Le cheque
Je redoutais le moment du reapprovisionnement. Aux termes d'un accord que Dorado, Chavolo et moi avions passe au debut du chantier, je devais avancer le prix des materiaux. Lorsque j'avals conclu cet agrement, je n'imaginais pas les complications que tout cela engendrerait. Des le premier achat, je compris les raisons de leur embarras.
- II a oublie de remplir le cheque.
- Non, Dorado, je l'ai signe\
- Oui, mais il manque la somme au-dessus.
- Comment voulez-vous que je mette la somme alors que je ne connais pas le montant de vos achats. Vous le remplirez vous-memes.
- Impossible.
- Pourquoi ?
- II sait pas ecrire. -Qui?
- Moi.
- Et Chavolo ?
- Pareil. Ni lire ni ecrire.
- Bon. Vous n'aurez qu'a demander au caissier de 1'entrepot de le remplir.
- II veut rigoler ou quoi? Pour qu'il mette n'im-porte quelle somme et qu'ensuite 5a retombe sur Chavolo et Dorado ?
- Mais comment voulez-vous faire ?
Dorado entreprit de m'instruire. Je devais calcu-ler moi-meme le nombre de metres carres a traiter, noter les quantites de plaques, puis tetephoner au fournisseur, lui demander de m'evaluer au centime pres le montant de la commande et enfin, remplir le cheque et le confier, sous enveloppe, a mes deux ours.
Lorsque je leur remettais ce pli, Chavolo et Dorado souriaient de bonheur comme s'ils recevaient une prime. Ce cheque etait en fait bien plus que cela. II representait une sorte de sauf-conduit qui les met-tait a l'abri d'une humiliation publique a laquelle leur illettrisme les exposait.
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