. Elle identifie deux types fondamentaux de processus de traduction. Le premier vise la production dans la langue cible d'une sorte de document qui tempi gne de (certains aspects de) 1 interaction communicative, dans laquelle un émetteur de culture source entre en communication avec un public de culture source au moyen du texte source, et ceci dans les conditions de cette culture source. Le deuxiěme type vise la production dans la langue cible dun instrument qui doit permettre une nouvelle interaction communicative entre 1'émetteur de culture source et le public de culture cible, en se servant de (certains aspects du) texte source comme modele ou point de depart. Nord différencie alors traduction documentaire et traduction instrumentale (1997). Les formes documentaires de la traduction Dans une traduction documentaire, la fonction principále du texte cible est métatextuelle. Le texte cible témoignera en effet d'un autre texte, ou ďun ou de plusieurs de ses aspects spécifiques. IL existe plusieurs formes de traduction documentaire, selon qu'elles portent sur des aspects différents du texte source. Une traduction documentaire qui se focalise sur les caractéristiques mOrphologiques, lexicales ou syntaxiques du systéme langagier source telles qu'on les observe dans le texte source, est appelé traduction mot á mot ou interlinéaire. Cette forme de traduction est utilisée en linguistique comparative ou dans les dictionnaires encyclopédiques, avec pour but de montrer les caractéristiques structurelles d'une langue par l'intermediaire d'une autre. Si une traduction documentaire est censée reproduire les paroles du texte original par l'adaptation de la syntaxe, des structures et de l'utilisation idiomatique du vocabulaire aux normes de la langue cible, nous pouvons qualifier celle-ci de traduction littérale. Cette forme de traductin est souvent employee dans les cours de langue, pour traduire en discours indirect les declarations d'homes politiques étrangers dans les articles de journaux ainsi que pourl es citations littérales d'ouvrages scientifiques, ou bien, en combinaison avec la traduction interlinéaire, dans les etudes interculturelles lorsqu'il est fair reference á une langue inconnue du lecteur. Si une traduction documentaire reproduit le texte source de maniere assez litterale, mais qu'elle y ajoute les explications necessaires concernant la culture source ou les particularites de la alngue source sous forme de notes en bas de pasge ou de glossaires, nous pouvons la qualifier de traduction philologique. On trouve souvent cette forme de traduction dans la traduction des textes anciens (tels que ceux d'Homere), de la Bible ou de textes de cultures eloignees de celle du lecteur cible. Si la traduction documentaire dun texte de fiction preserve le cadre culturel de l'histoire, elle peut creer une impression d'etrangete exotique ou de distance culturelle pour les lecteurs de la culture cible. On aprle alors d'uen traduction exotisante. La traduction est en ce cas de nature documentaire en ce qu'elle change la fonction communicative du texte source. Ce qui est de nature appellative dans le texte source (par exemple, le fait de rappeler aux lecteurs des phenomenes de leur propre culture) devient alors informatif pour les lecteurs cibles (sert a les renseigner quant a la culture source). Les formes documentaires de la traduction - tab. 1 Fonction de la traduction document dune interaction communicative dans la culture source, a l'intention des lecteurs de la culture cible Fonction du texte cible fonction metatextuelle Type de traduction TRADUCTION DOCUMENTAIRE Forme de traduction traduction interlineaire traduction litterale traduction philologique traduction exotisante Finalite de la traduction reproduction du systeme de la langue source reproduction des formes de la langue source reproduction des formes et du contenu du texte reproduction des formes, du contenu et de la situation du texte source Ancrage du processus de traduction structures lexicales + syntaxiques de la langue source unites lexicales du texte source unites syntaxiques du texte source unites textuelles du texte source Exemple linguistique comparative citations dans des textes journalistiques ouvrages classiques prose littéraire contemporaine Les formes instrumentales de la traduction Le texte qui resulte dune traduction instrumentale peut remplir les memes fonctions potentielles qu'un texte original. Si la fonction du texte cible est identique ä celle du texte source, nous qualifions cette traduction d'equifonctionnelle (Nord). En revanche, s'il existe une difference de fonction entre texte source et texte cible, la traduction sera alors heterofonctionnelle ; enfin, si le Statut litteraire du texte cible dans le corpus des textes de cette culture correpsond au Statut litteraire du texte original ä l'interieur du corpus de textes de la culture source, on parle de traduction homologue. La traduction equifonctionnelle s'applique aux textes techniques, aux manuels destruction pour ordinateur et autres textes pragmatiques tels que les modes d'emploi, les recettes, les brochures d'information touristique ainsi que les informations sur les produits. C'est ce que Reiss décrit comme la traduction communicative, oú les récepteurs ne remarquent pas, ou ne sont mémes pas intéressés de savoir qu'ils sont en train de lire une traduction. Cela ne signifie pourtant pas que tout texte technique doive étre traduit de facon instrumentale. Exemple de traduction équifonctionnelle des interdictions : No entry. Prohibido entrar. Defense d'entrer. Une traduction hétérofonctionnelle sera choisie si la fonetion ou les fonctions du texte original ne peuvent étre préservées dans leur intégralité, ou s'il est impossible de conserver la méme valeur hiérarchique des fonctions pour des raisons de nature culturelle ou ďéloignement dans le temps. Si on traduit par exemple le Gulliver's Travels de Jonathan Swift, ou le Don Quichote de Cervantes, pour les enfants, la fonetion