32 Proposition 20.4 C o n c l u s i o n : toutes les creations du langage, qu'elles soient lexicales ou non, stylistiques ou non, latines ou non, sotit imitables, c'est-ä-dire empruntables. Cette unite est une des car acter istiques fundamentales qui distinguent l'Ecole des niolin-guistes des differentes autres icoles'meritoiresquil'ontpricedde. C'est pricisiment de cette unite1 et de ces dualismes que proviennent des consd-quences thioriques et pratiques differentes: v. Introd., ll.cc. et Schrijnen, Handleiding2, pages 105—108 (Schrijnen—Fischer, Einführung, -pages 99—102). D'autre part, nos maitres aussi ont raison quand ils pensent que les innovations lexicales sont plus frequemment empruntees que les innovations grammaticales : v. Introd., page 96. Dr. F. HESTERMANN, Hamburg. Proposition 21. Typwörter suchen ist ein Provisorium. Das Ausschlaggebende ist die Auslese der Typwörter. Aber gerade Typwörter dürfen nicht solche sein, die leicht der Abwanderung unterliegen, denn dann sind sie ja eben keine Typwörter mehr, mit deren Hilfe man einen Dialekt oder eine Volksgemeinschaft herstellt.',Auf Karten mag man besonders die linguistische Bodenständigkeit als Mittel- oder Ursprungsgebiete betonen, falls sich an einer Stelle das Wort als etymologisierbar erweist. Fragebogen können hier keine indigenen Texte ersetzen, sondern nur dazu antreiben letztere zu heben. Aus exotischen Sprachen sollte man nicht nur Texte nach Europa bringen, da oft wesentliches übersehen wird, weil es in den Texten zufällig nicht oder nur selten vorkommt. Erzählungen kennen fast nur dritte Einzahl oder Mehrzahl Präteritum, Dialoge fast nur zweite Personen. Man sollte möglichst schon an Ort und Stelle die Grammatik im Groben herzustellen suchen. Man sollte auch wissen, mit welchen Völkern man dort sprachlich verkehrt, welche die Sprache noch reden, ob sie schlecht reden, welche man nur schlecht verstehen kann. Die Lexikographie ist eine heikle Sache. Wie stellt man ein Wörterbuch her, alphabetisch oder wurzelhaft ? Wenn man auch nicht ganz der Ansicht sein kann, dass es überhaupt keine feste Form für ein Wort gibt, so lassen sich in manchen, Sprachen die Wörter nicht isoliert von den Possessiven geben, um so weniger, wenn bei jedem Präfix die Form sich ändert. Man müsste also hier etwa zu Sätzen kommen, die besagten, dass etwa der 'Plural' die .Wurzelform' gibt oder ihr nahekommt. Induzierendes und Induziertes könnte also nur provisorisch oder relativ gegeben werden. IV. Quelles sont les méthodcs les mieux appropriées á un exposé complet et pratique de la grammaire ďune langue quelconque ? ROMAN JAKOBSON, Prague ; S. KARCEVSKY, Professeur adjoint á l'Universite de Geneve ; PRINCE N. TROU-BETZKOY, Professeur á l'Universite de Vienne. Proposition 22. Toute description scientifique de la phonologie ďune langue doit avant tout comprendre la caractéristique de son systéme phonologique, c.-á-d. la caractéristique du repertoire, propre d cette langue, des differences significatives entre les images acoustico-motrices. Une specification plus détaillée des types de ces differences est Ires desirable. II est surtout utile d'envisager comme une classe á part de differences significatives les correlations phonologiques. Une correlation phonologique est constituée par une série d'oppositions binaires définies par un principe commun qui peu't étre pense indépendamment de chaque couple de termes opposes. La phonologie comparée a a formuler les his generates qui régissent les rapports des correlations dans les cadres d'un systéme phonologique donné. L'antinomie de la phonologie synchronique et de la phonétique diachronique se trouverait étre supprimée du moment que les change-ments phonétiques seraient considérés en fonction du systéme phonologique qui les subit. Le probléme du but dans lequel ces changements ont lie%i doit étre posé. La phonétique historique se transforme ainsi en une histoire de Vévolution d'un systéme phonologique. D'autre part, le probléme du finalisme des phénoménes phonétiques fait, que dans Vétude du coté extérieur de ces phénoménes, c'est Vanalyse acoustique qui doit ressortir au premier plan. Argumentation. La these de F. de Saussure définissant la langue comme un systéme de valeurs relatives est presque généralement admise dans la linguistique contemporaine. Cependant on n'a pas été assez consequent pour en tirer pratiquement toutes les conclusions. La phonologie synchronique d'une langue se borne, dans 3 v 34 la plupart des cas, á caractériser les sons au point de vue de la production et sans tenir compte de leur role dans le systéme pho-nologique. Ainsi les differences significatives ne sont pas suf-fisamment délimitées en elles-mémes et distinguées des differences extragrammaticales (c.-á-d. combinatoires et extérieurement motivées, ou bien stylistiques et, comme telles, relevant de systěmes fonctionnels différents). Pourtant cette delimitation méme ne suffirait pas non plus : il serait nécessaire de specifier les types de differences phono-logiques significatives. II y a deux types fondamentaux de differences entre les images acoustico-motrices. Ce sont — pour nous servir de termes empruntées á la logique — les differences entre les images Msjointes et les differences entre les images correlatives. Si les sujets parlants sont conscients ďune correlation entre les images, ce n'est que grace á fe. presence dans leur systéme phonologique ďune série ď oppositions binaires du méme type. Dans ces conditions, la pensée linguistique est á méme ďabstraire le troisiěme terme (ou terme de comparaison) des couples con-crets ; ďautre part, le substrát commun aux deux termes de chacun de ces couples se laisse aussi abstraire, et forme ainsi une entité réelle dans le systéme phonologique donné . En voici quelques exemples. Le systéme phonologique du russe comporte les correlations suivantes : « consonnes sonores — con-sonnes sourdes », « consonnes molles — consonnes dures », « voyelles á accent dynamique — voyelles sans accent ». Le systéme phonologique du tchěque comporte les correlations suivantes : « consonnes sonores — consonnes sourdes », «voyelles longues — voyelles bréves». En plus des correlations propres au tchěque le serbe littéraire comporte celles-ci: « voyelles á accent musical — voyelles atones », « voyelles accentuées á fintonation montante — voyelles accentuées á intonation descendante ». II est surtout important d'envisager les correlations comme un type particulier de differences phonologiques, parce que certaines de ces correlations se trouvent entre elles dans des rapports régu-liers, c.-á-d. que 1'absence de telle ou telle correlation dans un systéme phonologique donné est réguliěrement liée soit á 1'absence soit, au contraire, á la presence d'une autre correlation [pans le méme systéme. Ainsi: si dans un systéme phonologique la correlation «longueur — briěveté des voyelles » manque, il y man-quera également la correlation : «telle direction — direction contraire de l'intonation des voyelles »; s'il y manque la correlation «telle direction — direction contraire de l'intonation des voyelles», il y manquera également la correlation «accent musical — atonie » ; s'il y existe la correlation « accent dynamique — absence ďaccent », il y manquera la correlation «longueur — briěveté des voyelles » ; s'il y existe la correlation « accent musical — atonie », il 35 y manquera la correlation « caractěre mou — caractěre dur des consonnes». Cette régularité des rapports de correlations, suf-fisamment explicable au point de vue psychologique, est un des facteurs les plus importants des changements phonétiques : la perte ou l'apparition d'une correlation impose souvent la nécessité de "j*- reconstruire radicalement le systéme phonologique. Et c'est ainsi que du domaine de la synchronic nous passons dans le domaine de la diachronie. Du moment que nous acceptons que dans la synchronic les elements ďun systéme linguistique donné doivent étre appréciés sous Tangle des fonctions qu'ils ont á remplir, nous sommes forces ďabandonner l'orniere des « Junggrammatiker » dans la linguistique diachronique également. La conception selon laquelle les changements phonétiques sont fortuits et involontaires et que la langue ne prémédite rien, nous nous faisait represent er la pho-nétique historique d'une langue, comme une suite de troubles et de destructions aveugles causes par des facteurs extrinsěques du point de vue du systéme phonologique; ces actions désordon-nées ne seraient que des cambriolages fácheux et dépourvus de tout but. La doctrine de F. de Saussure contamine et la conception en question et une facon téléologique de traiter la phonologie syn-chronique. Elle ne laisse par consequent á la collectivité des sujets parlants qu'a trouver un sens á 1'état de désordre, dans lequel ils se trouvent á un moment donné, en 1'interprétant comme un systéme ordonné. Mais, en réalité, le role de la collectivité des sujets parlants est beaucoup plus actif, alors que la portée des « cambriolages phonétiques » dans 1'histoire de la langue est beaucoup plus limitée. Partout, oú un proces destructif a eu lieu, il est nécessairement suivi ďune reaction active. Et tout comme au jeu ďéchecs la perte ďune piece provoque souvent toute une série de déplacements de la part du joueur menace, en vue de rétablir 1'équilibre, de rnéme dans une langue donnée, on a besoin de toute une série ďinnovations phonétiques visant á restabiliser le systéme phonologique. II arrive, aussi bien á la collectivité des sujets parlants qu'au joueur ďéchecs, de recourir á des procédés qui, tout en sauvant la situation sur un point, risquenť ďentraíner des consequences désastreuses sur ďautres points du systéme. L'analogie saussurienne entre la langue et le jeu ďéchecs peut L-. étre poussée jusqu'au bout. II existe des changements linguis- tiques qui, pareillement aux déplacements dans le jeu ďéchecs, ont «l'intention ďexercer une action sur le systéme». Quand on étudie les changements phonétiques ďune langue, le premier probléme qui se pose, c'est de savoir á quel point et dans quel sens ils visent et atteignent le systéme phonologique; en ďautres termes : sont-ce les differences significatives ou bien i a T 36 I les elements extragrammaticaux seuls qui en, sont affectés ?! et, si ce sont des elements significatifs, lesquels ? ; des correlations ou bien des differences entre les images disjointes ? telle difference est-elle supprimée ? deux differences sont-elles fondues ensemble ? une nouvelle difference phonologique a-t-elle surgi ? ou bien est-ce la nature particuliěre d'une difference déja existante >-qui est modifiée ? est-ce une limite entre deux valeurs phonologiques qui s'est déplacée dans les cadres d'une méme difference ? etc. C'est la question du but ďun événement phonétique qui s'im-pose de plus en plus au linguiste, ä la place de la question tradi-tionnelle