Partie ll-LA BELGIQUE FIN DE SIĚCLE 1) Contexte general et littéraire 2) Camille Lemonnier 3) Le symbolisme C4-C6 C5 : 21/10: conference sur Les aveugles de Maeterlinck (Texte 3) 3.1. Caractéristiques générales et particularités du symbolisme en Belgique 3.2. Les auteurs symbolistes -Emile Verhaeren : la poesie ; -George Rodenbach : le roman -Maurice Maeterlinck : le theatre Texte 4 ; Pelléas et mélisande (1893) Littérature beige I- Le symbolisme 1 3.1. Caractéristiques générales du symbolisme • Courant esthétique aux realisations multiples (litté., peinture, musique) • apparaít en France, autour de 1875-1885. ° En 1886, Jean Moréas: le Manifeste du symbolisme. ° Distance vis-ä-vis du mouvement du Parnasse devient evidente. ° en France, representant le plus célěbre: Mallarmé. • Le symbolisme beige s'affirme dans les années 1890. • Röle de la revue La Wallonie, fondée par Albert Mockel. • Consecration en 1911 (Maurice Maeterlinck regoit le Prix Nobel de littérature) Littérature beige I- Le symbolisme 2 Caractéristiques du symbolisme Inspire par le romantisme, mouvement qui valorise tout ce qui est caché/non visible dans le langage ou dans la réalité. Mise en evidence de I'idee des choses, par des images ou symboles permettant de traduire des réalités non atteignables autrement. Recurrence des formes d'existence comme la mort, le réve, les hallucinations, la folie, les états mélancoliques -> tout ce qui suppose une sorte de « communication particuliěre ». personnages aveugles ou muets sont aussi nombreux (idée ďune sensibilitě speciále) Littérature beige I- Le symbolisme 3 Sur le plan de I'ecriture ° Importance du travail sur le langage: suggerer et non dire explicitement, utiliser des formules complexes ou des images simples renvoyant a des realties abstraites. ° Refus de I'allegorie (vue comme trop automatique et utilisee), on lui prefere le symbole, plus flou. ° Expressions de la surprise (dialogues des personnages) Litterature beige I- Le symbolisme 4 Les raisons du succes des pymbolistes beiges J • Aisance materielle (ecrivains rentiers : ils n'ont pas besoin de travailler) -> possibility de prendre des risques esthetiques, se consacrer a I'ecriture litteraire; etc. • Dialogue avec les symbolistes frangais. D'ou une assez rapide reconnaissance parisienne. • Sur le plan des formes travaillees, les choix se revelent payants: en choisissant de travailler des genres qui ne sont pas prises par les symbolistes frangais : le roman et le theatre. (Pnenomene nomme « dysfonctionnement generique » = Pratiquer un genre peu developpe par les ecrivains frangais comme une maniere de se singulariser. (Paul Aron)) Litterature beige I- Le symbolisme Bonne connaissance de la Philosophie allemande. Apport integre dans le symbolisme beige. Synthese et reprise du mythe nordique: identifiable dans cet apport intellectuel et dans l'ecriture (images, ambiances, descriptions) Mais pas vraiment de reference ä des espaces determines (ou quand c'est le cas, espace desincarne). (Innovations nombreuses sur le plan stylistique : hypercorrectisme, tendance au mutisme (Maeterlinck), dereglement syntaxique, importance du metadiscursif dans la narration (Rodenbach) (cf. JM Klinkenberg, B. Denis, La litterature beige, p. 133-135.)) Litterature beige I- Le symbolisme 6 2.2. Deux grands ecrivains symbolistes 2.2.1. Maurice Maeterlinck : theatre et poesie NeäGand (1863-1949) . Commence ä publier des poemes en 1885, dans la revue La jeune Belgique. Premier recueil de poesie (Serres chaudes) contient dejä la vision du langage symboliste qu'il veut developper. Rejoint Paris oü il frequentera des ecrivains comme Mallarme 1890: Mirbeau ecrit un article elogieux sur La princesse Maleine. 