satirique (appellative), devenue d'ailleurs obsolete pour la majorita des lecteurs contemporains qui ne connaissent pas la situation originale, cědera la place á la fonetion ludique dune historie amüsante dans un cadre exoti que. D'ailleurs, le concept ď equivalence dynamique de Nida veut aussi que la fonetion referentielle soit modifiée afin de sauvegarder la fonetion appellative. Dans une traduction homologue, le tertium comparationis entre le texte source et le texte cible représente un certain statut dans le cadre ďun corpus ou ďun systéme, principalement au regard des textes poétiques ou littéraires. Dans ces cas, on pourrait supposer que le texte cible présente un degré analogue ďoriginalité á 1'égard des corpus propres aux deux cultures. Cela signifie par exemple que 1'hexamětre grec ne se traduira pas par un hexamětre anglais mais par des vers blanc ou par un autre metre qui serait aussi connu que 1'était le vers hexamětre dans la poesie de la Grěce classique. Pour Jakobson, les traductions homologues sont une forme de transposition creative. Bien qu'elles soient souvent exelues du domaine de la « traduction proprement dite », dans le contexte du fonctionnalisme elles respectent quand méme un skopos determine et sont tout aussi justifiables que toute autre forme de transfert interculturel. Vues de cette maniěre, les traductions homologues s'opposent aux traductions interlinéaires, qui se trouvent, pour ainsi dire, á 1'autre bout du continuum des relations possibles entre texte source et texte cible. A la lecture d'une traductin instrumentale, les lecteurs ne sont pas censés se rendre compte qu'ils lisent une traduction. La forme du texte s'adapte normalement aux normes et aux conventions de la culture cible en ce qui concerne de type de texte, le genre, le registre et la teneur. II y a les conventions de genre, les conventions stylistiques generates, les conventions du comportement non-verbal et les conventions traductionnelles, qui sont propres á une culture donnéeet peuvent varier done sensiblement d'un pays á Lautre (méme dans le cadre des pays francophones, germanophones, anglophones etc.). Quant aux conventions traductionnelles, donnons un exemple concernant la traduction des noms propres. II existe en effet différentes conventions régulatrices qui régissent la traduction des noms propres. En francais, les noms propres dans les textes de fiction ne servent pas de marqueurs culturels (le nom propre peut done soit rester en allemand, soit étre traduit en francais, Gregor Samsa peut soit rester Gregor soit devenir Grégoire - voir F. Kafka : La Metamorphose), contrairement á ce qui se passe dans la littérature allemande. Dans un roman allemand, le nom Carlos par exemple indique de maniěre conventionnelle une personne d'origine espagnole, tandis qu'un Francais s'appellerait Charles. Mais par contre, dans un roman espagnol, une Allemande peut s'appeler par exemple Federica et son ami francais Carlos, indépendamment du contexte situationnel. Les formes instrumentales de la traduction - tab. 2 Fonction de la traduction Instrument visant une interaction communicative en culture cible, basee sur une interaction communicative en culture source Fonction du texte cible fonction referentielle/ expressive/ appellative/ phatique et divereses sous-fonctions Type de traduction TRADUCTION INSTRUMENTALE Forme de traduction traduction equifonctionnelle traduction heterofonctionnelle traduction homologue Finalite de la traduction Remplir les fonctions du texte source pour le lecteur cible Remplir les fonction similaires ä Celles du texte source Produire un effet homologue á celui du texte source Ancrage de la traduction unites fonctionnelles du texte source fonction transferables du texte source degré ď originalitě du texte source Exemple mode d'emploi Gulliver's Travels traduit pour un public d'enfants la poesie traduite par un poete Une taxinomie fonctionnaliste des problemes de traduction (Nord, 2008, p. 85-87) La traduction fonctionnaliste aborde les problemes de traduction par une analyse descendante (top-down), soit un processus de traduction commencant au niveau pragmatique, pour determiner la fonction recherchee du texte cible (documentaire ou instrumentale). Ensuite, on distingue les elements fonctionnels du texte qui devront etre reproduits tels quels de ceux qui devront etre adaptes au savoir contextuel, aux attentes et aux besoins communicationnels du destinataire ; il faudra egalement tenir compte des contraintes relatives au support et a la deixis. Le type de traduction determinera enfin si le texte traduit doit se conformer aux conventions de la culture source ou a celles de la culture cible en ce qui concerne le style. Le concept de fonctionnalite et de loyaute (Nord, 2008, p. 147-152) Pour Ch. Nord, la responsabilite du traducteur envers ses partenaires dans l'interaction traductionnelle est designee par la notion de loyaute. Cette loyaute engage le traducteur tant envers la situation source qu'envers la situation cible. II ne faut pas confondre la notion de loyaute avec celles de fidelite ou &' exactitude, notions qui se referent generalement a la relation entre les textes source et cible. La loyaute, en revanche, designe une categorie interpersonnelle qui renvoie a un lien social entre des personnes. Le modele de fonctionnalite et de loyaute tient compte des interets legitimes des trois participants de facte traductionnel : l'initiateur (qui veut un certain type de traduction), le recepteur cible (qui est en droit d'attendre une certaine relation entre les textes source et cible), l'auteur du texte source (qui est en droit d'exiger qu'on respecte ses intentions et s'attend done a un certain rapport entre le texte source qu'il a produit et la traduction de ce texte). S'il existe un conflit entre les interets des trois partenaires du traducteur, e'est ce dernier qui doit jouer le role de mediateur et, si necessaire, chercher la cooperation de toutes les parties (et si e'est possible).