des causes. Ce n'est pas en renoncant á la notion de «loi phonétique » qu'on dépasserait la tradition des « Junggrammatiker », mais bien en interprétant cette notion téléologiquement et en en abandonnant la conception mécanistique. C'est, en parti-culier, dans la mesure oú les changements phonétiques ont été • traités sans consideration du systéme phonologique qui les subit qu'on n'est pas arrive ä atteindre les loís de la phonétique generale. ' En mettant au premier plan le probléme des tendances et des buts des faits phonétiques, la linguistique sera de plus en plus < obligee de traiter ces phénoměnes au point de vue de l'acoustique, car c'est précisément l'image acoustique et non l'image motrice qui est visée par le sujet parlant et qui constitue le fait social. CH. BALLY et ALB. SECHEHAYE, Geneve. Les quelques notes groupées ici en réponse ä la question pro-posée par le Congrěs, precedent d'une interpretation que nous espérons correcte des mots «complet » et «pratique». Nous ne pensons pas qu'un exposé complet doive étre une enumeration exhaustive de tous les elements ďun systéme linguistique, mais un tableau schématique oú rien d'essentiel n'est omis, oil tous les traits caractéristiques sont mis en valeur et permettent de suppléer aisément les details accessories. D'autre part nous en-tendons le mot «pratique» dans un sens plus didactique que pédagogique : il ne s'agit pas d'indiquer les moyens les plus propres ä enseigfier la grammaire d'un idiome, mais de fixer les principes scientifiques permettant de pénétrer dans le systéme de la langue. Le probléme ainsi délimíté, nous nous sommes demandé comment les doctrines de 1'école genevoise de linguistique pourraient contribuer ä sa solution. Les remarques qui suivent sont done inspirées soit par le Cotirs de Linguistique Generale de Ferdinand de Saussure, soit par celles de nos publications qui con- ! tinuent l'enseignement de notre maítre. Voici les ouvrages et les articles auxquels on pourra se reporter pour completer une exposition volontairement condensée : nous les citerons au moyen des abraviations indiquées entre parentheses. 37 Saussure, F. de, Cours de Linguistique generale. 2-eme ed., Paris, Payot, 1922 (C.L.G.). Bally, Ch., Traite de Stylistique francaise. 2 vol. Heidelberg et Paris, 1909 (T.S.F.). — La pensee et la langue. Bulletin de la Societe de Linguistique de Paris, tome XXIII, pp. 117—137 (P.L.). — Le Langage et la Vie. 2-eme ed., Paris, Payot, 1926 (L.V.). — Langue et Parole. Journal de psychologie normale et pathologique (Paris, Alcan). XXIIIe annee, pp. 693—■ 701 (L.P.). — La contrainte sociale dans le langage. Revue internationale de Sociologie. 1927, pp. 211—229 (C.S.). Sechehaye, Alb., La methode constructive en syntaxe. Revue des langues romanes, Janvier—avril 1916 (M.C.). ■— Essai sur la structure logique de la phrase. Paris, Champion, 1926 (S.L.Ph.). — L'ecole genevoise de linguistique generale. Indogerm. Forschungen, t. 44, pp. 217—241 (fevrier 1927). Notre point de vue ressortira d'autant mieux, pensons-nous, que nous l'opposerons d'abord aux methodes avec lesquelles il est incompatible ; les principes positifs se degageront d'eux-memes par contraste. I. L'etude de la grammaire d'une langue ne peut reposer sur l'histoire de cette langue ; elle doit etre rigoureusement statique ; grammaire et histoire sont des termes qui s'excluent reciproque-ment. (C.L.G. p. 117, pp. 119 ss.). En effet, un rapport grammatical etabli entre signes quelconques ne peut etre que« synchro-nique », non « diachronique » : il suppose necessairement la coexistence de ces signes dans les cerveaux des sujets parlants. II s'ensuit que toute relation imaginee entre faits linguistiques n'a aucune valeur grammaticale pour un etat de langue donne, si les sujets n'ont pas conscience de cette relation ou l'interpretent autrement. II est manifestement absurde d'expliquer (comme on le fait souvent) l'accord du participe passe dans «la place qu'il a prise », par le rapport predicatif qui a exists autrefois entre le 38 39 substantif et le participe, puisque ce rapport n'existe plus et que prise est aujourd'hui partie integrante du parfait compose (j'ai pris est sur le meme pied que je prends, je pris, etc.). La premiere objection que Ton entend formuler contre la methode statique, c'est que la notion d'etat de langue, sur laquelle elle est tout entiere fondee, n'est qu'une moyenne, une abstraction, et en somme une fiction. Mais si cette moyenne n'existe en fait jamais d'une facon absolue, elle existe en droit d'abord, car aucune recherche scientifique n'est possible sans postuler des abstractions et des moyennes; eile existe pratiquement ensuite, car le bon sens suffit ä nous imposer la notion d'une langue qui ne change pas; elle existe enfin en puissance, ä l'etat de tendance constante des sujets parlants, qui postulent l'etat et cherchent ä s'y conformer; si ce n'etait lä qu'une fiction, la langue n'aurait aucune existence sociale. La methode statique ne fait que syste-matiser dans la mesure du possible cette unite, qui est la raison d'etre naturelle de tout langage, et vers laquelle tendent tous les membres de la collectivite. Si meme, oubliant la fonction sociale de la langue, on pretendait (ce qui est vrai en theorie), que chaque individu a, au moins minimalement, sa langue propre, differente en quelque mesure de celle de tous les autres, meme alors on verrait que chacune de ces «langues » suppose la coexistence des signes dans chaque cerveau, et que la grammaire individuelle, tout comme la grammaire tout court, n'existe que syn-chroniquement, independamment du passe qui l'a creee. On peut definir 1'antinomie du statique et de l'evolutif en disant que l'histoire etudie les changements survenus dans la langue, c'est-ä-dire des evenements, des proces qui disloquent le Systeme linguistique et entravent son fonctionnement ; la statique, au con-traire, suppose ce fonctionnement et etudie les procidis par les-quels la pensee s'exprime dans la langue. Or, si l'etude du change-ment implique que l'objet en question est isoU des associations anterieures, et considere en lui-meme, la description d'un procede linguistique est incompatible — nous le verrons —■ avec l'isole-ment, et ne se comprend que par association et opposition syntag-matiques. (C.L.G. p. 122, p. 140). On pense souvent que la methode historique est valable en grammaire dans la mesure oü les traces materielles du passe sont manifestes; quelqu'un pourrait facilement reprendre l'exemple precedent et nous demander : Comment expliquez-vous le feminin prise, si vous ne dites pas qu'il a ete autrefois le predicat du feminin place ? Mais cette vue repose sur un examen superficiel du meca-nisme grammatical, et notamment sur le prestige de la forme (du signifiant), au detriment de la valeur (du signifie) ; on pourrait tout aussi bien dire que tout (toute) n'est pas un adverbe dans «il est tout surpris, elle est toute surprise», parce que la distinction du masculin et du feminin subsiste dans la forme. En general on se résigne difficilement ä admettre cette vérité pourtant evidente, qu'un etat de langue suppose une generale discordance des formes et des valeurs, et que les valeurs priment les formes et non inverse-ment. De deux choses l'une : ou bien le rapport grammatical reste identique d'un etat ä l'autre, et dans ce cas il n'y a pas de probléme, l'explication étant la méme pour les deux époques ; ou bien, sous l'apparente conservation du signe dans sa forme materielle, se cachent des changements souvent profonds. Pourquoi ? Parce que le jeu des associations constitutives de la valeur s'est déplacé ; le signe est entré dans un nouveau milieu associatif et, par suite, les associations anciennes se sont rompues ; on ne peut done les alléguer pour expliquer un fait auquel elles sont devenues non seulement étrangěres, mais contradictoires. Ainsi le type «la place qu'il a prise» est mdissolublement lie ä «il a pris la place», ce qui montre que l'accord n'est plus « pense » et relěve du seul signifiant. C'est également voiler la realité que de montrer dans grand'(mere), grand'(messe), etc., un adjectif dont le feminin aurait conserve sa forme ancienne. Comme grand' n'a ajourd'hui que le feminin grande, grand' est compris comme une sortě de prefixe, et on associe granďmere ä arriere-neveti, et, malgré l'accord, ä beau-pére, belle-mere, tout cela pour des raisons sémantiques qui priment les relations de forme ä forme. On peut méme dire que 1'interprétation nouvelle existait au moment ou grand' aurait pu devenir grande, et que c'est la raison pour laquelle il ne Test pas devenu. On voudrait sauver l'explication historique des états en se retranchant derriěre la distinction entre formes réguliěres et formes anomales ; les derniěres au moins s'expliqueraient mieux par la diachronie que par la synchronic La forme , oui, la valeur et le fonctionnement, non. Cest le passé qui explique 1'opposition, travail-travaux, un boeuf (bvf), des boeufs (Ö0). Mais il est evident que les sujets ne savent rien de ce qui a créé ces formes; ils obéissent simplement ä la regle statique qui veut que 1'irré-gulier soit explique par association mnémique avec le regulier. Ces pluriels les travaux, les boeufs sont implicitement confrontés avec les pluriels invariables les oeuvres, les vaches, etc., de sortě que la variation travail-travaux est au fond de méme nature que celle de tout surpris-toute surprise, confrontée avec trěs surpris, trěs surprise. Les conjugaisons irréguliěres fonctionnent uniquement par association permanente avec la conjugaison reguliere (en fran-cais, celle en er) ; ainsi il va, nous allons, j'irai, etc., n'existent que grace ä l'appui constant de je marche, nous marchons, je marcher ai, etc. C'est done une erreur propagée par l'explication historique 40 4i que de parier de conjugaison «morte»; cette conjugaison est aussi vivante que l'autre, seulement eile recoit sa vie du dehors, comme la lune recoit sa lumiere du soleil; le vrai est que l'asso-ciation purement mnémique. ne préte pas ä des imitations analo-giques (cf. la possibilité de créer emboutiquer sur emmagasiner, etc.) ; mais un organisme peut étre parfaitement vivant sans se reproduire. Tout ce que nous disons de l'anomal s'applique ä l'implicite; est implicite tout signe qui n'est pas représenté par unsigniíiant phonique, materiel; or, si la plupart des formes irréguliěres sont implicites, la réciproque n'est pas également vraie ; ainsi l'impera-tif (par ex. marche, marchons, marchez) est parfaitement regulier, et pourtant il est caractérísé par l'absence des pronoms sujets, qui seule permet de le distinguer de l'indicatif {tu marches, nous marchons, vous marchez). Done la notion modale de l'ordre, de la priěre, etc., est parfaitement consciente chez les sujets, et pourtant elle résulte de la constatation de l'absence d'un signe modal. On voit tout de suite l'abime qui séparé cette interpretation et celle de l'histoire; celle-ci nous rappellera qu'en latin 1'impératif était caractérisé par des desinences speciales (ama, amate, etc.), qui ont cédé la place ä d'autres qui ne différencient plus ce mode : constatation nulle pour le staticien. C'est pour la méme raison que la langue possěde dans bien des cas des « signes zero » (C.L.G. pp. 123, et 124. p. 254), qui, bien que provenant de l'absence antérieure de tout signe ä une place déterminée, n'en ont pas moins une existence reelle par association avec les formes similaires ; ainsi cri (du verbe crier) a un suffixe zero de nom d'action, et celui-ci se déduit de la masse enorme des couples du type gémir: gémissement, se lamenter : lamentation, etc., d'oü l'impression que cri {: crier), tri (: trier) etc., sont dans le méme cas et doivent étre pensés comme sufnxaux. Ici l'opposition avec l'histoire se concretise dans le contraste de la terminologie : l'histoire pose l'absence de signe {zero signe), la statique l'existence ideelle d'un signe {signe zero). M. Bally a cher-ché ä montrer qu'en latin, et méme en indo-européen il n'y avait pas de phrase purement nominale, parce que le mécanisme grammatical amenait les sujets ä «penser» une copule zero dans tous les cas oil historiquement on est tenté de n'en voir aueune. (Cf. Bull, de la Soc. de Lingu. 