ses murs, Chavolo, et c'est pas un Rouski de merde qui va venir lui expliquer la vie. - Tiu parrl boucou plakist. Tiu faire mieux de travail. - Oü il a mis les photos Gagarine, hein, oú il les a fourrées nos filles ? - Chierch plou. Sion dans pioubell. Jiété. - Jetées ?! II a jeté les filles ä la poubelle ?! - Quand phiotiou fiam niou insoult diou moi mettre pioubel. Et toi avic si tou continiou. Karla-cho! - Maintenant il menace Chavolo, le pousseur de cable ? Mais Chavolo il va pas se laisser emmerder par un Gorbatchev en soutane. D'abord, ä partir de maintenant, il lui interdit de lui adresser la parole. II veut plus jamais entendre ce putain ďaccent de Rouski sur ce chantier! - Pendant tiou rakont ton histoir avic ta biouch, travail, lioui, avance pas. Le pape Les quelques jours durant lesquels Chavolo et Dorado croiserent Zeitsev furent pour le moins electriques. Je craignais que ces tensions ethniques finissent par d6g£nerer et qu'une bagarre eclate dans la maison. A vrai dire, je ne me souciais guere des blessures que les belligerants pouvaient s'infli-ger. Ce que je redoutais avant tout, c'etaient les dommages collateraux. Les dögäts sur les cloisons refaites ä neuf, les enduits encore frais. On l'aura compris, Zeitsev eltait un catholique for-cene, un catcheur de Dieu. Faire le coup de poing en son nom etait un de ses loisirs preT&es. Zeitsev avait deux idoles: le pape et «padre Piou» comme il disait, en fait le padre Pio, cureton italien, sorte de demi-saint illumine ou quelque chose comme 9a. En fin de soirde, j'avais remarque" que Zeitsev priait sou-vent en travaillant. Aucun son ne sortait de sa bouche, mais ses levres bougeaient ä toute vitesse. Et je le regardais faire. Les mains sur la terre et la tete au ciel. Et moi-meme je croisais les doigts pour que tout cela ne se melange pas, les voies du Seigneur et 95 les fils du salon, que le courant passe, et qu'enfin la lumiere soit. Lorsque Chavolo et Dorado eurent termine leur travail et que, sur le chantier, je me retrouvai seul avec Zeitsev, l'atmosphere changea radicalement. Le moine de Moscou commenca a prendre ses aises et installa petit a petit son attirail religieux. II fixa un crucifix dans le couloir et amenagea dans un coin du salon un petit autel avec une bougie, quelques rameaux d'olivier, deux photos du pape et du padre, et un livre de prieres. Je le trouvais par-fois agenouille\ les mains jointes ou se signant fre-n6tiquement si bien que, de dos, Ton aurait pu penser qu'il tentait de chasser une nuee de mous-tiques. Vepres, marines, complies et je ne sais quoi d'autre. Tout y passait. Evidemment le travail n'avancait pas et le chantier devenait une annexe du Vatican. Chavolo avait vu juste. Zeitsev 6tait mar-teau. Un matin nous eumes une explication. - Monsieur Zeitsev, 9a ne peut plus durer comme ca. Vous passez plus de temps a prier qu'a faire le travail pour lequel je vous ai engage. - Viou pas piouvoir ompeche moi di prier. Cie liberti diou kioult. - Je ne vous empeche de rien du tout. Je vous demande simplement de vous occuper de mon elec-tricite tant que vous etes sur le chantier. Ensuite, libre a vous de vous enfermer dans un monastere. - Viou n'6kioute jami quand je parle, monsieur Tanner. Moi pas viouloir monastire. Seulement faire elektriciSte avec proutiktioun di Diou. - Ce que je voudrais, monsieur Zeitsev, c'est que vous passiez plus de temps a faire des branche-ments qu'a prier. C'est tout. - Monsieur Tanner. Si Diou qui mi don li idee klair. Vous savoir comment je tester courant, au dibiou, quand je commence eliectricitie a Moscou et moi pas avoir boitier kontrol ? Je mettre langue sour li fils dinioude. Parfois quand courant la, moi traverse piece comme fiousee. Mais, tioujiour, Diou protege moi. 96