1911: Prix Nobel de litterature Litterature beige I- Le symbolisme Caractéristiques générales (écriture, thěmes) • Rapport complexe au langage. • Dans Le cahierbleu (notes de travail), identifie le frangais á une langue qui reste séparée des idées, de 1'áme du monde; sentiment de distance entre les mots et les choses qiTil rapporte au frangais. • Théorie de la germanité, qu'il reprend: une interprétation frangaise de la spécificité belge comme une union entre la germanité (romantisme, idealisme, mysticisme) et la romanité (rationalisme, ordonnancement). Littérature belge I- Le symbolisme 8 Texte 3 ; Les Aveugles Thěmes abordés durant conference du 21/10 Plusieurs lectures possibles: niveaux distincts Des thématiques récurrentes dans ľoeuvre de Maeterlinck ° omnipresence de la mort • maladie, fatalitě, presence invisible mais « pergue » par les aveugles ° notion d'enfermennent • -dans un lieu clos (ile, piece, hospice, situation inextricable) -dans une absence de vision ° communication avec ľextérieur • Le langage: dialogues ne se répondant pas, repetitions, hesitations, non-dits, phrases non terminées. La vision: hierarchie dans ľabsence de vision , opposition ombre/lumiěre non pergue par les aveugles. -> ce que peuvent le langage et la vision " peg dechoses. 11 ^ ^ Littérature beigeT-Le symbolisme Une dramaturgie particuliěre ° Le drame statique: • Personnages enfermés • Peu de mouvements, passivité • // avec la fatalitě de ľexistence, le tragique ° Le théätre ďandroíde • Éviter les interferences de ľacteur avec le personnage -> éliminer le facteur humain pour ne viser que ľessence du personnage, les ombres, les idées. • Des androídes pour interpreter les personnages? Littérature beige I- Le symbolisme Texte 4 : Pelléas et Mélisande Créée á Bruxelles en 1892. intrigue trěs simple : une histoire de mari jaloux, trompe, puis meurtrier. • thěme inspire de I'histoire de Tristan et Yseult: tněme de I'amour interdit, mais en méme temps pur et innocent Questions: quid des thématiques suivantes? a -presence de la mort H -possibilités du langage o -possibilités de la vision o -configuration de I'espace et connotations associées á celui-ci Littérature beige I- Le symbolisme Presence de la mort ° Presque tous les personnages sont ä un moment ou I'autre, mis en relation avec la mort (Marcellus, le pere, Golaud, Pelleas, Melisande (ll-IV). De maniere generale, la mort contamine l'atmosphere et les lieux entourant les Dersonnages : les lezardes du chateau (III, sc. 3) ; 'absence de soleil, la famine qui ravage le pays, odeur de la mort (III, sc. 3,) mort des moutons qui vont a I'abattoir. etc.) °L'insistance sur la vision ° son impuissance ä comprendre les choses : roi presque aveugle (II, 1), il fait toujours sombre, les personnages perdent des objets, evoluent dans des grottes ou des forets denses. Personnages ont un rapport ambivalent ä I'ombre/lumiere (I, 4) : parfois souhait de se trouver ds la lumiere, parfois souhait de se cacher. Motif de la vision deleguee et de la description par autrui (comme dans L'intruse : le petit Yniold qui decrit aJ3olaud.1fin acte III.) ~ ~ TitteraTureDelge I- Le symoolisme ' difficulté ä communiquer (489 points de suspension et 232 points d'exclamation. La Belgique fin de siěcle, p.787.). Le langage n'arrive pas ä cerner la pensée et se manifeste par morceaux incomplets et parfois énigmatiques (images, etc). Personnages de deux types, soit PASSIFS, toujours un peu malades, päles, victimes (Pelléas et Mélisande) ; soit ACTIFS, forts mais en merne temps tortures par cette force, ce pouvoir (Golaud) Mélancolie comme une maladie d'exister, impression de ne pas exister complement, perte du sentiment de réalité du corps Littérature beige I- Le symbolisme 1 Drame statique, peu de mouvements (personnages immobiles, passifs et receptifs ä I'inconnu). Tragique quotidien : pas d'heroTsme, le simple fait de vivre est tragique. Parle de la douleur ordinaire d'exister tragique grec : un heros aux prises avec son destin qu'il doit affronter). Ce tragique-ci: les heros face ä destin funeste qui n'est pas clair, destin qui reste incertain (ä part certitude de la mort), idee qu'on ne sait jamais vraiment ce que I'Autre attend de nous. (Ex. Golaud tue Pelleas, parce que c'est ce qu'il pense devoir faire en pareil cas, mais n'en a pas I'air tres certain). Litterature beige I- Le symbolisme 14 • Presence récurrente ďéléments symboliques: I'eau (symbole de vie, de purification, de renaissance), la forét (lieu inquiétant mais aussi sacré: culte des druides, origine germanique), le