23, 1 ss.). Mernes conditions pour les cas de cumul de plusieurs signifies dans un seul signifiant : en francais le petit mot y (dans : « vous de-nieurez dans cette ärue; j'y demeure aussi») renferme trois signifies : la preposition ä, et l'association avec un nom de lieu {rue), qui étant actualisé {cette) renferme lui-méme deux signes. Cette analyse paraít forcée parce qu'on oublie la spontaneitě et la frequence des associations de ce genre. De méme encore toutehypostase est implicite tant qu'elle est vivante, et eile est vivante parce qu'on l'associe ä la forme explicite correspondante (cf. cet komme est un renard, et cet komme est semblable ä un renard, comme un renard). On peut exprimer la méme idée en disant que la langue ne realise qu'indirectement 1'idéal de linearitě (v. Saussure C.L.G. p. 103, Bally L.V. 173-4), e'est-a-dire que les signes ne sont jamais exact em ent juxtaposes sur la ligne du discours sans chevauche-ment ; mais cet ideal est atteint par le détour des associations, puisque tout ce qui n'y est pas conforme est expliqué par ce qui le realise. Ce qu'on appelle généralement synthěse n'est pas autre chose que l'ensemble des infractions ä la linearitě. Ainsi toute forme synthétique est analysée par la langue ; mais un type syn-tagmatique, et plus généralement une langue, peut étre nominee synthétique (dans le sens étroit), dans la mesure ou la correspon-dance avec l'explicite est indirecte, compliquée, et exige des associations intermédiaires plus nombreuses. Tout ce qui est dit de l'aspect syntagmatique des signes s'applique également aux associations mentales. Ainsi pour la statique il est absolument indifferent que des homonymes absolus pro-viennent de convergences phonétiques (p. ex. «louer une maison », «louer un eleven), ou d'une differentiation sémantique {avoter avec des ailes », a voter le bien d'autrui»), ou de l'introduction du méme mot ä différentes époques (« V air qu'on respire» et « V air qu'on chante»). La seule chose qui intéresse le staticien, c'est la nature des associations qui différencient les mots de forme iden-tique. De méme en grammaire : -ment représenté deux suffixes homonymes (cf. clairement et réglement) ; ce n'est pas l'etymo-logie qui explique leur emploi, mais le fait que l'un est precede de radicaux adjectifs, l'autre de radicaux verbaux. A est ambivalent dans «j e donne un livre ä mon ami» et «je pense ä mon ami» ; bien loin que 1'étymologie éclaire la difference de fonction, elle 1'efface (latin ad) ; pour comprendre la difference, il suffit de constater que, aujourďhui, on dit «je lui donne un livre », mais «je pense ä lui », et c'est sur cette base seulement qu'on peut étu-dier la distinction grammaticale ainsi révélée. II va sans dire aussi que 1'étymologie populaire est seule ä considérer si eile est sentie par les parleurs, et si l'ét3'mologie vraie est oubliée (jour «ouvrable», compris comme étant le jour oü 1'on ouvre les boutiques, et non plus celui oů 1'on «ceuvre », ce mot étant sorti de 1'usage, au moins dans ce sens). L'histoire pourrait rentrer dans la statique par une porte déro-bée, si ťon tenait compte de la constatation, d'ailleurs instructive, que dans beaucoup de cas un état de langue présente dans des signes coexistants des degrés de transformations suscep-tibles ďexpliquer 1'évolution ďun signe isolé. Ainsi des syntagmes agglutinés, et peu ou pas analysables, ont sou vent ä cóté ďeux J I 42 des groupes de signes montrant ce qu'ils ont été eux-mémes autrefois ; ex : « J'aime plus ou moins la musique russe » et «voulez-vous -plus ou moins de vin ? » Ou encore « s'enteter dans un parti-pris » et « un parti-pris ne doit pas étre abandonné ». Un cas extre-mement frequent est celui ou un type de phrase cohérente a, ä coté de lui, dans le méme état de langue, un systéme de deux coordonnées juxtaposées qui .explique sa formation. L'anglais d'aujourd'hui permet de dire soit / know you are mistaken, soit / know: you are mistaken, et il est loisible d'expliquer la genese du premier tour par le second ; ils n'en sont pas moins absolument distincts, pour la forme (melodie dífférente, absence de pause mediane dans le premier) et pour la valeur (le premier marche avec / know that you are mistaken et renferme une conjunction zero). On peut encore objecter qu'une langue retranchée de son passé présente un aspect chaotique, grace ä la generale discordance des formes et des valeurs, signalée plus haut. Si cela était vrai, il n'y aurait qu'ä se résigner : on ne résout pas plus aisément un probléme quand on en change illégitimement les données. Čepen-' dant on peut faire ä ce sujet deux remarques. D'abord cette impression de désordre est due en grande partie ä l'ignorance oú nous sommes du mécanisme statique, du fonctionnement de la langue, et la meilleure maniěre de se retrouver dans ce dédale, c'est préci-sément ďétudier ä fond le systéme et ses ressorts caches. En second lieu, on peut afhrmer que l'observateur qui, résolůment, fait table rase de l'histoire quand il envisage le systéme, s'affranchit par la d'une foule ďentraves artificielles. En appliquant une méthode rigoureusement appropriée ä l'objet statique —• méthode que nous esquissons plus loin — on verra peut-étre qu'une semblable etude est plus simple que celle qui confond systématiquement des elements heterogenes. D'une facon generale, la méthode historique mélée ä la description des états aboutit a un déplacement de la perspective, et dis-loque le systéme linguistique au lieu d'en faire paraítre 1'unité et la cohesion; cela ressort de ce qui a déjá été dit en commencant. Un des effets les plus fächeux de l'explication historique est d'attribuer ä la grammaire ce qui reléve du vocabulaire, et d'imaginer des Schemas syntaxiques lä ou la structure des mots et des groupes lexicaux est seule en jeu. Or, qu'y a-t-il de plus essentiel pour la connaissance d'une langue que de trier ce qui est « mot » et ce qui est rapport entre les mots ? Tout groupement qui n'est plus agence selon une regie vivante, mais dont l'usage seul assure la coherence, cesse ďintéresser la syntaxe; plusieurs des exemples déjá cites montrent que le retour au passé interprete syntaxiquement ce qui n'est que lexical; rappelons le cas de grand'mere. Soit encore l'expression vive dans vive le 43 roi ! etc. On persiste á l'expliquer comme s'il s'agissait d'un sub-jonctif, c'est-a-dire d'une valeur syntaxique, ce qu'il n'est á aucun degré. Contraírement á ce qu'enseignent les grammaires les plus récentes (par ex. Engwer-Lerch, § 405), le francais ne connait plus de subjonctif vivant qu'en proposition subordonnée, i, oú il est toujours caractérisé par la particule que (laquelle se fond avec le relatif dans des cas tels que «je veux un maitre qui sache bien ce qu'il enseigne». Cf. Bally, P. L. 133—4). vive> qui n.e remplit aucune de ces deux conditions, n'est plus qu'une particule exclamative modale transitive ; ce qui assure cette interpretation, c'est, comme toujours, l'association avec les particules coexistantes et de valeur analogue, par exemple a bas (l'anarchie !), hourra (pour l'empereur !). Pour la méme raison puissé-je (réussir !) devra étre interprete comme une particule optative analogue á latin utinam et grec eithe, ei gar, et cela malgré la flexion conser-vée (puisses-tu, puisse-t-il....), qui marque simplement une evolution du signifiant en retard sur celle du signifié Nous avons dit plus haut que les « subjonctifs» de principále (qu'il soit maudit, etc.), ne sont pas de vrais subjonctifs; ils paraissent tels uniquement par le prestige de la méthode historique; les associations statiques remettent les choses au point : on ne conjugue pas «que tu sois maudit, que vous soyez maudits » ; á la seconde personne on dit obligatoirement sois maudit ! soyez mau- *f dits ! Qu'est-ce á dire sinon que ces anciens subjonctifs sont deve- nus des formes supplétives de l'impératif, dont ils adoptent toutes les valeurs. (Cf. Excusez-moi et que Monsi&ur m'excuse; Dieu, entends ma priére et que Dieu entende ma priére; Que je ne te voie plus ! Va-t-en !; Mourons! Qu'un sang impur abreuve nos sillons !) Cest dans 1'étude des elements phoniques de la langue que la statique se distingue le plus profondément de la diachronie. Celle-ci, nous 1'avons vu plus haut, s'attache aux proces, non aux procédés, aux ruptures de fonctionnement, et non aux conditions du fonctionnement. EUe établit les lois des changements phonétiques, dont la synchronic fait abstraction. Dans 1'état actuel du francais par exemple, l'opposition entre léve et levons n'a rien a. faire avec l'accent de mot, car celui-ci n'a plus aucune action semblable (cf. réve, révons ; aime, aimons ; sěche, séchons, etc) ; leve : levons i est une difference morphologique, une alternance commune á un certain groupe de verbes. De méme la presence de s dans \ démocratie, acrobatie, ablation, etc., et de t dans d'autres mots de la méme famille : démocratique, acrobate, ablatif, etc. est liée á i la nature des suffixes, et non á des conditions phonologiques. En revanche la statique devra défricher un champ de recherches encore vierge á l'heure qu'il est : 1'étude du systéme phonologique, les conditions dans lesquelles la matiěre phonique (sons, accents, 1 44 melodies, pauses, etc.), se groupent et s'opposent, constituant une veritable grarnmaire qui, comme 1'autre, a ses syntagmes et ses associations mnémiques, et en outre s'engrene dans cette autre, selon des lois encore obscures, mais qui nous feront toucher aux parties les plus profondes et les plus vitales du systéme. I Enfin un mot, ä ce propos, sur la terminologie linguistique. 