La quéte Tous les artisans qui se déplacěrent pour établir des devis dans leurs domaines de competence con-firměrent les dires d'Edouard Gomet. Le plus encou-rageant me conseilla de faire un emprunt sur vingt ans. Et lorsque je m'etonnai de l'envolee des sommes que me laissait entrevoir ce dispendieux entrepreneur, l'homme de l'art m'assena d'un ton condes-cendant: «On ne restaure pas Chenonceaux avec un plan épargne logement.» Sans doute avait-il raison, mais á cet instant-lá, dans la pénombre du grand salon, je lui trouvais une petite gueule de gouape, un visage ďassassin. J'eus alors une pensée pour le jeune amant de mon oncle qui, l'esprit libre de toute renovation, devait se consoler de sa perte, allonge sur la terrasse de son appartement maritime, dans les bras d'un assureur sans doute avide et surement musculeux. Les jours suivants se présentěrent toutes sortes de maitres d'oeuvre, maquereaux aux specialisations variées, sou vent plus habiles á faire valser les chiffres que la truelle. Tous me tenaient á peu pres ce langage: «Moi, monsieur Tanner, mon boulot, c'est de trouver des chantiers et de mettre des ouvriers dessus. Chez vous, rien que pour la premiere tranche, il y a du boulot pour cinq types pendant six mois. En gros je vous les facture deux cent cinquante euros la journée, hors taxes, 9a vous va?» Six mois, á mille deux cent cinquante euros par jour. Pas loin de cent quatre-vingt mille euros sans compter les matériaux, les bennes et les écha-faudages. «Tout compris? comptez dans les trois cent mille, trois cent cinquante mille pour étre tran-quille.» La quietude devenait pour moi un luxe effarant, ahurissant, hors de prix. 20