cercle (1'anneau, la couronne : symboles de puissance et ďunion). Littérature beige I- Le symbolisme 15 Extrait 1 scene 1-2 Le langage ° Exclamations et hesitations: perso. semblent n'arriver jamais a dire rjrecisement ce qu'ils veulent, incapacity du langage a exprimer les etats des personnages ( sc. 2: je ne peuxpas vous le dire). ° Indetermination (Je me suis enfuie, perdue, je viens de loin d'ici: M ne repond jamais aux questions de P.) ° Nombreuses repetitions: les personnages repetent les repliques des autres personnages comme un echo (sc. 2 : ne me touchez pas-je ne vous touche pas), Les personnages ° Attitude de surprise (sc, 2 Oh ! vous etes belle, puis plus loin : pourquoi avez-vous I'air etonne ? Vous etes un geant ?). Insistance sur la vision, la decouverte de ce que Ton voit, meme de maniere retarde « ye regarde vos yeux, vous ne fermez jamais les yeux ? ») ° Inconscience de ce qu'ils font (sc 2: Je n'en sais hen moi-meme, ou allez-vous ? je ne sais pas..). Meme apres qu'il I'a epousee, Golaud ne connait rien de la vie de Melisande. mettre en relation avec I'idee de fatalite, d'impuissance devant le destin et de relative passivite face a cette impuissance. ° Idee du tragique, du personnage-victime (Melisande) Litterature beige I- Le symbolisme 16 Extrait 2 : acte V, sc. 1 (827) Personnages des servantes, recit de l'arrivee de M. blessee et de Golaud qui vient de tuer son frere. Servantes ä comparer avec le choeur des aveugles : notion de dialogue incoherent, repliques absurdes, repetitions multiples. * Notion d'impossibilite ä communiquer: « on ne peut pas parier », « on n'entend plus ce que Ton dit », « tout le monde le sait mais personne n'ose en parier » ä opposer avec le bruit des enfants qui jouent dehors, qui se taisent brusquement vers la fin de la scene, au moment ou elles montent pour assister ä la mort de M. ° Silence porte ä un premier niveau sur le sort de Pelleas et le crime de Golaud, ä un deuxieme niveau, sur la mort en general « on ne saura tout cela qu'au dernier jour ». les repliques ne se repondant pas (äp de « je n'ose plus dormir ici ») chaque personnage soliloque, pas vraiment de dialogue, rebondissent de tps ä autre s/ une des repliques mais pas de fil suivi, pas de coherence. Le langage tourne ä vide Litterature beige I- Le symbolisme 17 * Presence des enfants : Les enfants chahuteurs se taisent a I'approche de la mort. Dans un autre scene, c'est le petit Yniold qui decrit a Golaud ce qu'il voit (III, sc. 5). La fille de Melisande est souffreteuse (« une fille qu'un pauvre ne voudrait pas mettre au monde », « une petite figure de cire ».) A la fin, reprend le role de Melisande (« il faut qu'il vive maintenant, a sa place... C'est au tour de la pauvre petite »). -> signe que sa destinee sera sans doute aussi tragique que celle de M. Theme de I'innocence associe a celui de I'enfance : M. est plusieurs fois qualifiee d'enfant par Golaud. Les moutons qu'on mene a I'abattoir « pleurent comme des enfants ». (Ill, sc. 4) Litterature beige I- Le symbolisme 18 2.2. Deux grands écrivains symbolistes 2.2.2. Georges Rodenbach: le roman • Gand (1855 -1898) fréquente Emile Verhaeren dans sa jeunesse. étudie le droit puis commence á écrire de la poesie. • Aprěs un premier séjour á Paris et des recueils de poésie; revient á Gand et écrit dans des revues comme La jeune Belgique. • fréquente Camille Lemonnier et donne des conferences sur Schopenhauer. • 1888: s'installe définitivement á Paris et commence á écrire des romans, des nouvelles et des contes. • Parmi ses romans les plus connus: Bruges-la-morte, Le carillonneur. Littérature beige I- Le symbolisme 19 • Thématiques de predilection: l'art, la mort, le silence et la mélancolie (parfois jusqu'au cliche). Mais ses romans présentent une tension dans I'enchainement des faits, tension qui rend ses récits trěs efficaces • Caractéristiques oppositions, des analogies entre deux niveaux de réalité ou deux réalités qui peuvent se confondre et s'opposer en méme temps.