4-(C.L.G. p. 129, P- I34)- Elle est fondée naturellement sur la tradition historique et ne s'applique bien qu'aux changements; il n'est pas étonnant qu'elle contribue ä brouiller nos idées quand nous essayons de dégager 1'état dans sa pureté. Nous avons déjá vu que la statique a dů créer des termes lä oů une notion est incompatible avec revolution, par ex. «signe zero, cumul des signifies)), etc. II faudrait aller plus loin et rejeter, pour les remplacer par d'autres, tous les termes qui ne s'appliquent qu'ä l'histoire. Nous avons déjá condamné (p. 40) la notion de « conjugaisort morte ». D'une facon generale on devrait renoncer, dans la description d'un etat, ä parier d'archaisme et de survi-vance, puisque ou bien un archaisme n'est plus dans l'usage, ou bien il continue ä vivre en s'associant ä d'autres elements. De méme, la statique ne connait pas de formes « dérivées » d'autres ; tout i coexiste dans une relation ďinterdépendance; ainsi réglement n'est pas derive de regier, mais 1'idée de « regier » prend la forme du verbe conjugué quand eile fonctionne comme prédicat, et celle de substantif quand eile doit figurer comme sujet ou objet. De ** méme encore c'est par abus qu'on parle de formes « contractes » ä propos de au, du, des, etc. Les Francais ďaujourďhui n'ont, dans ces cas, aucun sentiment d'une contraction ; du cumule deux signifies (la preposition de et l'article défini), ce qui est trěs different car il est sur le méme pied que y (v. plus haut p. 40), oú il n'y a jamais eu de contraction. Et ainsi de suite. La nécessité d'envisager la langue comme un systéme nous empéchera aussi de placer sur le méme plan tous les types d'expression dont eile se compose, surtout quand il s'agit d'une langue de grande civilisation, oú toutes les formes de la vie sociale se reflétent, y compris et surtout la littérature. La langue usuelle des suj ets parlants, celle qui est le plus intimement liée ä leur conscience linguistique, est nécessairement le centre organique de tout le systéme. II s'agit lä encore d'une moyenne, mais d'une moyenne qui s'etablit spontanément dans l'esprit des individus. Iis sentent instinctivement qu'un mot d'argot ou un mot «noble » s'ecartent, 1 ä des degrés divers, d'une norme avec laquelle ils les comparent : «maboule» et «insense» existent en fonction de «fou»; de méme des formes d'interrogation telles que « Tu es malade ? », « C'est-y que tu es malade ?» évoquent les formes moyennes «Es-tu malade ?», «Est-ce que tu es malade?». L'etablissement de cette norme pour les mots et les formes grammaticales est le principe directeur de 45 tout le TraiU de Stylistique francaise de M. Bally, et ce qu'il nomme « identification » n'est pas autre chose que la mise en jeu de la norme de 1'« usuel». C'est en la negligeant qu'on fausse si souvent 1 'explication linguistique, surtout lorsqu'elle porte sur une langue etran-gere. C'est probablement une grande erreur que de fonder l'expli-cation grammaticale sur des textes litteraires : on prend l'exception pour la regie quand on met sur le meme pied une habitude synta-xique profonde et le caprice momentane' d'un ecrivain. Si le recours aux textes litteraires est souvent un mal necessaire (c'est le cas pour les langues classiques, ou ils sont a peu pres la seule source d'information), on ne doit pas se faire illusion sur la valeur des enseignements qu'on en retire. II. Une autre methode, tres actuelle cependant, nous semble egale-ment dangereuse : celle qui cherche a fonder directement l'expli-cation linguistique sur la psychologie proprement dite, c'est-a-dire a. interpreter les formes de la langue comme l'expression immediate de la pensee libre des parleurs, tout au moins des habitudes mentales de la collectivite. (C.L.G. p. 310). Cette methode ultra-psychologique meconnait un caractere fondamen-tal de toute langue, rancon de sa fonction sociale, effet direct de la tradition qui la regit : nous voulons paiier de l'arbitraire qui domine toutes ses parties, et qui explique la discordance generale des formes et des valeurs dont nous avons parle plus haut. On peut definir l'arbitraire : absence de tout lien naturel ou necessaire entre la pensee et son expression linguistique. (C.L.G. p. 100, p. no, Bally L. V. pp. 147 ss., C.S. pp. 218 ss.). Le signe de la langue est arbitraire dans sont signifiant (sa forme materielle) et dans son signifie (sa valeur, l'idee qu'il represente). L'arbitraire du signifiant est assez evident pour qu'on n'y insiste pas : aucune association spontanee ou logique ne relie le phenomene acoustique a l'idee exprimee, par ex. le mot vert a la representation d'une certaine couleur. L'idee d'une couleur determinee decoule unique-ment de la difference existant entre lui et les autres adjectifs de couleurs tels que jaune, bleu, noir, etc. Ce n'est pas a dire que l'arbitraire du signifiant soit toujours absolu : sans parler des onomatopees {bourn! pif ftaf!), qui n'appartiennent pas vrai-ment a la langue, certains mots et certains tours tendent a repro-duire, sinon l'idee qui y est attachee (c'est impossible), au moins la vague impression qui se degage de celle-ci (cf. tintamarre, tara-buster, micmac, donnant dormant, etc. ; v. Bally, L. V., 157 s.). L'arbitraire du signifie ne s'impose pas a premiere vue, et son importance est le plus souvent meconnue; il est pourtant tout aussi reel et decoule du mecanisme ofifiositif qui regit tout le 46 systéme linguistique. Les idées exprimées par les signes ne recouvrent jamais celles que l'individu veut communiquer dans chaque cas. Si on le croit communément, c'est grace au prestige de la situation et du contexte, qui la plupart du temps remettent les choses au point. Mais dans la langue, les idées se déterminent et se définissent entre elles par association et opposition réci-proques. L'idee de vert n'est nullement dérivée de la réalité pure ; certaines langues n'ont pas de mot propre pour la rendre, et le grec ancien par ex. ne distingue pas nettement le vert du jaune. En fait, chaque langue nous force á répartir arbitrairement nos impressions colorées entre certaines notions linguistiques étíque-tées par des mots. Le caractěre de cette distribution schématique est particuliěrement sensible dans le jeu des idées abstraites : le courage, la vaillance, Yhéróisme, la bravoure ont en francais des nuances que nous saisissons beaucoup plus par contraste et par association, qu'en vertu des manifestations réelles de cette vertu (la vertu est elle-méme une idée fixée uniquement par le dehors) ; ainsi héroisme est determine par un tour tel que : «un courage poussé jusqu'a 1'héroisme» ; vaillance est fixe négative-ment et mentalement parce que nous savons qu'on parle du courage ďun martyr et non de sa vaillance, que bravoure évoque 1'idée du guerrier, etc. La fameuse « proprietě des termes » n'est le plus souvent que le débrouillement de ces oppositions conventionnelles. Pour voir combien sont liées á la langue soit la physionomie du concept general de courage, soit la repartition de ces nuances, il suffit de traduire en grec ou en latin les exemples mentionnés plus haut ; on constatera que fortitudo, virtus, etc. andreia, aretS, tharsos, etc., n'entrent pas dans les mémes «cases» que les mots francais. L'arbitraire des signifies se vérifie dans l'expression des idées les plus banales : la distinction entre mettre, placer et poser est fixée dans les momdres details (on pose le pied sur la terre ferme, on ne le place pas ; on met son chapeau sur la téte, on ne le pose pas, etc.), et pourtant que de subtilité dans ces nuances, et que d'arbitraire ! En outre, on constate qu'il n'y a aucune commune mesure entre les emplois de ces verbes et ceux par lesquels l'allemand doit les rendre : setzen, siellen, legen. Tout le monde a une vague intuition de ces faits, mais on en donne une interpretation ou distinguée ou mystique ; on attribue á la traduction d'une langue dans une autre la vertu d'une « gymnas-tique intellectuelle » ; posséder deux langues, c'est, dit-on volon-tiers, posséder deux ámes. Mais ces images escamotent quand méme la réalité, car elles supposent tacitement un rapport direct avec la pensée ; en fait, si Ton tient compte de l'arbitraire, on dira que chaque langue est un prisme qui réfracte la pensée d'une facon particuliere. Le méme arbitraire regit les rapports grammaticaux : la loca- 47 lisation des phénoměnes dans le temps et l'espace, leurs relations «logiques », tout cela est soumis á des regies qui different de langue á langue, et qui refletent une longue tradition, souvent fort diffé-rente des formes de pensée que le sujet veut rendre dans chaque cas. Le grec ancien a au moins quatre maniěres d'exprimer le rapport du conditionné á la condition (regies de si, tourment de nos collégiens), le latin n'en a que trois, le francais se tire d'affaire avec deux seulement (car, quoi qu'on dise, il n'a pas d'expression propre de l'irreel). Que Ton songe á 1'état d'esprit d'un Francais qui cherche á rendre les aspects du verbe russe, á l'angoisse du Russe qui, n'ayant pas dans sa langue d'articles dermis et indé-finis, cherche á se reconnaítre dans le dédale des emplois de le, un, les, des, etc. Ces moules que la langue impose aux individus correspondent trěs vaguement, on le voit, á la nature vraie des pensées qui cher-chent á s'exprimer, et cela jusque dans la vie quotidienne et banale ; car toute pensée, si simple soit-elle, est incommunicable dans son essence, la langue n'en donne qu'une image schématique et déformée. Le redressement et l'accomodation se font tant bien que mal dans la parole, grace á la situation ou au contexte, et c'est la perpétuelle confusion de la parole et de la langue qui empéche de reconnaítre l'arbitraire profond qui domine celle-ci (cf. Bally, P. L. passim), Mais cette schématisation n'est pas seulement insuffisante, elle est le plus souvent inadequate, parce qu'elle est traditionnelle et par suite archaiique; elle reflěte des cadres psychologiques et sociaux qui ont pu, á un certain moment, correspondre á une réalité relative, mais qui contraignent la pensée actuelle á une veritable regression intellectuelle. En effet, si la mentalitě d'un groupe social est, sur presque tous les points, en retard sur le développement psychique des individus, la langue, á son tour, est en retard sur revolution du groupe lui-méme. On ne saurait assez insister sur les formes primitives et souvent enfantines que la langue imprime á nos esprits ; l'obligation, en francais, de distinguer les genres en dehors de la distinction des sexes, est un exemple classique de primitivitě ; car, ne reposant plus sur aucune réalité psychologique, elle nous force á pénétrer tout le vocabulaire d'une sortě de mythologie puerile (voir Bally, C.S. debut.) L'existence