PAUL-MARIE LAPOINTE Né ä Saint-Félicien (Lac-Saint-Jean) err 1929, Paul-Marie Lapointe étudie ä Chi-coutimi puis a TEcole des beaux-arts de Montreal. Sans connaitre encore le groupe des automatistes qui signera Refus global, il écrřt Le vierge incendié (1948), recueil dun surrealisme provocant, redécouvert vers 1970. Journaliste i partir de 1950. il sera rédacteur en chef du magazine Maclean puis directeur de service á Radio-Canada. Rassemblée dans deux retrospectives aux Editions de I'Hexagone, Le reel absolu (197 \) et L'espacede vivre (2004). I'ceuvre de Lapointe est lunedes plus riches de la poesie québécoise contemporaine. A I'epoque de la Revolution tran-quille, Lapointe se reclame ďune poétique américaine inspirée du jazz, dans Choix de poěmes/Arbres (1960) et Pour les ames (1965). Experimentale et ludi-que dans écRiturEs (1980) et Le sacre (1998), meditative et marquee par 1'art ancien (égyptien, mexicain) dans Tableaux de l'amoureuse (1974) et Espéces fragiles (2002), la poesie de Lapointe accueille aussi bien la fěte érotique que l'inter-rogation sur le destin de l'homme et sur l'histoire. Tradurt dans plusieurs langues, Lapointe a recu en 1976 le prix de International Poetry Forum, aux Ětats-Unis. et. en 1999, le prix Giltes-Corbeil pour ['ensemble de son ceuvre. Je suis une main qui pense a des murs de fleurs a des fleurs de murs a des fleurs mures. C'est pour regarder la vie que je lis interminablement le cristal du futur de cristal Le reservoir du cendrier pourquoi des villes de cafe" y surgir? des plantations de pauvres gens soleils de fagots fertiles violoncelles senteur de mauves C'est en songeant a constjuire un verger de freres que pour pleurer je descends mon bras que je mets ma vie dans mes larmes Les grands chateaux poires pourries avec quoi des vieillards ä femmes mutuelles iapident leurs vacheries les eglises de faux sentiments Pecrouleraent des cadavres les haines dans les schistes seculaires. Quand le marteau se leve quand les bfichers vont flamber noir sur le peuple determine Les cadavres purifies par le feu et le fracassement des cranes de be"ton L* horizon que je vols libere par Famour et pour l'amour. Le vierge incendii Crane balaye" rose, je vais partir dans la barque du cheval. Mes saintes a la riviere d'horloge vont somnoler de la plus Sere dtreinte des engrenages. Je vous laisse mon cendrier, les blancs de cerose, et mon col de veston. Les poissons rouges ont leur nez sur la vitre. Quant a moi j'ai deja trois fils a la proue d'dtoi-les de mer. Les boussoles fleurissent a l'automne proche. Main-tenant un long vieillard se penche sur mon oreille. Le bruit de la neige sur les regards dteints se nourrit de paupieres, 6 si douce, avec la plante du pied dans mes cheveux. Nous ne retrouverons jamais la vasque aux barques de melon. D faut tenir la mer a nos epaules; le rouge exhilarant au plus orageux de notre nuit de petits nuages. Le vierge incendii kimono de fleurs blanches de fleurs roses la nuit porte des oranges dans tes mains je voudrais que nous mourions comme le jour puisque jamais nous ne pourrons retrouver ce petit cab qui nous menait dans le fond de la mer bouche de twite rouge repaire parfume dans les coraux et les e'ponges qui nous 300 301 dans leur ombre la f aim sommeille et le sourire multíplie ses feuilles Choix de poémes/Arbres LE TEMPS TOMBE (Ja terre nous menace au coin de la rue, chaque midi, lc nieme visage repu l'assurance des difilds les fanfares et le trou an cceur de tous les morts...) le temps tombe families giboulées passereaux le temps tombe une tribu perdue remonte ä la surface enfants des pyramides du soleil amphores de poussiere mai's et fourrures falaise des morts (falaise comme ruche d'oü s'envolent les ämes gorge'es des necrophages les blancs) famille stupeTaite le temps tombe abénaki maya negre de birmingham ámes civiles de mes morts sauvages colěre inhumée dans le fumier des chevaux de proie dans la connaissance des soldats et des saints dans les frégates armées pour la pámoison d'une infante et le pathos d'un hommage au soidat inconnu le temps tombe dans le mois du saumon s'installent les villages les marries les pecheurs a la ligne les capitales polies de main de mort le temps tombe galěres négriers atahuallpa sauvages presents anéantis (cendrillon palpite dans la soie ses trois repas son prince ů sommeil tranquille planéte rondě oů s'étreignent les maisons con-formes au jour le jour víenne le repos définitif) le temps tombe les petits hommes de préhistoire circulcnt entre les buildings dans la pluie chargée de missiles le temps tombe espece satisfaite Pour les antes EPITAPHE POUR UN JEUNE REVOLTE tu ne mourras pas un oiseau portera tes cendres dans 1'aile ďune fourrare plus étale et plus chaude que 1'été aussi blonde aussi folie que 1'invention de la lumiěre 30& 309 entre ies mondes voyagent des tendresses et des coeurs des hysteries cajolantes comme la fusion des corps en eux plus lancinantes comme le lever et le coucher des astres comme 1'apparition d'une vierge dans 3 a cervelle des miracles . 1 tu no mourras pas \in oiseau nidifie ton coeur plus intense que la bruise d'un 6ts. quelque part plus chaud qu'une savane parcourue par ]'oracle pJus grave que le peau-rouge et V incandescence (les ames miroitent pardculierement le soir entre chien et loup dans la paleur des lanterries dans 1'attisement des fanaux dans l'eblouissemetit d'ujie ombre au midi du sommeil) tu ne mourras pas quelque part une ville gdee helera ses cabs une infanterie pacifique pour murir les reeoltes et le sang circulera m£me t it re: que les automobiles dans le beton et la verdure tu ne mourras pas ton amour est e"temel Pour les dme$ HIBERNATIONS i je laisse en toi voler des oiseaux blancs peu d'oiseaux sont blancs outre les colombes sinon d'avoir ve'cu l'hiver planted comme des croix dans l'espace un deploiement de secberesse et de frissons aussi e'tranges que la neige a-t-elle aulre souci que de se poser sur nous les villages les cages entre les pierces les brindilles sculpte'es par le vent nos morts ne s'envolent pas sinon en nous-memes comme les enfants que nous avons et qui fraient leur chemin dans j.' Lmerieur oiseaux blancs aériens ossements Pour Us ámejs ICBM (Intercontinental Ballistic Missile) chaque jour étonné tu reprends terre cette nuit n'etait pas la demifere mais le brontosaure mais César mais Tinea mais le Corbeau te guette monde mou 310 311