(cf figure de I'analogie). • dimension spirituelle : I'ambiance religieuse, les personnages vivent des drames spirituels(peur du chätiment, revoltě contre le sentiment religieux en méme temps que crainte, etc). Ces drames sont redoubles par des drames dus ä la passion amoureuse ou ä la mélancolie. • mélancolie et états morbides atmosphere et influence du lieu: les elements qui composent le mythe nordique : beffrois, villes grises, pluvieuses, architecture religieuse, etc. Littérature beige I- Le symbolisme 20 Synthese sur le symbolisme [Rodenbach et Maeterlinck) ° □ Dans la forme: Usage appuye de la ponctuation : mise en evidence de 'etat de stupeur, de surprise des personnages ; le ressenti et la subjectivity des personnages sont essentiels. Btyle lyrique, poetique : usage d'une langue classique ; descriptions poetiques utilisant les figures de style Ltilisees par les poetes romantiques ou symbolistes + presence appuyee des figures de I'analogie. Littérature beige I- Le symbolisme Dans les themes • Presence de la mort: rode autour des personnages, contamine I'environnement (dans Pelleas...). • Fascination pour la femme decrite en des termes (chevelure, blondeur, associee a I'element aquatique et a la mort) qui rappellent • - les primitifs flamands (ex. dans Bruges la morte) • - la figure d'Ophelie (representation reprise dans de nombreux tableaux ou poemes, notamment dans le courant symboliste). • Melancolie : la perte d'un etre cher/d'un objet cher qui affecte le personnage jusqu'a capter toute son energie et le rendre malade (ou folie, mort). Litterature beige I- Le symbolisme 22 Vision et communication : impuissance de la vue, impuissance du langage (comparer Les aveugles avec Pelleas... les descriptions, de ce qu'on ne voit pas, faites par une tierce personne). Influence du milieu ambiant sur les personnages, en particulier les personnages qui montrent une predisposition pour cela (les personnages sensibles, passifs) Litterature beige I- Le symbolisme 23 " 11 _ y Le symbolisme par rapport aux WM thématiques du cours (( • Inscription dans le territoire ? x^-^* Chez Maeterlinck : toponymie imaginaire (le royaume d'Allemonde, etc.), de méme, les patronymes des personnacjes ne permettent pas de leur donner une nationalite precise). MAIS presence ďéléments du paysage qui renvoient á 1'idée de germanité, de mythe nordique (grande forét, chateau fort, mer, climat pluvieux). •Rapport á 1'histoire ? • L' Histoire : peu présente. Impression ďintemporalité, de flou temporel récurrente chez les symbolistes. Peu ďéléments matériels permettent de dater 1'intrigue • Le temps interne: sentiment du temps imprécis et insignifiant chez les personnages: dans Pelléas et Mélisande, Golaud épouse Mélisande et ne sait toujours rien d'elle six mois plus tard. Littérature beige I- Le symbolisme 24 La question de la langue • Á part les elements relevés plus haut (usage intensit de la ponctuation ; procédé du commentaire méta-textuel ou du monologue intérieur), les auteurs adoptent un style classique. La langue et le style ne sont pas utilises comme instrument ďaffirmation ďune singularitě (pas de subversion de la norme comme chez De Coster par exemple, pas de belgicismes). Ici, utilisation ďun frangais norme, assez comparable á celui des symbolistes frangais. Dimension picturale • Présente dans la maniěre de représenter les personnages féminins (Ophélie ; peintres flamands). Également présente dans la definition du symbolisme et les procédés stylistiques utilises (établir des analogies entre des états ďáme et des elements du paysage). Chez Rodenbach : presence d'un champ lexical des couleurs et des techniques picturales dans le texte + presence d'illustrations pour accompagner le texte Littérature beige I- Le symbolisme 25 Maeterlinck a developpe I'aspect pictural de ses textes par une organisation des pieces en scenes parfois tres statiques (impression de tableaux vivants) et a prevu des mises en scene pour ses pieces (reflexion sur les impressions visuelle voulues pour la mise en scene). Le symbolisme se construit et se definit dans un rapport permanent avec I'image (essentiellement la peinture: nombreux echanges et collaborations entre les peintres et les ecrivains.) Litterature beige I- Le symbolisme 26