de l'arbitraire linguistique fait apparaitre plus profond encore le fosse qui séparé la statique de l'histoire. Mieux encore que la discordance des formes et des valeurs, qui n'en est qu'un aspect, il rend .compte de l'antinomie irréductible des deux méthodes. (C.L.G. p. 116). Une loi fondamentale montre en effet que dans le langage tout signe arbitraire a été, a un moment donné, «motive», c'est-a-dire lie, d'une facon ou d'une autre, 48 49 á la chose signifiée : les images mortes ne 1'ont pas toujours été, des mots á sons éteints ont eu autrefois un parfum onomatopéique, des groupes agglutinés étaient, comme nous 1'avons vu, suscep-tibles ď analyse, etc. Or 1'histoire ne fait pas autre chose que de remonter de l'arbitraire á la motivation, et il suffit qu'elle le fasse pour bouleverser le systéme et en fausser complétement la physionomie, puisque l'arbitraire est le ciment de l'edifice linguis-tique. En effet, plus un signe est arbitr aire, plus il a besoin de s'appuyer sur d'autres qui fixent sa valeur ; plus au contraire un signe est motive, plus il tend á « faire bandě á part», il ne demande ni n'apporte rien au systéme. On le voit, l'etude d'un systéme n'est pas une description pure et simple, mais une vue raisonnée des conditions linguistiques imposées á la pensée. On ne devrait done pas parler de « gram-maire descriptive » : la grammaire, qui ne peut étre que statique, se ramene' toute á 1'étude systématique des procédés d'expres-sion, tandis que 1'histoire étudie les proces qui altěrent ou détrui-sent ces procédés. Cest de cette maniére, et de cette maniěre seulement, qu'on peut envisager les rapports entre la linguistique d'une part, la psychologie et la logique ďautre part. Un systéme linguistique n'est vraiment expliqué que lorsqu'on a rendu compte de la transposition de la pensée vivante dans les moules de la langue. Dans le Trnité de Stylistique francaise, M. Bally a étudié cette transposition surtout au point de vue de la pensée affective, et par suite de 1'expressivité linguistique. M. Sechehaye, lui, a recherche par quel dédoublement de la pensée la logique gram-maticale s'applique sur les mouvements spontanés de 1'esprit. Proposition 23. Quelle que soit la maniere pratique dont on expose un systéme linguistique, il est indispensable de comprendre qu'il est constitué par deux ordres de rapports étroitement solidaires: les rapports associates ou mnémiques, et les rapports syntagmatiques, e'est-a-dire realises dans le discours. (C.L.G. pp. 170 ss). Tous les développements qui precedent supposent tacitement cette dualité et cette interdépendance. Les rapports associatifs sont ceux que le signe entretient vir-tuellement avec d'autres que l'usage attire vers lui parce qu'ils ont dans leur signification quelque chose á la fois de commun et de different et que leur opposition est significative: un fait penser á deux, trois, etc ; j'aime á j'ai aimé ou a je n'aime pas, je hais, etc. Les rapports syntagmatiques sont ceux qui, dans le discours, unissent par des liens grammaticaux les parties significatives de la phrase : un homme, j'aime la musique, etc Un état de langue donné présente partout les deux sortes de rapports, associatifs et syntagmatiques, solidaires et lies par une étroite interdépendance. On voit aisément comment cela se produit : la valeur des signes est déterminée par leur contexte, e'est-a-dire par leur entourage syntagmatique. Un beau temps fait penser ä un mauvais temps, un bel enfant ä un enfant chétif, une belle figure ä une figure laide. Ainsi 'e méme mot dans divers contextes provoque d'autres associations, et inversement le merne mot dans diverses series associatives, e'est-a-dire dans diverses significations, suggére des contextes différents. D'ailleurs les ensembles syntagmatiques s'associent eux-mémes avec d'autres ensembles, comme on l'a vu avec j'aime, j'ai aimé, je suis aimé, etc., et e'est par association avec des syntagmes que des signifiants dont la forme est inanaly-sable apparaissent avec la valeur de véritables syntagmes (cf. cri : crier interprete comme hurlement: Hurler ; v. p. 40). Ce double classement des faits de la langue se realise dans toutes les parties du systéme, aussi. bien en syntaxe qu'en lexico-logie et merne en phonologie (v. C.L.G. p. 180). M. Bally a appliqué systématiquement ces principes ä 1 étude des valeurs expressives, car la méthode exposée dans son Tratte de Stylistique se ramene ä ces deux procédés : saisir le fait expressif dans les contextes qui réalisent sa valeur, puis determiner cette valeur par confrontation du signe expressif avec ceux de la méme espěce qui rendent 1'affectivité autrement, et surtout avec le_ terme d'identification purement usuel et totalement in-affectif. Ainsi le tour : « Tout se ramene ä une question de gros sous» est expressif parce que, confronté avec 1 'equivalent identi-ficateur (question ďargent), il rend la méme idée en 1'affectivant par emprunt au langage populaire. Cette méthode permet de voir aussi dans quelles conditions et dans quelles limites on peut parler dune ideologie linguistique, c'est-ä-dire de l'ensemble et du systéme des idées fixées par l'arbitraire réciproque des signes. Ces idées ne sont linguistiques que si elles ont dans une langue donnée des expressions typiques qui ne laissent aucun doute sur leur existence dans l'esprit des parleurs. II ne s'agit pas en effet d'imposer ä la langue un réseau d'idees qui ne plaque pas sur le réseau des signes (par ex. au nom d'un systéme logique ou philosophique), mais de s'inspirer de l'arbitraire des signes pour voir comment il aboutit ä créer dans l'esprit des parleurs un ensemble coherent d'idees qui se délimitent réciproquement ; ce qui est vrai des couleurs est vrai de tout le reste : de méme qu'on n'imaginera pas le concept de vert dans une langue qui n'a pas de terme identifiant cette couleur, de méme on ne lui attribuera pas la distinction entre cause et motif si eile n'a pas des signes typiques grammaticaux prouvant que cette distinction est pensée linguistiquement (comme e'est le cas en francais : cf. « mourir de froid » et « faire qch. par amitié pour qn. »). Or rien ne prouve a priori que cette difference soit usuelle dans une langue bantoue ou un parler d'Esquimaux. Si la convergence des deux ordres de rapports est manifeste- 4 50 5i ment necessaire pour la fixation des idees exprimees par le voca-bulaire d'une langue, cela est encore plus evident quand il s'agit de determiner les valeurs grammaticales, les elements qui concourent a la structure de la phrase : classes de mots, flexions, Schemas syntaxiques, etc. L'existence des idees grammaticales repose tout entiere sur le jeu combine de la syntagmatique et des associations mentales. Parmi toutes les relations mnemiques qu'un signe entretient avec d'autres, la place d'honneur appartient aux signes de meme categorie, a ceux qui sont interchangeables avec lui. Par ex. un homme, deux hommes, trois hommes, ou bien: j'aimela. musique, je dSeste la musique, ]'adore la musique, et aussi: nous aimons la musique, j'aimais la musique, )'aimerais la musique, je n'aime fas la musique, etc. Ce dernier exemple montre comment les diverses formes d'un meme mot fournissent des series d'association naturelles. Or ce sont les modes de variation du mot qui marquent son appartenance ä teile ou telle categorie (substantif, adjectif, pronom, verbe) et les associations qui reunissent tous les termes d'une meme categorie degagent les caracteres communs par lesquels eile se diffe-rencie de toutes les autres. Les rapports syntagmatiques ne sont pas moins essentiels en syntaxe. Le fonctionnement des elements significatifs de la phrase est en effet soumis ä des regies d'ordonnance, et leur role est toujours conditionne par leur situation reciproque. En dehors de cet agencement sur la ligne du discours ils sont depourvus de toute efficacite. Un suffixe n'est rien, detache du radical auquel il est ajoute, et ce radical lui-meme n'a d'existence complete que dans son union avec les elements formatifs qui font de lui un mot. (C.L.G. pp. 176—177). Un auxiliaire de temps, de voix, ou de mode, est en quelque sorte parasite du verbe qu'il accompagne et avec lequel il est construit. En francais un sujet deplace fait figure de complement direct : Pierre bat Paul, Paul bat Pierre, etc. Proposition 24. Tout ceci revient ä dire que les rapports associatifs et syntagmatiques sont partout solidaires les uns des autres et qu'en grammaire aucune mdthode ne pourra jamais s'dtablir sur leur dissociation. Or il ne semble pas que jusqu'ici on ait- suffisamment tenu compte de ce principe [Bally P. L., p. 124 ss.). En effet, la methode traditionnelle qui croit pouvoir considerer successivement les diverses classes de mots, dissimule sous l'apparente unite des classes des disparates tres sensibles de functions : de la des ruptures d'association et par suite aussi des conditions syntagmatiques divergentes dont la methode traditionelle ne tient pas compte. Qu'on songe, par ex. ä des rapprochements usuels comme celui du verbe conjugue (je mange, tu manges, etc.), et du verbe non conjugue (mangeant, manger), ä la categorie des pronoms, qui comprend des termes aussi différents que mot et qui, etc. Partout on constatera que des elements ressortissant ä une meine classe peuvent appartenir ä des ensembles syntaxiques • heterogenes. Les rapprocher, c'est done pécher contre la veritable / structure de la langue. Une grammaire fondée sur les parties du 4- discours ne fait done, sur bien des points, qu'organiser le désordre. .On s'en rend compte, sans doute, mais on s'y résigne : cette methode est consaerée par une longue tradition, et d'ailleurs y a-t-il moyen de faire mieux ? Cependant quelques esprits moins sceptiques ont voulu réagir contre cette tradition en faisant table rase des « parties du discours » et en leur substituant les idées générales qui s'expriment en grammaire (succession et simultanéité dans le temps, cause et effet, condition, etc.). Rien de plus legitime, ä deux conditions cependant. D'abord il importe que les idées grammaticales soient tirées de la langue méme ; nous l'avons montré plus haut. En second lieu, il est bien entendu que le classement des faits grammaticaux sous des rubriques générales n'atteint pas le coeur de la question, tant qu'on se désintéresse de la syntagmatique. Deux expressions telles que Mar che ! et Je veux que tu marches se rangent toutes les deux dans le concept d'ordre, ce qui ne les empéche pas d'etre syntagmatiquement fort différentes. Si Ton n'en tient pas compte, 0. on crée un nouveau désordre qui n'est pas moins grave que celui J" auquel on cherche a remédier. La méthode constructive que M. Sechehaye a définie et décrite (M.C.) et dont il a tenté une premiere realisation dans un manuel scolaire (Abrégé de Grammaire francaise sur un plan constructif), croit pouvoir résoudre ce probléme, en étudiant les divers types 1. de la phrase et en procédant du simple au complexe. En effet, 1 l'entite syntaxique essentielle n'est ni le mot, ni sa categorie, ni sa forme, mais la phrase-type oů le mot est appelé á jouer un röle. La täche de la syntaxe consiste done ä passer en revue, dans un ordre méthodique, les divers Schemas de la phrase. Le noyau central de tout exposé syntaxique est naturellement la phrase indépendante la plus élémentaire, celle qui unit un sujet simple avec un prédicat simple. C'est done de ce schéma syntaxique qu'il faut partir pour étudier d'abord le substantif sujet et ses Substituts pronominaux (comparez mon ami et le i mien, Paul et Im, cet enfant et celui-ci, etc.); puis le prédicat sous 'V ses deux formes types : le verbe intransitif et l'adjectif avec copule (cet enfant dort, cet enfant est malade). A ces données on aj out era successivement les divers elements que la grammaire f oumit pour les enrichir, e'est-a-dire, selon l'expose fait par M. Sechehaye dans son Essai (S. L. Ph. pp. 54, 61, 66), les complements accordés (par ex. petit et paisiblement dans «le petit enfant dort paisiblement), et les complements regis ou de rection (par ex. « Les r 52 cimes des montagnes sont blanches de neigei). De la on passera aux formes nominales du verbe, aux propositions subordonnées (ce qui permettra de saisir les valeurs parallěles des prepositions et des conjonctions ; comparez « rester á la maison a cause de la pluie » et « farce qu'il pleut ») et ainsi de suite. Sur ce plan 1'édifice se construit piece par piece, chaque element nouveau étant caractérisé á la fois par sa forme grammaticale et par sa fonction dans une phrase dont tout le reste est déjá connu. Ainsi le complement prépositionnel n'interviendra que lorsque les termes qui peuvent y entrer (substantif, adjectif, verbe) sont déjá caractérisés comme pieces autonomes (le substantif comme sujet, l'adjectif et le verbe comme prédicats). II suffrt done, au moins en francais, de faire surgir la preposition pour qu'on ait tout prét dans la main ce nouvel instrument de syntaxe. De méme on ne parlera du pronom conjoint sujet (je, tu, etc.) qu'en fonction du verbe, ďont il ne saurait étre détaché ; le pronom relatif sera mentionné dans le chapitre des propositions subordonnées, l'infinitif n'entrera en scene qu'au moment oil l'on connaítra les principaux roles soit du substantif, dont il est le substitut fonctionnel, soit du verbe, dont il conserve et la valeur et le mécanisme syntaxique. Pour expliquer le type « J'aime Ure les comedies de Moliére» on montrera qu'il ressemble d'une part á « J'aime la lecture» (substantif), de l'autre á « Je lis les comedies de Moliére » (verbe). Et cette méthode, qui se plie rigoureusement aux formes syn-tagmatiques, n'est pas moins en harmonie avec le systéme des associations. Au fur et á mesure que l'on avance, on. n'introduit les nou-velles structures syntaxiques qu'en les associant á des formes anté-rieurement étudiées dont elles sont ou un développement logique, ou une condensation grammaticale : une machine qui vole fait penser á une machine volante, il travaille avec joie á il travaille joyeuse-ment, je veux que tu viennes á viens ! et vice versa ; je I'aime se compare avec j'aime Paul; merci est un substitut de phrase (je vous remercie), je trouve la vie chere est une forme condensée de je trouve que la vie est chere. Ce sont ces rapprochements qui constituent la tramě de l'expose constructif, et e'est par eux que se dégagent les rapports fondamentaux et leurs diverses formes ď expression. Mais la forme la plus generále de l'association en grammaire est celle qui montre que tout type de phrase indépendante se refléte dans des. membres de phrases et des syntagmes de tout genre, qui, avec des fonctions différentes, expriment les mémes idées; et que, inversement, toute partie de phrase est réductible, par le jeu des associations, á un type de phrase complete. Plu-sieurs de nos exemples precedents le prouvent implicitement ; la place nous manque pour en aj outer beaucoup d'autres ; mais il est evident que, dans «Je crois que Paul est malade», une phrase 53 1 independante « Paul est malade » a pris la forme d'un terme; ' de Ik au type: « Je crois a. la maladie de Paul» il n'y a qu'un pas. i Des correspondances telles que «une fourmi vole, une fourmi I qui vole, une fourmi volante », « on declare la guerre, la declaration ( de la guerre », «il crie, Taction de crier, le cri», sont tout aussi v evidentes. II est facile de voir que le jeu combine de toutes ces correspondances embrasse la totalite des faits syntaxiques et des idees grammaticales dans un ensemble rationnel. Sans doute l'application de la methode constructive souleve bien des difficult es pratiques ; sa pleine realisation suppose la solution de beaucoup de problemes accessoires encore pendants; M. Sechehaye en a discute quelques-uns (M. C. pp. 65 ss.) ; on en trouverait d'autres encore; nous n'en sommes pas moins persuades que la. est la bonne voie et qu'il faut s'y engager resolu-1 ment. * Nous terminerons par une remarque qui tend a justifier l'esprit I du present travailx). En linguistique, comme dans toute science, I la pratique, pour etre feconde, doit s'inspirer de principes solides, j et ceux-ci ne peuvent etre saisis, dermis et classes que par un effort d'abstraction. D'aucuns peuvent penser que l'ecole qui se reclame de F. de Saussure accorde trop de place a la speculation ; mais on ne doit pas oublier que dans ses conceptions les plus generales et les plus abstraites, elle vise des fins eminemment pratiques, et quiconque s'efforcera d'asseoir la science du langage sur une base theorique irr6prochable sera par la. meme assure de la rendre plus accessible et plus apte aux realisations concretes. Geneve, novembre 1927. SERGE KARCEVSKI, Dr. es lettkes, Geneve. Si l'on admet, avec l'ecole genevoise de linguistique, qu'une langue est un systbme de rapports sdmiologiques, on doit necessaire-ment accepter qu'un element linguistique n'est suffisamment carac-terise que lorsque nous pouvons dire : ^» a. si, dans le cas concret, il est employe avec sa valeur con- stante (« propre », « adequate ») ou bien avec une valeur occasion-I nelle («figuree», « transposee »), b. quel est son rapport a un tout dont il fait partie (et qui ne peut etre autre chose que la phrase), Voir E. G. pp. 23, 24. 54 55 c. comment est-il distribué sur la ligne du discours, d. comment se délimite-t-il dans la chaine phonique. II s'ensuit que: Proposition 25. Une etude visant une « description » quelque feu complete d'une langue doit comprendre les quatre parties suivantes: 1. lexicologie, c'-d-d. delimitation des faits linguistiques f-fondée stir leur déplacement sur les lignes synonymique et homo- nymique ; 2. syntagmatie, c'-d-d. groupement des valeurs sémio-logiques constituant les faits linguistiques; 3. m 0 r p h 0 I o g i e, c'-d-d. distribution des faits sémiologiques sur la « ligne » du discours ; 4. phonologie, c'-d-d. systéme ďoppositions phoniques correlatives et disjointes servant a delimiter les faits sémiologiques dans la chaine phonique. Dans chaque étude des procédés sémiologiques, on fera une distinction aussi nette que possible entre precedes proďuctifs et precedes improductifs. Explications 1). Toute langue est un mécanisme destine á delimiter, évaluer et identifier nos états de conscience en vue de leur extériorisation par la parole. Le probléme de la synchronie se ramene á établir : j a. comment la langue donnée analyse-t-elle (syntagmatise) les états de conscience en vue d'en former des «images verbales » (substrats psychologiques des phrases) et b. commentdifférencie-t-elle la « matiére phonique » — afin de constituer un systéme ďéqui- Í valences entre les produits de la différenciation (nous dirions, entre la marche de la différenciation) de ces deux ordres de choses exté-rieurs á la langue. Dans toute langue, le reliement de ces deux ordres de choses extralinguistiques comporte quatre étapes de transmission, qui sont autant de plans sémiologiques et dont l'ensemble constitue ce que nous appelons la «langue ». Ces plans, dont l'importance varie d'un état de langue á un autre, sont les suivants : A plans conceptuels: 1. lexicologique et 2. syntagmatique ; B plans phoniques: 3. morphologique et 4. phonologique. La langue étant une forme et non une substance (F. de Saus-sure), le sens d'une phrase doit, au point de vue linguistíque, se á réduire á un jeu des rapports déjá fixes dans la langue donnée. Le résidu impenetrable á ce jeu formera la partie sémantique de la phrase donnée. Mais puisque nous nous trouvons dans le x) Pour les details, voir le chap. I. de ,,Systeme du verbe russe", Essai de linguistique synchronique, par S. Karcevski, Praha, 1927, domaine de la semiologie, ce Systeme de rapports se presente a. nous comme un Systeme de valeurs semiologiques (nombres, genre, cas, temps, mode, aspect, etc. etc.). En nous appuyänt sur les regroupements divers de ces valeurs nous distribuons les faits linguistiques en «parties du discours » avec leurs « formes » et en « families de mots » (tout y depend de la nature des notions jouant le role de « variables independantes » en fonction desquelles ces regroupements ont lieu). II s'agit par consequent, dans une etude des plans conceptuels d'une langue : 1. de dresser un inventaire des valeurs semiologiques de cette langue; 2. d'etablir les types de leurs regroupements en tant que precedes semiologiques ä valeur « adequate » ou ä valeur «transposed» et 3. de degager les notions jouant dans ces groupe-ments le role de « variables independantes ». On voit par la combien grande est, dans les langues flechies, le role du plan syntagmatique englobant aussi bien la syntagmatie externe («syntaxe») que la syntagmatie interne («derivation»). Dr. F. HESTERMANN, Hamburg. Proposition 26. Die Einheitlichkeit der Grammatik ist ein Problem, das wohl erst im Laufe der Zeit zum Gemeingut der Sprachwissenschaft werden wird. Der eine beginnt mit Lautlehre, der andere mit der Syntax. Ich beginne zwischen beiden, nämlich mit der Formenlehre, von der aus ich zu der Wortbildung übergehe. Begründung: Auch die Indogermanistik pflegte dieses System anfänglich. Dann gibt mir diese Arbeit nach beiden Seiten hin den Weg frei, zur Syntax hin und zu der Lautlehre hin. Eine Lautlehre, und auch die Syntax, könnten zunächst nur unsicher gehen, falls man nicht die Formengebilde klar hat. Nur auch innerhalb der Grammatik, selbst der Formenlehre, ist es oft zu schwer, das Pronomen anzubringen. Vorläufig, bis ich eines besseren belehrt werde, will mir darin gerade noch dasjenige liegen, was das Spezielle dieser oder jener Sprache ausmacht, so dass ich also je nach Eigenart der Sprache darin glaube vorgehen zu müssen . Proposition 27. Alle Einzelkapitel, sowohl Verb als Nomen, sowohl Pronomen als Zahlwort, müssen in ein und derselben Richtung und Beziehung zu allen übrigen Teilen dargelegt werden, wobei jedoch möglichst streng Formenlehre und Syntax auseinandergehalten werden müssten, falls man nicht — was zur Diskussion stehen sollte — beide in einander verweben will. Wie weit man historisches hineinbeziehen soll, ist Ansicht der wissenschaftlichen Stellung, die man einnimmt ; jedenfalls soll aber die Phonetik nie historisch sein. f 56 57 VILEM MATHESIUS, Prague. On Linguistic Characterology with illustrations from Modem English. I. Propositions : Proposition 28. For the further advancement of linguistic research '■' work it is of vital importance that detailed linguistic characteristics of single languages at different stages of their development should be worked up on a purely synchronic basis. Proposition 29. For living languages the investigation should begin with the contemporary stage as the only one that offers full and clear linguistic materials., Proposition 30. The [only aim of linguistic characteristics is a better scientific analysis of the given language. All attempts at a systematic linguistic typology are at the present stage of our knowledge, premature and lead therefore to uncessary complications of problems only. Proposition 31. The distinguishing feature of linguistic characteristics is the introduction into linguistic analysis of the conceptions of value and of synchronic interrelations. If it is the task of the descriptive grammar to give a complete inventary of all formal and functional elements existing in a given language at a given stage of its development, linguistic characterology deals only with the important and fundamen- .1, tal features of a given language at a given point of time, analyses them on the basis of general linguistics, and tries to ascertain relations between them. Proposition 32. Comparison of languages of different types without any regard to their genetic relations is of the greatest value for any work in concrete linguistic characterology, for it considerably furthers the right understanding of the real nature and meaning of the analysed linguistic facts. Proposition 33. Such a comparison is made possible chiefly by adopting for the basis of the-investigation common grammatical functions. Proposition 34. In languages with a traceable development the function of linguistic characterology is not confined to the working up of the characteristics of their linguistic structure at different points of their known history. The greatest importance of linguistic characterology in such cdse lies in its ability to discover new problems for historical investigation or to show new ways for the solution of problems already under discussion. ^ II. To the problems of linguistic characterology there have been several ways of approach in the history of linguistic research work. One of them coinciding with that great current of linguistic thought and work which leads from Wilhelm von Humboldt through Steinthal and Misteli to Finck, has been purely linguistic. Its representatives have not succeeded in elaborating a detailed and working method of research, for they wished to include too many languages in their investigation and repeatedly encumbered their work with superfluous difficulties. One of them lay in their attempts at a systematic typology of languages, another in the endeavours to bring characteristic features of languages into a direct and uncomplicated relation to the spirit of the nations by which they are spoken. On the whole, however, they clearly saw the real importance of the conceptions of value and of synchronic interrelations for linguistic analysis, gave an important preference to the synchronic methods in their work, used often with success purely analytical comparison of languages belonging to different genetic groups, and did not neglect the functional point of view. As a fact, detailed works of recent origin on the problems of concrete linguistic characterology do not belong, with the exception of Finck's brochure Der deutsche Sprachbau als Ausdruck der deutschen Weltanschauung and his Haupttypen des Sprachbaus to that school of linguistic thought. Their titles themselves, e.g. Stil der französischen Sprache (Strohmeyer) and Englische Stilistik (Aronstein) point to the fact that they are products of another line of development. Beginning with the Antibarbari of the Renaissance time, the idea has been followed how to bring people to use the correct style and with the growing tendency to deal with that practical problem in an1 thorough and systematic way, not only a detailed description of the classical style in Latin and Greek had been given, but unawares systematic characteristics of the most important languages of the civilized world evolved. The concentration on one, or as a maximum, on two languages only, and the practical aim, which was originally followed,have had their good results on the work done by men like Strohmeyer and Aronstein. A much more detailed analysis of the respective languages has been given than it was the fact with the first group of linguists and the encumbrance with outlying or even fictitious problems has been much less. If Finck and his predecessors may contribute to the further development of linguistic characto'rology by their wide outlook and their fine understanding of the problems of general linguistics, scholars like Strohmeyer and Aronstein have laid the methodical foundations of this branch of linguistic investigation. In the present renaissance of linguistic studies, even other currents in linguistic research work besides the two mentioned ones, converge to give the linguistic characterology a prominent place (for English I cannot leave the work done by Prof. Jespersen and Prof. Deutschbein without a mention in this connection) and it is not exaggerated to say that the prospects are altogether hopeful for that kind of linguistic research. What is left to be done now first, is to show the right place of 1, 58 linguistic characterology amidst other kinds of linguistic research work, to define its real function and to prove its importance. The first two tasks I tried to perform in my propositions, the third is the main object of the following chapter on the function of the grammatical subject in Modern English. III. In languages with developed verbal systems there very often appears a vacillation between two different conceptions of the grammatical subject, that of the doer of the action expressed by the predicative verb and that of the theme of the enunciation contained in the predicate. *) Compared with Modern German or with any of the Modern Slavonic languages e.g. Modern Czech, Modern English shows a characteristic tendency for the thema-tical conception of the subject. In English sentences, accordingly, the theme of the enunciation is expressed as a rule by the grammatical subject and the central part of the enunciation actually made by the grammatical predicate. A definite, especially personal, subject is preferred to an indefinite one, and where there are two conceptions at hand which may be regarded as themes of the prospective enunciation, that one is chosen for the grammatical subject which possesses more actuality. In direct discourse the person of the speaker is the theme which is most obvious, and consequently, the pronoun «I» is very frequently made the subject of English sentences, in direct opposition to the social tendency of the English to make one's own person as little obtrusive as possible. Compare e. g. the following English sentence with its idiomatic German translation : I haven 't been allowed even to meet any of the company. Modern German : Man gestattete mir nicht mit irgend jemandem der Gesellschaft auch nur zusammenzukommen. In a consecutive series of sentences the theme very often remains the same for a long while, and that leads in English to the characteristic fact that in such a series of sentences even the grammatical subject usually remains unchanged much longer and with much more regularity than e. g. in Modern German or Modern Czech. A comparison of the following English sentence with its German translation may illustrate the case : You may take your oath there are a hundred thousand, people in London that '11 like it if they can only be get to know about it. Modern German : Sie können Gift darauf nehmen, es gibt ein Hundert Tausend Leute in London, denen es gefallen wird, wenn man sie nur dazu bringen kann, es kennen zu lernen). The nature of the grammatical subject in Modern English offers very good opportunity for showing the importance of syn- 1) By ihe terms "theme" and "enuncation" I mean what is usually called psychological subject and psychological predicate respectively. 59 chronic interdependences for linguistic analysis. Indeed, the discussed tendency of Modern English to convert the expression of the actual theme of an enunciation into the grammatical subject, does not stand alone. If we regard the construction of sentences in Modern English from the point of view of the grammatical subject, we soon discover that the conception of the subject is in a direct connection with other characteristic features of the language. The first of them is a rich development of passive constructions in Modern English and their frequent use in the grammatical predicate resulting from the fact that the thematical conception of the grammatical subject makes it very often impossible to use a really active construction in that function. From the syntactical point of view and on the basis of the Modern English, it may even be said that as passive are to be regarded predicative expressions of an action or of a process in which the doer of the action or the originator of a process does not compel the attention of the speaker so much, or in such a way, as to be taken for the grammatical subject. The relatively high frequency of passive predicative constructions in Modern English is easily made clear by a comparison of Modern English with languages in which the thematical conception of the grammatical subject is not so prominent. Any of the above cited examples proves the fact. The following sentence may be put here as another illustration thereof : And now because this young whelp begins to cry out before he is hurt, you treat me as if I were a brute and a savage. Mod. German : Und nun weil diese junge Brut aufschreit, bcvor ihm noch etwas geschehen ist, so behandeln Sie mich, als ob ich ein brutaler Mensch und ein Wilder ware. The abundance of passive constructions in Modern English is sufficiently shown by the development of the passive in which the grammatical subject is only indirectly affected by the action. That kind of passive is not limited to the usually cited participle construction of the type I have been told. Modern German : Man hat mir gesagt, but embraces many other interesting constructions. The most important of them are the possessive constructions in which the verb to have or to get is followed by an object plus a predicative participle. If the predicative participle is a present participle, the object denotes the doer of the action expressed by the participle and the relation of the action to the grammatical subject is made clear by an adverbial complement, e.g. / had one Colossus bulging over my,shoulders. If the predicative participle is a past participle with the passive meaning the object denotes a person or a thing directly affected by the action expressed by the participle and the relation of the action to the grammatical subject is made clear either by a possessive attribute qualifying the object or by an adverbial complement accompanying the participle. The first 60 type e.g. : Even great lords and great ladies sometimes have their mouths stopped. The second type e.g. : The squire insisted upon having a full account of the money rendered to him. I will not have it cast in my teeth. In addition to these varieties of the passive predicative constructions of the possessive type which alone may be regarded as real grammatical patterns there are others of less significance, but of the same character, e.g. : She shall have a sharp talking to. Of a quite analogous structure are the perceptive passive constructions in which" a verb denoting perception, e.g. to find, to feel, to see, to catch, is followed by an object plus predicative participle. The following sentences may serve as illustrations of the type : Upon examination of these I found a certain boldness of temper growing in me. — His grandfather, a city merchant, had seen his wealth engulfed in the South abyss. The constructions of the latter type with object plus past participle are sometimes passive constructions in which the subject is directly affected by the action, e.g. : He then found himself menaced with two prosecutions for libel and absconded to France. — This question was not entirely answered in Hucle's slow mind before he found himself pushed, along with Tony into Mrs. Douglas's drawing-room. If such constructions are being preferred to those of the common type (He was menaced, he was pushed), it is, I think, because they give the grammatical subject a greater prominence without weakening in the least the passive character of the whole. All the passive constructions in which the subject is indirectly affected by the action, are but one part of a larger complex of phenomena highly characteristic of Modern English. The one feature common to all of them is thetendency to make a notion, especially fit to fill the thematical function, the grammatical subject of the sentence. That tendency lay at the bottom of the changes by which in Middle English nearly all impersonal constructions were converted into personal ones and it continues to be an active influence even now. We find at least new personal constructions of the same character multiplying in Modern English. In the first place I wish to call attention to constructions denoting feelings or emotional situations. In languages with less developed thematical conception of the grammatical subject, the respective sentences are construed either as impersonal sentences or so that the source of the feeling or the emotional situation is taken for the grammatical subject and the person who experiences the feeling or the emotional situation is in both cases expressed by a nominal or a pronominal complement of the predicate. In Modern English, on the contrary, with its characteristic predilection fqr personal subject as the most obvious theme of a sentence enunciation,, the person experiencing the feeling or the emotional situation j 61 is made the grammatical subject, and the source of the feeling or the emotional situation is construed as a complement of the J predicate. This is the basis not only of the well-known personal ! constructions of the type : J am sorry to hear. Modern German : I Es tut mit leid zu hören. I am wann enough. Mod. German : Es ist mir genug warm, but also of the much'more modern con-I structions of the perceptive type, as for instance : Still he found it very pleasant to talk to Lisbetk. Mod. German : Bock war es ihm ein Vergnügen mit Lisbeth zu sprechen. — She found it extremely difficult to say exactly what it was. Mod. German : Es fiel ihr äusserst schwer genau zu sagen, was es war). Judging by the copiousness of instances the constructions of the latter type may be regarded as a real grammatical form. In addition to the perceptive type isolated instances of the possessive type appear in the same function, e.g. : She had a curious sinking of the heart. Mod. German : Es wurde ihr ganz eigentümlich zu Mut. Another interesting illustration of new personal constructions replacing older impersonal ones in Modern English is offered by the curious use of the adjective sure in a passive meaning as in the following sentence : He is sure to come. Mod. German : Es ist kein Zweifel, dass er kommt. Taken from another point of view the transition form : He is sure of coming to: He is sure to ■L come may be regarded as a transition from subjective meaning to the objective one. Transition in the opposite direction from the objective to the subjective meaning leads to personal constructions of the adjective long of the type : He is long in coming. Mod. German : Es dauert lange bis er kommt, e.g. : The effect of the coal stoppage is perhaps longer in making itself felt on industry in the West-Riding of Yorkshire than in other places. Modern German : Es dauert länger bevor sich die Wirkungen des Kohlenstreikes in der Industrie von West-Riding in Yorkshire geltend machen als an anderen Orten. An analysis of the constructions with sure and long leads to the discovery of other interdependences connected with the special function of "the grammatical subject in Modern English. The discussed personal use of the two adjectives has been made possible by a shift within their spheres of meaning. The same may be said of the analogous change of predicative constructions denoting i feelings or emotional situations. Thus we come to the conclusion 4 that there is a close interdependence between the preponderant thematical conception of the grammatical subject in Modern English and the easiness with which, as is generally known, categorical changes take place in Modern English within the spheres of single parts of speech. In the case of the personal construction of the so called indirect passive, Mod. Czech shows the possibility of another interesting r 62 interdependence. In that language, personal constructions of the indirect passive, altogether very rare, are possible only when a state of existence is to be denoted whereas for the expression of a process an active construction must be used. In my opinion this difference shows that the use of a personal construction of the indirect passive is made possible by the weakening of the idea of action inherent in any verb. If it is so, we may see a connection between the rich development of indirect passive constructions in Modern English and the undeniable change in the nature of the English verb. The easy transition in Modern English of nouns into the category of verbs and vice versa as well as the evident tendency in Modern English to decompose the idea expressed by a concrete verb into a former verb plus substantive (e.g. to have a smoke, to be in love, to do the cooking, to give a laugh, to take leave, to fetch a sigh, to put an end to it, to get into habit of it, to fall in love etc.), point at least, if put side by side with the tenacity with which Modern Slavonic languages still cling to the sharp division between noun and verb, to the weakened conception of action in the Modern English verb. Yet another characteristic feature of Modern English may be brought into connection with the thematical function of the grammatical subject. The division of the contents of a sentence into the theme and the proper enunciation which is the basis of the present investigation, may be brought about in actual speech either so that the theme precedes and the enunciation follows (objective order), or so that the enunciation is made at first and the theme subjoined (subjective order). If in Modern English the word-order has become stabilized, so that the subject, as a rule, procedes the predicate, and if, on the other hand, the grammatical subject in Modern English has come to have a clearly thematical function, it is evident that the two changes combined tend towards the stabilization of the objective order subject-theme : predicate-enunciation, in Modern English. In this way the series of synchronic interdependences grouped around the function of the grammatical subject in Modern English, is closed, and in accordance with what was said above of the relation of the synchronic and diachronic problems, the question arises as to what is the meaning of the discussed facts for the historical investigation. To any one with a trained feeling for the delicate intricacies of linguistic development it must be evident that many new departures are offered to those who would follow the sketched interdependences backward into the past and try to see the chronological succession of single facts. Let us take for instance the problem of the origin of personal constructions which in Middle English successively replaced the older impersonal ones. In his well-known treatise dealing with that question, Van der Gaaf tried to show that it was confusion of 63 endings arising from the weakening of unstressed syllables that gave rise to that characteristic phenomenon. In my opinion Van der Gaaf's careful marshalling of facts has brought to light the evidence that the mentioned phonetic decay of endings made the development of personal constructions easier by removing formal difficulties from its way, but it has failed to show which was the positive influence that determined in which direction the development was to proceed. If in a given case an original dative or accusative may have been regarded, in the consequence of the decay of endings, as a nominative, why was it usually taken for a nominative, in opposition to its old function? Some change must have taken place in the whole perspective of the English sentence, affecting especially the character of the predicative verb and of the grammatical subject, if the difficulty of an uncertain formal situation was to be solved in one direction only and that entirely opposed to all traditional conceptions. Modern English with the interdependences discussed in this paper may, and I am sure will, help to clear up. the problem and so contribute to prove that characterological analysis on a strictly synchronic basis gives new impulses even to the historical study of languages. A